Intervention de Robert Laufoaulu

Réunion du 14 octobre 2009 à 14h30
Victimes des essais nucléaires français — Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Robert LaufoauluRobert Laufoaulu :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’en suis convaincu, nous apportons aujourd’hui notre pierre à l’édification d’une grande loi de la République.

La reconnaissance du préjudice causé par les essais nucléaires et sa réparation sont des décisions qui nous honorent et correspondent tout à fait à l’idée que nous avons de la France. Certains diront que notre pays a tardé à regarder en face les conséquences des essais, mais aujourd’hui, par cet acte solennel que constitue le vote d’une loi, nous réparons de profondes injustices et scellons, je l’espère, une vraie réconciliation nationale pour aller de l’avant.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons que vous remercier d’avoir su mener à bien cette entreprise, malgré les obstacles qu’il vous a fallu surmonter.

L’Assemblée nationale, au cours de ses débats du mois de juin, a apporté au projet gouvernemental des améliorations. Notre rapporteur, après avoir écouté, notamment, les associations de victimes des essais ainsi que les élus polynésiens, ce dont je le remercie, a proposé d’autres avancées. Elles pourront bien sûr paraître insuffisantes à certains, mais elles représentent une véritable prise en compte des souhaits émis par les associations de victimes, que je salue pour leur action persévérante.

Au cours de l’étude du texte issu des travaux de nos collègues députés, notre commission des affaires étrangères a manifesté un réel consensus sur la volonté de trouver une juste réparation des préjudices causés à nos soldats et aux civils contaminés au cours des expériences nucléaires, au Sahara et en Polynésie française.

Le souci de ne pas alourdir le projet de loi par des mesures qui pourraient entraîner des retards dans le processus d’indemnisation a été très présent au cours de nos travaux et a motivé le rejet de certains amendements soumis à la commission, ou de propositions émanant de personnes ou groupes extérieurs à la commission.

Oui, il s'agit d’une loi majeure, car elle manifeste la hauteur des intentions qui ont guidé son élaboration, avec le souci du respect de la dignité des victimes. Oui, c’est une loi majeure car elle révèle la grandeur de notre pays, qui sait tourner une page difficile de son histoire.

C’est une profonde satisfaction de savoir que nos soldats ainsi que les nombreux civils qui pourraient être concernés par cette loi vont pouvoir être indemnisés. Mais je pense qu’ils seront aussi, et en premier lieu, satisfaits de la reconnaissance nationale face au devoir qu’ils ont accompli et à la contribution qu’ils ont apportée à la grandeur de notre pays. Je suis sûr que de très nombreuses victimes souffraient tout autant de leur maladie que du sentiment de rejet et de culpabilité d’avoir participé à des actions qui ont pu être néfastes aux personnes et à l’environnement.

Remercions tous ceux qui, militaires ou civils, ont ainsi participé à cette œuvre difficile qui a contribué à garantir à notre pays une place prépondérante dans le concert des puissances mondiales, et rendons-leur hommage.

Nous avons aussi un devoir particulier de reconnaissance envers l’Algérie et la Polynésie française, qui ont accueilli les expériences nucléaires. Concernant la Polynésie française, après le général de Gaulle et le Président François Mitterrand, le Président Jacques Chirac déclarait en juillet 2003, à Papeete, alors que tous les dirigeants des pays de l’Océanie étaient réunis pour le sommet France-Océanie, que la France ne serait pas aujourd’hui ce qu’elle est sans la Polynésie française.

Ces essais ont été réalisés au détriment des personnes et de l’environnement. L’indemnisation du préjudice sanitaire est en voie de règlement, mais la réparation du préjudice environnemental reste à prévoir.

Outre la menace de résurgence possible d’émanations toxiques ou nuisibles provenant des déchets nucléaires enfouis dans les différents puits d’expérimentation, il faut penser aux dégâts causés non seulement par la décontamination de tout ce qui a pu toucher au nucléaire, mais aussi éventuellement par les grands travaux connexes à la construction du centre d’expérimentation.

L’immense zone économique exclusive de la Polynésie française, qui représente 5 millions de kilomètres carrés, soit près de la moitié de l’ensemble du domaine maritime de la France, est un patrimoine important de notre pays et une fierté pour nous tous. La population de la Polynésie française, surtout celle dont les moyens sont modestes, tire de la mer une part importante de sa nourriture. Au cours d’un bref séjour à Hao et aux îles Gambier en 1988 – à Mangareva, à Taravai, à Aukena ou à Akamaru –, j’ai été attristé de constater que les principaux poissons entrant dans la consommation habituelle des populations étaient empoisonnés.

C’est dans ce cadre que j’ai entendu, pour la première fois, les plaintes de la population de Polynésie française et des protestations contre les essais – par conséquent, contre la France. Je me souviendrai toujours des propos de cette vieille femme, digne dans son port mais violente dans ses propos, accusant la France d’avoir empoisonné les poissons des platiers de son île.

Notre dette est immense à l’égard de ces hommes et de ces femmes qui souffrent dans leur corps et dans leur vie car ils paient cher le prix de la grandeur de la France. La puissance de notre pays s’est construite sur leur sacrifice.

« Il n’y a guère au monde un plus bel excès que celui de la reconnaissance », écrivait La Bruyère. Soyons donc reconnaissants à l’excès envers les victimes, afin que nous puissions, une fois le passé assumé, regarder tous ensemble vers l’avenir !

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