Intervention de Dominique Estrosi Sassone

Réunion du 7 juin 2023 à 15h00
Indices locatifs — Rejet en procédure accélérée d'une proposition de loi

Photo de Dominique Estrosi SassoneDominique Estrosi Sassone :

L’an passé, dans la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, une hausse des APL accompagnait la mesure de plafonnement des indices. Tel n’est pas le cas aujourd’hui, car insérer une telle mesure dans une proposition de loi ou par amendement serait contraire à l’article 40 de la Constitution.

Cet état de fait me conduit à formuler ma seconde série de remarques sur le fond du texte.

La mesure de prolongation que l’on nous présente comme indispensable et urgente ne peut dispenser le Gouvernement d’une véritable politique en matière de logement et de pouvoir d’achat. Limiter la hausse des loyers face à une inflation certes élevée n’est qu’une réponse partielle et de court terme à un problème beaucoup plus large.

Par ailleurs, notre pays est confronté à une crise sans précédent de la construction de logements. Et ce ne sont pas les mesurettes annoncées lors du Conseil national de la refondation qui changeront la donne !

Il nous faut relancer l’investissement et l’accession de manière beaucoup plus ambitieuse. Mais comment voulez-vous encourager la location de logements contre la location saisonnière si vous faites passer le message que les indices de références ne seront pas respectés, alors que les loyers saisonniers, eux, ne sont pas régulés ?

De plus, les charges pesant sur les propriétaires ne sont pas allégées. La revalorisation des valeurs locatives sur l’inflation pour le calcul de la taxe foncière n’a pas été plafonnée. L’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) la chiffre à près de 3 milliards d’euros. N’oublions pas non plus que la rénovation énergétique des logements est à la charge des propriétaires.

Le plafonnement n’est pas moins lourd de conséquences pour les bailleurs sociaux. En effet, l’inflation se répercute notamment sur leurs emprunts à long terme, dont le taux varie en fonction du taux du livret A.

À cause d’un encours de dette de l’ordre de 150 milliards d’euros et d’un taux de livret A passé de 0, 5 % à 3 % en un an, les charges d’intérêts des organismes de logement social se trouvent alourdies de 3, 75 milliards d’euros, ce qui affecte très fortement leur capacité à investir. Or cette hausse se répercute également sur l’IRL, donc les loyers, mais également sur les APL et les salaires.

En bloquant ce mécanisme sans compensation, le Gouvernement impose une nouvelle ponction aux bailleurs sociaux, alors que la réduction de loyer de solidarité (RLS) représente déjà 1, 3 milliard d’euros par an. Comment espérer ensuite qu’ils puissent répondre présents aussi bien en matière de rénovation que de construction ?

En prolongeant le plafonnement de la hausse des loyers, le Gouvernement n’apporte en outre qu’une réponse partielle à la baisse du pouvoir d’achat. Comme je l’ai déjà indiqué, ce texte n’offre aucune garantie sur la revalorisation des aides personnelles au logement en faveur des locataires les plus modestes.

Au cours des années passées, la hausse des APL a été déconnectée de l’IRL. L’exemple le plus flagrant est le forfait de charges, dont l’augmentation a été deux fois moins rapide que la dépense réelle au cours des dernières années. D’ailleurs, il ne couvre plus que 40 % des charges effectives. Or, nous le savons tous ici, les charges augmentent plus vite que les loyers !

Enfin, la limitation de la hausse des loyers n’exonère pas le Gouvernement d’une réflexion sur la hausse des salaires. C’est tout particulièrement flagrant dans les commerces qui sont confrontés à une situation difficile : la fréquentation des commerces non alimentaires aurait reculé de 20 %. Selon les chiffres publiés en avril dernier par l’Insee, les achats alimentaires ont diminué de 10 % en un an, et la baisse est beaucoup plus importante sur certaines catégories de produits.

Limiter la hausse des loyers ne permettra pas de redonner vraiment du pouvoir d’achat à certains Français, mais elle en prendra à d’autres : les propriétaires.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que la commission des affaires économiques a décidé de rejeter cette proposition de loi. Nous refusons la méthode et l’absence de prise en compte globale par le Gouvernement de la crise du logement et du pouvoir d’achat.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion