Monsieur le sénateur Bonnecarrère, vous soulignez avec raison que le régime disciplinaire des magistrats doit être renforcé. C'est d'ailleurs le sens du texte que j'ai présenté à votre assemblée.
Pour autant, le régime de responsabilité des magistrats obéit à de subtils équilibres constitutionnels. Le Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs rappelé clairement dans sa décision du 1er mars 2007 : si les principes d'indépendance de l'autorité judiciaire et de séparation des pouvoirs n'interdisent pas au législateur d'étendre la responsabilité des magistrats à leur activité juridictionnelle, c'est à la condition que l'engagement de poursuites disciplinaires repose sur une violation des devoirs de leur office préalablement constatée par une décision de justice.
Il me semble qu'en l'état de votre rédaction la définition de la faute que vous proposez ne comprend pas les garde-fous exigés par le Conseil constitutionnel. Elle risque ainsi d'être censurée.
Il ne faut pas omettre que les magistrats apprécient souverainement, souvent de façon collégiale, les faits qui leur sont soumis. À cet égard, la notion de négligence risque fort d'être considérée comme excessivement floue.
De plus, cette disposition n'est pas nécessairement utile : la jurisprudence du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil d'État est claire, l'erreur d'appréciation ou d'interprétation ne saurait constituer une faute disciplinaire. En revanche, il est aujourd'hui parfaitement possible de rechercher la responsabilité du magistrat à raison d'un acte juridictionnel, dès lors que ledit acte est détachable de l'activité juridictionnelle.
Le CSM a également sanctionné des magistrats en cas de négligences multiples. Je pense par exemple à une affaire jugée en 2022, dans laquelle un juge d'instruction a été sanctionné pour de multiples retards, des négligences dans le traitement de ses dossiers ayant donné lieu à des remises en liberté. Je pense aussi à une autre affaire dans laquelle une juge a été sanctionnée pour des retards dans le rendu de ses délibérés.
Enfin, la protection de l'acte juridictionnel est garantie non seulement à l'échelle nationale, mais aussi, comme vous le savez, à l'échelle européenne.
À la lumière des précisions que je viens de vous apporter, je vous suggère, à ce stade, de retirer votre amendement.