Je précise que j'ai déjà déposé en commission un amendement dont l'objet est identique au présent amendement, dont Joël Labbé est le premier signataire.
Chaque année, 1 200 procédures collectives sont engagées par des agriculteurs. Le taux de liquidations judiciaires prononcées par les tribunaux judiciaires s'élève à 46 %, contre 70 % par les tribunaux de commerce, toutes procédures confondues.
Le monde agricole se caractérise par quelques spécificités qui, indépendamment du contexte que je viens de rappeler, rendent cette expérimentation inadaptée.
Par conséquent, le système en place aujourd'hui – la compétence du tribunal judiciaire – fonctionne plutôt bien, même si, selon les différents syndicats agricoles, il peut être amélioré. Les délais sont convenables, la procédure permet l'accompagnement des agriculteurs pour maintenir les exploitations et le taux de liquidation judiciaire reste relativement faible.
Par ailleurs, dans la mesure où la filière agricole est très petite, le risque que le juge consulaire connaisse déjà la situation économique des agriculteurs est réel, ce qui poserait des problèmes de neutralité si le système proposé était retenu.
En outre, parce que les enjeux locaux liés au foncier emportent des conséquences, voire sont susceptibles d'entraîner des conflits, le fait qu'un agriculteur soit jugé par ses pairs, et non par le tribunal judiciaire, peut poser problème.
Par ailleurs, les risques psychosociaux sont plus élevés dans le secteur agricole que dans d'autres professions : il n'est qu'à voir le taux de suicide des agriculteurs. Par conséquent, il est très difficile pour un agriculteur de parler à ses pairs lorsqu'il est en difficulté. L'information à laquelle a accès le tribunal judiciaire reste, elle, dans l'enceinte d'une instance extérieure au monde agricole ; les agriculteurs ont donc moins d'appréhension.
Alors que cette profession connaît un très fort taux de mal-être au travail et de suicide, il apparaît bien peu opportun de déstabiliser les procédures collectives.
Lors de son audition par le Sénat en 2021, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) a exprimé son opposition à ce transfert.