Intervention de Laurence Harribey

Réunion du 6 juin 2023 à 14h30
Orientation et programmation du ministère de la justice 2023-2027 – ouverture modernisation et responsabilité du corps judiciaire — Rapport annexé

Photo de Laurence HarribeyLaurence Harribey :

Les choses ne sont pas aussi simples que vous nous les présentez : nous ne vous disons pas que, parce qu’il ne faut pas forcément créer de nouvelles places de prison, il faudrait relâcher des détenus. Compte tenu de votre trajectoire personnelle et de votre expérience, monsieur le garde des sceaux, vous savez très bien que les choses sont plus complexes.

Ce n’est pas simplement en construisant des prisons que nous résoudrons le problème. Le cas de l’Allemagne en est la preuve : le fait que notre voisin ait une population supérieure à celle de notre pays, tout en disposant de moins de places de prison et en comptant moins de détenus, ne signifie pas pour autant qu’on y trouve davantage de délinquants.

Quand on observe les chiffres sur une durée de vingt ans, on constate que, après chacune des hausses du nombre de places de prison, on a assisté à l’augmentation du nombre de mises sous écrou. Les travaux menés au Canada à ce sujet sont très intéressants.

On dit souvent que les politiques publiques – je m’intéresse beaucoup à leur analyse – ne visent pas tant à résoudre les problèmes qu’à répondre à la manière dont l’opinion les perçoit.

Il me semble que, sur cette question, nous tombons complètement dans ce travers : on crée des places de prison et on affirme que la solution consiste à enfermer les gens, parce qu’il y aurait un sentiment d’insécurité dans l’opinion publique.

Personne ne peut nier qu’il faut améliorer la condition des détenus. Nous le savons tous. Moi-même élue du département de la Gironde, je suis alertée chaque semaine des conditions de détention au centre pénitentiaire de Gradignan. D’ailleurs, vous vous y êtes rendu, monsieur le garde des sceaux : vous connaissez la situation.

Nous savons très bien qu’il y a des problèmes et qu’il faut construire des établissements dignes de ce nom. Mais, s’il vous plaît, n’ayez pas une approche binaire et ne nous expliquez pas qu’il n’y a qu’une seule méthode et une seule réponse : ce résumé n’est pas fidèle aux travaux qui ont été menés.

Il convient d’être un peu plus fin et mesuré : le milieu ouvert et les autres peines alternatives sont tout aussi importants que la construction de nouvelles prisons.

Enfin, n’oublions pas – je réagis à la remarque d’Agnès Canayer – que les peines doivent certes être exécutées, mais qu’il n’y a aucune peine à appliquer aux 40 % de détenus en détention provisoire.

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