Intervention de Nicole Duranton

Réunion du 6 juin 2023 à 17h00
Politique étrangère de la france en afrique — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Nicole DurantonNicole Duranton :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, aucune relation internationale n'est aussi complexe et importante pour notre pays et notre continent que celle qui nous unit à l'Afrique.

La politique étrangère de la France envers le continent africain se trouve à la croisée des chemins, oscillant entre les promesses d'une coopération fructueuse et les traces tenaces de son passé néocolonial. Comme le disait Albert Camus, l'amitié n'exige rien en échange, elle grandit librement dans le terreau des valeurs communes.

Le groupe RDPI se félicite des résultats de la récente tournée du Président de la République en Afrique, durant laquelle il s'est rendu au Gabon, en Angola, ainsi qu'en République démocratique du Congo et au Congo-Brazzaville, à cheval sur les mois de février et mars. Celle-ci a été marquée par des déclarations importantes et des actions concrètes de la part de notre pays.

À titre d'illustration, les programmes de développement durable, les actions en faveur de la gouvernance démocratique et les efforts pour soutenir l'autonomie africaine témoignent d'un désir de réinventer notre relation.

Lors de son discours prononcé au Gabon, le Président de la République a affirmé que l'ère de la Françafrique était révolue. Cette déclaration reflète la volonté de la France de rompre avec certaines pratiques du passé et de promouvoir un partenariat équilibré et transparent avec les pays de ce continent. Il s'agit d'un vrai tournant dans cette relation.

Après ce tour d'horizon de nos valeurs, il faut souligner les principaux défis que ces pays doivent relever.

Il y a d'abord l'environnement. Nous appuyons les mesures prises en faveur de la protection des forêts tropicales et primaires en Afrique, pour laquelle la France a investi 100 millions d'euros. Lors du sommet des forêts à Libreville, le 2 mars dernier, Emmanuel Macron a rappelé les engagements pris lors de la COP 15 à Montréal et de la COP 26 à Glasgow pour inverser le cours de la déforestation et protéger 30 % de la nature d'ici à 2030.

Ce format de sommet pourrait être annuel. Soyons attentifs à la signature d'un nouveau pacte financier Sud-Nord lors des travaux prévus à Paris ce mois-ci et au lancement de certificats de biodiversité d'ici à la fin de l'année, avant la COP2 28 à Dubaï, où les premiers contrats pays pour la conservation positive pourraient être signés.

Ensuite, il y a le développement économique, qui n'est possible que dans un environnement sain. À l'occasion de sa déclaration à Luanda, le Président de la République a souligné l'importance de la diversification de l'économie angolaise et de la souveraineté alimentaire. La France encourage le renforcement des partenariats en mettant l'accent sur la formation professionnelle, sur le développement de filières agricoles et agroalimentaires ainsi que sur la modernisation des infrastructures dans les secteurs de l'eau, de l'énergie et des transports, notamment dans le cadre du programme Choose Africa 2. Nous devons maintenant observer les résultats concrets, tels que la création d'usines et de fermes.

Enfin, il y a les enjeux sécuritaires, qui sont encore au cœur des préoccupations.

Ainsi en est-il de la piraterie, qui sévit depuis 2005 autour de la Corne de l'Afrique. Malgré une mobilisation internationale sans précédent, ce fléau demeure une menace pour le transport maritime. Selon la Banque mondiale, les rançons ont rapporté entre 339 millions et 413 millions de dollars aux pirates et à leurs commanditaires entre 2005 et 2012. Toutefois, en 2021 et 2022, le nombre d'actes de piraterie et de brigandage maritime a diminué de façon significative au niveau mondial, avec une baisse de 15 % par rapport à 2020, selon le MICA Center, pour Maritime Information Cooperation & Awareness Center, basé à Brest. Face à la persistance du phénomène, quelle stratégie adopter ? La présence des bâtiments militaires de l'Otan a permis une diminution notable des actes de piraterie, mais les eaux africaines présentent encore des dangers.

Passons à l'influence grandissante de la Russie et de la Chine en Afrique. Nous devons reconnaître que la présence et l'influence de la France sur ce continent ne sont plus ce qu'elles étaient, et ce depuis une quinzaine d'années. Nous avons été témoins, en mai 2022, des slogans anti-français scandés devant notre ambassade à Pretoria, où des drapeaux tricolores ont été brûlés. C'est le reflet d'un sentiment anti-occidental croissant en Afrique. Nous devons y répondre.

Ainsi, la diplomatie française a opéré un changement de posture et s'est réarmée en communiquant davantage, en renouvelant ses partenariats, en menant des actions accrues en direction de la jeunesse et en tissant des liens solides avec la diaspora française à l'étranger.

La Chine et la Russie tentent de remplir les espaces vides que nous avons laissés. La Chine, grâce à des investissements massifs, se concentre sur la côte est de l'Afrique, tandis que la Russie, avec une présence plus marquée en Afrique francophone et au Sahel, profite de la fin de l'opération Barkhane.

Comme cela est clairement réaffirmé à l'article 4 de la loi de programmation militaire, la réduction de la présence militaire française ne signifie ni retrait ni désengagement, mais plutôt adaptation aux évolutions des menaces et aux besoins des pays partenaires. Chaque pays africain doit renforcer sa propre autonomie sécuritaire. Aucune ancienne base Barkhane ne sera fermée, mais toutes seront destinées à former plus de militaires des pays concernés.

Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, il ne s'agit en rien d'un recul de la France dans ces pays. C'est une manière d'être présent différemment.

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