Intervention de Christian Cambon

Réunion du 6 juin 2023 à 17h00
Politique étrangère de la france en afrique — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

Quand elle le sera, elle constatera sans doute qu'il est indispensable de recentrer notre politique de solidarité internationale autour de quelques priorités fondamentales, que nous martelons en commission. Nourrir, soigner, éduquer : voilà les domaines où notre aide est la plus attendue, où elle peut porter ses meilleurs fruits ! Bien sûr, notre action peut, et doit, être conduite dans le respect du climat et de la bonne gouvernance, mais c'est bien dans ces dimensions vitales pour les populations qu'elle aura le plus d'impact.

Trop longtemps, notre aide au développement a fonctionné en vase clos, sans voir que nos partenaires, eux, font preuve d'une approche beaucoup plus intégrée.

Notre assistance technique, qui a longtemps été un formidable levier d'influence et d'exportation de notre savoir-faire, est devenue extrêmement réduite. L'organisme allemand, la Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), réalise un chiffre d'affaires de 3, 7 milliards d'euros et emploie 23 600 personnes. Pour Expertise France, c'est 339 millions d'euros et 1 400 personnes.

Il faut en outre reprendre le contrôle de notre aide multilatérale à l'Afrique. Plus de la moitié des contributions du Royaume-Uni, plus du tiers des contributions allemandes aux organismes multilatéraux sont fléchés vers leurs propres priorités d'action. Pour nous, cette proportion n'est que de 1 %. Quelle perte d'influence par rapport à nos partenaires !

Il faut compléter cette approche en incitant et en accompagnant bien davantage nos entreprises à s'implanter, à investir et à commercer avec le continent. Car c'est aussi comme cela que nous répondrons aux préoccupations des Africains, souvent d'ordre économique.

Enfin, reste la question centrale, structurante, de notre coopération militaire. Une opération comme Barkhane, malgré ses succès indéniables, que vous avez eu raison de souligner, monsieur le ministre, constitue peut-être une anomalie par sa durée particulièrement longue. Faute de progrès sur la solution politique, la France s'est trouvée exposée en première ligne pendant des années, vulnérable face à la propagande des Russes, de Wagner et de tous ceux qui ont intérêt à notre départ.

Pourtant, cette opération a aussi enclenché des partenariats utiles. Ainsi, au Niger, nos forces collaborent efficacement, sous commandement nigérien, à la lutte contre les groupes terroristes. Ces coopérations doivent être poursuivies, car elles permettent à nos partenaires de monter en puissance. Dans son discours de février dernier, le Président de la République a proposé de les inscrire dans le cadre d'un « nouveau partenariat sécuritaire ». Certains axes dégagés à cette occasion nous semblent de bon sens.

Je partage ainsi la volonté de mieux répondre aux demandes ponctuelles de nos partenaires. Je pense, par exemple, à l'appui au renseignement, où nous pouvons apporter notre connaissance et notre capacité de surveillance des groupes djihadistes qui tentent de s'infiltrer dans le nord de la Côte d'Ivoire, du Bénin ou du Togo.

Je souscris aussi au constat selon lequel nous ne vaincrons pas les terroristes à la place des pays concernés. Tout appui opérationnel doit donc rester ponctuel, discret et efficace.

Concernant nos bases militaires, monsieur le ministre, vous connaissez ma position et celle de la commission. Ces bases sont essentielles et la récente opération Sagittaire, brillamment conduite à partir de Djibouti pour évacuer nos ressortissants présents au Soudan, en est une nouvelle preuve. Nos compétiteurs stratégiques sont d'ailleurs eux aussi convaincus de cette importance, notamment la Chine qui, après celle de Djibouti, cherche à ouvrir une base dans le golfe de Guinée.

Je ne suis pas hostile à ce que nous travaillions d'une manière différente, en cherchant à tenir compte du contexte local de chaque base pour mieux nous y adapter. Toutefois, s'agissant d'un outil militaire, je souligne que ces bases sont aussi l'expression de notre souveraineté, laquelle, par définition, ne se partage pas.

Naturellement, il appartient aux États hôtes, et à eux seuls, de décider s'ils acceptent ou non leur présence. Cependant, l'annonce d'une « cogestion » me pose problème sur les plans conceptuel et opérationnel : dans ce cadre, serions-nous toujours capables, demain, de lancer dans l'urgence une opération telle que Sagittaire ?

Madame la ministre, monsieur le ministre, nous sommes à un moment charnière de notre relation avec le continent africain. Ce débat a pour but de vous amener à préciser vos priorités. Soyons objectifs : rien n'est plus acquis dans le nouvel environnement ultra-concurrentiel où de nombreux pays, y compris nos partenaires européens, tentent de gagner de nouvelles positions.

Si nous voulons continuer à jouer un rôle de premier plan, il nous faudra tirer les leçons, parfois douloureuses, de ces vingt dernières années et de nos quelques échecs. Sur tous les plans, nous devrons nous adapter, nous battre, nous remettre en question parfois, mais aussi savoir nous montrer fiers de ce que la France a accompli en Afrique.

La palette des outils à notre disposition est large. Il faut désormais les mettre en cohérence autour du cap clair et cohérent qui leur fait encore défaut, et avec un seul mot d'ordre : parions sur l'Afrique et parions sur la France !

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