Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du 6 juin 2023 à 17h00
Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 – ouverture modernisation et responsabilité du corps judiciaire — Rapport annexé

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux :

Je veux assumer une réponse pénale ferme. Je veux également rappeler – je vous remercie de me donner l'occasion de le faire – que le garde des sceaux ne peut pas fixer lui-même les peines, et que c'est très bien ainsi.

Ensuite, je précise que c'est en toute indépendance que la justice est plus sévère aujourd'hui qu'elle ne l'était autrefois, en dépit de ce que certains racontent.

En réalité, monsieur le sénateur Benarroche, je ne comprends pas bien le sens de votre mécanisme de régulation carcérale. Je l'ai du reste dit tout à l'heure au sénateur Sueur, que je sais très attaché à la question des libertés individuelles.

En vérité, les acteurs judiciaires et la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) se réunissent déjà de manière régulière. Ils l'ont fait récemment à Bordeaux, mais aussi partout ailleurs.

La DAP joue son rôle en alertant sur l'existence d'un certain nombre de difficultés, celle notamment d'une surpopulation qui est évidemment anormale et préjudiciable à ce à quoi nous aspirons tous ici, c'est-à-dire des conditions de détention dignes. Tout le monde se souvient d'ailleurs que j'ai soutenu l'initiative du président François-Noël Buffet – je l'ai déjà dit ici.

Il est évident que nous souhaiterions tous faire disparaître la surpopulation carcérale. Cependant, permettez-moi de vous rappeler que, quand Nicole Belloubet a fait en sorte de libérer un certain nombre de détenus en fin de peine, à l'exclusion de certains condamnés pour des faits précis – vous vous souvenez tous de cette décision –, celle-ci a fait l'objet de vives critiques, alors même qu'il était question d'un véritable enjeu de santé publique.

Naturellement, j'ai soutenu la démarche de la garde des sceaux, à une époque où je n'étais pas moi-même membre du gouvernement.

Aujourd'hui, que proposez-vous, monsieur le sénateur ? De mettre dehors un certain nombre de détenus ? Bien, mais comment allez-vous faire ?

Vous avez utilisé une très jolie expression en parlant de « seuil de criticité ». C'est aussi un bel affichage qui s'apparente presque à un excès sémantique : que préconisez-vous que les acteurs de la chaîne pénale fassent une fois qu'ils se seront réunis ? Sans compter que, je le répète, ils se réunissent déjà.

Surtout, ne pensez pas que les magistrats de ce pays n'évoquent pas ces sujets : de toute évidence, ils en parlent ! De même que la DAP leur expose immanquablement la réalité : les matelas au sol et toutes les choses de cette nature.

Je signale en outre que les travaux d'intérêt général (TIG) sont une façon de penser la peine autrement que par la seule systématisation de la prison. Le TIG est parfaitement utile chaque fois que c'est possible – j'y insiste, car cette précaution n'est pas inutile : « Chaque fois que c'est possible. » Voilà la raison pour laquelle nous l'encourageons.

Le seul levier dont nous disposons aujourd'hui, selon moi, pour faire cesser la surpopulation carcérale consiste à construire de nouveaux établissements pénitentiaires. Par un mécanisme ou un syllogisme assez singulier, certains affirment que plus nous en construirons, plus ils seront remplis… Dans ce cas, autant ne rien faire et laisser les choses en l'état !

Un dernier mot, madame la rapporteure, sur l'artificialisation des sols : je tiens à vous dire que nous disposons de tous les terrains dont nous avons besoin. §N'ayez aucune inquiétude : il aura fallu beaucoup de temps, mais nous avons les terrains sur lesquels nous construirons de nouvelles prisons.

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