Intervention de Bernard Buis

Réunion du 7 juin 2023 à 15h00
Indices locatifs — Rejet en procédure accélérée d'une proposition de loi

Photo de Bernard BuisBernard Buis :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à l'inflation qui combine les effets de la sortie de la crise sanitaire et le bouleversement géopolitique de la guerre en Ukraine, nous avons fait le choix, parmi une batterie de mesures visant à protéger les Français, d'instaurer un plafonnement exceptionnel de l'indice de référence des loyers (IRL) à 3, 5 %, appliqué également à la variation de l'indice des loyers commerciaux (ILC) pour les petites et moyennes entreprises (PME).

Cette mesure avait été proposée par notre groupe l'an passé au travers d'un amendement de notre collègue Jean-Baptiste Lemoyne, identique à celui de la présidente Nathalie Delattre. Nous devons désormais nous prononcer sur l'éventuelle prolongation de l'application de ces deux mesures.

Nous sommes d'accord, les délais d'examen de cette proposition sont très courts

, et nous aurions pu anticiper la prolongation de ces mesures. J'y insiste cependant, il ne s'agit pas ici d'un vote sur le calendrier d'examen du texte, mais sur le maintien, ou non, d'un dispositif protecteur compréhensible par les Français.

Reconnaissons d'ailleurs que nous aurions pu nous saisir du sujet : chaque groupe aurait pu déposer un texte pour proposer des modalités d'application différentes.

Madame le rapporteur, hier en commission, vous avez déploré l'impossibilité d'organiser un cycle d'auditions compte tenu des délais. Je le regrette également, car cela nuit à la qualité des travaux de notre assemblée, d'autant plus que vous avez eu l'amabilité de bien vouloir reprendre les travaux en cours.

Je note que le rapporteur de l'Assemblée nationale, Thomas Cazenave, a réussi à auditionner dix organismes en trois auditions communes et à tenir compte de quatre contributions écrites, dont celle de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM). Dans l'hypothèse où un tel cas de figure d'urgence se reproduirait, un meilleur travail pourrait être réalisé entre les assemblées, avec des auditions communes des rapporteurs des deux chambres.

Le Parlement doit prendre le temps nécessaire pour mieux légiférer. Le temps parlementaire n'est pas accessoire et, à l'avenir, nous souhaitons une meilleure anticipation des mesures législatives provisoires.

Cela étant, le Sénat est capable, grâce à ses exceptionnels fonctionnaires, de légiférer dans l'urgence quand la situation l'exige.

Les deux articles de ce texte de loi sont facilement compréhensibles et ont déjà fait l'objet d'une expertise juridique l'été dernier ; on sait ainsi qu'un gel des loyers risquerait d'être censuré par le Conseil constitutionnel.

Mes chers collègues, nous avons chacun nos convictions, et elles sont respectables. Mais le rapport à charge contre ce texte dépasse largement la problématique visée.

Nos collègues de la gauche sont favorables à un gel des loyers ou à un plafonnement à 1 %. C'est une position claire, que notre groupe ne partage pas.

Il y a une grande absente dans le rapport présenté, et je ne puis croire qu'elle soit volontaire, tant elle est essentielle pour comprendre l'esprit du texte : que prévoyez-vous pour les Français en cas de rejet des prolongations ?

Les estimations montrent que l'ILC et l'IRL resteront à un niveau élevé, probablement autour de 6 % en glissement annuel, pour atteindre progressivement 3, 5 % au deuxième trimestre de l'année 2024. Dès le mois de juillet 2023, la croissance de 6 % des loyers des locataires, des TPE et des PME est possible.

Mes chers collègues, je sais que la majorité sénatoriale n'est pas le parti de la pressurisation des Français. Mais quelle autre solution proposez-vous dans la situation d'urgence qui est la nôtre, pour protéger les Français dès le 1er juillet ?

Personne ne peut s'arroger l'apanage de la défense du pouvoir d'achat des Français, même s'il n'est pas rare que ce soit le cas chez certains de nos opposants. Il s'agit de décider, non de gloser.

Ce texte étant présenté dans des délais très contraints, la concertation n'a pu être menée, et nous le regrettons. Mais rejeter le texte, même pour des motifs de forme compréhensibles, ce serait laisser penser que nous serions prêts à laisser les Français et les entreprises subir une éventuelle explosion des loyers.

Notre dispositif doit rester exceptionnel, afin de maintenir l'attractivité des investissements dans la construction, mais nous devons impérativement le prolonger tant que les Français subiront une inflation exceptionnelle provoquée par des événements exogènes aux cycles économiques naturels.

Le Président de la République a promis de tout mettre en œuvre pour protéger les plus faibles dans la tempête que le monde traverse depuis la crise de la covid et la guerre en Ukraine. C'est notre ligne.

Pour ces raisons, le groupe RDPI votera contre la question préalable et réaffirme son soutien plein et entier à cette proposition de loi qui protège les locataires et les commerçants. Mes chers collègues, je vous invite à la voter conforme.

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