Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis le code d’Hammurabi, il y a près de quatre mille ans, le droit a fait beaucoup de chemin ; il structure désormais la plupart de nos sociétés.
Rappelons-le, nous croyons aux vertus de l’État de droit. Nous croyons qu’il est bon que les droits et les devoirs soient démocratiquement définis. Nous croyons qu’il est nécessaire de respecter les libertés individuelles et la propriété privée.
La confiance des individus dans l’institution judiciaire est un pilier indispensable au bon fonctionnement de la société. Or nous constatons qu’un doute s’est installé, qu’un fossé s’est creusé, puisque près d’un Français sur deux estime que la justice fonctionne mal. Restaurer cette confiance, tel était l’objet du texte dont nous avons débattu il y a quelques mois.
Depuis de nombreuses années, monsieur le garde des sceaux, votre ministère souffre d’un mal chronique. Il ne faisait pas partie des priorités politiques des gouvernements qui se sont succédé. §Comme trop souvent, le long terme a été hypothéqué au profit de contingences immédiates.
Or, lorsque la justice est délaissée, ce sont nos concitoyens et de nos entreprises qui en subissent les conséquences, c’est le pacte républicain qui se fissure.
La question des moyens, à cet égard, est fondamentale. La France figure parmi les pays développés qui investissent le moins dans la justice : en 2020, notre pays y consacrait 72 euros par habitant, contre 111 euros au Royaume-Uni et 140 euros en Allemagne, soit le double de la France !
Depuis quelques années, grâce à votre détermination et à votre engagement, monsieur le garde des sceaux, la tendance s’est inversée. Même si une partie sera absorbée par l’inflation, la programmation présentée par le Gouvernement fera passer en quelques années le budget de la justice de 8, 5 milliards d’euros à près de 11 milliards. Nous partons néanmoins de loin et la route est encore longue, mais nous saluons cette hausse.
Au 1er avril 2023, le taux d’occupation de nos prisons était de 120 %. L’augmentation des moyens permettra la création de nouvelles places. Si les juges condamnent, les moyens pour que les peines soient bien appliquées font encore défaut.
Ce projet de loi d’orientation et de programmation doit également permettre de réduire les délais de jugement – vous avez parlé de les diviser par deux – et d’améliorer les conditions de travail dans les juridictions.
Pour ce faire, il faut recruter plus de magistrats et veiller à l’attractivité de leur métier. Les projets de loi dont nous débattons y contribuent en transférant certains contentieux du juge des libertés et de la détention au juge judiciaire, en ouvrant davantage le corps judiciaire et en simplifiant son fonctionnement.
La commission a également souligné l’importance du rôle des greffiers et la nécessité d’accroître leurs effectifs.
Si le manque de moyens explique beaucoup des difficultés auxquelles la justice fait face, ce n’en est pas la seule cause. La France compte environ quatre-vingts codes juridiques. L’inflation normative rend notre droit illisible et en partie impraticable.
Le code de procédure pénale a triplé de volume depuis sa création. Le projet de loi ordinaire prévoit de le clarifier par ordonnance. Bien plus que de le toiletter, il est indispensable de le simplifier. Évidemment, cela ne pourra pas se faire à droit constant.
Il nous semble qu’il sera nécessaire à cet égard de trancher une question qui revient souvent : la fusion des cadres d’enquête. La complexité actuelle nuit au travail des professionnels et in fine aux droits de nos concitoyens.
En ce qui concerne les libertés individuelles, nous comprenons les inquiétudes légitimes que suscite le développement de techniques d’enquête de plus en plus intrusives, notamment l’activation à distance des micros et des caméras des téléphones ou des ordinateurs ou encore leur géolocalisation. Il est nécessaire de veiller à leur strict encadrement ; nous soutenons donc les dispositions qui interdisent leur utilisation dès qu’il est question de journalistes, de magistrats ou encore, pour ne pas dire surtout, d’avocats.
Si le volet pénal est une composante essentielle de la justice, cette dernière englobe bien d’autres domaines. Nous soutenons l’expérimentation des tribunaux des activités économiques et il nous paraît cohérent que ces derniers soient chargés de l’ensemble des procédures relatives aux entreprises en difficulté. La commission a clarifié la composition de ces juridictions expérimentales ; c’était nécessaire et attendu sur le terrain.
Autre innovation apportée par le texte : les saisies de rémunérations seront confiées aux commissaires de justice, sous le contrôle des juges. Cohérente, cette mesure permettra aussi de libérer du temps pour les magistrats et les greffiers.
Ces deux projets de loi contiennent des dispositions marquantes, structurantes et complémentaires et le groupe Les Indépendants sera particulièrement attentif aux débats que nous aurons en séance.