Intervention de Odette Terrade

Réunion du 21 octobre 2008 à 16h00
Logement et lutte contre l'exclusion — Article 20

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Madame la ministre, avec cet article 20, que ce soit dans sa rédaction initiale ou dans la version modifiée par la commission des affaires sociales, nous en avons la preuve : tout est bon pour expulser du logement social quelques centaines de foyers que vous mettez à l’index.

Vous les désignez comme d’affreux profiteurs. Vous tentez ainsi de monter les populations les plus pauvres contre leurs voisins, un peu plus heureux. Vous voulez faire croire que le manque de logements sociaux est dû à la présence de locataires qui ne devraient pas bénéficier de ce type d’habitat.

Tout cela est faux, et vous le savez bien. Tenir de tels propos est même inacceptable.

Nous pensons avoir identifié la cible que vous visez par vos mesures d’expulsion. Il s’agit pour l’essentiel des couples âgés de 50 ans à 70 ans, tout particulièrement de ceux qui ont entre 50 et 60 ans. §En effet, ce sont les seuls qui peuvent se retrouver dans les situations décrites par l’article 20 du projet de loi : leur appartement est parfois devenu trop grand et leur revenu est enfin décent, avant de subir une forte baisse une fois qu’ils seront à la retraite.

Aussi, pour l’une ou l’autre de ces raisons, vous décidez de les expulser du logement dans lequel ils ont vécu souvent durant de très nombreuses années.

Il est vrai que, parfois, l’appartement dans lequel ils ont élevé leurs enfants se révèle trop grand, quand, adultes, ces derniers quittent le logement familial. Mais, en ne considérant que cet aspect des choses, madame la ministre, vous oubliez une dimension essentielle de la vie de tout être humain, celle du souvenir du bonheur familial.

Comme le chante Bénabar, ces appartements sont « hantés ». Chaque jour, chaque minute, leurs occupants y croisent le souvenir de leurs enfants, de leurs rires et de leurs larmes. L’ensemble des étapes de leur vie est inscrit entre les murs de ce logement qu’ils occupent depuis des années.

Toute notre littérature met en scène la place unique de la maison familiale dans laquelle se croisent, s’entremêlent, s’entretiennent les souvenirs familiaux. C’est le lieu de rencontre, de croisement, d’échanges entre toutes les générations. C’est le lieu où se construisent des relations et des parcours de vie sans cesse renouvelés. C’est le lieu presque magique où les petits-enfants découvrent la chambre de leurs parents, leurs souvenirs, leurs photos, leurs livres, leurs cahiers et leurs dessins. C’est le lieu de la transmission entre générations.

C’est dire l’importance de ce lieu dans la formation de tous les êtres humains. Il recèle même une part de notre humanité.

Pourtant, quand il s’agit des familles de milieu populaire, vous n’avez que faire de cette dimension, madame la ministre. Vous leur déniez le droit de vivre ce petit bonheur enfin acquis et de le partager avec leur descendance. Vous considérez que, lorsque l’on n’a pas eu les moyens de vivre en dehors d’un logement social ou que l’on a fait le choix de continuer à y bâtir sa vie, on doit être contraint de construire les dernières étapes de son parcours dans un lieu sans mémoire.

Ne pensez-vous pas que la liberté et le respect d’une certaine humanité imposeraient de laisser le choix ?

Aussi, parce que nous trouvons particulièrement injustes et inefficaces les dispositions de ce projet de loi, notamment celles qui sont inscrites à cet article, car elles ne concernent que 9 000 logements environ sur 4 millions, le groupe CRC demandera la suppression de l’article 20.

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