Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours des soixante dernières années, la relation que nous entretenons avec les pays africains a rythmé comme nulle autre la vie de notre pays, de sa diplomatie, de sa coopération, de ses armées. Elle est le reflet d'une longue histoire commune, qui porte ses indéniables parts d'ombre, auxquelles il faut savoir se confronter, mais qui fut aussi brillante d'engagements sincères, d'amitiés profondes et de réalisations admirables.
Cette relation si singulière, chaque Président de la République a voulu lui imprimer sa marque, lui donner un nouvel élan, une nouvelle perspective ou une nouvelle méthode. L'actuel chef de l'État ne fait pas exception à cette règle, lui qui ambitionnait en 2017 à Ouagadougou d'écrire une « nouvelle relation d'amitié » avec le continent africain. Et pourtant, nous voilà en 2023 confrontés à cette question qui s'impose chaque jour avec davantage de force : la France et l'Afrique partagent un passé, mais partagent-elles encore un avenir ?
Le cœur, presque autant que la raison, m'incite à y répondre sans ambages par l'affirmative. Mais le fait même de formuler cette interrogation impose de procéder à une évaluation lucide et sans concession de la situation.
Vous l'avez rappelé, la France reste sur le continent africain un acteur clef dans un grand nombre de domaines. Mais depuis vingt ans, sa présence et son influence s'y font de plus en plus relatives. Dans ce laps de temps, ses parts de marché ont fondu de moitié. Depuis 2007, la Chine l'a remplacée comme premier exportateur vers le continent africain. Depuis 2017, elle a perdu son statut de premier fournisseur européen au profit de l'Allemagne. Et depuis l'année dernière, elle n'est même plus le premier partenaire commercial d'aucun des pays du Maghreb.
Les épisodes de tension se sont multipliés en Afrique subsaharienne, mais aussi en Afrique du Nord, où le principal résultat du rapprochement tenté avec l'Algérie est pour l'heure une prise de distance de notre allié marocain.
Le rayonnement de la culture française s'estompe également. En 2018, 59 % des300 millions de locuteurs français dans le monde étaient africains.
Pourtant, des pays francophones comme le Rwanda, le Togo ou le Gabon ont fait le choix de rejoindre le Commonwealth voire, pour certains, d'adopter l'anglais comme langue officielle ou comme langue d'enseignement. Le Maroc et l'Algérie envisageraient de s'engager sur une voie similaire.