Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 21 octobre 2008 à 16h00
Logement et lutte contre l'exclusion — Article 20

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’objet de cet amendement est de préserver le droit au maintien dans les lieux des locataires du parc public.

Cet article 20, à l’image du projet de loi, se contente de gérer la crise du logement sans en interroger réellement ni les causes ni les conséquences.

À cet égard, l’obligation de reloger un locataire en sous-occupation apparaît problématique. Le critère retenu pour définir l’état de sous-occupation renvoie à l’article L. 641-4 du code de la construction et de l’habitation, qui, lui-même, fait référence au décret n° 99-340 du 29 avril 1999. Aux termes de cet article, « sont considérés comme insuffisamment occupés les locaux comportant un nombre de pièces habitables [...], non compris les cuisines, supérieur de plus de deux au nombre de personnes qui y ont effectivement leur résidence principale ».

En premier lieu, la taille du logement est toujours exprimée en nombre de pièces principales, indépendamment de la surface de celles-ci, au motif qu’une pièce supplémentaire permet plus d’intimité alors qu’un mètre carré supplémentaire n’ajoute que du confort.

Mais à Paris, pour prendre un exemple que je connais bien, parmi les appartements construits avant-guerre ou dans les années cinquante avec des normes réduites, de nombreux quatre pièces ne comptent que 48 mètres carrés. Ainsi, un couple vivant dans 48 mètres carrés peut très bien, selon la nouvelle norme proposée, se trouver en état de sous-occupation. Faut-il vraiment l’inviter à quitter son logement ?

Par ailleurs, ces logements en sous-occupation théorique peuvent jouer un rôle d’accueil de personnes supplémentaires. Il s’agit là de l’exercice nécessaire de solidarités familiales qu’il convient de préserver plutôt que de fragiliser. Ces solidarités peuvent même constituer une source d’économies pour la collectivité, qu’elles se traduisent par le maintien à domicile d’une tierce personne ou par la garde des enfants par les grands-parents.

Un relogement forcé dans une commune limitrophe pourrait avoir de très graves conséquences sociales pour une famille ou un couple qui habite le même quartier depuis de nombreuses années.

Mes chers collègues, en tant qu’élus locaux, vous menez des opérations de réhabilitation et vous savez à quel point le relogement peut être mal vécu par certaines familles attachées à leur quartier. Il est donc tout à fait inutile d’imposer des déménagements forcés dans une simple optique de gestion des stocks, au mépris du vécu et du quotidien de personnes qui habitent depuis des années dans le même logement, le même quartier, le même environnement.

En outre, cet article ne prend pas en compte les disparités nationales en matière de logement social. Dans les zones où la tension sur le logement social est particulièrement forte, l’obligation faite au bailleur de proposer trois offres de relogement au locataire relèverait de la gageure.

Le 4°, relatif à l’enquête annuelle menée par les bailleurs auprès des locataires pour déterminer leur niveau de ressources, est encore plus caricatural. Faute d’engager les moyens suffisants pour vous attaquer réellement à la crise du logement, vous recourez, madame la ministre, à des stratagèmes de diversion. Vous ne ferez croire à personne que ce sont les 9 000 ménages dont les ressources sont deux fois supérieures aux plafonds qui sont à l’origine de la crise du logement ! Sur un parc estimé de quatre millions de logements, cela concerne 0, 2 % des ménages !

Ce projet de loi devrait prendre à bras-le-corps la crise du logement en s’attaquant au nœud du problème, à savoir le déficit de logements sociaux. En lieu et place, vous essayez de donner le change avec des révisions cosmétiques portant sur des sujets secondaires.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cette disposition.

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