Intervention de Dominique Voynet

Réunion du 14 octobre 2009 à 14h30
Victimes des essais nucléaires français — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Dominique VoynetDominique Voynet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour établir une vérité et pour honorer une dette.

La vérité, ce sont des faits très longtemps, trop longtemps dissimulés sur les conséquences directes des choix militaires de notre pays et sur les expérimentations inspirées par ces choix.

Vous ne serez pas surpris si je vous rappelle que je ne partage pas ces choix. Je suis absolument convaincue que la grandeur de notre pays n’est pas proportionnellement liée à son arsenal nucléaire. Je pense même que notre image a été sérieusement écornée au moment de la reprise des essais nucléaires, compte tenu de la faiblesse des arguments qui ont été avancés alors.

Il y eut, au nom de la doctrine de la défense nationale, des essais nucléaires au Sahara et en Polynésie. La vérité oblige à dire que des hommes et des femmes, civils et militaires, furent victimes de ces essais.

Après trente ans de déni et dix ans supplémentaires de ratiocinations et de tergiversations, ce texte reconnaît les faits : c’est son premier avantage, monsieur le ministre, pour ne pas dire son principal mérite, même si, de fait, il eût mieux valu intituler ce texte « projet de loi relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation de certaines des victimes des essais nucléaires français ».

Nous avons contracté une dette dont nous devons aujourd’hui nous acquitter, à l’égard des victimes, évidemment, et des populations de Polynésie et du Sahara. Plus de cinquante ans après les faits, la France doit reconnaître la réalité, toute la réalité, et assumer totalement ses responsabilités.

Il lui faut reconnaître que ces essais ont été conduits sans prêter attention à leurs conséquences sur la santé et sur l’environnement à une époque où, il est vrai, les ministres ne détestaient pas poser virilement devant un champignon nucléaire !

Il lui faut également reconnaître que, toute à son ambition de servir la stratégie de dissuasion portée par le pouvoir politique, l’armée française a exposé aux radiations trop de ses soldats, sacrifiant leur intégrité physique sous couvert de l’intérêt national.

Il lui faut de surcroît reconnaître que, du fait des retombées radioactives dans l’environnement des essais militaires, les populations civiles, dont nous faisons mine de considérer qu’elles étaient informées et consentantes, ont été sacrifiées tout autant que les soldats.

Il faut aussi que la France reconnaisse qu’elle s’est comportée au Sahara et en Polynésie comme une puissance coloniale, faisant peu de cas du sort de ceux qui avaient pour seul tort de vivre en des lieux que Paris avait choisis pour conduire de telles expérimentations.

Il lui faut enfin reconnaître qu’elle s’est comportée en puissance corruptrice, déversant sur les atolls de Polynésie via le Centre d’expérimentation du Pacifique des sommes considérables destinées à étouffer les scrupules de ceux qui en éprouvaient et à convaincre la majorité qu’il n’y avait pas d’autres perspectives crédibles de développement que la poursuite des essais dans le cadre du CEP.

Nous ne pouvons passer sous silence le fait que l’État français a trouvé en Polynésie des alliés et des complices qui se sont servis de cela pour établir ou consolider leur mainmise politique sur le territoire, à coup de connivence et de corruption.

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