Intervention de Marie-Arlette Carlotti

Réunion du 6 juin 2023 à 17h00
Politique étrangère de la france en afrique — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Marie-Arlette CarlottiMarie-Arlette Carlotti :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste était favorable à ce débat sur la politique de la France en Afrique, mais nous l'aurions souhaité sous une autre forme que cet échange extrêmement formel, qui ne nous permet pas d'exercer pleinement notre rôle de parlementaire.

Il intervient dans un contexte particulièrement douloureux de déclin relatif de l'influence de la France sur le continent africain, marqué par le rejet spectaculaire de notre présence militaire au Mali et au Burkina Faso. Pour beaucoup, c'est apparu comme un révélateur, mais nous savons que les causes sont bien plus lointaines.

Alors que, dans les années 1990, le continent était abandonné, il est désormais courtisé par de nombreux pays : la Russie, bien sûr, et la Chine, depuis plus longtemps, sans oublier les États-Unis, le Japon, la Turquie ou les Émirats arabes unis.

Tous ont développé leur appétit à l'égard de l'Afrique ; tous sont nos compétiteurs. Nous avons perdu nos liens privilégiés exclusifs avec les États africains. Il est temps que nos relations deviennent ordinaires et ne soient plus marquées du sceau de la singularité.

Alors que la hiérarchie du monde change, l'Afrique veut être considérée comme un acteur de plein droit sur la scène internationale. C'est un défi géopolitique majeur que le président Macron a pointé du doigt et qu'il convient de traduire dans les faits.

Au fil des ans, la société civile africaine a changé. La jeunesse, qui n'a pas connu les combats pour l'indépendance, trouve dans le sentiment anticolonial un chemin alternatif vers l'émancipation. Une partie d'entre elle s'est même fortement radicalisée. On assiste au développement d'un panafricanisme partisan d'une rupture franche avec l'Occident vieillissant, qui continue pourtant à vouloir imposer son ordre mondial. Ce conflit avec l'Ouest permet de réhabiliter les groupes djihadistes auprès des populations et la Russie en fait son miel !

L'Afrique prend ses distances avec la France, qui a perdu sa position privilégiée. Mais pourquoi l'aurait-elle gardé, puisqu'elle ne se distingue pas, ne développe pas une diplomatie originale, des liens nouveaux, équilibrés et respectueux ?

Certes, le Président de la République proclame la fin de la « Françafrique », qui ne concerne que l'Afrique francophone, mais cela n'est pas nouveau : depuis George Pompidou, tous ses prédécesseurs l'ont fait avant lui. Pourtant, nous avons continué à surfer sur nos relations anciennes, basées sur notre histoire coloniale, empreintes de corruption et de clientélisme, de double langage et d'arrogance.

Du fait de l'importance du continent africain et de son affirmation sur la scène internationale, la France ne peut se passer d'une politique à l'égard de l'Afrique, mais elle doit changer d'approche.

Le 27 février dernier, Emmanuel Macron a prononcé un discours qui se voulait fondateur. Nous attendions donc qu'il clarifie les nouvelles orientations de sa politique dans un contexte pour le moins tendu. Au lieu de cela, son intervention s'est plutôt inscrite dans la continuité, restant floue sur beaucoup de points. En tout état de cause, elle ne constitue pas les prémices d'une nouvelle politique africaine.

Sur le plan militaire, je tiens à rendre hommage à l'engagement de nos soldats lors des opérations Serval et Barkhane. Vous avez raison, monsieur le ministre, ils ont remporté de vrais succès, mais nous n'avons pas réussi à enrayer l'implantation des groupes djihadistes. On nous a reproché, dans le cadre de véritables campagnes d'exploitation politique, d'avoir saisi cette occasion pour asseoir un peu plus notre présence militaire.

De nombreuses fois alertée par notre commission, la ministre des armées de l'époque misait sur l'arrivée de nos partenaires européens au sein de Takuba… On ne peut pas dire que ce fut une réussite ! En tout cas, je ne le vois pas ainsi.

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