Intervention de Rima Abdul-Malak

Réunion du 12 juin 2023 à 16h00
Réforme de l'audiovisuel public — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Rima Abdul-Malak  :

Pour ma part, je ne serai pas favorable aux dispositions qui créent une société holding, car, si je partage l’ambition que vous portez pour l’audiovisuel public, je ne souscris pas au chemin que vous proposez pour servir cette ambition.

La proposition de loi comporte un second volet relatif à la souveraineté audiovisuelle. C’est une priorité de notre action, et je veux rappeler ici quelques-unes des avancées majeures enregistrées depuis six ans dans ce domaine.

Remportant une victoire historique pour la souveraineté audiovisuelle, nous avons tout d’abord intégré les plateformes étrangères dans notre modèle de financement de la création. Nous avons ainsi étendu, en 2017, la taxe sur la vidéo qui alimente le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) à toutes les plateformes numériques.

Par ailleurs, depuis juillet 2021, les plateformes américaines, comme Netflix, Disney + Amazon Prime Video, doivent financer la création française et européenne à hauteur de 20 % du chiffre d’affaires qu’elles réalisent en France.

Leur investissement devrait représenter, chaque année, un surcroît de financement de l’ordre de 300 millions d’euros, qui viendra s’ajouter à la contribution, encore majoritaire et, bien sûr, déterminante, des chaînes historiques.

Puisque c’est l’un des objectifs de ce texte, je rappelle que nous avons également donné plus de marges de manœuvre aux chaînes traditionnelles : en les autorisant à faire de la publicité segmentée, ainsi que, à titre expérimental, de la publicité pour le cinéma ; en assouplissant l’encadrement de la diffusion de cinéma à la télévision ; en leur donnant les moyens de mieux rentabiliser leurs investissements dans la création.

Vous le savez, monsieur le rapporteur, notre réforme des obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique résulte d’un accord politique récent sur la définition de la production indépendante.

Cet équilibre est issu de la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, dont vous étiez également rapporteur. De nombreux acteurs ont signé des accords en se fondant sur cet équilibre. Nous ne souhaitons pas le remettre en cause.

Nous avons apporté des réponses à de nouveaux défis qui menacent la souveraineté audiovisuelle.

Vous le savez, les grandes plateformes étrangères concluent des contrats avec les constructeurs d’équipements pour être mises en avant, que ce soit sur l’écran d’accueil des téléviseurs connectés ou sur la télécommande. Notre service public et nos acteurs nationaux, qui contribuent au pluralisme et à la diversité culturelle, sont de moins en moins visibles et accessibles dans ces nouveaux environnements.

C’est pourquoi nous avons introduit des obligations de mise en avant des services audiovisuels d’intérêt général dans ces environnements.

La mise en œuvre de ces obligations par l’Arcom, notamment la définition des services d’intérêt général, est en cours, dans la concertation. Vous proposez de figer les choses dans ce texte. Je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure voie.

Comment ne pas évoquer aussi rapidement la modernisation de la régulation et la création de l’Arcom, le renforcement de la lutte contre le piratage des œuvres et programmes audiovisuels, la protection des catalogues cinématographiques et audiovisuels en cas de cession à un acteur étranger, ou encore le droit voisin des éditeurs de presse, combat que la France a porté avec beaucoup de force ?

Enfin, j’ai annoncé récemment, à Cannes, l’identité des lauréats de l’appel à projets « La grande fabrique de l’image », dans le cadre du plan d’investissement France 2030. Cette initiative inédite, dotée de 350 millions d’euros, doit faire de la France un leader des tournages, de la production de films, séries et jeux vidéo, de la postproduction, des effets visuels et de la formation aux métiers du cinéma et de l’audiovisuel. Il s’agit, là encore, de défendre pleinement notre souveraineté audiovisuelle et culturelle.

C’est donc une action d’une ambition sans précédent que nous avons menée et que nous continuons de mener en faveur de notre souveraineté audiovisuelle.

D’autres réformes sont en cours. Ainsi, le Gouvernement a engagé une révision de la liste des événements d’importance majeure, pour garantir l’accès du plus grand nombre de téléspectateurs aux manifestations sportives, en particulier féminines. Je salue, sur ce sujet, l’engagement de David Assouline.

Nous devons aller plus loin, et je partage pleinement avec vous l’objectif de soumettre les plateformes numériques aux mêmes obligations que les services de télévision. Comme vous le savez, cela nécessite une révision de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA), mais plusieurs États membres semblent disposés à l’appuyer. En attendant, le texte adopté en commission apporte une première réponse intéressante, que le Gouvernement soutient.

Je partage aussi certaines propositions en faveur de la modernisation de la télévision numérique terrestre (TNT). La diffusion hertzienne demeure le seul mode de diffusion gratuit, souverain et anonyme, et les chaînes de la TNT portent encore l’essentiel du financement de la création.

C’est pourquoi je soutiens les dispositions adoptées en commission, sur l’initiative de Mme Morin-Desailly, sur l’ultra-haute définition. J’ai moi-même récemment saisi l’Arcom pour permettre à France Télévisions d’offrir à nos concitoyens une diffusion des jeux Olympiques de 2024 en ultra-haute définition.

Je soutiens aussi, en matière de radio, le déploiement du DAB+, cette norme de diffusion souveraine plus économe en ressources.

Le texte qui vous est soumis nous paraît soulever quelques difficultés juridiques, mais le sénateur Julien Bargeton a proposé une rédaction de substitution qui permettrait de les surmonter. Nous aurons l’occasion de reparler de ces articles, ainsi que de ceux que je n’ai pas mentionnés.

Je veux conclure en vous remerciant toutes et tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre mobilisation constante – pour certains d’entre vous, depuis de nombreuses années – sur ces enjeux : vos travaux, votre expertise et votre engagement ont apporté une contribution précieuse et déterminante à l’évolution de l’audiovisuel, et ils continuent de le faire.

Je me réjouis d’en débattre avec vous ce soir.

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