Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en tant qu’ancien praticien de ce sujet, je voudrais me réjouir des dispositions sur lesquelles les assemblées sont parvenues à un accord en ce qui concerne l’article 9, et en particulier de la manière dont on met un terme à une anomalie.
Lorsque j’exerçais des fonctions antérieures, certainement « coupables », monsieur le secrétaire d'État – c’est ce qu’on dit toujours dans ce cas-là –, j’avais été choqué des propositions de mes services me demandant de remettre des amendes qui avaient été prononcées par les juridictions financières et qui constituent tout de même des condamnations. J’avais pris à l’époque la décision de refuser de me prononcer sur ces remises et de solliciter la grâce du Président de la République, puisqu’il me paraissait que, s'agissant d’amendes, seul le Président de la République pouvait agir dans ce domaine. Pendant les quatre ans et demi où je suis resté à Bercy, il l’a fait effectivement.
Quand je suis parti, les mauvaises habitudes – ou les traditions, comme vous voudrez – ont sans doute été reprises. Aussi, je suis heureux, monsieur le rapporteur, que cette fois-ci les choses soient claires : lorsqu’il y a amende, le ministre ne peut plus agir.
Toutefois, il doit être entendu, monsieur le secrétaire d'État, que l’exercice du droit de grâce du Président de la République s’applique à toutes les peines infligées par toutes les juridictions, et pas seulement les juridictions de l’ordre judiciaire, donc y compris à celles-ci. qui émanent des juridictions financières
D’ailleurs, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ayant étendu l’ensemble des droits, notamment le droit de la défense, à l’ensemble des juridictions, il y a lieu de considérer que toutes relèvent de la même règle de procédure et que tous les condamnés ont les mêmes droits.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que vous appeliez l’attention de M. Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur le fait que, dans un certain nombre de cas, si cela lui paraît poser un problème ou relever d’une mesure de bienveillance, il ne doit pas hésiter à saisir le Président de la République, de même que les condamnés pourront toujours le saisir eux-mêmes.
En tout cas, comme les archives du ministère des finances sont bien tenues, on trouvera des centaines de cas annotés entre 1988 et 1992 par le Président François Mitterrand : « oui », « non », « la moitié », etc.
Seconde observation : le pouvoir du ministre reste entier en ce qui concerne les débets.
Cela pose un problème parce qu’il s’agit aussi de décisions juridictionnelles, et le fait que l’autorité exécutive puisse remettre en cause une décision juridictionnelle est quelque peu choquant, même si ce ne sont pas des décisions pénales. Les condamnations à un débet sont après tout des décisions quasiment « civiles » puisque l’on ordonne à un comptable qu’il devra procéder à tel ou tel remboursement.
Je souhaiterais – peut-être la Cour des comptes pourrait-elle, en ce domaine, faire quelques suggestions – que les remises de débets relèvent désormais de règles assez précises. Pour le moment, chaque direction de ministère ou chaque sous-service a ses propres règles, qui résultent, d’ailleurs, quelquefois, d’accords plus ou moins corporatistes internes à la maison – je n’irai pas jusqu’à dire d’accords syndicaux – et peuvent aboutir à des anomalies assez curieuses.
Ainsi, la direction générale des impôts me proposait toujours, lorsque des valeurs avaient été volées dans un bureau de tabac, que le buraliste ne les ait pas convenablement enfermées ou qu’il ait pris toutes les précautions, de lui faire dans tous les cas une remise de 50 % alors que la situation n’est pas la même entre celui qui a fait son devoir et celui qui ne l’a pas fait !
J’avais estimé que cette comédie avait assez duré. Je m’étais rendu compte que cet accord avait été conclu à la suite d’une négociation professionnelle au cours de laquelle il avait été décidé de couper la poire en deux pour tout le monde, afin que celui qui fait bien son travail et celui qui le fait mal soient soumis au même régime.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que vous disiez à M. Woerth qu’il conviendrait de parvenir à établir des règles assez précises – la Cour des comptes pourrait sans doute l’y aider –, sans, bien entendu, enlever tout pouvoir d’appréciation au ministre – il doit tout de même exercer cette responsabilité puisque la loi la lui donne – et cesser de régler les problèmes en fonction d’une espèce de barème syndical tout à fait inadapté en l’espèce.
Telles sont les observations que je voulais faire sur cet article 9, qui me convient parfaitement, à la condition toutefois que des règles cohérentes et logiques soient mises en œuvre en ce qui concerne les remises de débets.