Intervention de Stéphane Ravier

Réunion du 6 juin 2023 à 17h00
Politique étrangère de la france en afrique — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Stéphane RavierStéphane Ravier :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec le discours de Ouagadougou en 2017, le sommet Afrique-France en 2021 et la tournée en Afrique centrale en 2023, nous avons remarqué que le Président de la République était très engagé publiquement dans la politique étrangère de la France en Afrique. Par votre déclaration de ce jour, vous nous confirmez l'importance de cette question pour l'exécutif.

Néanmoins, malgré cet investissement de votre temps, de notre argent et de nos coopérants civils et militaires, depuis plusieurs années, la défiance s'accentue, la francophobie progresse et nous perdons en influence sur tout le continent africain, pourtant le plus francophone de tous.

De cela, vous êtes en partie responsables. En relayant le postulat culpabilisateur qui repose sur le mythe du pillage colonial, vous sabordez les efforts concertés de notre politique d'influence. Ce n'est pas le cas des autres puissances coloniales, qui ne pratiquent pas cette autoflagellation. J'en veux pour preuve le fait que nos anciennes colonies, toujours francophones, du Togo et du Gabon ont rejoint le Commonwealth en 2022 ! La France doit cesser de se désigner elle-même comme bouc émissaire ; ce masochisme injustifié ne saurait servir de base à une relation fructueuse entre la France et les pays africains.

Une deuxième erreur consiste à vouloir exporter la démocratie comme une recette universellement transposable. Nous avons vu ce que cela a donné, par le passé, en Libye ou ailleurs : chaos aggravé chez eux, chaos importé chez nous.

Votre troisième erreur, c'est d'avoir refusé de faire de la politique, en vous cantonnant à des partenariats avec le monde de la culture et la jeunesse, avec la société civile comme seul horizon. Par idéalisme, vous renoncez à faire de la France une grande puissance. De plus, vous faites croire que notre recul militaire est un choix, alors qu'il est majoritairement contraint par les États africains, qui nous mettent dehors.

La quatrième erreur, c'est refuser d'adjoindre à l'aide publique au développement une injonction de puissance et une exigence de réciprocité, sans lesquelles nous subissons une double peine, financière et migratoire.

La cinquième erreur, c'est la suppression du corps diplomatique. Elle sonne la fin d'une tradition africaine au sein du Quai d'Orsay : c'est la perte d'un réseau, d'un savoir-faire et de connaissances acquises durant de nombreuses décennies. On a vu les conséquences de négociations improvisées par le pouvoir politique : nous sommes en froid avec tous les pays du Maghreb, virés du Sahel, fâchés avec l'Afrique centrale.

Dans le même temps, toutes les grandes puissances s'implantent massivement et durablement en Afrique : la Chine, l'Iran, la Russie, la Turquie, les pays du Golfe… Au Gabon, 70 % de la deuxième plus grande forêt du monde après l'Amazonie appartient aux Chinois. Pendant que Wagner s'occupe du militaire, Pékin s'affaire à la coopération économique.

Enfin, avec le départ de la force Barkhane, nous avons perdu la main dans la lutte menée en amont contre l'immigration illégale et le terrorisme islamiste. Aujourd'hui, le président tunisien parle de grand remplacement ; avec l'Algérie et le Maroc, il contrôle désormais le robinet d'une déferlante migratoire qui enfle chaque année un peu plus. Au vu de l'explosion démographique du continent africain, il y a une impérieuse nécessité de stabilité politique et de développement économique en Afrique, mais aussi de fermeté en Europe : il faut lutter contre les trafics d'êtres humains, qui deviennent un marché juteux, au même titre que les trafics de drogue, qui s'intensifient du sud vers le nord.

En conclusion, pour faire écho aux propos pertinents de M. Cambon, je vous rappelle, madame la ministre, monsieur le ministre, que parier sur l'Afrique, c'est commencer par parier sur la puissance de la France !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion