Monsieur le sénateur Bonnecarrère, vous soulevez à l’évidence un sujet d’une importance et d’une difficulté considérables.
L’exercice du droit syndical des magistrats et la liberté d’expression qui en découle doivent être conciliés avec le devoir de réserve, comme le rappelle un arrêt récent de la CEDH. Ce devoir de réserve, établi à l’article 10 du statut, s’impose à tous les magistrats, y compris aux représentants syndicaux.
Je partage votre avis sur le fait que l’exercice du droit syndical, s’il implique une certaine liberté d’expression, ne saurait porter atteinte à l’image d’impartialité de la justice, afin de maintenir la confiance du public dans le système judiciaire.
De la même manière, les modalités d’exercice de ce droit ne doivent pas compromettre l’exigence d’impartialité des magistrats, garantie tant par la Constitution que par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La frontière entre l’outrance, parfois critiquable, et la liberté d’expression syndicale est un sujet sensible qui mérite, à mon sens, une réflexion approfondie. C’est précisément pour cette raison que j’ai récemment saisi pour avis le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), avec lequel je travaille.
Je souhaite renforcer encore les liens déjà étroits entre le CSM et la Chancellerie. C’est dans cette perspective que j’ai soulevé la question de la liberté d’expression des magistrats sous ses diverses formes.
Il me semble donc prématuré de modifier le statut des magistrats à cet égard avant d’avoir reçu la réponse du CSM. Je ne souhaite en aucune manière enjamber son autorité alors que j’attends de lui un avis que je sais par avance sage et important.
Nous devons en outre veiller à respecter les normes constitutionnelles et européennes. La CEDH, je l’ai dit, a statué sur cette question le 6 juin dernier, en censurant une décision disciplinaire à l’encontre d’une magistrate pour ses déclarations au nom d’un syndicat de magistrats dans la presse. Pour autant, cet arrêt rappelle également le devoir de réserve. Il s’agit donc de réaffirmer la nécessité d’un juste équilibre.
L’ajout que vous proposez pose une question intéressante, mais quelque peu prématurée. En conséquence, je vous suggère de retirer votre amendement, en attendant l’avis du Conseil supérieur de la magistrature ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.