En termes de méthode, la réécriture par voie d’ordonnance du code de procédure pénale pose aussi question. Nous n’y sommes pas favorables par principe, même si nous convenons que, sur un tel sujet, il est difficile d’éviter une ordonnance. Cependant, nous souhaitons qu’elle soit mieux encadrée.
La proposition des rapporteures de reporter d’un an l’entrée en vigueur de l’ordonnance après sa publication est un premier pas, mais nous voudrions aller plus loin.
Toutefois, si ces deux textes restent en deçà de l’ambition affichée par le Gouvernement, nous reconnaissons qu’il y a urgence et qu’il nous faut avancer. En conséquence, nous abordons leur examen dans un esprit constructif, comme cela a été le cas en commission, où quelques-uns de nos amendements ont été adoptés, en particulier sur le projet de loi organique.
Disons-le clairement, nous sommes favorables à l’augmentation du budget, qui est considérable et significative, mais nous serons vigilants sur l’effectivité de ces moyens supplémentaires et sur les conséquences d’un certain nombre des mesures proposées, l’objectif étant que la justice soit plus rapide, comme vous l’appelez de vos vœux, monsieur le garde des sceaux.
À cet égard, nous nous interrogeons sur quelques points, qui ont motivé le dépôt de nos amendements.
Ainsi, l’article 3 du projet de loi d’orientation et de programmation pose singulièrement problème, plusieurs de ses mesures étant attentatoires aux libertés. Le renvoi de certaines procédures au juge des libertés et de la détention au motif d’alléger l’organisation des audiences et la charge des tribunaux correctionnels nous semble plutôt être une manière détournée de gérer les flux liés au nombre insuffisant de magistrats.
De même, d’autres points justifient des amendements : les perquisitions de nuit ; les délais en matière de détention provisoire et de garde à vue ; l’assignation à résidence avec surveillance électronique (Arse) ; les écoutes ; la captation d’image ; la géolocalisation.
Par ailleurs, la réforme de la justice économique, envisagée à titre expérimental, est également source d’interrogations. Compte tenu des réserves qu’elle suscite, nous doutons de son intérêt. À tout le moins, nous estimons qu’elle n’est pas mûre en l’état.
Enfin, le cadre d’action des nouveaux attachés de justice nous semble devoir être précisé, pour que ceux-ci puissent être réellement des appuis pour les juges et ainsi donner sens à l’équipe autour du juge, organisation à laquelle nous souscrivons totalement.
L’ouverture du corps judiciaire prévue dans le projet de loi organique nous paraît légitime pour mieux garantir l’ancrage sociétal et la diversité des profils, mais aussi pour faire face à l’exigence d’un recrutement important sans remettre en cause sa qualité. Nous y sommes donc favorables, à condition de ne pas complètement déséquilibrer la composition du corps des magistrats. Il convient aussi de veiller à ce que la durée de formation, comme la question du stage probatoire, réponde bien à ces objectifs. Prenons garde à ce que cette ouverture ne soit pas contre-productive.
Nous serons également vigilants sur le sort de la commission d’avancement et sur la constitution du jury, divergeant sur ce point avec la position des rapporteures.
Enfin, concernant l’introduction du principe d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, nous regrettons que le texte traduise in fine le renoncement à appliquer l’article 56 de la loi Sauvadet de 2012, désormais codifié à l’article L. 132-5 du code général de la fonction publique, pour les nominations aux plus hauts postes de la hiérarchie judiciaire.
Telle est, en quelques mots, notre position sur ces deux textes. Si nous reconnaissons de réelles avancées en termes de moyens, nous jugeons que ces projets de loi sont loin de mettre en œuvre une véritable réforme systémique, telle que celle qui a été proposée par les États généraux de la justice. Nous nous efforcerons donc, au cours de leur examen en séance publique, de les améliorer. Nous serons ensuite vigilants s’agissant de leur mise en œuvre.