Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 6 juin 2023 à 9h30
Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 – ouverture modernisation et responsabilité du corps judiciaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, voilà dix ans exactement, le Sénat votait à l'unanimité une proposition de loi que j'avais déposée visant à restaurer la compétence universelle du juge français pour les infractions et les crimes relevant de la Cour pénale internationale (CPI). Il s'agissait simplement de supprimer les quatre verrous à la compétence des juridictions françaises pour connaître des infractions prévues par le Statut de Rome.

Depuis dix ans, j'ai déposé un très grand nombre d'amendements pour faire évoluer la situation. Il y a eu quelques légères évolutions, mais sur deux points principaux, les choses n'ont pas bougé.

Le premier concerne la question des infractions qui doivent être constatées dans les deux pays concernés, c'est-à-dire la France et le pays dont l'auteur des faits est ressortissant. À cet égard, certaines décisions ont été prises, y compris par la Cour de cassation, qui ont suscité une réprobation internationale, comme vous le savez. Le 12 mai dernier, la Cour de cassation a pris une position claire sur cette double incrimination, et vous avez publié un communiqué à ce sujet, monsieur le garde des sceaux, le 9 février 2022.

Dans ce communiqué, que vous avez cosigné avec M. Le Drian, vous avez indiqué – de manière quelque peu surprenante – que, si la justice bougeait, le ministère serait prêt à en tirer rapidement les conséquences législatives. Cette déclaration m'a interpellé, car, habituellement, les lois sont élaborées par le Parlement, sur l'initiative du Gouvernement, avant que les juges les appliquent. Vous avez inversé les rôles, en quelque sorte.

Cependant, puisque cette décision a été prise par la Cour de cassation, personne ne comprendrait, monsieur le garde des sceaux, que ce que vous avez vous-même écrit dans ce communiqué ne soit pas mis en œuvre.

J'espère donc que le débat sur ce projet de loi, avec la contribution de nos rapporteures et de notre présidente, nous permettra enfin de progresser sur cette question.

J'aborderai un deuxième point. Monsieur le garde des sceaux, vous connaissez notre position sur la question de la régulation carcérale, sujet que nous abordons souvent. Il l'a été récemment aussi par Mme la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et il est au cœur du rapport Sauvé, comme vous le savez. Malgré les observations de l'Observatoire international des prisons, il y a quelques jours, votre position reste inchangée.

Nous considérons qu'il est nécessaire de prendre en compte la proposition de loi de nos collègues du groupe CRCE sur ce sujet, ainsi que les propositions formulées depuis longtemps par Dominique Raimbourg, ainsi que toutes les propositions qui sont sur la table pour plafonner le nombre de détenus dans certains établissements, qui sont en outre insalubres.

Nous devons en finir avec le fait qu'il y a aujourd'hui 2 151 personnes détenues qui dorment sur des matelas à même le sol – car telle est la réalité ! §Et nous devons faire en sorte que ce texte sur l'indignité dans les prisons se traduise par des actions concrètes. Pour cela, il est nécessaire d'organiser les choses, de réguler et de faire face à un certain nombre de discours parfaitement démagogiques selon lesquels la sécurité consisterait à entasser des personnes dans des prisons n'importe comment et dans des conditions indignes.

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