Justice ensuite : il faut reconnaître le préjudice moral autant que le préjudice sanitaire ou environnemental infligé aux populations de Polynésie, de même que le préjudice subi par les personnels civils et militaires présents sur les sites.
Pour cela, nous pouvons répondre favorablement à la demande des associations de victimes qui souhaitent obtenir la reconnaissance officielle de la nation. Ce point fait l’objet d’un amendement qui recueille la sympathie du rapporteur : je souhaite évidemment que nous puissions l’adopter à l’unanimité.
De la même façon, je souhaite que nous puissions élargir le champ de ce projet de loi pour engager, comme le demande avec insistance le Médiateur de la République, une démarche de réparation. Or je note que le Gouvernement et la majorité parlementaire ne souhaitent pas dépasser la simple logique de l’indemnisation financière. Pourtant, nous devrions aller au-delà de l’indemnisation a minima qui relève de la responsabilité de l’État employeur.
Je sais que mes regrets concernant l’absence d’extension du dispositif aux ayants droit sont partagés par la plupart des sénateurs. Évidemment, je fais miennes les remarques du rapporteur concernant la détresse, la solitude d’une femme privée de son mari, d’enfants privés de leur père, ou encore d’un couple qui met au monde un enfant malade, atteint de désordres immunitaires graves ou de polymalformations.
Je me dois de raconter à ceux qui nous écoutent ce qui s’est passé en commission. M. le rapporteur a présenté un amendement qui, bien que soutenu par tous les groupes, n’en a pas moins été immédiatement déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. De quoi s’agit-il ? L’article 40 de la Constitution permet de rejeter un amendement au motif qu’il crée une charge nouvelle pour l’État. Qui en juge ? Il n’y a ni débat, ni procédure d’appel ! La commission des finances ne siégeant pas lors de la réunion de notre commission, un fonctionnaire a décidé qu’il fallait effectivement opposer l’article 40 de la Constitution, ce qui a suffi à rendre l’amendement irrecevable. Les membres de la commission ont été alors unanimes pour regretter de ne pas pouvoir adopter cette disposition.
Mais ce projet de loi a précisément pour objet de créer une charge nouvelle pour l’État, puisqu’il reconnaît et indemnise les victimes, toutes les victimes ! Vous nous dites que les ayants droit pourront saisir le tribunal administratif et obtenir ainsi réparation, mais, si l’on prend votre argumentation au sérieux, monsieur le ministre, croyez-vous que l’embouteillage des tribunaux administratifs par des milliers de dossiers ne créera aucune dépense, aucune charge supplémentaire pour le budget de l’État ?
Alors, faisons une étude d’impact, voyons quelle est la procédure la plus efficace : comparons l’indemnisation des ayants droit par la commission d’indemnisation avec le coût de multiples recours devant les tribunaux administratifs pendant des années et retenons le dispositif le plus efficace et le moins coûteux pour les finances publiques !