Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du 8 juin 2023 à 10h30
Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 – ouverture modernisation et responsabilité du corps judiciaire — Article 1er

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux :

Avoir les moyens d'embaucher est une chose ; être effectivement en mesure de le faire en est une autre.

Tout en saluant le travail mené par Mmes les rapporteures, dont j'ai d'ailleurs repris un certain nombre de propositions, je ne peux que m'opposer à certaines évolutions introduites par la commission des lois, notamment le rétablissement de certaines dispositions qui sont d'ordre exclusivement juridique.

La composition des jurys relève en effet du pouvoir réglementaire. De fait, la loi organique ne précise la composition d'aucun des différents jurys qui existent déjà.

La commission souhaite inscrire dans le texte que le jury est minoritairement composé de magistrats.

S'agissant d'un jury, non pas de recrutement, mais d'aptitude, la présence de magistrats en nombre suffisant me paraît nécessaire.

En outre, parmi les neuf membres du jury d'aptitude, quatre sont aujourd'hui des magistrats. Ces derniers sont donc minoritaires, et il n'y a aucune raison que cela change.

Je souhaite que le champ du pouvoir réglementaire soit respecté, et qu'une telle limitation ne soit pas inscrite dans la loi.

Par ailleurs, la disposition relative à la proportion de magistrats détachés comporte un risque de censure constitutionnelle. Rien ne justifie de prendre un tel risque dans la mesure où le quota actuellement autorisé et validé par le Conseil constitutionnel est loin d'être atteint.

La commission a également souhaité préciser que les magistrats en service extraordinaire ne peuvent être nommés membres du jury d'aptitude des stagiaires. Cette précision est inutile, car s'agissant de la composition d'un jury, la définition des magistrats de l'ordre judiciaire retenue par le Conseil constitutionnel exclut les magistrats en service extraordinaire.

J'en viens enfin à la durée de la formation des stagiaires, que la commission souhaite encadrer dans la loi organique. Cette disposition me pose une vraie difficulté, car un tel niveau de norme n'est pas requis.

Aucune durée de formation n'est précisée dans la loi organique, ni pour les auditeurs de justice, ni pour les candidats à l'intégration, ni pour les lauréats des concours complémentaires. Je ne vois aucune raison de déroger à cette règle, et ce d'autant moins que le Gouvernement a indiqué en toute transparence qu'il envisageait de fixer, pour l'exercice de seules fonctions généralistes, la durée de formation à un minimum de douze mois.

Si la durée de formation est portée à dix-huit mois, le Gouvernement ne sera pas en mesure de tenir son engagement relatif au recrutement de 1 500 magistrats dans les délais qu'il s'est fixés, ce qui est pourtant le but de ce texte.

Les moyens importent, mais il nous faut aussi recruter des magistrats si nous voulons apporter à notre justice le souffle dont elle a tant besoin.

Telle est, au fond, la raison essentielle pour laquelle je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, d'adopter cet amendement et, partant, de rétablir certaines dispositions du projet du Gouvernement.

À défaut, nous ne pourrons pas tenir nos engagements. Or pour me rendre toutes les semaines en juridiction, je puis vous dire que leur mise en œuvre concrète est particulièrement attendue.

Aux greffiers et magistrats qui me demandent ce qu'ils doivent faire en attendant que ce texte soit voté et applicable, je ne peux que répondre qu'il leur faut patienter encore un peu. C'est dire les attentes que suscite ce texte, et s'il importe de mettre en œuvre ces dispositions que – je le crois – nous souhaitons collectivement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion