Intervention de Sylvie Robert

Réunion du 15 juin 2023 à 10h30
Établissements de spectacles cinématographiques dans les outre-mer — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Sylvie RobertSylvie Robert :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi de notre collègue Catherine Conconne. Je la remercie d’ailleurs de l’avoir déposée, car, en réalité, nous n’aurions peut-être pas dû l’examiner.

Vous l’avez compris, ce texte a pour objet de préserver des conditions viables pour l’exploitation cinématographique dans les outre-mer. Mais il est surtout la conséquence de l’échec des négociations menées l’automne dernier, sous l’égide du CNC, par des acteurs pourtant habitués à collaborer et à travailler ensemble pour faire vivre le cinéma – je parle, bien sûr, des exploitants et des distributeurs.

Dans leur rapport très complet sur l’industrie cinématographique, présenté le 24 mai dernier, nos collègues de la commission de la culture Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et Jérémy Bacchi ont mis en avant le rôle, « central, mais encore mal connu », des distributeurs. Ces derniers constituent en effet le chaînon entre la production d’un film et son accès aux salles. Ils occupent des fonctions cruciales, qui les mettent en contact avec les exploitants et les producteurs.

La rémunération des distributeurs repose sur une fraction du prix du billet, dans une fourchette fixée par la loi entre 25 % et 50 %. Elle leur permet également de faire remonter les recettes vers les producteurs. En métropole, la fraction qui leur revient varie en fonction des films et de la semaine de sortie, pour s’établir en moyenne autour de 47 % ; une fraction de 53 %, toujours en moyenne, revient donc aux exploitants.

L’outre-mer se singularise, pour des raisons historiques que j’ai développées dans mon rapport, de deux manières.

D’une part, la fiscalité y est moins élevée, avec un taux de TVA à 2, 1 %, contre 5, 5 % en métropole, et une taxe sur les billets, perçue par le CNC, de 5 %, contre 10, 72 % en métropole. Comme le prix du billet est plus élevé en outre-mer, il en résulte une assiette plus avantageuse à se répartir entre distributeurs et exploitants.

D’autre part, là encore pour des raisons historiques, la distribution a longtemps été assumée au niveau local, souvent par les exploitants eux-mêmes, qui supportaient donc les frais de promotion. Dès lors, au lieu d’un taux moyen en métropole de 47 %, celui qui s’applique en outre-mer s’est établi à 35 %, réparti à parité entre le distributeur national et le distributeur local.

En accord avec les exploitants – il faut le souligner –, un terme a cependant été mis à ce système spécifique, et les distributeurs ont souhaité assumer directement les actions de promotion des œuvres dans les départements d’outre-mer.

C’est dans ce cadre que des négociations ont été menées afin de définir les nouvelles relations entre exploitants locaux et distributeurs, avec pour thème principal la répartition des recettes issues de la salle.

C’est ici le moment de rappeler un fait bien connu de notre assemblée, auquel nous avons toujours, comme représentants des élus locaux, accordé la plus grande attention. Je veux parler des conditions spécifiques de développement économique en outre-mer : marchés étroits, contraintes de construction et de sécurité, niveau des salaires, etc. La vie est chère en outre-mer, et l’activité économique encore trop difficile.

Dans le cas des cinémas, cela se traduit par des coûts d’exploitation plus élevés. Plusieurs rapports des inspections générales de l’administration et des finances ont soulevé ce point et bien montré que, en tout état de cause, l’exploitation en outre-mer était plus onéreuse.

Dès lors, les négociations engagées devaient tenir compte de deux paramètres : d’une part, la volonté bien naturelle des distributeurs d’améliorer leurs revenus tirés de l’outre-mer, en contrepartie – il faut le rappeler – d’investissements qu’ils devront dorénavant consacrer directement à ces territoires ; d’autre part, la nécessité littéralement vitale pour les cinémas outre-mer de poursuivre une exploitation économiquement viable.

En dépit – je crois pouvoir l’affirmer – de la volonté de chaque partie de parvenir à un accord, la négociation a échoué. Les distributeurs ont souhaité bénéficier d’un retour plus important, ainsi que de marges de négociation que rend difficile un taux de 35 %. De leur côté, une très large majorité des exploitants ont fait valoir le risque, que je crois avéré, d’une très forte déstabilisation de l’exploitation cinématographique en outre-mer si le taux était aligné sur celui de la métropole.

Cette proposition de loi est donc une réponse à une situation bloquée : il nous est demandé, en tant que législateur, de prendre position. On peut le déplorer, car, dans cette affaire, un accord aurait dû, ou devrait encore – je suis optimiste de nature !

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