Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du 8 juin 2023 à 10h30
Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 – ouverture modernisation et responsabilité du corps judiciaire — Article 1er

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux :

Peut-être le souhaitez-vous vous-même, je l'ignore. Méfiez-vous de ces postures, car on peut ensuite être pris au piège !

J'ai entre les mains le Recueil des obligations déontologiques des magistrats. On peut y lire : « Dans son expression publique, le magistrat fait preuve de mesure afin de ne pas compromettre l'image d'impartialité de la justice, indispensable à la confiance du public. » Tels sont les mots que j'ai repris dans ma réponse précédente.

Le premier point du chapitre VIII indique que « cette exigence s'impose quel que soit le moyen de communication utilisé », y compris, madame la sénatrice, les réseaux sociaux.

Le deuxième point est le suivant : « Toute manifestation d'hostilité au principe et à la forme du Gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions. »

Puisque vous avez mentionné la lettre que j'ai adressée le 2 mai 2023 au CSM, il me semble important de vous en communiquer la teneur.

Dans le premier paragraphe, je rappelle que nous sommes en train de travailler sur la suite des États généraux ; j'évoque, dans le deuxième, un troisième grade et la rénovation des modes d'accès à la magistrature.

Ensuite, j'aborde le sujet qui nous intéresse à présent :

« En pleine concertation avec le Conseil, je souhaite continuer à approfondir la réflexion sur le statut de la magistrature, avec l'objectif de toujours mieux préserver l'image de la justice aux yeux de nos concitoyens.

« C'est pourquoi je sollicite l'avis du Conseil sur les deux points suivants.

« Ces dernières années, les réseaux sociaux sont devenus un vecteur important – si ce n'est le vecteur principal – d'information de nos concitoyens.

« Les chefs de juridiction et de cours, notamment les procureurs de la République, ont massivement investi ces plateformes afin de toucher les Français et de leur faire découvrir le quotidien des juridictions ou de communiquer sur les affaires en cours.

« De plus, de nombreux magistrats ont créé des comptes sur divers réseaux sociaux, anonymes ou non, et s'en servent pour commenter l'actualité judiciaire, juridique et politique, ou plus prosaïquement, pour partager des événements de leur vie privée.

« Cet usage des réseaux sociaux et l'importance croissante qu'ils ont prise dans le débat démocratique bousculent le traditionnel équilibre entre la liberté d'expression reconnue à chaque magistrat et l'obligation déontologique de réserve et de discrétion.

« De manière plus générale, les formes de plus en plus diverses que revêt l'expression publique, individuelle ou collective, de magistrats à l'occasion d'audiences solennelles ou encore par le biais de l'expression syndicale, peuvent parfois, pour l'opinion publique, interroger le respect des obligations de réserve et de neutralité, ainsi que des règles déontologiques, et donc nuire à l'image de la justice de manière générale.

« La conciliation entre les libertés individuelles et collectives des magistrats et le respect de leurs obligations déontologiques m'amènent également à solliciter votre avis sur la conformité avec le statut de l'exercice du droit de grève. […] »

Tels sont les termes dans lesquels j'ai saisi le Conseil supérieur de la magistrature. J'attends donc avec gourmandise son avis, car celui-ci m'est indispensable.

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