Intervention de Jean-Yves Roux

Réunion du 6 juin 2023 à 14h30
Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 – ouverture modernisation et responsabilité du corps judiciaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Jean-Yves RouxJean-Yves Roux :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dès qu’il est question de réformer la justice, il est facile d’énoncer une série de lieux communs tant il y a maintenant longtemps que l’institution se dégrade : manque de matériel, locaux inadaptés, souffrance du personnel, incompréhension des justiciables.

C’est bien simple : nos juridictions tiennent pour beaucoup grâce à l’engagement, au courage et à l’abnégation des magistrats et des agents qui les accompagnent quotidiennement – il me paraît indispensable de les soutenir.

Il faut évidemment souligner les efforts budgétaires qui sont consentis depuis plusieurs lois de finances et qui tendent à replacer petit à petit notre pays à un niveau acceptable. À cet égard, nous ne pouvons que nous réjouir de savoir que cette dynamique se poursuivra dans les exercices à venir.

Mais chacun le sait ici, le problème de la justice n’est pas exclusivement un problème de moyens. C’est aussi celui d’une institution qui peine à convaincre nos concitoyens de son efficacité.

Lorsque la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire avait été annoncée, nous avions nourri l’espoir qu’elle apporterait une partie des réponses à ces problématiques. Il est regrettable que, moins de deux ans après l’adoption de ce texte, il faille de nouveau se pencher sur ces questions fondamentales, d’autant qu’il est justement reproché au législateur de trop souvent réformer en la matière…

Nous espérons donc, une nouvelle fois, que la future loi n’aura pas besoin d’être suivie d’une autre dans quelques dizaines de mois. Sans quoi, nous devrons encore faire le constat d’une forme d’échec dans nos méthodes de travail.

Sur le fond, sur un grand nombre de mesures proposées, le groupe du RDSE ne voit pas de difficultés majeures.

C’est en particulier le cas concernant la mise en avant de la peine de travail d’intérêt général, l’élargissement du champ des infractions ouvrant droit à indemnisation par la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions ou encore la déjudiciarisation de la procédure de saisie des rémunérations prévue à l’article 17 du projet de loi.

Nous souscrivons également à l’article 2, qui autorise le Gouvernement à procéder par ordonnance à la réécriture du code de procédure pénale à droit constant. Au RDSE, nous sommes très attachés à ce que le débat et le travail législatifs n’aient pas lieu en dehors des hémicycles et qu’ils s’y conduisent pleinement quand cela est nécessaire. Mais il faut aussi être lucide. Une ordonnance sera plus efficace pour un tel objectif et la proposition de nos rapporteures de retarder d’un an l’entrée en vigueur de l’ordonnance est un bon compromis.

Il demeure que, si la réécriture se fait à droit constant, nous pouvons aussi craindre qu’elle ne soit que partiellement satisfaisante. Par ce texte, les procédures réputées complexes auront-elles disparu ? Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous annoncerait-on déjà une nouvelle loi visant à simplifier le code qui viendrait d’être réécrit ?

J’en viens maintenant aux orientations figurant dans le rapport annexé, qui sont satisfaisantes dans leur ensemble.

Évidemment, il faut revaloriser les salaires des agents, renforcer les effectifs en recrutant des fonctionnaires, comme cela a été annoncé, et poursuivre le financement des chantiers immobiliers et numériques du ministère de la justice.

En revanche, nous réservons encore notre position sur certaines mesures qui nous paraissent risquées du point de vue des libertés et au sujet desquelles des professionnels de la justice nous ont alertés.

Je pense en particulier à deux dispositions de l’article 3.

La première prévoit l’assouplissement du recours aux moyens de télécommunication pour les interprètes pendant la garde à vue et la téléconsultation médicale en garde à vue. Nous regrettons ce développement de l’usage de la visioconférence, notamment dans les cas où les personnes sont en situation difficile.

Le projet de loi consacré à l’immigration, bien qu’il ne soit plus inscrit à l’ordre du jour, allait déjà dans ce sens et nous y étions alors opposés. J’ai du mal à envisager qu’une interprétation ou une consultation médicale ne perde pas significativement en qualité dès lors qu’elle se fait via un micro et une caméra.

La seconde disposition qui nous inquiète, c’est l’activation à distance des appareils connectés des suspects aux fins de géolocalisation et de captation d’images et de sons. Les moyens d’investigation doivent être adaptés aux besoins des enquêteurs, surtout lorsqu’il est question de la sécurité nationale et de crimes et délits particulièrement graves.

Vous nous permettrez néanmoins d’être sensibles à certaines préoccupations partagées par une partie des professionnels de la justice. Je pense notamment aux avocats, qui s’interrogent sur l’impact d’une telle mesure au regard des impératifs de confidentialité qu’ils entretiennent avec leurs clients.

Sur ces deux dispositions, nous serons attentifs aux arguments qui seront avancés en réponse à certains de nos amendements.

Si notre groupe est plutôt favorable à ce projet de loi, notre position pourrait évoluer en fonction de la teneur de nos débats.

Je dirai enfin un mot concernant le projet de loi organique. Dans l’ensemble, nous y sommes favorables, même si nous tenons tout de même à relayer ici les regrets d’une partie des professionnels, notamment ceux du Conseil national de la magistrature, qui a pris une position assez critique sur ce texte.

Cela étant, il y a un intérêt réel à rénover les voies d’accès à la magistrature en les simplifiant, tout comme nous voyons un intérêt à responsabiliser davantage les magistrats.

Les ajustements proposés par notre commission sur ce texte nous semblent aller dans la bonne direction. Aussi, une majorité de notre groupe votera en faveur de ce projet de loi organique.

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