Intervention de Christian Cambon

Réunion du 6 juin 2023 à 17h00
Politique étrangère de la france en afrique — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

Et si la France reste le premier pays de destination des étudiants africains, sa capacité à attirer les futures élites du continent pour les former est malheureusement en net recul par rapport à d'autres destinations.

Surtout, nous devons désormais faire face au mur de ce que l'on appelle le sentiment anti-français. Certes, nous pourrions être tentés de le relativiser, de n'y voir qu'un effet de loupe créé par quelques milliers d'activistes ou de désinformateurs aux motivations douteuses. Ce serait une erreur, car le phénomène est devenu incontournable. Il a joué un rôle majeur dans le départ contraint de nos armées du Mali, du Burkina Faso ou de République centrafricaine.

Le constat est cruel : malgré l'engagement remarquable de nos militaires contre le terrorisme islamiste et le sacrifice de cinquante-trois d'entre eux, dont le souvenir est présent dans tous nos cœurs, jamais la France n'a été, dans ces pays comme dans d'autres, aussi critiquée et, parfois, rejetée.

Ce ressentiment plonge bien sûr ses racines dans la colonisation et dans certains errements de la période post-coloniale. Mais il tient aussi au fait que, tout simplement, l'Afrique a profondément changé.

Il y avait 275 millions d'Africains en 1960. Ils sont aujourd'hui 1, 2 milliard, dont plus de la moitié a moins de 25 ans. Une véritable bascule générationnelle s'est opérée, distendant nos liens diplomatiques, militaires et culturels.

Les nouvelles générations, les nouvelles élites africaines, au cœur de l'essor économique du continent, sont aussi celles de la globalisation. Le monde, désormais, se presse à la porte de l'Afrique. Les pays africains multiplient les partenariats – ce qui est bien normal – loin de toute relation exclusive. Cette réalité, et les attentes qui en découlent concernant la relation avec la France, sans doute ne les avons-nous pas suffisamment observées ni intégrées.

Ne soyons pas non plus naïfs : certains de nos compétiteurs stratégiques font tout pour nous évincer et cherchent pour cela à accroître le sentiment anti-français. Dans ce domaine, l'affaire du prétendu charnier de Gossi nous a une nouvelle fois montré que tous les coups contre la France étaient permis.

Alors, comment réagir à cette nouvelle donne ?

Naturellement, nous devons entendre les reproches qui nous sont faits, les plus fondés comme les plus injustes, et y répondre non seulement par les mots, mais aussi par les actes. Cela ne signifie en aucun cas que nous devrions les intérioriser au point qu'ils guident à chaque instant notre attitude vis-à-vis de l'Afrique et des Africains. Comment, en effet, présenter une image attractive de notre pays si, finalement, nous acceptons en notre for intérieur qu'il soit dévalorisé ? Refusons donc le discours de ceux qui, dans le passé, ne voudraient voir qu'un passif. N'endossons pas la rhétorique de ceux qui mettent la France en accusation permanente et pour qui elle aura toujours tort, quoi qu'elle dise ou quoi qu'elle fasse.

Assumons par ailleurs franchement la promotion de nos intérêts : oui, la France a des intérêts en Afrique ! Ceux-ci ne résident pas, comme certains voudraient le faire croire, dans une domination économique fantasmée à travers le franc CFA ou dans une exploitation supposément prédatrice des ressources minières. Nos véritables intérêts sont ailleurs, mes chers collègues.

Sur le plan sécuritaire, nous avons intérêt à ce qu'il y ait moins de crises sur le continent, car tout conflit peut générer des effets négatifs de l'autre côté de la Méditerranée allant de la prolifération des armes au terrorisme, en passant par l'immigration irrégulière.

Sur le plan des équilibres internationaux, nous souhaitons nous fonder sur nos liens anciens avec certains pays africains pour continuer à appuyer mutuellement nos positions au sein des instances internationales.

Sur le plan économique, enfin, il est évident que, comme le reste du monde, nous avons intérêt à ce que l'Afrique continue de s'affirmer comme un relais d'innovation et de prospérité.

Mais pour œuvrer efficacement sur tous ces plans, il nous faut avant tout restaurer les moyens de notre influence. La revue nationale stratégique de novembre 2022 a justement fait de cette dimension une nouvelle fonction stratégique – si je voulais faire de l'ironie, je dirais qu'il était temps de redécouvrir que la diplomatie consiste à avoir de l'influence !

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