Séance en hémicycle du 12 juin 2023 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • biométrique
  • faciale
  • l’audiovisuel
  • média
  • reconnaissance
  • reconnaissance faciale
  • surveillance
  • technologie

La séance

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La séance est ouverte à seize heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public, présentée par MM. Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 505, texte de la commission n° 664, rapport n° 663).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en octobre 2020, la commission des lois du Sénat a créé, sur l’initiative de son président François-Noël Buffet, une mission d’information sur la reconnaissance faciale et ses risques au regard de la protection des libertés individuelles.

Cette technologie, qui se développe rapidement grâce aux algorithmes d’apprentissage, polarise l’opinion publique entre, d’une part, les tenants d’un moratoire sur toutes les technologies biométriques – y compris la reconnaissance faciale –, lesquelles seraient par nature attentatoires aux libertés, et, d’autre part, ceux qui mettent en exergue leurs importants bénéfices potentiels pour garantir notre sécurité.

Le rapport de cette mission d’information, confié à Arnaud de Belenet, Jérôme Durain et moi-même et adopté à l’unanimité avait un double objectif.

D’abord, celui de combler le vide juridique actuel qui nous rend totalement dépendants du règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la future directive européenne. Nous n’avons pu inscrire dans une loi la spécificité française qui écarte, par principe, tout recours à la technique de la reconnaissance faciale en temps réel dans l’espace public, ce qui nous permet d’éviter tout risque d’une société de surveillance.

Ensuite, et par exception, en raisonnant cas d’usage par cas d’usage, celui de garantir la sécurité des grands événements au cours desquels le risque terroriste est avéré.

De fait, les multiples facettes des technologies biométriques soulèvent de nombreux enjeux éthiques en matière de liberté, de sécurité et de souveraineté.

Parmi ces techniques, la reconnaissance faciale vise à reconnaître une personne sur la base des données de son visage. Les cas d’usage sont potentiellement illimités. Les deux premières entreprises mondiales spécialistes de cette technique sont françaises et leurs algorithmes sont désormais fiables à plus de 99 %.

La reconnaissance faciale peut notamment permettre de contrôler l’accès et le parcours des personnes lors d’épisodes sensibles, comme le passage des frontières – on parle alors d’authentification – ou d’assurer la sécurité et le bon déroulement d’événements suscitant une forte affluence, en repérant dans une foule les personnes présentant un risque – on parle alors d’identification.

Deux facteurs permettent de distinguer les techniques d’identification : leur modalité d’utilisation – en temps réel ou a posteriori, par exemple dans le cadre d’une enquête – et le cadre dans lequel elles sont utilisées – police administrative ou police judiciaire.

En France, les usages pérennes dans les espaces accessibles au public sont extrêmement limités. Il s’agit pour l’essentiel de rapprochement par photographie opéré dans le traitement des antécédents judiciaires et du système Parafe (passage automatisé rapide aux frontières extérieures) permettant, dans les aéroports, une authentification sur la base des données contenues dans le passeport.

Considérées comme des données « sensibles » au sens du RGPD, les données biométriques font l’objet d’une interdiction de traitement, lequel ne peut être mis en œuvre que par exception, dans des cas très particuliers : avec le consentement exprès des personnes, pour protéger leurs intérêts vitaux ou sur la base d’un intérêt public important, comme le prévoit la directive relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil, dite directive Police-Justice.

Mon collègue Arnaud de Belenet et moi-même, nous avons voulu que soit fixé collectivement un cadre permettant d’éviter de tomber dans une société de surveillance. Ont donc été définis des lignes rouges, une méthodologie et un régime de contrôle.

Comme en matière de bioéthique, il s’agit de fixer dans la loi de grands interdits applicables à tous, en particulier aux acteurs publics : interdiction de la notation sociale ; interdiction de la catégorisation d’individus en fonction de l’origine ethnique, du sexe ou de l’orientation sexuelle, sauf dans le cadre de la recherche scientifique ; interdiction de l’analyse d’émotions, sauf à des fins de santé ou de recherche ; et, comme je viens de le dire, interdiction de la surveillance biométrique à distance en temps réel dans l’espace public, sauf exceptions très limitées et encadrées par d’importantes garanties.

Pour cela, nous avions prévu dans le rapport trois principes généraux : le principe de subsidiarité, afin que la reconnaissance biométrique ne soit utilisée que lorsqu’elle est vraiment nécessaire ; le principe d’un contrôle humain systématique, pour que ces technologies de reconnaissance biométrique ne soient qu’une aide à la décision ; le principe de transparence, pour que leur usage ne se fasse pas à l’insu des personnes concernées et pour qu’il soit évalué de manière indépendante.

Pour ces exceptions, nous avons choisi une méthodologie claire sur laquelle je reviendrai : la voie expérimentale.

La proposition de loi que nous vous présentons, traduisant en cela parfaitement l’esprit et la lettre du rapport d’information, prévoit qu’une fois les lignes rouges définies et garanties, certains cas d’usage exceptionnels peuvent légitimement être expérimentés – j’y insiste – dans le cadre d’un régime de contrôle extrêmement renforcé.

D’où la proposition d’une loi d’expérimentation sur le modèle de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi Silt, que connaît bien notre rapporteur pour en avoir été l’un des artisans, afin de déterminer les usages très restreints de la reconnaissance biométrique à la fois pertinents et efficaces. L’expérimentation pourrait être autorisée pour trois ans, ce qui obligerait le Gouvernement et le Parlement à réévaluer le besoin et à recadrer éventuellement le dispositif en fonction des résultats obtenus, voire à le supprimer totalement.

Afin que cette phase d’expérimentation soit utile serait mise en place, outre le contrôle parlementaire, une évaluation publique, conduite par un comité composé de scientifiques et de spécialistes de l’éthique indépendants dont les rapports seraient bien évidemment rendus publics.

Nous souhaitons que les usages soient autorisés a priori. En cas d’utilisation par les forces de sécurité intérieure, l’autorisation relèverait soit d’un magistrat, soit du préfet, selon le cadre – judiciaire ou administratif – dans lequel ces technologies sont employées.

Enfin, le pouvoir de contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) serait réaffirmé afin qu’elle exerce son rôle de gendarme de la reconnaissance biométrique, dans le cadre de consultations pour avis a priori s’agissant des analyses d’impact et de contrôles a posteriori du bon usage des dispositifs et des éventuels détournements de finalité.

La première partie de la présente proposition de loi que nous avons déposée à la fin du mois d’avril dernier vise à prévoir dans la loi des lignes rouges clairement identifiées. Une fois celles-ci définies, nous déterminons limitativement les quatre cas d’usage de l’identification biométrique qui pourraient, par exception, être expérimentés.

En premier lieu, pour permettre de manière subsidiaire, et uniquement pour la recherche d’auteurs ou de victimes potentielles des infractions les plus graves, l’exploitation a posteriori d’images se rapportant à un périmètre spatio-temporel limité, sous le contrôle du magistrat chargé de l’enquête ou de l’instruction.

En deuxième lieu, pour instituer une nouvelle technique de renseignement afin que les services du premier cercle puissent traiter a posteriori les images issues de la voie publique à l’aide de systèmes de reconnaissance, uniquement à des fins de protection de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire, de défense nationale et de prévention du terrorisme.

En troisième lieu, pour créer un cadre juridique permettant, de manière subsidiaire et par exception, le recours ciblé et limité dans le temps à des systèmes de reconnaissance biométrique sur la voie publique en temps réel – c’est ce point qui fait débat – sur la base d’une menace préalablement identifiée, en vue de la sécurisation des grands événements face à un risque terroriste ou d’atteinte grave à la sécurité des personnes.

De nombreuses garanties entourent ce dispositif, qu’il s’agisse de la formation spécifique des agents utilisateurs ou de l’encadrement des modalités de développement et de déploiement du dispositif : nombre limité de caméras dédiées, distinctes de celles des systèmes de vidéoprotection, ce qui permet de circonscrire fortement le périmètre géographique et temporel.

En dernier lieu, pour permettre aux autorités judiciaires de recourir à ces systèmes de reconnaissance en temps réel dans le cadre d’enquêtes judiciaires relatives aux infractions les plus graves.

En ce qui concerne la gouvernance de ces expérimentations, nous avons proposé le système de contrôle que je viens d’évoquer et un encadrement pendant une durée limitée à trois ans à compter de la promulgation de la loi. Un rapport annuel serait adressé au Parlement, comme dans la loi Silt, texte dont j’ai été le rapporteur. Enfin, le rapport final d’évaluation peut aboutir à la pérennisation, à la modification ou à la suppression des expérimentations.

Notre rapporteur Philippe Bas a voulu rendre plus lisible la proposition de loi en répartissant différemment les dispositions du texte, afin de créer un bloc précisant les garanties apportées et les interdits posés.

Il a également souhaité interdire l’identification à distance sans consentement : avec le texte modifié, l’utilisation de la reconnaissance faciale devrait être exclusivement prévue par des dispositions législatives, et non réglementaires. Chaque logiciel d’intelligence artificielle permettant de procéder à une reconnaissance faciale devra être calibré par décret, précédé d’un avis de la Cnil ou de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) et, comme l’a souhaité le rapporteur – il reviendra certainement sur ce point –, passer devant le Conseil d’État.

Succédant à ce socle très important de garanties, un autre bloc définit le régime de contrôle et d’autorisation, le rôle du Parlement, qui doit être central, et les usages possibles de ces technologies. Sur le modèle de la loi Silt, l’expérimentation peut permettre à chacun de mesurer l’utilité d’un tel dispositif dans la lutte contre le terrorisme.

Enfin, un bloc très intéressant, sur lequel reviendra le rapporteur, qui en a pris l’initiative, concerne le renseignement.

Avec Arnaud de Belenet, nous nous réjouissons de tous ces ajouts votés en commission sur l’initiative de notre rapporteur, car ils démontrent avec davantage de lisibilité que la rédaction initiale du texte respectait bien les principes de subsidiarité et de proportionnalité.

Mes chers collègues, pour conclure, je veux dire que mon souvenir le plus douloureux en tant que maire – je l’ai été pendant près de trente ans

Mme Éliane Assassi s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc-Philippe Daubresse

C’est bien dans ce sens que nous avons voté la loi Silt, qui a été respectée et dont tout le monde constate désormais l’utilité. Nous souhaitons aujourd’hui mettre en place de nouveaux outils, avec des garanties extrêmement renforcées, en respectant bien évidemment le rôle historique du Sénat de protecteur des libertés.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la tâche de votre rapporteur a été facilitée par la qualité du travail accompli par les deux auteurs de cette proposition de loi, MM. Daubresse et de Belenet, lesquels se sont directement inspirés du rapport qu’ils avaient présenté avec notre collègue Jérôme Durain à la commission des lois voilà un an, et que celle-ci avait adopté à l’unanimité.

Je souligne ce consensus parce que l’extrême sensibilité de la question traitée ne garantissait pas à l’avance un tel résultat. Si les recommandations de nos collègues se sont ainsi imposées à nous, c’est grâce au discernement, à la prudence, aux interrogations, aux scrupules et même aux doutes qui les ont inspirés.

Avec eux, notre ambition est simple : protéger efficacement la vie privée des Français et garantir leurs libertés, sans pour autant renoncer totalement aux possibilités ouvertes par l’intelligence artificielle dans le traitement de données biométriques pour sauver des vies menacées par le terrorisme ou la grande criminalité.

À l’évidence, la voie était étroite, mais nos collègues ont su l’explorer avec sagesse ; dès lors, votre commission des lois n’avait plus qu’à l’emprunter et à la prolonger pour renforcer encore les garanties imaginées dans leur proposition de loi, en précisant les interdits posés, puis en resserrant le cadre juridique imaginé pour la mise en œuvre d’exceptions fortement restreintes et drastiquement contrôlées.

De quoi s’agit-il ? De l’utilisation d’une technologie permettant de reconnaître une personne photographiée ou filmée dans l’espace public au travers de la mise en équations numériques de son visage et le rapprochement des données ainsi obtenues avec les données déjà détenues sur la même personne. Il est ainsi possible de savoir si une personne se prévaut d’une fausse identité ou si une personne est présente parmi d’autres individus dans un lieu public donné. Et l’on peut procéder soit dans l’instant pour une action de prévention ou de poursuite immédiate, soit a posteriori dans le cadre d’une enquête judiciaire ou d’une opération de renseignement.

Le parti susceptible d’être tiré de cette technologie est immense, comme le sont les risques qu’elle comporte du fait de son caractère extraordinairement intrusif.

Tombée entre les mains de la police d’un régime dictatorial, elle peut devenir l’instrument d’un contrôle social généralisé. Utilisée à titre exceptionnel et de manière restrictive dans un régime démocratique respectueux de l’État de droit, elle peut ponctuellement présenter un intérêt réel pour la protection des citoyens, à condition que les principes et les règles encadrant son utilisation soient à la hauteur des libertés que nous, législateurs, et particulièrement le Sénat de la République, devons absolument faire prévaloir.

J’ai abordé ces questions avec à l’esprit quelques références communément partagées : nous savons bien que la marche de la science conduit depuis toujours à des découvertes ambivalentes, le meilleur côtoyant le pire. De la maîtrise du feu jusqu’à celle de l’atome, nous avons constamment été confrontés à ces interrogations auxquelles nul n’a jamais mieux répondu que Rabelais, avec qui nous disons désormais que : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »

Mes chers collègues, c’est à nous d’apporter la conscience nécessaire à la maîtrise et au contrôle des usages de l’intelligence artificielle, aujourd’hui pour la reconnaissance faciale biométrique.

L’Union européenne travaille sur le même sujet. Un règlement européen est en gestation. Il s’inspire de principes largement communs aux nôtres, ce qui n’est pas surprenant, car la France conserve une place déterminante dans le processus législatif européen. Il pourrait aboutir en 2025. Nous vous proposons de ne pas attendre cette échéance pour agir.

La France, comme elle l’a fait avec Bernard Kouchner et Simone Veil voilà trente ans dans un autre domaine où science et éthique se confrontaient – la bioéthique –, peut et donc doit être précurseur. C’est en effet pour nous une vocation sans cesse renouvelée que d’affirmer des principes fondamentaux en matière de libertés, dont d’autres pourront ensuite s’inspirer. Et cela nous mettra en position de force dans la négociation européenne en cours.

Nous avons bien évidemment tenu compte du travail accompli à Bruxelles et à Strasbourg et des réflexions engagées par la Cnil dès 2019, ainsi que des conclusions de nombreux rapports, le plus récent, très riche, étant celui de nos collègues députés Philippe Gosselin – de la Manche ! – et Philippe Latombe. Nous pensons maintenant être en mesure d’engager un processus législatif fécond, susceptible d’aboutir à l’Assemblée nationale.

Les principes que nous vous proposons d’adopter sont relativement simples.

Il y a d’abord un principe absolu, très clair, qui ne peut donc souffrir aucune exception : il s’agit de l’interdiction de toute exploitation d’images issues de la vidéosurveillance dans le cadre d’un contrôle social à la chinoise, avec classement des individus en fonction de leur comportement dans l’espace public en vue de les avantager ou, au contraire, de les pénaliser.

Il y a ensuite des principes auxquels seul le législateur pourra déroger, dans des conditions strictement limitées et contrôlées : interdiction de la reconnaissance faciale en temps réel à distance sans consentement, par exemple dans le cadre de la vidéosurveillance ; interdiction aussi de l’exploitation a posteriori par reconnaissance faciale d’images déjà détenues par la justice ou la police, sauf exception qui serait alors décidée par la loi et non par décret, comme dans certains cas aujourd’hui.

Ces principes étant établis, le texte prévoit ensuite les possibilités de dérogations, ainsi que les finalités et le régime de celles-ci.

Les dérogations devront être prévues directement par le Parlement. Elles seront expérimentales, d’une durée de trois ans, placées sous le contrôle du Parlement, obéissant aux principes de proportionnalité, de nécessité et de subsidiarité, et devront utiliser des logiciels de traitement configurés sous la responsabilité de l’État et individuellement autorisés, mis en œuvre par des personnels habilités, faisant apparaître le degré de probabilité de l’identification, afin d’éviter des risques d’erreur amenant un préjudice lourd pour les personnes concernées. Le Conseil d’État et la Cnil seront étroitement associés à l’élaboration des textes d’application.

La Cnil, justement, comme l’ont proposé Philippe Gosselin et Philippe Latombe, sera consacrée comme autorité régulatrice des usages de l’intelligence artificielle. Sa composition sera complétée pour associer les autorités de régulation de l’audiovisuel et des télécommunications à ses missions.

Le contrôle d’accès par la reconnaissance faciale pourra être utilisé lors de grands événements, comme nous souhaitons le faire pour les jeux Olympiques, mais de manière limitée à certaines catégories d’intervenants professionnels ou bénévoles, à certains lieux, avec une information préalable des intéressés, sans possibilité d’intégrer les riverains à ces modalités d’accès s’ils n’ont pas donné leur consentement, et seulement en cas de menace particulièrement grave pour la sécurité.

La reconnaissance faciale pourra être aussi utilisée pour le besoin d’enquêtes judiciaires.

D’abord, par la validation législative de la possibilité d’utiliser la reconnaissance biométrique pour identifier des personnes inscrites dans le fichier des antécédents judiciaires.

Ensuite, pour l’exploitation d’images de vidéosurveillance déjà recueillies, et cela en vue de réprimer le terrorisme, les trafics d’armes et les atteintes aux personnes punies de plus de cinq années d’emprisonnement, ainsi que pour la recherche de criminels en fuite ou de personnes disparues.

Par ailleurs, dans des conditions tout à fait exceptionnelles, limitées aux crimes les plus graves, à la disparition de mineurs, à la lutte contre le terrorisme et à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation, la justice pourra recueillir des images grâce à des caméras dédiées et les exploiter en temps réel via la reconnaissance faciale en vue d’assurer le succès de l’enquête, au lieu de devoir utiliser seulement des images préexistantes. Dans ce cas, il faudra l’autorisation d’un magistrat, qui ne pourra être renouvelée au-delà de quarante-huit heures qu’avec l’accord du juge des libertés et de la détention. Seuls des officiers de police judiciaire, qui plus est spécialement habilités, pourront mettre en œuvre le traitement.

Enfin, l’utilisation de la reconnaissance faciale dans des activités de police administrative, c’est-à-dire de police préventive, sous l’autorité du Gouvernement, se fera, sur ma proposition, dans des conditions centralisées et non sur simple décision du préfet. Il reviendra au Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et sous le contrôle du Conseil d’État, de prendre la décision – c’est le système robuste de la loi de 2015, qui a fait ses preuves, relative au renseignement.

Mes chers collègues, les questions que nous avons à traiter aujourd’hui sont en apparence techniques et juridiques, et pourtant elles sont plus encore d’essence politique et éthique. L’approche de la commission des lois conforte, je le crois, les intentions équilibrées des auteurs de ce texte, tout en étendant les garanties qu’ils y avaient déjà inscrites.

Le caractère expérimental de la proposition de loi, comme nous l’avions déjà décidé en matière de terrorisme, présente l’intérêt de suivre l’évolution d’une technologie que l’on dit mature, mais qui n’est pas à l’abri d’erreurs. Il nous permettra aussi d’évaluer les éventuelles difficultés de mise en œuvre, de nous appuyer sur une jurisprudence, et finalement de vérifier que nous avons trouvé le bon équilibre.

Puisque nous avons l’audace de cette première étape, ayons aussi l’humilité d’accepter que notre œuvre ne soit pas pleinement aboutie et de prévoir qu’elle puisse être encore améliorée à la lumière de l’expérience.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la tâche de votre rapporteur a été facilitée par la qualité du travail accompli par les deux auteurs de cette proposition de loi, MM. Daubresse et de Belenet, lesquels se sont directement inspirés du rapport d’information qu’ils avaient présenté avec notre collègue Jérôme Durain à la commission des lois voilà un an, et que celle-ci avait adopté à l’unanimité.

Je souligne ce consensus parce que l’extrême sensibilité de la question traitée ne garantissait pas à l’avance un tel résultat. Si les recommandations de nos collègues se sont ainsi imposées à nous, c’est grâce au discernement, à la prudence, aux interrogations, aux scrupules et même aux doutes qui les ont inspirés.

Avec eux, notre ambition est simple : protéger efficacement la vie privée des Français et garantir leurs libertés, sans pour autant renoncer totalement aux possibilités ouvertes par l’intelligence artificielle dans le traitement de données biométriques pour sauver des vies menacées par le terrorisme ou la grande criminalité.

À l’évidence, la voie était étroite, mais nos collègues ont su l’explorer avec sagesse ; dès lors, votre commission des lois n’avait plus qu’à l’emprunter et à la prolonger pour renforcer encore les garanties imaginées dans leur proposition de loi, en précisant les interdits posés, puis en resserrant le cadre juridique imaginé pour la mise en œuvre d’exceptions fortement restreintes et drastiquement contrôlées.

De quoi s’agit-il ? De l’utilisation d’une technologie permettant de reconnaître une personne photographiée ou filmée dans l’espace public au travers de la mise en équations numériques de son visage et le rapprochement des données ainsi obtenues avec les données déjà détenues sur la même personne. Il est ainsi possible de savoir si une personne se prévaut d’une fausse identité ou si une personne est présente parmi d’autres individus dans un lieu public donné. Et l’on peut procéder soit dans l’instant pour une action de prévention ou de poursuite immédiate, soit a posteriori dans le cadre d’une enquête judiciaire ou d’une opération de renseignement.

Le parti susceptible d’être tiré de cette technologie est immense, comme sont immenses les risques qu’elle comporte du fait de son caractère extraordinairement intrusif.

Tombée entre les mains de la police d’un régime dictatorial, elle peut devenir l’instrument d’un contrôle social généralisé. Utilisée à titre exceptionnel et de manière restrictive dans un régime démocratique respectueux de l’État de droit, elle peut ponctuellement présenter un intérêt réel pour la protection des citoyens, à condition que les principes et les règles encadrant son utilisation soient à la hauteur des libertés que nous, législateurs, en particulier le Sénat de la République, devons absolument faire prévaloir.

J’ai abordé ces questions avec à l’esprit quelques références communément partagées : nous savons bien que la marche de la science conduit depuis toujours à des découvertes ambivalentes, le meilleur côtoyant le pire. De la maîtrise du feu jusqu’à celle de l’atome, nous avons constamment été confrontés à ces interrogations auxquelles nul n’a jamais mieux répondu que Rabelais, avec qui nous disons désormais que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

Mes chers collègues, c’est à nous d’apporter la conscience nécessaire à la maîtrise et au contrôle des usages de l’intelligence artificielle, aujourd’hui pour la reconnaissance faciale biométrique.

L’Union européenne travaille sur le même sujet. Un règlement européen est en gestation. Il s’inspire de principes largement communs aux nôtres, ce qui n’est pas surprenant, car la France conserve une place déterminante dans le processus législatif européen. Il pourrait aboutir en 2025. Nous vous proposons de ne pas attendre cette échéance pour agir.

La France, comme elle l’a fait avec Bernard Kouchner et Simone Veil voilà trente ans dans un autre domaine où science et éthique se confrontaient – la bioéthique –, peut et donc doit être précurseur. C’est en effet pour nous une vocation sans cesse renouvelée que d’affirmer des principes fondamentaux en matière de libertés, dont d’autres pourront ensuite s’inspirer. Et cela nous mettra en position de force dans la négociation européenne en cours.

Nous avons bien évidemment tenu compte du travail accompli à Bruxelles et à Strasbourg et des réflexions engagées par la Cnil dès 2019, ainsi que des conclusions de nombreux rapports, le plus récent, très riche, étant celui de nos collègues députés Philippe Gosselin – de la Manche !

Sourires .

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la reconnaissance biométrique constitue à l’évidence une technologie aussi puissante par les opportunités qu’elle ouvre que sensible par les questions qu’elle soulève.

La sensibilité de ce sujet nous impose donc prudence et mesure dans les évolutions que nous pouvons opérer.

Vous savez combien le Gouvernement est déterminé à faire avancer vite les sujets qui l’exigent, comme la transformation écologique ou la formation des jeunes, en passant par la souveraineté énergétique. Mais il est des sujets dont la complexité justifie peut-être que nous différions quelque peu les décisions définitives, même lorsque l’on pense disposer de propositions judicieuses. La reconnaissance biométrique en fait partie.

Je rappelle que vous venez de voter le cadre juridique de l’expérimentation du recours à l’intelligence artificielle (IA) pour concourir à la sécurisation des jeux Olympiques en 2024. Dans ce cadre, le Gouvernement et le Sénat ont fait preuve de prudence et de mesure.

Le Gouvernement, d’abord, qui a proposé un texte extrêmement encadré, avec des garanties nombreuses, une durée très limitée, des finalités de recours à l’IA réduites et l’exclusion de la reconnaissance faciale.

Votre assemblée, ensuite, qui, après avoir envisagé l’élargissement du périmètre de cette expérimentation à la reconnaissance faciale, a finalement jugé plus opportun, sur proposition du sénateur Daubresse, de renvoyer ce sujet à une discussion de fond.

Certes, un important travail transpartisan avait été mené sous la férule des sénateurs Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durain, dont je salue l’implication et la hauteur de vue. Mais le Gouvernement est d’avis que l’équation n’a pas fondamentalement changé par rapport à l’examen de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, voilà quelques mois, et que les objections qui y ont été formulées demeurent.

En effet, il nous semble important de nous interroger sur la temporalité de cette proposition de loi d’un point de vue politique, juridique et opérationnel.

D’un point de vue politique, d’abord. Légiférer maintenant sur la reconnaissance biométrique, précisément alors que va s’engager la négociation entre le Conseil et le Parlement européen sur le projet de règlement sur l’intelligence artificielle (RIA), dont le périmètre est encore assez mouvant, risquerait d’affaiblir notre position de négociation. En effet, il pourrait exister un décalage inévitable entre nos positions à Bruxelles et le texte voté à Paris.

Du point de vue de la cohérence et de la lisibilité de notre droit, ensuite. Cette concomitance de calendriers nous obligera en tout état de cause à revenir sur une législation nationale à peine votée, le règlement devant être adopté au niveau européen d’ici à la fin de l’année et traduit en droit interne en 2025 au plus tard. Cette configuration est loin d’être optimale en termes de prévisibilité de la norme, a fortiori pour une expérimentation dont la durée est fixée à trois ans, vous en conviendrez.

Je sais combien votre assemblée a été sensible à la nécessité d’offrir à nos acteurs industriels un cadre juridique stabilisé et clair, permettant à la France de disposer de solutions souveraines. Légiférer maintenant reviendrait cependant rater la cible, car les entreprises se montreront réticentes à investir dans une exigeante démarche de compliance si elles craignent que le cadre puisse encore beaucoup évoluer un ou deux ans après.

D’un point de vue opérationnel, enfin, le tempo de la proposition ne nous paraît pas le plus opportun. Toutes nos forces sont mobilisées vers la sécurisation des jeux Olympiques. Depuis que vous avez donné mandat au Gouvernement pour expérimenter l’IA, le ministère de l’intérieur travaille jour et nuit, d’ailleurs en très bonne intelligence avec la Cnil, afin d’être au rendez-vous de cette expérimentation.

Celle-ci est complexe et soulève des questions opérationnelles importantes avec des défis de coordination entre tous les acteurs de la sécurité des futurs grands événements – État, communes, RATP, SNCF. Il ne paraît ni opportun ni possible de distraire les forces de sécurité de ce chantier majeur pour s’investir dans la reconnaissance faciale, dont je rappelle que le Gouvernement n’avait, de son propre chef, pas proposé l’utilisation à l’occasion des jeux Olympiques.

L’expérimentation proposée dans ce texte serait nécessairement décevante : sur les trois années dont il disposerait, le Gouvernement n’aurait en réalité ni le temps ni les ressources pour s’y engager pleinement. D’autant qu’il aurait un peu le même raisonnement que les entreprises nationales dans ce domaine : entre un RIA en fin de négociation, appelé à devenir rapidement la référence européenne, et un cadre français dont l’extinction est prévue à court terme, les deux ne disant pas exactement la même chose, le bon sens commandera de faire plutôt application des règles européennes.

En outre, en cette matière, le recours à la biométrie à des fins de police administrative et judiciaire ne peut se prendre de manière isolée en ce qu’il s’inscrit dans une stratégie plus large de politique de sécurité. La biométrie ne constitue qu’une brique devant s’intégrer dans une doctrine opérationnelle et dans un cadre juridique d’action des forces de sécurité intérieure.

Je crois que les auditions que vous avez menées, dans le cadre tant de votre rapport de l’an dernier que de l’examen de ce texte par votre commission sous la conduite du rapporteur, vous l’ont très probablement confirmé : il est difficile, voire impossible, de se prononcer dans l’absolu sur le recours à la biométrie sans avoir une vision claire de toute la chaîne stratégique et de l’ensemble du cadre technique.

Ainsi, s’il est en théorie intéressant d’appliquer la reconnaissance faciale via des caméras pour vérifier si un individu dangereux se trouve dans un lieu où il n’est pas censé être, cela soulève en pratique des questions extrêmement lourdes. Les réponses à y apporter doivent conditionner la conception de la norme et non l’inverse : qui décide de la liste des gens dangereux ? Quelles caméras dans un contexte où les communes et les acteurs privés disposent de 98 % du parc dans notre pays ? Quels services peuvent mettre en œuvre cette technologie ?

Un cadre juridique qui serait trop en décalage avec la « vraie vie » des services de sécurité et d’enquête risque de rater sa cible, car les possibilités qu’il offrira ne répondront pas aux besoins de terrain. À cet égard, si je salue le travail du rapporteur, il me semble que l’État est le mieux à même de déterminer les éléments de doctrine opérationnelle, ce qui permettrait en outre de bénéficier du regard du Conseil d’État et de la Cnil.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Les principes que nous vous proposons d’adopter sont relativement simples.

Il y a d’abord un principe absolu, très clair, qui ne peut donc souffrir aucune exception : il s’agit de l’interdiction de toute exploitation d’images issues de la vidéosurveillance dans le cadre d’un contrôle social à la chinoise, avec classement des individus en fonction de leur comportement dans l’espace public en vue de les avantager ou, au contraire, de les pénaliser.

Il y a ensuite des principes auxquels seul le législateur pourra déroger, dans des conditions strictement limitées et contrôlées : interdiction de la reconnaissance faciale en temps réel à distance sans consentement, par exemple dans le cadre de la vidéosurveillance ; interdiction aussi de l’exploitation a posteriori par reconnaissance faciale d’images déjà détenues par la justice ou la police, sauf exception qui serait alors décidée par la loi et non par décret, comme dans certains cas aujourd’hui.

Ces principes étant établis, le texte prévoit ensuite les possibilités de dérogations, ainsi que les finalités et le régime de celles-ci.

Les dérogations devront être prévues directement par le Parlement. Elles seront expérimentales, d’une durée de trois ans, placées sous le contrôle du Parlement, obéissant aux principes de proportionnalité, de nécessité et de subsidiarité, et devront utiliser des logiciels de traitement configurés sous la responsabilité de l’État et individuellement autorisés, mis en œuvre par des personnels habilités, faisant apparaître le degré de probabilité de l’identification, afin d’éviter des risques d’erreur amenant un préjudice lourd pour les personnes concernées. Le Conseil d’État et la Cnil seront étroitement associés à l’élaboration des textes d’application.

La Cnil, justement, comme l’ont proposé Philippe Gosselin et Philippe Latombe, sera consacrée comme autorité régulatrice des usages de l’intelligence artificielle. Sa composition sera complétée pour associer les autorités de régulation de l’audiovisuel et des télécommunications à ses missions.

Le contrôle d’accès par la reconnaissance faciale pourra être utilisé lors de grands événements, comme nous souhaitons le faire pour les jeux Olympiques et Paralympiques, mais de manière limitée à certaines catégories d’intervenants professionnels ou bénévoles, à certains lieux, avec une information préalable des intéressés, sans possibilité d’intégrer les riverains à ces modalités d’accès s’ils n’ont pas donné leur consentement, et seulement en cas de menace particulièrement grave pour la sécurité.

La reconnaissance faciale pourra être aussi utilisée pour le besoin d’enquêtes judiciaires.

D’abord, par la validation législative de la possibilité d’utiliser la reconnaissance biométrique pour identifier des personnes inscrites dans le fichier des antécédents judiciaires.

Ensuite, pour l’exploitation d’images de vidéosurveillance déjà recueillies, et cela en vue de réprimer le terrorisme, les trafics d’armes et les atteintes aux personnes punies de plus de cinq années d’emprisonnement, ainsi que pour la recherche de criminels en fuite ou de personnes disparues.

Par ailleurs, dans des conditions tout à fait exceptionnelles, limitées aux crimes les plus graves, à la disparition de mineurs, à la lutte contre le terrorisme et à la défense des intérêts fondamentaux de la Nation, la justice pourra recueillir des images grâce à des caméras dédiées et les exploiter en temps réel via la reconnaissance faciale en vue d’assurer le succès de l’enquête, au lieu de devoir utiliser seulement des images préexistantes. Dans ce cas, il faudra l’autorisation d’un magistrat, qui ne pourra être renouvelée au-delà de quarante-huit heures qu’avec l’accord du juge des libertés et de la détention. Seuls des officiers de police judiciaire, qui plus est spécialement habilités, pourront mettre en œuvre le traitement.

Enfin, l’utilisation de la reconnaissance faciale dans des activités de police administrative, c’est-à-dire de police préventive, sous l’autorité du Gouvernement, se fera, sur ma proposition, dans des conditions centralisées et non sur simple décision du préfet. Il reviendra au Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et sous le contrôle du Conseil d’État, de prendre la décision – c’est le système robuste de la loi de 2015 relative au renseignement, qui a fait ses preuves.

Mes chers collègues, les questions que nous avons à traiter aujourd’hui sont en apparence techniques et juridiques ; pourtant elles sont plus encore d’essence politique et éthique. L’approche de la commission des lois conforte, je le crois, les intentions équilibrées des auteurs de ce texte, tout en étendant les garanties qu’ils y avaient déjà inscrites.

Le caractère expérimental de la proposition de loi, comme nous l’avions déjà décidé en matière de terrorisme, présente l’intérêt de suivre l’évolution d’une technologie que l’on dit mature, mais qui n’est pas à l’abri d’erreurs. Il nous permettra aussi d’évaluer les éventuelles difficultés de mise en œuvre, de nous appuyer sur une jurisprudence et, finalement, de vérifier que nous avons trouvé le bon équilibre.

Puisque nous avons l’audace de cette première étape, ayons aussi l’humilité d’accepter que notre œuvre ne soit pas pleinement aboutie et de prévoir qu’elle puisse être encore améliorée à la lumière de l’expérience.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

De façon générale, les auteurs de la proposition de loi partent du présupposé que les usages de la biométrie dans l’espace public soulèvent tous les mêmes questions, alors que les problématiques opérationnelles et les besoins de légiférer ne nous semblent pas correspondre.

Ainsi, nous regrettons que les auteurs ne distinguent pas plus nettement l’usage a priori le plus complexe, à savoir la reconnaissance faciale en temps réel à des fins de police administrative, d’autres usages beaucoup moins attentatoires comme la recherche d’un individu dans le cadre d’une enquête.

Ce faisant, votre commission a voulu que relève de la loi tout traitement recourant à la biométrie, ce qui rigidifiera considérablement le droit des traitements de données. Cette idée est à rebours des exigences européennes dans ce domaine, qui nous font de plus en plus obligation de recueillir et d’inscrire de la donnée biométrique pour assurer l’interopérabilité et la fiabilisation des fichiers.

De plus, cette approche est frontalement contraire à la recommandation n° 18 de votre rapport, qui visait à « mettre en place, par la prise de décrets en Conseil d’État, la possibilité pour les forces de sécurité nationale d’interroger à l’occasion d’une enquête judiciaire ou dans un cadre de renseignement certains fichiers de police par le biais d’éléments biométriques. »

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, si le Gouvernement salue la volonté de votre assemblée de traiter ces sujets – je salue particulièrement le sénateur Daubresse, dont nous connaissons l’engagement sur les sujets régaliens et de sécurité et son souci de garantir au ministère de l’intérieur les moyens de son action – et souscrit à l’utilité de les traiter, nous ne sommes pas pleinement convaincus de l’opportunité de légiférer maintenant.

Il paraîtrait plus pertinent au ministre de l’intérieur et à moi-même de renvoyer à un projet de loi en capitalisant bien évidemment sur vos travaux. Néanmoins, malgré toutes ces réserves, et pour souligner la qualité de votre œuvre, le Gouvernement émettra un avis de sagesse sur votre texte.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la reconnaissance biométrique constitue à l’évidence une technologie aussi puissante par les opportunités qu’elle ouvre que sensible par les questions qu’elle soulève.

La sensibilité de ce sujet nous impose donc prudence et mesure dans les évolutions que nous pouvons opérer.

Vous savez combien le Gouvernement est déterminé à faire avancer vite les sujets qui l’exigent, comme la transformation écologique ou la formation des jeunes, en passant par la souveraineté énergétique. Mais il est des sujets dont la complexité justifie peut-être que nous différions quelque peu les décisions définitives, même lorsque l’on pense disposer de propositions judicieuses. La reconnaissance biométrique en fait partie.

Je rappelle que vous venez de voter le cadre juridique de l’expérimentation du recours à l’intelligence artificielle (IA) pour concourir à la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. Dans ce cadre, le Gouvernement et le Sénat ont fait preuve de prudence et de mesure.

Le Gouvernement, d’abord, qui a proposé un texte extrêmement encadré, avec des garanties nombreuses, une durée très limitée, des finalités de recours à l’IA réduites et l’exclusion de la reconnaissance faciale.

Votre assemblée, ensuite, qui, après avoir envisagé l’élargissement du périmètre de cette expérimentation à la reconnaissance faciale, a finalement jugé plus opportun, sur proposition du sénateur Daubresse, de renvoyer ce sujet à une discussion de fond.

Certes, un important travail transpartisan avait été mené sous la férule des sénateurs Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durain, dont je salue l’implication et la hauteur de vue. Mais le Gouvernement est d’avis que l’équation n’a pas fondamentalement changé par rapport à l’examen de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, voilà quelques mois, et que les objections qui y ont été formulées demeurent.

En effet, il nous semble important de nous interroger sur la temporalité de cette proposition de loi d’un point de vue politique, juridique et opérationnel.

D’un point de vue politique, d’abord. Légiférer maintenant sur la reconnaissance biométrique, précisément alors que va s’engager la négociation entre le Conseil et le Parlement européen sur le projet de règlement sur l’intelligence artificielle (RIA), dont le périmètre est encore assez mouvant, risquerait d’affaiblir notre position de négociation. En effet, il pourrait exister un décalage inévitable entre nos positions à Bruxelles et le texte voté à Paris.

Du point de vue de la cohérence et de la lisibilité de notre droit, ensuite. Cette concomitance de calendriers nous obligera en tout état de cause à revenir sur une législation nationale à peine votée, le règlement devant être adopté à l’échelon européen d’ici à la fin de l’année et traduit en droit interne en 2025 au plus tard. Cette configuration est loin d’être optimale en termes de prévisibilité de la norme, a fortiori pour une expérimentation dont la durée est fixée à trois ans, vous en conviendrez.

Je sais combien votre assemblée a été sensible à la nécessité d’offrir à nos acteurs industriels un cadre juridique stabilisé et clair, permettant à la France de disposer de solutions souveraines. Légiférer maintenant reviendrait cependant à rater la cible, car les entreprises se montreront réticentes à investir dans une exigeante démarche de compliance si elles craignent que le cadre puisse encore beaucoup évoluer un ou deux ans après.

D’un point de vue opérationnel, enfin. Le tempo de la proposition ne nous paraît en effet pas le plus opportun. Toutes nos forces sont mobilisées vers la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques. Depuis que vous avez donné mandat au Gouvernement pour expérimenter l’IA, le ministère de l’intérieur travaille jour et nuit, d’ailleurs en très bonne intelligence avec la Cnil, afin d’être au rendez-vous de cette expérimentation.

Celle-ci est complexe et soulève des questions opérationnelles importantes avec des défis de coordination entre tous les acteurs de la sécurité des futurs grands événements – État, communes, RATP, SNCF. Il ne paraît ni opportun ni possible de distraire les forces de sécurité de ce chantier majeur pour s’investir dans la reconnaissance faciale, dont je rappelle que le Gouvernement n’avait, de son propre chef, pas proposé l’utilisation à l’occasion des jeux Olympiques et Paralympiques.

L’expérimentation proposée dans ce texte serait nécessairement décevante : sur les trois années dont il disposerait, le Gouvernement n’aurait en réalité ni le temps ni les ressources pour s’y engager pleinement. D’autant qu’il aurait un peu le même raisonnement que les entreprises nationales dans ce domaine : entre un RIA en fin de négociation, appelé à devenir rapidement la référence européenne, et un cadre français dont l’extinction est prévue à court terme, les deux ne disant pas exactement la même chose, le bon sens commandera de faire plutôt application des règles européennes.

En outre, en cette matière, le recours à la biométrie à des fins de police administrative et judiciaire ne peut se prendre de manière isolée en ce qu’il s’inscrit dans une stratégie plus large de politique de sécurité. La biométrie ne constitue qu’une brique devant s’intégrer dans une doctrine opérationnelle et dans un cadre juridique d’action des forces de sécurité intérieure.

Je crois que les auditions que vous avez menées, dans le cadre tant de votre rapport d’information de l’an dernier que de l’examen de ce texte par votre commission sous la conduite du rapporteur, vous l’ont très probablement confirmé : il est difficile, voire impossible, de se prononcer dans l’absolu sur le recours à la biométrie sans avoir une vision claire de toute la chaîne stratégique et de l’ensemble du cadre technique.

Ainsi, s’il est en théorie intéressant d’appliquer la reconnaissance faciale via des caméras pour vérifier si un individu dangereux se trouve dans un lieu où il n’est pas censé être, cela soulève en pratique des questions extrêmement lourdes. Les réponses à y apporter doivent conditionner la conception de la norme et non l’inverse : qui décide de la liste des gens dangereux ? Quelles caméras dans un contexte où les communes et les acteurs privés disposent de 98 % du parc dans notre pays ? Quels services peuvent mettre en œuvre cette technologie ?

Un cadre juridique qui serait trop en décalage avec la « vraie vie » des services de sécurité et d’enquête risque de rater sa cible, car les possibilités qu’il offrira ne répondront pas aux besoins de terrain. À cet égard, si je salue le travail du rapporteur, il me semble que l’État est le mieux à même de déterminer les éléments de doctrine opérationnelle, ce qui permettrait en outre de bénéficier du regard du Conseil d’État et de la Cnil.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

De façon générale, les auteurs de la proposition de loi partent du présupposé que les usages de la biométrie dans l’espace public soulèvent tous les mêmes questions, alors que les problématiques opérationnelles et les besoins de légiférer ne nous semblent pas correspondre.

Ainsi, nous regrettons que les auteurs ne distinguent pas plus nettement l’usage a priori le plus complexe, à savoir la reconnaissance faciale en temps réel à des fins de police administrative, d’autres usages beaucoup moins attentatoires comme la recherche d’un individu dans le cadre d’une enquête.

Ce faisant, votre commission a voulu que relève de la loi tout traitement recourant à la biométrie, ce qui rigidifiera considérablement le droit des traitements de données. Cette idée est à rebours des exigences européennes dans ce domaine, qui nous font de plus en plus obligation de recueillir et d’inscrire de la donnée biométrique pour assurer l’interopérabilité et la fiabilisation des fichiers.

De plus, cette approche est frontalement contraire à la recommandation n° 18 de votre rapport d’information, qui visait à « mettre en place, par la prise de décrets en Conseil d’État, la possibilité pour les forces de sécurité nationale d’interroger à l’occasion d’une enquête judiciaire ou dans un cadre de renseignement certains fichiers de police par le biais d’éléments biométriques ».

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, si le Gouvernement salue la volonté de votre assemblée de traiter ces sujets – je salue particulièrement le sénateur Daubresse, dont nous connaissons l’engagement sur les sujets régaliens et de sécurité et son souci de garantir au ministère de l’intérieur les moyens de son action – et partage l’utilité de les traiter, nous ne sommes pas pleinement convaincus de l’opportunité de légiférer maintenant.

Il paraîtrait plus pertinent au ministre de l’intérieur et à moi-même de renvoyer à un projet de loi en capitalisant bien évidemment sur vos travaux. Néanmoins, malgré toutes ces réserves et pour souligner la qualité de votre œuvre, le Gouvernement émettra un avis de sagesse sur votre texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

M. Arnaud de Belenet . Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « Houla » !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

M. Arnaud de Belenet . Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « Houla » !

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

C’est souvent la réaction que suscite l’évocation de la reconnaissance biométrique et d’un débat sur le sujet.

Est-ce en raison de cette crainte d’entraîner des réactions irrationnelles et des jeux de posture que cet enjeu n’a pas été intégré à la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions ? Cela me fait souvent penser au personnage d’Élisa, dans une pièce de Léonore Confino, qui appelle à brûler la langue de bois et à avoir le courage d’affronter les débats irrationnels. C’est ce que nous faisons collectivement.

Je vous remercie, madame la ministre, d’envisager de faire évoluer ce texte en un projet de loi. Je vous ferai observer qu’il arrive aussi que certaines initiatives gouvernementales prennent la forme de propositions de loi.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

J’espère que c’est ce que nous sommes en train de commencer à faire.

Le développement rapide des technologies de reconnaissance biométrique nécessite à présent leur appropriation par les pouvoirs publics pour ne pas les laisser à la main des seuls opérateurs privés. Ces mêmes technologies impliquent un débat public, que beaucoup demandaient : il s’agit non pas de subir, mais de choisir collectivement la société dans laquelle nous voulons vivre.

Je remercie le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, d’avoir pris d’initiative de nous confier cette mission ; je remercie également Marc-Philippe Daubresse et Jérôme Durain pour le travail que nous avons mené ensemble dans un souci constant d’équilibre.

C’est cette même préoccupation d’équilibre qui a conduit un très grand nombre de nos collègues des groupes Les Républicains et Union Centriste à cosigner ce texte. Je peux vous assurer que mon groupe soutient cette proposition de loi.

Je salue aussi la position très rationnelle, pondérée et unanime de la commission des lois lors de la remise de notre rapport.

Je remercie enfin notre rapporteur pour son expertise, son exigence et son travail. Je lui exprime, comme à l’accoutumée, une reconnaissance qui n’est pas seulement faciale…

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

C’est souvent la réaction que suscite l’évocation de la reconnaissance biométrique et d’un débat sur le sujet.

Est-ce en raison de cette crainte d’entraîner des réactions irrationnelles et des jeux de posture que cet enjeu n’a pas été intégré à la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions ? Cela me fait souvent penser au personnage d’Élisa, dans une pièce de Léonore Confino, qui appelle à brûler la langue de bois et à avoir le courage d’affronter les débats irrationnels. C’est ce que nous faisons collectivement.

Je vous remercie, madame la ministre, d’envisager de faire évoluer ce texte en un projet de loi. Je vous ferai observer qu’il arrive aussi que certaines initiatives gouvernementales prennent la forme de propositions de loi.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

La présente proposition de loi tend à transcrire les conclusions des travaux de la mission d’information précitée et vise à ce titre deux objectifs principaux : d’une part, répondre aux besoins de régulation de ce système de surveillance ; de l’autre, permettre aux pouvoirs publics d’utiliser à titre exceptionnel ces technologies, de les comprendre, de les maîtriser, d’en tester l’utilité. Le principe est l’interdiction, l’expérimentation l’exception.

Remanié par la commission des lois, l’article 1er tend à poser clairement l’interdit du traitement des données biométriques aux fins d’identifier une personne à distance dans l’espace public et dans les espaces accessibles au public, sauf évidemment à y consentir.

Fixer cet interdit de manière durable en le crantant dans la loi n’est pas seulement nécessaire, c’est un marqueur civilisationnel. Il n’est pas de bon ou de mauvais moment pour faire ce choix politique, un choix de société comme nous en faisons assez rarement. Habituellement, nous excellons dans la technique juridique ; là, nous prenons une décision politique très claire : nous refusons une société de surveillance – mieux, selon les mots choisis par Philippe Bas, nous lui faisons obstacle – et garantissons les libertés publiques.

L’interdit corollaire de la catégorisation et de la notation à partir de données biométriques est également inscrit dans la proposition de loi.

Les expérimentations, quant à elles, sont très encadrées : limitées à trois ans, elles sont régulièrement évaluées et dans le cadre d’un rapport public et par le Parlement. Elles sont soumises à un régime de contrôle : les usages de la reconnaissance biométrique dans l’espace public répondent à une procédure d’autorisation spécifique, de la part des magistrats pour les usages judiciaires et de celle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement pour les usages administratifs.

Pour ce qui concerne les usages judiciaires, la commission a estimé que le recours à la reconnaissance biométrique ne devait être expérimenté que dans le cadre des enquêtes et des instructions portant sur des infractions d’une exceptionnelle gravité. En conséquence, elle a très fortement resserré le périmètre de l’expérimentation.

La reconnaissance biométrique a posteriori ne pourrait être utilisée que dans le cadre des enquêtes portant sur des faits de terrorisme, de trafic d’armes, d’atteintes aux personnes punies d’au moins cinq ans de prison ou de procédures de recherche de personnes disparues ou en fuite.

La reconnaissance biométrique en temps réel, comme l’a considéré la commission, ne concernerait que les cas extrêmes : enquêtes portant sur des faits de terrorisme ou d’atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, sur des infractions relatives à la criminalité organisée ou sur des disparitions de personnes mineures.

De plus, la commission a entendu renforcer au maximum le régime de contrôle de cette expérimentation ainsi que les garanties associées. Elle a ainsi soumis l’usage a posteriori à une autorisation expresse de l’autorité judiciaire qui devra préciser l’origine et la nature des données exploitées. Elle a également confié au seul juge des libertés et de la détention le soin de procéder au renouvellement de l’autorisation de recourir aux traitements biométriques en question.

Pour ce qui est des usages administratifs, la commission a restreint le champ de l’expérimentation en prévoyant que le système d’authentification biométrique obligatoire ne pourrait concerner les habitants des zones concernées.

Elle a aussi précisé que seul l’État pourrait mettre en œuvre les traitements de données biométriques utilisés dans le cadre de cette expérimentation. C’est important à souligner, car il s’agit bien de notre souveraineté : il ne faudrait pas que toute une série de technologies, faute de législation dédiée, partent à l’étranger. Il faut plus précisément que l’État maîtrise lesdites technologies pour pouvoir exercer son contrôle légitime et protéger nos libertés publiques.

Avec Marc-Philippe Daubresse et ceux qui nous ont accompagnés, nous nous sommes efforcés d’être particulièrement restrictifs et exigeants sur les conditions de l’expérimentation.

La commission, grâce aux initiatives de notre rapporteur, a réussi à aller plus loin. J’y vois là un gage considérable donné à ceux qui pourraient s’inquiéter pour nos libertés. J’y vois aussi une bonne façon d’entamer ce nécessaire débat et le parcours de ce texte, tout aussi nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

J’espère que c’est ce que nous sommes en train de commencer à faire.

Le développement rapide des technologies de reconnaissance biométrique nécessite à présent leur appropriation par les pouvoirs publics pour ne pas les laisser à la main des seuls opérateurs privés. Ces mêmes technologies impliquent un débat public, que beaucoup demandaient : il s’agit non pas de subir, mais de choisir collectivement la société dans laquelle nous voulons vivre.

Je remercie le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, d’avoir pris d’initiative de nous confier cette mission d’information ; je remercie également Marc-Philippe Daubresse et Jérôme Durain du travail que nous avons mené ensemble dans un souci constant d’équilibre.

C’est cette même préoccupation d’équilibre qui a conduit un très grand nombre de nos collègues des groupes Les Républicains et Union Centriste à cosigner ce texte. Je peux vous assurer que mon groupe soutient cette proposition de loi.

Je salue aussi la position très rationnelle, pondérée et unanime de la commission des lois lors de la remise de notre rapport d’information.

Je remercie enfin notre rapporteur de son expertise, son exigence et son travail. Je lui exprime, comme à l’accoutumée, une reconnaissance qui n’est pas seulement faciale…

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

La présente proposition de loi tend à transcrire les conclusions des travaux de la mission d’information précitée et vise à ce titre deux objectifs principaux : d’une part, répondre aux besoins de régulation de ce système de surveillance, d’autre part, permettre aux pouvoirs publics d’utiliser à titre exceptionnel ces technologies, de les comprendre, de les maîtriser, d’en tester l’utilité. Le principe est l’interdiction, l’expérimentation l’exception.

Remanié par la commission des lois, l’article 1er tend à poser clairement l’interdit du traitement des données biométriques aux fins d’identifier une personne à distance dans l’espace public et dans les espaces accessibles au public, sauf évidemment à y consentir.

Fixer cet interdit de manière durable en le crantant dans la loi n’est pas seulement nécessaire, c’est un marqueur civilisationnel. Il n’est pas de bon ou de mauvais moment pour faire ce choix politique, un choix de société comme nous en faisons assez rarement. Habituellement, nous excellons dans la technique juridique ; là, nous prenons une décision politique très claire : nous refusons une société de surveillance – mieux, selon les mots choisis par Philippe Bas, nous lui faisons obstacle – et garantissons les libertés publiques.

L’interdit corollaire de la catégorisation et de la notation à partir de données biométriques est également inscrit dans la proposition de loi.

Les expérimentations, quant à elles, sont très encadrées : limitées à trois ans, elles sont régulièrement évaluées et dans le cadre d’un rapport public et par le Parlement. Elles sont soumises à un régime de contrôle : les usages de la reconnaissance biométrique dans l’espace public répondent à une procédure d’autorisation spécifique, de la part des magistrats pour les usages judiciaires et de celle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement pour les usages administratifs.

Pour ce qui concerne les usages judiciaires, la commission a estimé que le recours à la reconnaissance biométrique ne devait être expérimenté que dans le cadre des enquêtes et des instructions portant sur des infractions d’une exceptionnelle gravité. En conséquence, elle a très fortement resserré le périmètre de l’expérimentation.

La reconnaissance biométrique a posteriori ne pourrait être utilisée que dans le cadre des enquêtes portant sur des faits de terrorisme, de trafic d’armes, d’atteintes aux personnes punies d’au moins cinq ans de prison ou de procédures de recherche de personnes disparues ou en fuite.

La reconnaissance biométrique en temps réel, comme l’a considéré la commission, ne concernerait que les cas extrêmes : enquêtes portant sur des faits de terrorisme ou d’atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, sur des infractions relatives à la criminalité organisée ou sur des disparitions de personnes mineures.

De plus, la commission a entendu renforcer au maximum le régime de contrôle de cette expérimentation ainsi que les garanties associées. Elle a ainsi soumis l’usage a posteriori à une autorisation expresse de l’autorité judiciaire qui devra préciser l’origine et la nature des données exploitées. Elle a également confié au seul juge des libertés et de la détention le soin de procéder au renouvellement de l’autorisation de recourir aux traitements biométriques en question.

Pour ce qui est des usages administratifs, la commission a restreint le champ de l’expérimentation en prévoyant que le système d’authentification biométrique obligatoire ne pourrait concerner les habitants des zones concernées.

Elle a aussi précisé que seul l’État pourrait mettre en œuvre les traitements de données biométriques utilisés dans le cadre de cette expérimentation. C’est important à souligner, car il s’agit bien de notre souveraineté : il ne faudrait pas que toute une série de technologies, faute de législation dédiée, partent à l’étranger. Il faut plus précisément que l’État maîtrise lesdites technologies pour pouvoir exercer son contrôle légitime et protéger nos libertés publiques.

Avec Marc-Philippe Daubresse et ceux qui nous ont accompagnés, nous nous sommes efforcés d’être particulièrement restrictifs et exigeants sur les conditions de l’expérimentation.

La commission, grâce aux initiatives de notre rapporteur, a réussi à aller plus loin. J’y vois là un gage considérable donné à ceux qui pourraient s’inquiéter pour nos libertés. J’y vois aussi une bonne façon d’entamer ce nécessaire débat et le parcours de ce texte, tout aussi nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous l’annonce d’emblée : j’ai eu un a priori mitigé en découvrant cette proposition de loi.

Applaudissements sur le s travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Voilà quelques semaines, lors de l’examen de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, nous avions admis l’expérimentation de l’utilisation de la vidéoprotection dite « intelligente » ou « augmentée » au travers du traitement par algorithme des images. D’ailleurs, cette nouveauté juridique suivait les recommandations formulées par nos collègues Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durain dans leur rapport intitulé La reconnaissance biométrique dans l ’ espace public : 30 propositions pour écarter le risque d ’ une société de surveillance.

Il m’avait alors semblé qu’une limite avait été fixée, celle de ne pas aller jusqu’à la biométrie, et qu’il s’agissait d’une bonne limite. Je m’étais même permis d’exprimer, au cours de la discussion générale, mon « sentiment profond que le fait de présenter l’innovation technologique comme une solution évidente demeure une chimère potentiellement dangereuse. »

Et voilà que vous proposez dans ce nouveau texte d’expérimenter le recours à la biométrie. Pourquoi ne pas laisser vivre l’expérimentation des algorithmes avant de nous engager dans une nouvelle voie ?

Si la technologie peut aider, nous en convenons, elle est aussi facteur de dérives. Nous pouvons d’ailleurs déjà en observer certaines. Je pense en particulier à ce que la Chine développe depuis plusieurs années, à savoir un système étatique de « crédit social » qui consiste en l’attribution d’une note aux citoyens en fonction de leur comportement. Ce dispositif repose sur une collecte de données des personnes sur leur comportement dans la rue ou dans les transports. Tout cela donne une note qui permet d’identifier la qualité du citoyen et d’en déduire le périmètre de ses droits. Pour y parvenir, l’usage de la biométrie est essentiel aux autorités.

Nous sommes déjà dans ce que les scénarios d’anticipation les plus préoccupants pouvaient proposer voilà à peine quelques années. Aussi, j’aime à répéter à cette tribune combien le groupe RDSE est fermement attaché aux libertés.

À cet égard, les limites fixées tant par les auteurs de la proposition de loi que par notre rapporteur sont évidemment à saluer, d’autant qu’il est inenvisageable de ne pas les inscrire dans la loi. Elles tiennent compte des inquiétudes et des risques encourus par notre société. Je pense à l’interdiction de catégoriser des personnes sur la base de leurs données biométriques, à l’interdiction de noter des personnes, toujours sur la base de ces données, ou encore à l’interdiction des systèmes de reconnaissance biométrique en temps réel ou a posteriori dans l’espace public.

Seulement, tout le monde sait bien que le législateur peut défaire ce qu’il a fait. Ces garde-fous sont certes indispensables, mais ils seront insuffisants le jour où il sera question de les faire sauter.

J’en viens maintenant à la série d’expérimentations que proposent les auteurs du texte. Chacun s’accordera autour de la nécessité de sécuriser les événements particulièrement exposés à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes. Je pense bien évidemment aux jeux Olympiques et Paralympiques. Chacun s’accordera également à vouloir faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces mêmes infractions et la recherche de leurs auteurs.

En quelques mots, les expérimentations proposées visent toutes des buts légitimes dont la gravité justifie certaines innovations en matière de surveillance ou d’investigation.

Si ces dispositifs devaient être institués, il faudrait en effet les accompagner, comme le proposent les auteurs du texte, d’un comité scientifique et éthique chargé d’évaluer régulièrement l’application des mesures. Le fait que la Cnil soit associée à ce dispositif comme chef de file de la régulation des systèmes d’intelligence artificielle est aussi de nature à me rassurer.

Ce texte traduit donc une recherche d’équilibre. Il tend à instituer des garde-fous, ce qui ne m’empêche pas de plaider pour une forme de prudence. Aussi, malgré des réserves assez importantes quant au développement de la biométrie, et même si la position de notre groupe n’est pas unanime – c’est souvent le cas –, une partie majoritaire d’entre nous votera en faveur de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vous l’annonce d’emblée : j’ai eu un a priori mitigé en découvrant cette proposition de loi.

M. Philippe Bas, rapporteur, et M. Marc-Philippe Daubresse applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Voilà quelques semaines, lors de l’examen de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, nous avions admis l’expérimentation de l’utilisation de la vidéoprotection dite ou augmentée au travers du traitement par algorithme des images. D’ailleurs, cette nouveauté juridique suivait les recommandations formulées par nos collègues Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durain dans leur rapport d’information intitulé La reconnaissance biométrique dans l ’ espace public : 30 propositions pour écarter le risque d ’ une société de surveillance.

Il m’avait alors semblé qu’une limite avait été fixée, celle de ne pas aller jusqu’à la biométrie, et qu’il s’agissait d’une bonne limite. Je m’étais même permis d’exprimer, au cours de la discussion générale, mon « sentiment profond que le fait de présenter l’innovation technologique comme une solution évidente demeure une chimère potentiellement dangereuse ».

Et voilà que vous proposez dans ce nouveau texte d’expérimenter le recours à la biométrie. Pourquoi ne pas laisser vivre l’expérimentation des algorithmes avant de nous engager dans une nouvelle voie ?

Si la technologie peut aider, nous en convenons, elle est aussi facteur de dérives. Nous pouvons d’ailleurs déjà en observer certaines. Je pense en particulier à ce que la Chine développe depuis plusieurs années, à savoir un système étatique de « crédit social » qui consiste en l’attribution d’une note aux citoyens en fonction de leur comportement. Ce dispositif repose sur une collecte de données des personnes sur leur comportement dans la rue ou dans les transports. Tout cela donne une note qui permet d’identifier la qualité du citoyen et d’en déduire le périmètre de ses droits. Pour y parvenir, l’usage de la biométrie est essentiel aux autorités.

Nous sommes déjà dans ce que les scénarios d’anticipation les plus préoccupants pouvaient proposer voilà à peine quelques années. Aussi, j’aime à répéter à cette tribune combien le groupe RDSE est fermement attaché aux libertés.

À cet égard, les limites fixées tant par les auteurs de la proposition de loi que par notre rapporteur sont évidemment à saluer, d’autant qu’il est inenvisageable de ne pas les inscrire dans la loi. Elles tiennent compte des inquiétudes et des risques encourus par notre société. Je pense à l’interdiction de catégoriser des personnes sur la base de leurs données biométriques, à l’interdiction de noter des personnes, toujours sur la base de ces données, ou encore à l’interdiction des systèmes de reconnaissance biométrique en temps réel ou a posteriori dans l’espace public.

Seulement, tout le monde sait bien que le législateur peut défaire ce qu’il a fait. Ces garde-fous sont certes indispensables, mais ils seront insuffisants le jour où il sera question de les faire sauter.

J’en viens maintenant à la série d’expérimentations que proposent les auteurs du texte. Chacun s’accordera autour de la nécessité de sécuriser les événements particulièrement exposés à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes. Je pense bien évidemment aux jeux Olympiques et Paralympiques. Chacun s’accordera également à vouloir faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces mêmes infractions et la recherche de leurs auteurs.

En quelques mots, les expérimentations proposées visent toutes des buts légitimes dont la gravité justifie certaines innovations en matière de surveillance ou d’investigation.

Si ces dispositifs devaient être institués, il faudrait en effet les accompagner, comme le proposent les auteurs du texte, d’un comité scientifique et éthique chargé d’évaluer régulièrement l’application des mesures. Le fait que la Cnil soit associée à ce dispositif comme chef de file de la régulation des systèmes d’intelligence artificielle est aussi de nature à me rassurer.

Ce texte traduit donc une recherche d’équilibre. Il tend à instituer des garde-fous, ce qui ne m’empêche pas de plaider pour une forme de prudence. Aussi, malgré des réserves assez importantes quant au développement de la biométrie, et même si la position de notre groupe n’est pas unanime – c’est souvent le cas –, une partie majoritaire d’entre nous votera en faveur de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

M. le rapporteur et M. Marc-Philippe Daubresse applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi de nos collègues Marc-Philippe Daubresse et Arnaud de Belenet est une initiative inédite en matière de technologie biométrique et une première traduction législative d’un encadrement de son utilisation qui manquait cruellement à notre arsenal juridique.

Ce texte traduit une réelle ambition : celle de garantir le juste équilibre entre outils technologiques de sécurité collective et respect de l’État de droit et des libertés fondamentales, dans l’intérêt de nos concitoyens. Les auteurs de cette proposition de loi viennent poser un principe d’interdiction qui fera l’objet d’une liste d’exceptions strictement encadrées par des procédures et des garanties de surveillance collectives et transparentes.

Ce texte est le résultat d’une réflexion parlementaire qui a fait l’objet de trois rapports ces dernières années. Par son travail remarquable, notre rapporteur, le questeur Philippe Bas, est venu renforcer et parfaire l’esprit de cette initiative législative. Le Sénat a ainsi l’occasion de faire entrer la France dans le nouveau millénaire en matière de sécurité.

J’entends les doutes et les interrogations légitimes de certains devant un soi-disant État policier qui s’introduirait, grâce à la technologie, dans l’intimité de chacun pour espionner et, pourquoi pas, punir. Après les vaccins qui inoculeraient des puces brevetées par Bill Gates, la vidéoprotection avec reconnaissance faciale dans l’espace public violerait notre intimité… C’est une possibilité, d’où un encadrement strict de son utilisation.

Pourtant, avouons-le, il y a là un paradoxe insensé : nous acceptons chaque jour de céder à des multinationales étrangères la moindre donnée personnelle récoltée au travers de nos téléphones, de nos téléviseurs et de nos enceintes connectées, ou encore, désormais, de nos voitures intelligentes, mais nous refusons que l’État régalien assure notre sécurité par tout moyen technologique, comme la vidéoprotection avec reconnaissance faciale, alors même que telle est sa mission. On donne à des start-up californiennes nos empreintes digitales et les moyens d’identifier nos visages, on leur accorde un accès à notre intimité depuis notre salon au travers d’enceintes connectées, et on refuserait à l’État d’assurer notre protection dans l’espace public sous contrôle de la Cnil et du Parlement.

Mes chers collègues, la reconnaissance faciale et biométrique n’est qu’une goutte d’eau et un balbutiement dans les avancées de l’intelligence artificielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

Nous le voyons bien avec ChatGPT : l’IA est la révolution du millénaire. Nous ne pouvons rester spectateurs impuissants, rétifs au progrès, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi de nos collègues Marc-Philippe Daubresse et Arnaud de Belenet est une initiative inédite en matière de technologie biométrique et une première traduction législative d’un encadrement de son utilisation qui manquait cruellement à notre arsenal juridique.

Ce texte traduit une réelle ambition : celle de garantir le juste équilibre entre outils technologiques de sécurité collective et respect de l’État de droit et des libertés fondamentales, dans l’intérêt de nos concitoyens. Les auteurs de cette proposition de loi viennent poser un principe d’interdiction qui fera l’objet d’une liste d’exceptions strictement encadrées par des procédures et des garanties de surveillance collectives et transparentes.

Ce texte est le résultat d’une réflexion parlementaire qui a fait l’objet de trois rapports ces dernières années. Par son travail remarquable, notre rapporteur, le questeur Philippe Bas, est venu renforcer et parfaire l’esprit de cette initiative législative. Le Sénat a ainsi l’occasion de faire entrer la France dans le nouveau millénaire en matière de sécurité.

J’entends les doutes et les interrogations légitimes de certains devant un prétendu État policier qui s’introduirait, grâce à la technologie, dans l’intimité de chacun pour espionner et, pourquoi pas, punir. Après les vaccins qui inoculeraient des puces brevetées par Bill Gates, la vidéoprotection avec reconnaissance faciale dans l’espace public violerait notre intimité… C’est une possibilité, d’où un encadrement strict de son utilisation.

Pourtant, avouons-le, il y a là un paradoxe insensé : nous acceptons chaque jour de céder à des multinationales étrangères la moindre donnée personnelle récoltée au travers de nos téléphones, de nos téléviseurs et de nos enceintes connectées, ou encore, désormais, de nos voitures intelligentes, mais nous refusons que l’État régalien assure notre sécurité par tout moyen technologique, comme la vidéoprotection avec reconnaissance faciale, alors même que telle est sa mission. On donne à des start-up californiennes nos empreintes digitales et les moyens d’identifier nos visages, on leur accorde un accès à notre intimité depuis notre salon au travers d’enceintes connectées et l’on refuserait à l’État d’assurer notre protection dans l’espace public sous contrôle de la Cnil et du Parlement.

Mes chers collègues, la reconnaissance faciale et biométrique n’est qu’une goutte d’eau et un balbutiement dans les avancées de l’intelligence artificielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

… sans même essayer d’encadrer l’utilisation de ces technologies.

La France doit être au rendez-vous de l’histoire. De nombreux pays comme Israël, le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis protègent leur population face à l’explosion de la criminalité organisée et au terrorisme. Nous avons le devoir d’offrir aussi cette protection aux citoyens français.

Permettez-moi d’être très inquiet quand je constate le sous-équipement des principales grandes villes françaises en matière de vidéoprotection. Pourtant, c’est dans ces métropoles que se concentrent la criminalité, la violence et le terrorisme. Rendez-vous compte : seulement 19 caméras pour 10 000 habitants à Marseille ou à Paris, 11 caméras pour la troisième ville de France, Lyon, et 9 pour Toulouse. Dans le même temps, deux capitales européennes majeures, Londres et Berlin, en dénombrent respectivement 180 et 110, toujours pour 10 000 habitants. Nous sommes clairement en retard par rapport à nos voisins.

Comment imaginer que Paris et Marseille, qui accueilleront dans les prochains mois la coupe du monde de rugby, une messe du pape ou encore les jeux Olympiques, soient quasiment nues en matière de vidéoprotection ? Au-delà de ces grands événements, rappelons tout de même que la France est le pays le plus touristique du monde avec 89 millions de visiteurs par an. La gare du Nord est la plus fréquentée d’Europe avec 700 000 voyageurs quotidiens. Nous devons garantir une protection dans l’espace public à la mesure de notre attractivité.

La France doit s’adapter à son époque : on ne peut lutter contre les délinquants et contre les terroristes du XXIe siècle avec les outils désuets et obsolètes du milieu du XXe siècle.

Pour conclure, je citerai Clemenceau, qui fit tant pour notre sécurité collective : « Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. »

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

Nous le voyons bien avec ChatGPT : l’IA est la révolution du millénaire. Nous ne pouvons rester spectateurs impuissants, rétifs au progrès, …

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

… sans même essayer d’encadrer l’utilisation de ces technologies.

La France doit être au rendez-vous de l’histoire. De nombreux pays comme Israël, le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis protègent leur population face à l’explosion de la criminalité organisée et au terrorisme. Nous avons le devoir d’offrir aussi cette protection aux citoyens français.

Permettez-moi d’être très inquiet quand je constate le sous-équipement des principales grandes villes françaises en matière de vidéoprotection. Pourtant, c’est dans ces métropoles que se concentrent la criminalité, la violence et le terrorisme. Rendez-vous compte : seulement 19 caméras pour 10 000 habitants à Marseille ou à Paris, 11 caméras pour la troisième ville de France, Lyon, et 9 pour Toulouse. Dans le même temps, deux capitales européennes majeures, Londres et Berlin, en dénombrent respectivement 180 et 110, toujours pour 10 000 habitants. Nous sommes clairement en retard par rapport à nos voisins.

Comment imaginer que Paris et Marseille, qui accueilleront dans les prochains mois la Coupe du monde de rugby, une messe du pape ou encore les jeux Olympiques, soient quasiment nues en matière de vidéoprotection ? Au-delà de ces grands événements, rappelons tout de même que la France est le pays le plus touristique du monde avec 89 millions de visiteurs par an. La gare du Nord est la plus fréquentée d’Europe avec 700 000 voyageurs quotidiens. Nous devons garantir une protection dans l’espace public à la mesure de notre attractivité.

La France doit s’adapter à son époque : on ne peut lutter contre les délinquants et contre les terroristes du XXIe siècle avec les outils désuets et obsolètes du milieu du XXe siècle.

Pour conclure, je citerai Clemenceau, qui fit tant pour notre sécurité collective : « Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les évolutions récentes nous mettent devant le fait accompli : nous devons réguler et encadrer de manière adaptée et spécifique la reconnaissance biométrique. Cet outil permet d’identifier un individu grâce à un panel de caractéristiques qui lui sont propres.

L’intelligence artificielle connaît un essor fulgurant. Notre rôle de législateur prend tout son sens dans ce domaine où tout va très vite. Nous avons besoin d’un droit solide et protecteur qui saura s’adapter aux évolutions technologiques. C’est indispensable pour protéger nos droits fondamentaux et nos libertés individuelles. Dans notre pays, la reconnaissance biométrique est très limitée et le droit n’est pas du tout adapté.

Ce sujet revient souvent sur nos travées, comme en atteste la mission d’information à l’origine de cette proposition de loi ou, plus récemment, la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Encadrer cette pratique au travers d’un texte qui lui soit propre est nécessaire.

Inévitablement, ce débat rappelle celui d’il y a quelques années sur la vidéosurveillance. La reconnaissance biométrique est là, elle existe ; elle peut être utile pour améliorer la sécurité dans l’espace public et lors de grands événements. Dès lors, pourquoi s’en priver ? Développons intelligemment ce nouvel outil, faisons-le de manière sécurisée, avec un modèle qui nous convient. Fixons nous-mêmes les règles et les limites que nous souhaitons nous imposer.

C’est aussi un enjeu industriel majeur. Le matériel et les logiciels devront être français ou européens : nous savons que nous devons rester souverains en la matière.

Comme cela a été souligné, ce débat représente également un enjeu de gestion des données. Google, Facebook, TikTok : ces plateformes américaines ou chinoises captent à longueur de journée des données relatives à nos populations. Nous peinons à voir émerger des outils européens en la matière. Ne prenons pas le même retard sur la reconnaissance biométrique !

Nous saluons la Commission européenne, qui s’est saisie de la question de l’intelligence artificielle avec l’AI Act. Je rejoins l’avis du rapporteur : nous ne pouvons attendre 2025 et l’entrée en vigueur de ce futur règlement européen. Tout va très vite : beaucoup de nos voisins ont déjà recours à la reconnaissance biométrique. Nous ne sommes pas les États-Unis, où la pratique est encadrée de manière plutôt vague ; nous ne sommes certainement pas non plus la Chine, …

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

… où des millions de caméras intelligentes sévissent chaque jour et notent les individus. Nous refusons la société de surveillance qu’impose ce pays à ces habitants.

Cette proposition de loi est donc essentielle. Ses auteurs nous poussent à nous interroger ensemble sur le cadre que nous souhaitons développer ; ils ont le mérite d’ouvrir le débat et de mettre, si je puis dire, le pied dans la porte. §Nous saluons le travail effectué en commission des lois, sur l’initiative du rapporteur, qui a permis de renforcer les mécanismes initialement proposés.

L’article 1er vise à donner un cadre strict aux interdictions des différentes formes d’identification – à distance, sans le consentement des personnes physiques, ou a posteriori, pour ne citer que ces exemples.

L’expérimentation sur une durée de trois ans va dans le bon sens. Nous devons évaluer ces mécanismes avant une potentielle pérennisation.

La subsidiarité introduite dans les mécanismes est gage de préservation des libertés. La limitation des expérimentations à des cas très précis, à caractère exceptionnel, est centrale. Ces mécanismes sont cruciaux dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée et dans la défense des intérêts de la Nation. L’expérimentation prévue concernant les grands événements sportifs et ses conditions de mise en œuvre sont des pistes de réflexion intéressantes pour l’avenir.

Trouver l’équilibre entre la sécurité des Français et le respect de leurs libertés est la ligne de crête sur laquelle nous devons en permanence avancer. La proposition de loi qui nous est soumise est une première étape ; il y en aura, à mon avis, bien d’autres. Nous commençons à aborder le sujet, le débat est lancé. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient les grandes orientations de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les évolutions récentes nous mettent devant le fait accompli : nous devons réguler et encadrer de manière adaptée et spécifique la reconnaissance biométrique. Cet outil permet d’identifier un individu grâce à un panel de caractéristiques qui lui sont propres.

L’intelligence artificielle connaît un essor fulgurant. Notre rôle de législateur prend tout son sens dans ce domaine où tout va très vite. Nous avons besoin d’un droit solide et protecteur qui saura s’adapter aux évolutions technologiques. C’est indispensable pour protéger nos droits fondamentaux et nos libertés individuelles. Dans notre pays, la reconnaissance biométrique est très limitée et le droit n’est pas du tout adapté.

Ce sujet revient souvent sur nos travées, comme en atteste la mission d’information à l’origine de cette proposition de loi ou, plus récemment, la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions. Encadrer cette pratique au travers d’un texte qui lui soit propre est nécessaire.

Inévitablement, ce débat rappelle celui d’il y a quelques années sur la vidéosurveillance. La reconnaissance biométrique est là, elle existe ; elle peut être utile pour améliorer la sécurité dans l’espace public et lors de grands événements. Dès lors, pourquoi s’en priver ? Développons intelligemment ce nouvel outil, faisons-le de manière sécurisée, avec un modèle qui nous convient. Fixons nous-mêmes les règles et les limites que nous souhaitons nous imposer.

C’est aussi un enjeu industriel majeur. Le matériel et les logiciels devront être français ou européens : nous savons que nous devons rester souverains en la matière.

Comme cela a été souligné, ce débat représente également un enjeu de gestion des données. Google, Facebook, TikTok : ces plateformes américaines ou chinoises captent à longueur de journée des données relatives à nos populations. Nous peinons à voir émerger des outils européens en la matière. Ne prenons pas le même retard sur la reconnaissance biométrique !

Nous saluons la Commission européenne, qui s’est saisie de la question de l’intelligence artificielle avec l’AI Act. Je rejoins l’avis du rapporteur : nous ne pouvons attendre 2025 et l’entrée en vigueur de ce futur règlement européen. Tout va très vite : beaucoup de nos voisins ont déjà recours à la reconnaissance biométrique. Nous ne sommes pas les États-Unis, où la pratique est encadrée de manière plutôt vague ; nous ne sommes certainement pas non plus la Chine, …

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

… où des millions de caméras intelligentes sévissent chaque jour et notent les individus. Nous refusons la société de surveillance qu’impose ce pays à ces habitants.

Cette proposition de loi est donc essentielle. Ses auteurs nous poussent à nous interroger ensemble sur le cadre que nous souhaitons développer ; ils ont le mérite d’ouvrir le débat et de mettre, si je puis dire, le pied dans la porte. §Nous saluons le travail effectué en commission des lois, sur l’initiative du rapporteur, qui a permis de renforcer les mécanismes initialement proposés.

L’article 1er vise à donner un cadre strict aux interdictions des différentes formes d’identification – à distance, sans le consentement des personnes physiques, ou a posteriori, pour ne citer que ces exemples.

L’expérimentation sur une durée de trois ans va dans le bon sens. Nous devons évaluer ces mécanismes avant une potentielle pérennisation.

La subsidiarité introduite dans les mécanismes est gage de préservation des libertés. La limitation des expérimentations à des cas très précis, à caractère exceptionnel, est centrale. Ces mécanismes sont cruciaux dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée et dans la défense des intérêts de la Nation. L’expérimentation prévue concernant les grands événements sportifs et ses conditions de mise en œuvre sont des pistes de réflexion intéressantes pour l’avenir.

Trouver l’équilibre entre la sécurité des Français et le respect de leurs libertés est la ligne de crête sur laquelle nous devons en permanence avancer. La proposition de loi qui nous est soumise est une première étape ; il y en aura, à mon avis, bien d’autres. Nous commençons à aborder le sujet, le débat est lancé. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient les grandes orientations de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « créer un cadre juridique expérimental permettant, par exception et de manière strictement subsidiaire, le recours ciblé et limité dans le temps à des systèmes de reconnaissance biométrique sur la voie publique, en temps réel, sur la base d’une menace préalablement identifiée et à des fins de sécurisation de grands événements. »

Ces mots sont ceux de l’auteur de la présente proposition de loi, M. Marc-Philippe Daubresse, qu’il a prononcés lors de l’examen de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Il définissait déjà les contours du texte actuel puisque, selon lui, ladite loi n’allait pas assez loin dans les innovations en matière de surveillance.

Notons les précautions, les circonlocutions et les périphrases : elles ne sont pas anodines et résument en réalité les faux-semblants qui sous-tendent le présent texte.

En vérité, le procédé est toujours le même lorsqu’il s’agit de technologies de fichage et de surveillance de masse : à la prudence initiale se substituent la généralisation et la fin des garde-fous.

Les prélèvements ADN, par exemple, ont été introduits dans notre droit en 1998 à la suite de l’affaire Guy Georges et concernaient à l’époque uniquement les condamnés définitifs pour agression sexuelle. Vingt-cinq ans plus tard, le fichier national automatisé des empreintes génétiques répertorie 3 millions d’individus, avec une écrasante majorité de personnes non condamnées. Nous ne comptons plus les prises d’empreintes génétiques pour des participations à des manifestations, par exemple ; refuser de s’y soumettre constitue désormais un délit, passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Ficher l’ADN des militants politiques est devenu coutumier !

La vidéosurveillance a connu le même essor au travers d’un usage exponentiel, qui en a rendu la pratique massive. Depuis la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, il est possible de confier l’analyse des images à des algorithmes, encore une fois dans le cadre d’une expérimentation… Ne doutons pas qu’elle sera, elle aussi, généralisée !

En effet, à chaque fois, tout commence par des expérimentations, des dispositifs réduits, des initiatives que l’on nous jure strictement encadrées, pour aboutir invariablement à des généralisations. Nos libertés publiques deviennent secondaires pour les apprentis sorciers de la société de surveillance.

Nous sortons à peine de l’examen d’une loi d’exception qui a donné un cadre légal à la surveillance algorithmique durant les jeux Olympiques que les fanatiques du flicage nous proposent déjà d’aller plus loin. Le risque antiterroriste sert, comme à chaque fois, de faux-nez de la surveillance globale.

Qu’importe que la rapporteure spéciale de l’ONU sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste ait dénoncé l’utilisation du terrorisme comme justification politique pour adopter des technologies à haut risque.

Qu’importe que la Défenseure des droits souligne un « risque inhérent d’atteinte au droit au respect de la vie privée et à la protection des données ».

Qu’importe que le Massachusetts Institute of Technology (MIT) révèle que les technologies de surveillance automatisées présentent des préjugés liés au sexe et à la couleur de peau.

Il nous faudrait innover dans la société de contrôle, toujours plus loin, toujours plus fort, sans jamais réfléchir au modèle de société que cela induit.

Que contient ce texte ? Une forte dose d’hypocrisie. En effet, son article 1er tend à poser un cadre très strict d’interdictions pour empêcher la catégorisation, la notation ou la reconnaissance des personnes par les technologies de biométrie, le tout assorti d’un contrôle sérieux du Parlement, de la Cnil ou de la CNCTR. On aurait pu s’arrêter là, avec quelques sanctions pour des usages illégaux.

Pourtant, que contient le reste du texte ? Une liste d’exceptions à cette interdiction générale. La biométrie ? Jamais, sauf pour contrôler l’accès aux grands événements, pour permettre l’exploitation d’images a posteriori afin de retrouver des auteurs ou des victimes d’infractions, pour surveiller des foules en direct lors d’événements dits « à risque » ou encore pour aider aux investigations des services de renseignement dans la lutte contre le terrorisme.

La liste est déjà longue, mais elle sera trop courte pour un prochain gouvernement qui pourra introduire à souhait des exceptions supplémentaires. À partir du moment où vous acceptez, avec ce texte, la dissémination, la prolifération de ces technologies, vous devrez assumer un usage qui deviendra général, n’en doutez pas. Ce texte est un cadeau de bienvenue à un prochain gouvernement plus autoritaire qui n’aura qu’à pérenniser l’usage de la biométrie en rallongeant la liste des usages possibles.

Celles et ceux qui sont attachés à la devise républicaine, notamment au premier terme gravé au fronton de nos mairies, celui de « liberté », devraient être horrifiés par ce texte. Les garde-fous n’y changeront rien : l’autorisation, même partielle, de ces technologies ne fera qu’en multiplier le développement et l’usage. La société de surveillance mettra à mal notre démocratie.

L’usage politique de ces technologies ne sera pas entravé par les garde-fous. Les dérives politiques de la surveillance policière sont déjà très concrètes. La Lettre A se faisait encore l’écho la semaine dernière d’un bras de fer entre Matignon et Beauvau quant à la surveillance et la mise sur écoute de militants écologistes.

L’enjeu n’est pas seulement sécuritaire, il est aussi économique. Beaucoup appellent – de telles ambitions ont été énoncées très clairement durant les débats sur la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) – à promouvoir, soutenir et développer des champions français de la technosécurité.

Au nom de la défense des libertés publiques, nous refusons le projet de société que vous défendez avec ce texte. Une société du fichage, du flicage, de l’abolition du privé et de l’intime. Un continuum de sécurité, qui considère tout comme une donnée à traiter, jusqu’au phénotype même des individus. Un carcan indépassable, qui n’a qu’une visée : le contrôle, partout et tout le temps.

C’est pourquoi nous vous proposerons la suppression de la plupart des articles de cette proposition de loi, à laquelle nous nous opposerons.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « créer un cadre juridique expérimental permettant, par exception et de manière strictement subsidiaire, le recours ciblé et limité dans le temps à des systèmes de reconnaissance biométrique sur la voie publique, en temps réel, sur la base d’une menace préalablement identifiée et à des fins de sécurisation de grands événements ».

Ces mots sont ceux de l’auteur de la présente proposition de loi, M. Marc-Philippe Daubresse, qu’il a prononcés lors de l’examen de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions. Il définissait déjà les contours du texte actuel puisque, selon lui, ladite loi n’allait pas assez loin dans les innovations en matière de surveillance.

Notons les précautions, les circonlocutions et les périphrases : elles ne sont pas anodines et résument en réalité les faux-semblants qui sous-tendent le présent texte.

En vérité, le procédé est toujours le même lorsqu’il s’agit de technologies de fichage et de surveillance de masse : à la prudence initiale se substituent la généralisation et la fin des garde-fous.

Les prélèvements ADN, par exemple, ont été introduits dans notre droit en 1998 à la suite de l’affaire Guy Georges et concernaient à l’époque uniquement les condamnés définitifs pour agression sexuelle. Vingt-cinq ans plus tard, le fichier national automatisé des empreintes génétiques répertorie 3 millions d’individus, avec une écrasante majorité de personnes non condamnées. Nous ne comptons plus les prises d’empreintes génétiques pour des participations à des manifestations, par exemple ; refuser de s’y soumettre constitue désormais un délit, passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Ficher l’ADN des militants politiques est devenu coutumier !

La vidéosurveillance a connu le même essor au travers d’un usage exponentiel, qui en a rendu la pratique massive. Depuis la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, il est possible de confier l’analyse des images à des algorithmes, encore une fois dans le cadre d’une expérimentation… Ne doutons pas qu’elle sera, elle aussi, généralisée !

En effet, à chaque fois, tout commence par des expérimentations, des dispositifs réduits, des initiatives que l’on nous jure strictement encadrées, pour aboutir invariablement à des généralisations. Nos libertés publiques deviennent secondaires pour les apprentis sorciers de la société de surveillance.

Nous sortons à peine de l’examen d’une loi d’exception qui a donné un cadre légal à la surveillance algorithmique durant les jeux Olympiques et Paralympiques que les fanatiques du flicage nous proposent déjà d’aller plus loin. Le risque antiterroriste sert, comme à chaque fois, de faux nez de la surveillance globale.

Qu’importe que la rapporteure spéciale de l’ONU sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste ait dénoncé l’utilisation du terrorisme comme justification politique pour adopter des technologies à haut risque.

Qu’importe que la Défenseure des droits souligne un « risque inhérent d’atteinte au droit au respect de la vie privée et à la protection des données ».

Qu’importe que le Massachusetts Institute of Technology (MIT) révèle que les technologies de surveillance automatisées présentent des préjugés liés au sexe et à la couleur de peau.

Il nous faudrait innover dans la société de contrôle, toujours plus loin, toujours plus fort, sans jamais réfléchir au modèle de société que cela induit.

Que contient ce texte ? Une forte dose d’hypocrisie. En effet, son article 1er tend à poser un cadre très strict d’interdictions pour empêcher la catégorisation, la notation ou la reconnaissance des personnes par les technologies de biométrie, le tout assorti d’un contrôle sérieux du Parlement, de la Cnil ou de la CNCTR. On aurait pu s’arrêter là, avec quelques sanctions pour des usages illégaux.

Pourtant, que contient le reste du texte ? Une liste d’exceptions à cette interdiction générale. La biométrie ? Jamais, sauf pour contrôler l’accès aux grands événements, pour permettre l’exploitation d’images a posteriori afin de retrouver des auteurs ou des victimes d’infractions, pour surveiller des foules en direct lors d’événements dits à risque ou encore pour aider aux investigations des services de renseignement dans la lutte contre le terrorisme.

La liste est déjà longue, mais elle sera trop courte pour un prochain gouvernement qui pourra introduire à souhait des exceptions supplémentaires. À partir du moment où vous acceptez, avec ce texte, la dissémination, la prolifération de ces technologies, vous devrez assumer un usage qui deviendra général, n’en doutez pas. Ce texte est un cadeau de bienvenue à un prochain gouvernement plus autoritaire qui n’aura qu’à pérenniser l’usage de la biométrie en rallongeant la liste des usages possibles.

Celles et ceux qui sont attachés à la devise républicaine, notamment au premier terme gravé au fronton de nos mairies, celui de « liberté », devraient être horrifiés par ce texte. Les garde-fous n’y changeront rien : l’autorisation, même partielle, de ces technologies ne fera qu’en multiplier le développement et l’usage. La société de surveillance mettra à mal notre démocratie.

L’usage politique de ces technologies ne sera pas entravé par les garde-fous. Les dérives politiques de la surveillance policière sont déjà très concrètes. La Lettre A se faisait encore l’écho la semaine dernière d’un bras de fer entre Matignon et Beauvau quant à la surveillance et la mise sur écoute de militants écologistes.

L’enjeu n’est pas seulement sécuritaire, il est aussi économique. Beaucoup appellent – de telles ambitions ont été énoncées très clairement durant les débats sur la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) – à promouvoir, soutenir et développer des champions français de la technosécurité.

Au nom de la défense des libertés publiques, nous refusons le projet de société que vous défendez avec ce texte : une société du fichage, du flicage, de l’abolition du privé et de l’intime ; un continuum de sécurité, qui considère tout comme une donnée à traiter, jusqu’au phénotype même des individus ; un carcan indépassable, qui n’a qu’une visée, le contrôle, partout et tout le temps.

C’est pourquoi nous vous proposerons la suppression de la plupart des articles de cette proposition de loi, à laquelle nous nous opposerons.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Comme l’ont souligné les précédents orateurs, nous sommes conduits à nous prononcer aujourd’hui sur une proposition de loi de nos collègues Marc-Philippe Daubresse et Arnaud de Belenet portant sur la reconnaissance biométrique dans l’espace public.

Issue des propositions formulées par une mission d’information de la commission des lois, ce texte vise, d’une part, à fixer des lignes rouges pour faire obstacle à une société de surveillance ; d’autre part, à expérimenter de nouveaux cas d’usage de cette technologie, qui croît exponentiellement grâce aux algorithmes d’apprentissage.

Nous le savons, l’opinion publique est polarisée entre ceux qui craignent l’usage poussé des technologies biométriques en raison de leur nature attentatoire aux libertés et ceux qui soulignent davantage ses bénéfices potentiels pour la sécurité de tous.

La reconnaissance biométrique dans l’espace public n’est effectivement pas un dispositif anodin. Elle fait partie de ces outils qui relèvent d’un choix de société et qui requièrent donc une attention et une évaluation toutes particulières.

En effet, ses applications possibles sont illimitées : elles peuvent dépasser le seul prisme sécuritaire pour rythmer un simple acte de la vie courante ou une activité commerciale.

Dès lors, permettre l’usage de telles technologies sans instaurer de garde-fous est dangereux.

Des exemples au-delà de nos frontières nous montrent comment cet usage comporte une part de risque, notamment lorsqu’il est utilisé par un régime totalitaire contre ses propres citoyens.

Nous avons tous en tête l’exemple de la Chine, où la reconnaissance faciale rythme le moindre acte de la vie quotidienne – obtenir une ligne de téléphone portable, faciliter l’enregistrement dans un hôtel, identifier des élèves qui sèchent les cours – et est devenue une arme politique à Hong Kong, par exemple, ou dans la région du Xinjiang contre la minorité ouïghoure.

Pour en revenir au texte, nous souscrivons à l’ambition de fixer des lignes rouges. En revanche, l’ouverture d’expérimentations de nouveaux cas d’usage nous alerte.

À cet égard, l’analyse des services de la Cnil, qui a été présentée à la commission des lois par son secrétaire général, Louis Dutheillet de Lamothe, est aussi éclairante qu’alarmante.

Selon ce dernier, alors que l’expérimentation des technologies biométriques ne devrait être réalisée qu’« avec une extrême prudence et de manière progressive », la proposition de loi que nous examinons « élargit de manière considérable et d’un seul coup les cas d’usage ». Comme il le rappelle, choisir d’expérimenter, c’est déjà choisir de créer.

Contrairement aux recommandations des services de la Cnil, la commission des lois a fait le choix de maintenir les dispositions relatives à la reconnaissance biométrique en temps réel, ce que nous regrettons vivement.

Selon M. Dutheillet de Lamothe, l’identification en temps réel dans l’espace public à titre expérimental marquerait « une rupture fondamentale pour l’exercice de nos libertés publiques, alors que nous n’avons pas encore de recul sur l’efficacité et l’utilité de la biométrie dans les autres cas d’usage ».

Et je n’évoque pas les risques avérés d’erreurs d’identification, les biais discriminatoires, le risque d’inhibition dans l’exercice des droits ou libertés fondamentales ou encore le risque de sécurité informatique.

Par conséquent, avant d’étudier la possibilité de recourir à cette technologie, nous estimons préférable de prendre le temps de tester l’emploi des caméras augmentées, sans reconnaissance faciale, dont l’expérimentation est prévue par l’article 10 de la très récente loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

Il convient donc de faire le bilan de cette expérimentation qui se déroulera au cours des jeux Olympiques et Paralympiques, à partir du 26 juillet 2024, avant d’aller plus loin quant au développement de la reconnaissance faciale.

Pour toutes ces raisons, et parce qu’il nous faut légiférer avec une prudence accrue en la matière, le groupe RDPI votera contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Comme l’ont souligné les précédents orateurs, nous sommes conduits à nous prononcer aujourd’hui sur une proposition de loi de nos collègues Marc-Philippe Daubresse et Arnaud de Belenet portant sur la reconnaissance biométrique dans l’espace public.

Issu des propositions formulées par une mission d’information de la commission des lois, ce texte vise, d’une part, à fixer des lignes rouges pour faire obstacle à une société de surveillance, d’autre part, à expérimenter de nouveaux cas d’usage de cette technologie, qui croît exponentiellement grâce aux algorithmes d’apprentissage.

Nous le savons, l’opinion publique est polarisée entre ceux qui craignent l’usage poussé des technologies biométriques en raison de leur nature attentatoire aux libertés et ceux qui soulignent davantage ses bénéfices potentiels pour la sécurité de tous.

La reconnaissance biométrique dans l’espace public n’est effectivement pas un dispositif anodin. Elle fait partie de ces outils qui relèvent d’un choix de société et qui requièrent donc une attention et une évaluation toutes particulières.

En effet, ses applications possibles sont illimitées : elles peuvent dépasser le seul prisme sécuritaire pour rythmer un simple acte de la vie courante ou une activité commerciale.

Dès lors, permettre l’usage de telles technologies sans instaurer de garde-fous est dangereux.

Des exemples au-delà de nos frontières nous montrent comment cet usage comporte une part de risque, notamment lorsqu’il est utilisé par un régime totalitaire contre ses propres citoyens.

Nous avons tous en tête l’exemple de la Chine, où la reconnaissance faciale rythme le moindre acte de la vie quotidienne – obtenir une ligne de téléphone portable, faciliter l’enregistrement dans un hôtel, identifier des élèves qui sèchent les cours – et est devenue une arme politique à Hong Kong, par exemple, ou dans la région du Xinjiang contre la minorité ouïghoure.

Pour en revenir au texte, nous souscrivons à l’ambition de fixer des lignes rouges. En revanche, l’ouverture d’expérimentations de nouveaux cas d’usage nous alerte.

À cet égard, l’analyse des services de la Cnil, qui a été présentée à la commission des lois par son secrétaire général, Louis Dutheillet de Lamothe, est aussi éclairante qu’alarmante.

Selon ce dernier, alors que l’expérimentation des technologies biométriques ne devrait être réalisée qu’« avec une extrême prudence et de manière progressive », la proposition de loi que nous examinons « élargit de manière considérable et d’un seul coup les cas d’usage ». Comme il le rappelle, choisir d’expérimenter, c’est déjà choisir de créer.

Contrairement aux recommandations des services de la Cnil, la commission des lois a fait le choix de maintenir les dispositions relatives à la reconnaissance biométrique en temps réel, ce que nous regrettons vivement.

Selon M. Dutheillet de Lamothe, l’identification en temps réel dans l’espace public à titre expérimental marquerait « une rupture fondamentale pour l’exercice de nos libertés publiques, alors que nous n’avons pas encore de recul sur l’efficacité et l’utilité de la biométrie dans les autres cas d’usage ».

Et je n’évoque pas les risques avérés d’erreurs d’identification, les biais discriminatoires, le risque d’inhibition dans l’exercice des droits ou libertés fondamentales ou encore le risque de sécurité informatique.

Par conséquent, avant d’étudier la possibilité de recourir à cette technologie, nous estimons préférable de prendre le temps de tester l’emploi des caméras augmentées, sans reconnaissance faciale, dont l’expérimentation est prévue par l’article 10 de la très récente loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

Il convient donc de faire le bilan de cette expérimentation qui se déroulera au cours des jeux Olympiques et Paralympiques, à partir du 26 juillet 2024, avant d’aller plus loin quant au développement de la reconnaissance faciale.

Pour toutes ces raisons, et parce qu’il nous faut légiférer avec une prudence accrue en la matière, le groupe RDPI votera contre ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour l’examen, dans une niche, un lundi, au soleil, …

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

… d’un texte qui mériterait une meilleure visibilité médiatique.

L’intelligence artificielle et son application aux images, animées ou non, ont suscité quelques débats ces derniers mois, dans le sillage du succès de ChatGPT et des dispositions sur la vidéoprotection algorithmique examinées dans le cadre du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques.

Je crains cependant que le format de notre discussion de cet après-midi ne nous permette pas de rencontrer le même succès. C’est compréhensible, dans la mesure où ce texte est examiné dans le cadre d’une niche – je le dis avec tout le respect que j’ai pour l’initiative parlementaire. De ce fait, nous ne disposons pas d’étude d’impact et la position de Mme la ministre témoigne du fait que ce texte n’est pas porté à bras-le-corps par le Gouvernement.

Surtout, l’agenda législatif prête à confusion : notre débat intervient en effet quelques semaines seulement après la promulgation du projet de loi sur les jeux Olympiques que j’ai déjà évoqué. Voilà quelques semaines, nous avons été nombreux, et je m’inclus dans ce « nous », à débattre des mesures concernant la vidéoprotection algorithmique lors des jeux Olympiques et à répéter, souvent avec sincérité : « non, il n’y aura pas de reconnaissance faciale aux JO ».

Cela était dit avec sincérité pour plusieurs raisons : nous étions nombreux à penser qu’il était trop tôt, que les critiques exprimées dans la société à l’égard de l’utilisation des algorithmes sans données biométriques créaient suffisamment de réticences et qu’il convenait d’éviter d’aller encore plus loin avec la reconnaissance faciale.

De manière plus pragmatique, de nombreux acteurs nous disent qu’il est trop tard, que mettre en place les systèmes de reconnaissance faciale prend du temps et que rien ne serait de toute façon opérationnel pour les JO. Je pense que ces messages, que nous avons nous-mêmes répétés, ont été entendus.

Permettez-moi d’en rappeler quelques-uns. « Nous nous félicitons de ce que la ligne rouge de la reconnaissance faciale n’ait pas été franchie dans le projet de loi déposé par le Gouvernement » déclarait la rapporteure de la commission des lois sur le récent projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques. « Je suis opposé à la reconnaissance faciale » affirmait Gérald Darmanin, auditionné par notre commission. « Nous ne voulons pas de la reconnaissance faciale ni de l’utilisation de données et de systèmes d’identification biométrique pour ces Jeux. Non seulement ces procédés ne nous semblent pas nécessaires sur le plan opérationnel, mais, surtout, les autres dispositifs prévus permettront, à eux seuls, un saut qualitatif en matière de prévention et de lutte contre les troubles à l’ordre public » déclarait Amélie Oudéa-Castéra à l’Assemblée nationale.

Je l’ai bien compris, certaines de ces citations sont soumises à interprétation, voire à une date limite de validité. Je comprends ces subtilités. Après tout, j’ai moi-même signé le rapport de la commission des lois sur la reconnaissance faciale, avant de refuser de signer la proposition de loi qui en découlait.

Permettez-moi de vous expliquer mon raisonnement personnel avant de vous confier la position de mon groupe sur cette proposition de loi.

Je ne crois pas que la reconnaissance faciale, telle qu’elle est perçue par les auteurs du texte, dont je connais les intentions, la qualité du travail et le souci de prendre de grandes précautions, comme par notre rapporteur, constitue un danger en soi. C’est une technologie qui commence à être efficace, même si elle conserve quelques faiblesses. Elle est déjà utilisée par nos citoyens pour certains de leurs actes quotidiens – je pense notamment au déverrouillage des téléphones.

Encadrer cette technologie semble très important. On peut le noter, un cadre global sur l’intelligence artificielle nous sera bientôt donné par l’Union européenne. Si l’on prend en considération le succès du RGPD, on peut imaginer que l’échelon européen est le plus adapté à la régulation du numérique.

M. le rapporteur estime que cela interviendra trop tardivement. Je pense au contraire qu’il ne sert à rien de se précipiter sur un sujet éthique qui aura des conséquences sur plusieurs décennies. Je considère que ce sujet mériterait un débat national d’envergure, oserais-je dire une convention citoyenne ? Je ne crois pas que nos compatriotes soient par nature opposants ou partisans de cette technologie et je ne préjuge pas des conclusions qui pourraient en sortir.

Je suis un fervent défenseur de la démocratie parlementaire, mais je crois que, sur certains sujets pour lesquels l’acceptabilité est essentielle, il importe de mettre en place des processus de décision associant le plus grand nombre possible de citoyens. Pour le dire autrement, je ne crois pas que cela passe par un projet de loi ou une proposition de loi ordinaire.

Vous l’aurez compris, l’ensemble de ces arguments conduit mon groupe à s’opposer à l’adoption de cette proposition de loi. La réécriture opérée par M. Bas a ses vertus, la volonté d’encadrer cette technologie étant louable. Toutefois, nous pensons que l’heure n’est pas venue.

Par ailleurs, en matière technologique, l’effet cliquet n’est jamais loin, une intervenante précédente ayant évoqué l’audition du secrétaire général de la Cnil. Aujourd’hui, nous repoussons le modèle chinois de reconnaissance faciale, comme nous repoussions hier l’internet à la chinoise, protégé derrière son grand firewall. Pourtant, de plus en plus de voix jalousent les possibilités offertes par l’internet chinois pour protéger les mineurs ou censurer des contenus dangereux.

Sommes-nous certains, mes chers collègues, que le modèle chinois de reconnaissance faciale constituera toujours un repoussoir dans dix ans ? Notre réponse est-elle dépendante des changements de majorité politique que pourrait connaître notre pays ? Vous hésiterez peut-être à me répondre. C’est ce qui détermine nos réflexions.

Par ailleurs, méfions-nous du solutionnisme technologique. Pour avoir débattu de l’utilité de cette technologie avec des dizaines de personnes ces dernières années, je retiens quelques limites qui nous permettront de relativiser l’urgence de notre débat.

Premièrement, la reconnaissance faciale n’est pas une recette miracle. Oui, elle sera utile dans certains cas : enlèvements de personnes, menace terroriste identifiée – j’insiste sur le terme « identifiée » –, recherche de personnes dangereuses précises. Elle ne fera pas disparaître l’ensemble des menaces.

Certes, elle sera utile dans la résolution d’enquêtes, mais il faut garder à l’esprit que la vidéoprotection elle-même n’a pas fait disparaître la criminalité dans notre pays. Même si elle est utile, elle a ses limites, et la Cour des comptes ne s’est pas privée de le rappeler à de multiples reprises.

La vidéoprotection et la reconnaissance faciale ne vont pas sans intervention humaine. Dans des exemples dramatiques, encore très récents, ce sont bien des interventions humaines qui ont permis de mettre fin au drame qui se déroulait. Aucune caméra, avec ou sans reconnaissance faciale, n’aurait pu empêcher ce qui s’est passé. Un acteur du renseignement me disait, de façon un peu triviale, « ce n’est pas parce que j’identifie celui qui a rayé ma voiture sur le parking que ma voiture est réparée ».

Il n’y aura pas de miracle, sauf exceptionnellement. Et ces technologies nous coûteront pourtant très cher ! Un autre expert me disait : « vous avez aimé les milliards dépensés pour la vidéoprotection ? Vous adorerez le coût de la reconnaissance faciale ! » Il rappelait par ailleurs que « l’adéquation de l’utilité de la reconnaissance faciale avec une doctrine sécuritaire plus large est déterminante ». Le coût de cette technologie est loin d’être anodin par rapport aux autres moyens mis en œuvre. Il reviendra à l’État d’articuler un ensemble de solutions.

Mes chers collègues, le texte qui est soumis à notre sagacité aujourd’hui n’est pas, selon moi, un mauvais texte. L’initiative de MM. Daubresse et de Belenet a ses vertus et les enrichissements apportés par M. le rapporteur Philippe Bassont indéniables.

Toutefois, le groupe socialiste considère que ce débat, qui intervient après que nous ayons tous répété urbi et orbi que la reconnaissance faciale ne serait pas en place aux JO, est prématuré. Face aux bouleversements de l’intelligence artificielle croisée avec les données biométriques, il nous semble prudent d’avancer conjointement avec l’Europe. Vous le comprendrez, et le regretterez peut-être, nous ne soutiendrons pas ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour l’examen, dans une niche, un lundi, au soleil, …

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

… d’un texte qui mériterait une meilleure visibilité médiatique.

L’intelligence artificielle et son application aux images, animées ou non, ont suscité quelques débats ces derniers mois, dans le sillage du succès de ChatGPT et des dispositions sur la vidéoprotection algorithmique examinées dans le cadre du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

Je crains cependant que le format de notre discussion de cet après-midi ne nous permette pas de rencontrer le même succès. C’est compréhensible, dans la mesure où ce texte est examiné dans le cadre d’une niche – je le dis avec tout le respect que j’ai pour l’initiative parlementaire. De ce fait, nous ne disposons pas d’étude d’impact et la position de Mme la ministre témoigne du fait que ce texte n’est pas porté à bras-le-corps par le Gouvernement.

Surtout, l’agenda législatif prête à confusion : notre débat intervient en effet quelques semaines seulement après la promulgation du projet de loi sur les jeux Olympiques que j’ai déjà évoqué. Voilà quelques semaines, nous avons été nombreux, et je m’inclus dans ce « nous », à débattre des mesures concernant la vidéoprotection algorithmique lors des jeux Olympiques et à répéter, souvent avec sincérité : « non, il n’y aura pas de reconnaissance faciale aux JO ».

Cela était dit avec sincérité pour plusieurs raisons : nous étions nombreux à penser qu’il était trop tôt, que les critiques exprimées dans la société à l’égard de l’utilisation des algorithmes sans données biométriques créaient suffisamment de réticences et qu’il convenait d’éviter d’aller encore plus loin avec la reconnaissance faciale.

De manière plus pragmatique, de nombreux acteurs nous disent qu’il est trop tard, que mettre en place les systèmes de reconnaissance faciale prend du temps et que rien ne serait de toute façon opérationnel pour les JO. Je pense que ces messages, que nous avons nous-mêmes répétés, ont été entendus.

Permettez-moi d’en rappeler quelques-uns. « Nous nous félicitons de ce que la ligne rouge de la reconnaissance faciale n’ait pas été franchie dans le projet de loi déposé par le Gouvernement », déclarait la rapporteure de la commission des lois sur le récent projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques. « Je suis opposé à la reconnaissance faciale », affirmait Gérald Darmanin, auditionné par notre commission. « Nous ne voulons pas de la reconnaissance faciale ni de l’utilisation de données et de systèmes d’identification biométrique pour ces Jeux. Non seulement ces procédés ne nous semblent pas nécessaires sur le plan opérationnel, mais, surtout, les autres dispositifs prévus permettront, à eux seuls, un saut qualitatif en matière de prévention et de lutte contre les troubles à l’ordre public », déclarait Amélie Oudéa-Castéra à l’Assemblée nationale.

Je l’ai bien compris, certaines de ces citations sont soumises à interprétation, voire à une date limite de validité. Je comprends ces subtilités. Après tout, j’ai moi-même signé le rapport de la commission des lois sur la reconnaissance faciale, avant de refuser de signer la proposition de loi qui en découlait.

Permettez-moi de vous expliquer mon raisonnement personnel avant de vous confier la position de mon groupe sur cette proposition de loi.

Je ne crois pas que la reconnaissance faciale, telle qu’elle est perçue par les auteurs du texte, dont je connais les intentions, la qualité du travail et le souci de prendre de grandes précautions, comme par notre rapporteur, constitue un danger en soi. C’est une technologie qui commence à être efficace, même si elle conserve quelques faiblesses. Elle est déjà utilisée par nos citoyens pour certains de leurs actes quotidiens – je pense notamment au déverrouillage des téléphones.

Encadrer cette technologie semble très important. On peut le noter, un cadre global sur l’intelligence artificielle nous sera bientôt donné par l’Union européenne. Si l’on prend en considération le succès du RGPD, on peut imaginer que l’échelon européen est le plus adapté à la régulation du numérique.

M. le rapporteur estime que cela interviendra trop tardivement. Je pense au contraire qu’il ne sert à rien de se précipiter sur un sujet éthique qui aura des conséquences sur plusieurs décennies. Je considère que ce sujet mériterait un débat national d’envergure, oserais-je dire une convention citoyenne ? Je ne crois pas que nos compatriotes soient par nature opposants ou partisans de cette technologie et je ne préjuge pas des conclusions qui pourraient en sortir.

Je suis un fervent défenseur de la démocratie parlementaire, mais je crois que, sur certains sujets pour lesquels l’acceptabilité est essentielle, il importe de mettre en place des processus de décision associant le plus grand nombre possible de citoyens. Pour le dire autrement, je ne crois pas que cela passe par un projet de loi ou une proposition de loi ordinaire.

Vous l’aurez compris, l’ensemble de ces arguments conduit mon groupe à s’opposer à l’adoption de cette proposition de loi. La réécriture opérée par M. Bas a ses vertus, la volonté d’encadrer cette technologie étant louable. Toutefois, nous pensons que l’heure n’est pas venue.

Par ailleurs, en matière technologique, l’effet cliquet n’est jamais loin, une intervenante précédente ayant évoqué l’audition du secrétaire général de la Cnil. Aujourd’hui, nous repoussons le modèle chinois de reconnaissance faciale, comme nous repoussions hier l’internet à la chinoise, protégé derrière son grand firewall. Pourtant, de plus en plus de voix jalousent les possibilités offertes par l’internet chinois pour protéger les mineurs ou censurer des contenus dangereux.

Sommes-nous certains, mes chers collègues, que le modèle chinois de reconnaissance faciale constituera toujours un repoussoir dans dix ans ? Notre réponse est-elle dépendante des changements de majorité politique que pourrait connaître notre pays ? Vous hésiterez peut-être à me répondre. C’est ce qui détermine nos réflexions.

Par ailleurs, méfions-nous du solutionnisme technologique. Pour avoir débattu de l’utilité de cette technologie avec des dizaines de personnes ces dernières années, je retiens quelques limites qui nous permettront de relativiser l’urgence de notre débat.

Premièrement, la reconnaissance faciale n’est pas une recette miracle. Oui, elle sera utile dans certains cas : enlèvements de personnes, menace terroriste identifiée – j’insiste sur le terme « identifiée » –, recherche de personnes dangereuses précises. Elle ne fera pas disparaître l’ensemble des menaces.

Certes, elle sera utile dans la résolution d’enquêtes, mais il faut garder à l’esprit que la vidéoprotection elle-même n’a pas fait disparaître la criminalité dans notre pays. Même si elle est utile, elle a ses limites, et la Cour des comptes ne s’est pas privée de le rappeler à de multiples reprises.

La vidéoprotection et la reconnaissance faciale ne vont pas sans intervention humaine. Dans des exemples dramatiques, encore très récents, ce sont bien des interventions humaines qui ont permis de mettre fin au drame qui se déroulait. Aucune caméra, avec ou sans reconnaissance faciale, n’aurait pu empêcher ce qui s’est passé. Un acteur du renseignement me disait, de façon un peu triviale, « ce n’est pas parce que j’identifie celui qui a rayé ma voiture sur le parking que ma voiture est réparée ».

Il n’y aura pas de miracle, sauf exceptionnellement. Et ces technologies nous coûteront pourtant très cher ! Un autre expert me disait : « Vous avez aimé les milliards dépensés pour la vidéoprotection ? Vous adorerez le coût de la reconnaissance faciale ! » Il rappelait par ailleurs que « l’adéquation de l’utilité de la reconnaissance faciale avec une doctrine sécuritaire plus large est déterminante ». Le coût de cette technologie est loin d’être anodin par rapport aux autres moyens mis en œuvre. Il reviendra à l’État d’articuler un ensemble de solutions.

Mes chers collègues, le texte qui est soumis à notre sagacité aujourd’hui n’est pas, selon moi, un mauvais texte. L’initiative de MM. Daubresse et de Belenet a ses vertus et les enrichissements apportés par M. le rapporteur Philippe Bassont indéniables.

Toutefois, le groupe socialiste considère que ce débat, qui intervient après que nous avons tous répété urbi et orbi que la reconnaissance faciale ne serait pas en place aux JO, est prématuré. Face aux bouleversements de l’intelligence artificielle croisée avec les données biométriques, il nous semble prudent d’avancer conjointement avec l’Europe. Vous le comprendrez, et le regretterez peut-être, nous ne soutiendrons pas ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

… d’un texte qui mériterait une meilleure visibilité médiatique.

L’intelligence artificielle et son application aux images, animées ou non, ont suscité quelques débats ces derniers mois, dans le sillage du succès de ChatGPT et des dispositions sur la vidéoprotection algorithmique examinées dans le cadre du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

Je crains cependant que le format de notre discussion de cet après-midi ne nous permette pas de rencontrer le même succès. C’est compréhensible, dans la mesure où ce texte est examiné dans le cadre d’une niche – je le dis avec tout le respect que j’ai pour l’initiative parlementaire. De ce fait, nous ne disposons pas d’étude d’impact et la position de Mme la ministre témoigne du fait que ce texte n’est pas porté à bras-le-corps par le Gouvernement.

Surtout, l’agenda législatif prête à confusion : notre débat intervient en effet quelques semaines seulement après la promulgation du projet de loi sur les jeux Olympiques que j’ai déjà évoqué. Voilà quelques semaines, nous avons été nombreux, et je m’inclus dans ce « nous », à débattre des mesures concernant la vidéoprotection algorithmique lors des jeux Olympiques et à répéter, souvent avec sincérité : « non, il n’y aura pas de reconnaissance faciale aux JO ».

Cela était dit avec sincérité pour plusieurs raisons : nous étions nombreux à penser qu’il était trop tôt, que les critiques exprimées dans la société à l’égard de l’utilisation des algorithmes sans données biométriques créaient suffisamment de réticences et qu’il convenait d’éviter d’aller encore plus loin avec la reconnaissance faciale.

De manière plus pragmatique, de nombreux acteurs nous disent qu’il est trop tard, que mettre en place les systèmes de reconnaissance faciale prend du temps et que rien ne serait de toute façon opérationnel pour les JO. Je pense que ces messages, que nous avons nous-mêmes répétés, ont été entendus.

Permettez-moi d’en rappeler quelques-uns. « Nous nous félicitons de ce que la ligne rouge de la reconnaissance faciale n’ait pas été franchie dans le projet de loi déposé par le Gouvernement », déclarait la rapporteure de la commission des lois sur le récent projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques. « Je suis opposé à la reconnaissance faciale », affirmait Gérald Darmanin, auditionné par notre commission. « Nous ne voulons pas de la reconnaissance faciale ni de l’utilisation de données et de systèmes d’identification biométrique pour ces Jeux. Non seulement ces procédés ne nous semblent pas nécessaires sur le plan opérationnel, mais, surtout, les autres dispositifs prévus permettront, à eux seuls, un saut qualitatif en matière de prévention et de lutte contre les troubles à l’ordre public », déclarait Amélie Oudéa-Castéra à l’Assemblée nationale.

Je l’ai bien compris, certaines de ces citations sont soumises à interprétation, voire à une date limite de validité. Je comprends ces subtilités. Après tout, j’ai moi-même signé le rapport de la commission des lois sur la reconnaissance faciale, avant de refuser de signer la proposition de loi qui en découlait.

Permettez-moi de vous expliquer mon raisonnement personnel avant de vous confier la position de mon groupe sur cette proposition de loi.

Je ne crois pas que la reconnaissance faciale, telle qu’elle est perçue par les auteurs du texte, dont je connais les intentions, la qualité du travail et le souci de prendre de grandes précautions, comme par notre rapporteur, constitue un danger en soi. C’est une technologie qui commence à être efficace, même si elle conserve quelques faiblesses. Elle est déjà utilisée par nos citoyens pour certains de leurs actes quotidiens – je pense notamment au déverrouillage des téléphones.

Encadrer cette technologie semble très important. On peut le noter, un cadre global sur l’intelligence artificielle nous sera bientôt donné par l’Union européenne. Si l’on prend en considération le succès du RGPD, on peut imaginer que l’échelon européen est le plus adapté à la régulation du numérique.

M. le rapporteur estime que cela interviendra trop tardivement. Je pense au contraire qu’il ne sert à rien de se précipiter sur un sujet éthique qui aura des conséquences sur plusieurs décennies. Je considère que ce sujet mériterait un débat national d’envergure, oserais-je dire une convention citoyenne ? Je ne crois pas que nos compatriotes soient par nature opposants ou partisans de cette technologie et je ne préjuge pas des conclusions qui pourraient en sortir.

Je suis un fervent défenseur de la démocratie parlementaire, mais je crois que, sur certains sujets pour lesquels l’acceptabilité est essentielle, il importe de mettre en place des processus de décision associant le plus grand nombre possible de citoyens. Pour le dire autrement, je ne crois pas que cela passe par un projet de loi ou une proposition de loi ordinaire.

Vous l’aurez compris, l’ensemble de ces arguments conduit mon groupe à s’opposer à l’adoption de cette proposition de loi. La réécriture opérée par M. Bas a ses vertus, la volonté d’encadrer cette technologie étant louable. Toutefois, nous pensons que l’heure n’est pas venue.

Par ailleurs, en matière technologique, l’effet cliquet n’est jamais loin, une intervenante précédente ayant évoqué l’audition du secrétaire général de la Cnil. Aujourd’hui, nous repoussons le modèle chinois de reconnaissance faciale, comme nous repoussions hier l’internet à la chinoise, protégé derrière son grand firewall. Pourtant, de plus en plus de voix jalousent les possibilités offertes par l’internet chinois pour protéger les mineurs ou censurer des contenus dangereux.

Sommes-nous certains, mes chers collègues, que le modèle chinois de reconnaissance faciale constituera toujours un repoussoir dans dix ans ? Notre réponse est-elle dépendante des changements de majorité politique que pourrait connaître notre pays ? Vous hésiterez peut-être à me répondre. C’est ce qui détermine nos réflexions.

Par ailleurs, méfions-nous du solutionnisme technologique. Pour avoir débattu de l’utilité de cette technologie avec des dizaines de personnes ces dernières années, je retiens quelques limites qui nous permettront de relativiser l’urgence de notre débat.

Premièrement, la reconnaissance faciale n’est pas une recette miracle. Oui, elle sera utile dans certains cas : enlèvements de personnes, menace terroriste identifiée – j’insiste sur le terme « identifiée » –, recherche de personnes dangereuses précises. Elle ne fera pas disparaître l’ensemble des menaces.

Certes, elle sera utile dans la résolution d’enquêtes, mais il faut garder à l’esprit que la vidéoprotection elle-même n’a pas fait disparaître la criminalité dans notre pays. Même si elle est utile, elle a ses limites, et la Cour des comptes ne s’est pas privée de le rappeler à de multiples reprises.

La vidéoprotection et la reconnaissance faciale ne vont pas sans intervention humaine. Dans des exemples dramatiques, encore très récents, ce sont bien des interventions humaines qui ont permis de mettre fin au drame qui se déroulait. Aucune caméra, avec ou sans reconnaissance faciale, n’aurait pu empêcher ce qui s’est passé. Un acteur du renseignement me disait, de façon un peu triviale, « ce n’est pas parce que j’identifie celui qui a rayé ma voiture sur le parking que ma voiture est réparée ».

Il n’y aura pas de miracle, sauf exceptionnellement. Et ces technologies nous coûteront pourtant très cher ! Un autre expert me disait : « Vous avez aimé les milliards dépensés pour la vidéoprotection ? Vous adorerez le coût de la reconnaissance faciale ! » Il rappelait par ailleurs que « l’adéquation de l’utilité de la reconnaissance faciale avec une doctrine sécuritaire plus large est déterminante ». Le coût de cette technologie est loin d’être anodin par rapport aux autres moyens mis en œuvre. Il reviendra à l’État d’articuler un ensemble de solutions.

Mes chers collègues, le texte qui est soumis à notre sagacité aujourd’hui n’est pas, selon moi, un mauvais texte. L’initiative de MM. Daubresse et de Belenet a ses vertus et les enrichissements apportés par M. le rapporteur Philippe Bas sont indéniables.

Toutefois, le groupe socialiste considère que ce débat, qui intervient après que nous avons tous répété urbi et orbi que la reconnaissance faciale ne serait pas en place aux JO, est prématuré. Face aux bouleversements de l’intelligence artificielle croisée avec les données biométriques, il nous semble prudent d’avancer conjointement avec l’Europe. Vous le comprendrez, et le regretterez peut-être, nous ne soutiendrons pas ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si la pratique de la surveillance des populations par l’État est ancienne, sa massification, sa sophistication et sa banalisation interrogent.

Fichage massif de nos concitoyens, des organisations syndicales, des syndicalistes et des militants, déploiement incontrôlé de la vidéosurveillance, qu’elle soit traditionnelle ou algorithmique, usage de drones, marquage des manifestants, activation à distance des téléphones portables dans un but de géolocalisation, mais aussi activation à distance de la caméra et du micro de ces mêmes téléphones, scanners corporels… La panoplie des mesures de surveillance, sous couvert de justification sécuritaire, s’enrichit de manière inquiétante, pour ne pas dire glaçante, et ce dans l’apathie générale.

Ce qui, hier, relevait de la dystopie se concrétise pas à pas, sous nos yeux, sans aucun débat public. Pire, sous couvert d’écarter le risque d’une société de surveillance, le texte dont nous débattons aujourd’hui tend à instaurer le principe d’une telle surveillance, en se cachant derrière l’impératif de « préserver nos intérêts économiques en développant des outils techniques français qui améliorent la sécurité sans nuire aux libertés ».

Et les jeux Olympiques ou autres « méga-événements » sont autant de chevaux de Troie « pour faire progresser des politiques qu’il aurait été difficile, voire impossible, de mettre en place en temps normal », comme le rappellent très justement de nombreuses ONG.

C’est ainsi que ce texte vise, sous couvert d’expérimentation, dans une logique de prévention des risques, de lutte contre des menaces, supposées ou avérées, ou d’efficacité des enquêtes, de banaliser la vidéosurveillance automatisée. Cette surveillance massive de l’espace public a pour objet de détecter des comportements prétendument « anormaux », via l’identification par reconnaissance faciale en temps réel.

Comme pour d’autres systèmes de surveillance par le passé, tout en reconnaissant le caractère intrusif des technologies biométriques, l’argument avancé pour les mettre est place est l’impossibilité « de se priver de la reconnaissance faciale dans des cas particulièrement graves, afin de garantir la sécurité de nos concitoyens, à condition que son déploiement, exceptionnel, soit entouré des garanties nécessaires ».

Selon M. le rapporteur, il ne fallait pas « nous attarder sur les dangers réels de cette technologie en matière d’atteinte à la vie privée, sur les risques de développement d’une société de surveillance à la chinoise ou encore sur les erreurs possibles d’identification. Car cette technologie présente des avantages dont il serait dommage de se priver définitivement. Elle permet notamment de prévenir des attentats ou encore de retrouver des criminels. »

Notons-le, cette technologie est aussi la source de juteux revenus pour de nombreux acteurs privés. Nous parlons d’un marché en pleine expansion, qui pèsera près de 76 milliards de dollars dans le monde à l’horizon 2025.

Pour notre part, c’est au contraire des risques que font courir ces technologies et de la société que nous voulons qu’il faut débattre avant toute chose. Nous savons que ces dispositifs comportent des risques de discrimination, d’erreur, d’atteinte aux libertés fondamentales que nous ne pouvons balayer d’un revers de la main !

C’est ce que nous confirme la Cnil, en pointant le fait que « les bases de données utilisées pour le calibrage des algorithmes – les femmes, les gens de couleur, les personnes différentes – sont moins bien identifiées par les intelligences artificielles, faisant peser le risque de leur occasionner plus de contrôles, moins de libertés. »

De plus, comme le souligne La Quadrature du Net, « les comportements dits “suspects” ne sont que la matérialisation de choix politiques, subjectifs et discriminatoires, qui se focalisent sur les personnes passant le plus de temps dans la rue. Qu’elle soit humaine ou algorithmique, l’interprétation des images est toujours dictée par des critères sociaux et moraux, et l’ajout d’une couche logicielle n’y change rien. »

Enfin, ne nous y trompons pas, ces dix dernières années, toutes les mesures d’exception expérimentales ont fini, d’une manière ou d’une autre, par entrer dans le droit commun et par s’étendre à l’ensemble de la population et à toutes les situations.

Depuis près de vingt ans, avec une accélération certaine ces dernières années, nous sommes enfermés dans des politiques sécuritaires dont l’efficacité n’a pas été prouvée. Les outils de surveillance se renforcent et les lois se durcissent sans aucun débat public.

Permettez-moi de reprendre les propos de Mme Mireille Delmas-Marty, qui s’interrogeait, voilà plusieurs années, sur l’État autoritaire : « L’État autoritaire n’est pas nouveau, ce qui est nouveau, peut-être, c’est sa façon d’être autoritaire, d’une autorité grise et pénétrante qui envahit chaque repli de la vie, autorité indolore et invisible et pourtant confusément acceptée. » Ne laissons pas l’exigence de sécurité briser le rêve de liberté !

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si la pratique de la surveillance des populations par l’État est ancienne, sa massification, sa sophistication et sa banalisation interrogent.

Fichage massif de nos concitoyens, des organisations syndicales, des syndicalistes et des militants, déploiement incontrôlé de la vidéosurveillance, qu’elle soit traditionnelle ou algorithmique, usage de drones, marquage des manifestants, activation à distance des téléphones portables dans un but de géolocalisation, mais aussi activation à distance de la caméra et du micro de ces mêmes téléphones, scanners corporels… La panoplie des mesures de surveillance, sous couvert de justification sécuritaire, s’enrichit de manière inquiétante, pour ne pas dire glaçante, et ce dans l’apathie générale.

Ce qui, hier, relevait de la dystopie se concrétise pas à pas, sous nos yeux, sans aucun débat public. Pire, sous couvert d’écarter le risque d’une société de surveillance, le texte dont nous débattons aujourd’hui tend à instaurer le principe d’une telle surveillance, en se cachant derrière l’impératif de « préserver nos intérêts économiques en développant des outils techniques français qui améliorent la sécurité sans nuire aux libertés ».

Et les jeux Olympiques ou autres « méga-événements » sont autant de chevaux de Troie « pour faire progresser des politiques qu’il aurait été difficile, voire impossible, de mettre en place en temps normal », comme le rappellent très justement de nombreuses ONG.

C’est ainsi que ce texte vise, sous couvert d’expérimentation, dans une logique de prévention des risques, de lutte contre des menaces, supposées ou avérées, ou d’efficacité des enquêtes, de banaliser la vidéosurveillance automatisée. Cette surveillance massive de l’espace public a pour objet de détecter des comportements prétendument anormaux, via l’identification par reconnaissance faciale en temps réel.

Comme pour d’autres systèmes de surveillance par le passé, tout en reconnaissant le caractère intrusif des technologies biométriques, l’argument avancé pour les mettre est place est l’impossibilité « de se priver de la reconnaissance faciale dans des cas particulièrement graves, afin de garantir la sécurité de nos concitoyens, à condition que son déploiement, exceptionnel, soit entouré des garanties nécessaires ».

Selon M. le rapporteur, il ne fallait pas « nous attarder sur les dangers réels de cette technologie en matière d’atteinte à la vie privée, sur les risques de développement d’une société de surveillance à la chinoise ou encore sur les erreurs possibles d’identification. Car cette technologie présente des avantages dont il serait dommage de se priver définitivement. Elle permet notamment de prévenir des attentats ou encore de retrouver des criminels. »

Notons-le, cette technologie est aussi la source de juteux revenus pour de nombreux acteurs privés. Nous parlons d’un marché en pleine expansion, qui pèsera près de 76 milliards de dollars dans le monde à l’horizon 2025.

Pour notre part, c’est au contraire des risques que font courir ces technologies et de la société que nous voulons qu’il faut débattre avant toute chose. Nous savons que ces dispositifs comportent des risques de discrimination, d’erreur, d’atteinte aux libertés fondamentales que nous ne pouvons balayer d’un revers de la main !

C’est ce que nous confirme la Cnil, en pointant le fait que « les bases de données utilisées pour le calibrage des algorithmes – les femmes, les gens de couleur, les personnes différentes – sont moins bien identifiées par les intelligences artificielles, faisant peser le risque de leur occasionner plus de contrôles, moins de libertés. »

De plus, comme le souligne La Quadrature du Net, « les comportements dits “suspects” ne sont que la matérialisation de choix politiques, subjectifs et discriminatoires, qui se focalisent sur les personnes passant le plus de temps dans la rue. Qu’elle soit humaine ou algorithmique, l’interprétation des images est toujours dictée par des critères sociaux et moraux, et l’ajout d’une couche logicielle n’y change rien. »

Enfin, ne nous y trompons pas, ces dix dernières années, toutes les mesures d’exception expérimentales ont fini, d’une manière ou d’une autre, par entrer dans le droit commun et par s’étendre à l’ensemble de la population et à toutes les situations.

Depuis près de vingt ans, avec une accélération certaine ces dernières années, nous sommes enfermés dans des politiques sécuritaires dont l’efficacité n’a pas été prouvée. Les outils de surveillance se renforcent et les lois se durcissent sans aucun débat public.

Permettez-moi de reprendre les propos de Mme Mireille Delmas-Marty, qui s’interrogeait, voilà plusieurs années, sur l’État autoritaire : « L’État autoritaire n’est pas nouveau, ce qui est nouveau, peut-être, c’est sa façon d’être autoritaire, d’une autorité grise et pénétrante qui envahit chaque repli de la vie, autorité indolore et invisible et pourtant confusément acceptée. » Ne laissons pas l’exigence de sécurité briser le rêve de liberté !

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Favreau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le philosophe grec Ésope a dit, voilà à peu près vingt-six siècles, « la langue est la meilleure ou la pire des choses ».

Cette citation peut s’appliquer à la technique d’authentification biométrique, qui peut être un outil précieux pour identifier une personne recherchée, mais également servir la politique de répression d’un régime totalitaire.

Son usage fait la une de l’actualité à quelques mois de la Coupe du monde de rugby en septembre prochain et des jeux Olympiques en juillet 2024. Ne faut-il pas avoir peur de cette technologie potentiellement redoutable ?

Rappelez-vous, le 16 avril dernier, la République islamique d’Iran a annoncé la mise en place d’une politique répressive pour lutter contre le non-port du voile. Pour arriver à ses fins, le régime des mollahs a annoncé l’introduction du système de reconnaissance faciale pour traquer ces femmes, militantes de la liberté.

En Chine populaire, dans un pays qui maîtrise parfaitement cette technologie, la reconnaissance faciale a été généralisée au point que les autorités sont en mesure d’identifier dans la rue chaque individu, de connaître le solde de son compte bancaire, de procéder à la filature et à l’arrestation de celui ou de celle n’ayant pas payé son reliquat d’impôts ou une amende reçue dans le train ou le métro.

Plus récemment encore est apparu un programme informatique américain, ChatGPT, qui bouleversera sans doute notre rapport à la compétence.

C’est dans ce contexte que, lors de l’examen au Sénat, en janvier dernier, du projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques de Paris, la question de la reconnaissance biométrique s’est posée à la représentation nationale.

En effet, 2024 sera une année où la France accueillera des sportifs et supporters du monde entier. Il serait terrible pour notre image que la menace terroriste ou la criminalité organisée viennent ternir cette période.

Cela nous a permis de prendre conscience du vide juridique existant en droit français sur ce sujet. Il était donc urgent de légiférer et cette proposition de loi vient donner un cadre légal à l’usage de cette pratique. Pour cela, je remercie vivement mes collègues Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Bruno Retailleau de nous présenter aujourd’hui ce texte.

Un rapport d’information publié le 30 mars 2023 par quatre sénateurs de la commission des affaires européennes du Sénat a pour autant qualifié de « pratique à haut risque » la mise en place de la reconnaissance biométrique dans l’espace public, invitant le législateur à l’interdire totalement, sauf raison très exceptionnelle.

Le texte qui vient aujourd’hui devant le Sénat tient compte de toutes ces préoccupations.

Sur le fond, il précise, dès son article 1er, que la reconnaissance biométrique est limitée par plusieurs lignes rouges. Il vise à interdire formellement la catégorisation, la notation et la reconnaissance biométrique des personnes physiques dans l’espace public.

Je salue également le travail de la commission des lois et de son rapporteur Philippe Bas, qui a ajouté l’interdiction de l’identification a posteriori dans l’espace public. Ces interdictions posent les bases d’une garantie de maintien des libertés, empêchant notre pays de sombrer dans une société de surveillance généralisée.

Ceci étant, il est nécessaire de se doter de tous les moyens que la technologie nous offre pour protéger les Français des attaques terroristes ou de la criminalité grandissante.

Ainsi, il est proposé d’expérimenter pour trois ans un système de reconnaissance biométrique. Les différentes exceptions au principe d’interdiction seraient obligatoirement autorisées par la loi et l’application réglementaire se ferait après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

En ce qui concerne l’utilisation d’images en temps réel, cette pratique serait limitée aux actions antiterroristes, afin d’éviter une attaque sur des civils innocents. Ainsi, à titre expérimental, les services du premier cercle, notamment la DGSI et Tracfin, pourront utiliser la reconnaissance faciale sur la voie publique, lorsqu’une action concernera, par exemple, la défense nationale ou la prévention d’un attentat terroriste.

L’utilisation d’images pour des enquêtes judiciaires, quant à elle, ne pourra se faire qu’après autorisation de l’autorité judiciaire afin de lutter contre la grande criminalité ou de rechercher des fugitifs ou des victimes d’enlèvement.

Enfin, pour des événements particuliers ayant lieu sur la voie publique comme les jeux Olympiques, par exemple, ce système pourra être mis en place pour des actions de police administrative, donc préventive, lorsqu’une menace grave planera sur ledit événement.

Même si je n’évoquerai pas en détail tous les points de la proposition de loi, celle-ci arrive à point nommé. Elle me semble constituer un bon équilibre entre la nécessaire garantie des droits fondamentaux d’une démocratie comme la France et le défi d’une protection efficace de nos concitoyens.

Ce texte, je l’espère, servira de base et d’exemple pour nos homologues européens en matière d’utilisation de la reconnaissance biométrique.

Il était donc logique, dans ces conditions, que la commission des lois tienne compte des craintes exprimées sur les dangers potentiels de la mise en œuvre d’une telle technologie dans l’espace public.

Le texte issu des travaux de la commission, qui sera soumis au vote du Sénat, exprime de façon très didactique la prise en compte des interrogations légitimes de certains élus sur les possibles dérives de la reconnaissance biométrique dans l’espace public et organise un dispositif légal garant de la sécurité des citoyens et des libertés publiques. Il a d’ailleurs été approuvé à l’unanimité par la commission des lois, ce dont je me félicite.

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai ce texte.

Applaudissements sur les travées du grou pe CRCE.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur le banc de la commission. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Favreau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le philosophe grec Ésope a dit, voilà à peu près vingt-six siècles, « la langue est la meilleure ou la pire des choses ».

Cette citation peut s’appliquer à la technique d’authentification biométrique, qui peut être un outil précieux pour identifier une personne recherchée, mais également servir la politique de répression d’un régime totalitaire.

Son usage fait la une de l’actualité à quelques mois de la Coupe du monde de rugby en septembre prochain et des jeux Olympiques et Paralympiques en juillet 2024. Ne faut-il pas avoir peur de cette technologie potentiellement redoutable ?

Rappelez-vous, le 16 avril dernier, la République islamique d’Iran a annoncé la mise en place d’une politique répressive pour lutter contre le non-port du voile. Pour arriver à ses fins, le régime des mollahs a annoncé l’introduction du système de reconnaissance faciale pour traquer ces femmes, militantes de la liberté.

En Chine populaire, dans un pays qui maîtrise parfaitement cette technologie, la reconnaissance faciale a été généralisée au point que les autorités sont en mesure d’identifier dans la rue chaque individu, de connaître le solde de son compte bancaire, de procéder à la filature et à l’arrestation de celui ou de celle n’ayant pas payé son reliquat d’impôts ou une amende reçue dans le train ou le métro.

Plus récemment encore est apparu un programme informatique américain, ChatGPT, qui bouleversera sans doute notre rapport à la compétence.

C’est dans ce contexte que, lors de l’examen au Sénat, en janvier dernier, du projet de loi relatif à l’organisation des jeux Olympiques de Paris, la question de la reconnaissance biométrique s’est posée à la représentation nationale.

En effet, 2024 sera une année où la France accueillera des sportifs et supporters du monde entier. Il serait terrible pour notre image que la menace terroriste ou la criminalité organisée viennent ternir cette période.

Cela nous a permis de prendre conscience du vide juridique existant en droit français sur ce sujet. Il était donc urgent de légiférer et cette proposition de loi vient donner un cadre légal à l’usage de cette pratique. Pour cela, je remercie vivement mes collègues Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Bruno Retailleau de nous présenter aujourd’hui ce texte.

Un rapport d’information publié le 30 mars 2023 par quatre sénateurs de la commission des affaires européennes du Sénat a pour autant qualifié de « pratique à haut risque » la mise en place de la reconnaissance biométrique dans l’espace public, invitant le législateur à l’interdire totalement, sauf raison très exceptionnelle.

Le texte qui vient aujourd’hui devant le Sénat tient compte de toutes ces préoccupations.

Sur le fond, il précise, dès son article 1er, que la reconnaissance biométrique est limitée par plusieurs lignes rouges. Il vise à interdire formellement la catégorisation, la notation et la reconnaissance biométrique des personnes physiques dans l’espace public.

Je salue également le travail de la commission des lois et de son rapporteur Philippe Bas, qui a ajouté l’interdiction de l’identification a posteriori dans l’espace public. Ces interdictions posent les bases d’une garantie de maintien des libertés, empêchant notre pays de sombrer dans une société de surveillance généralisée.

Cela étant, il est nécessaire de se doter de tous les moyens que la technologie nous offre pour protéger les Français des attaques terroristes ou de la criminalité grandissante.

Ainsi, il est proposé d’expérimenter pour trois ans un système de reconnaissance biométrique. Les différentes exceptions au principe d’interdiction seraient obligatoirement autorisées par la loi et l’application réglementaire se ferait après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

En ce qui concerne l’utilisation d’images en temps réel, cette pratique serait limitée aux actions antiterroristes, afin d’éviter une attaque sur des civils innocents. Ainsi, à titre expérimental, les services du premier cercle, notamment la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et Tracfin, pourront utiliser la reconnaissance faciale sur la voie publique, lorsqu’une action concernera, par exemple, la défense nationale ou la prévention d’un attentat terroriste.

L’utilisation d’images pour des enquêtes judiciaires, quant à elle, ne pourra se faire qu’après autorisation de l’autorité judiciaire afin de lutter contre la grande criminalité ou de rechercher des fugitifs ou des victimes d’enlèvement.

Enfin, pour des événements particuliers ayant lieu sur la voie publique comme les jeux Olympiques, par exemple, ce système pourra être mis en place pour des actions de police administrative, donc préventive, lorsqu’une menace grave planera sur ledit événement.

Même si je n’évoquerai pas en détail tous les points de la proposition de loi, celle-ci arrive à point nommé. Elle me semble constituer un bon équilibre entre la nécessaire garantie des droits fondamentaux d’une démocratie comme la France et le défi d’une protection efficace de nos concitoyens.

Ce texte, je l’espère, servira de base et d’exemple pour nos homologues européens en matière d’utilisation de la reconnaissance biométrique.

Il était donc logique, dans ces conditions, que la commission des lois tienne compte des craintes exprimées sur les dangers potentiels de la mise en œuvre d’une telle technologie dans l’espace public.

Le texte issu des travaux de la commission, qui sera soumis au vote du Sénat, exprime de façon très didactique la prise en compte des interrogations légitimes de certains élus sur les possibles dérives de la reconnaissance biométrique dans l’espace public et organise un dispositif légal garant de la sécurité des citoyens et des libertés publiques. Il a d’ailleurs été approuvé à l’unanimité par la commission des lois, ce dont je me félicite.

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai ce texte.

Photo de Roger Karoutchi

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Photo de Roger Karoutchi

L’amendement n° 2, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Après le mot :

biométriques

insérer les mots :

, notamment sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur comportement social, de leurs convictions philosophiques ou religieuses, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout système de reconnaissance biométrique permettant la reconnaissance ou la déduction des émotions ou des intentions de personnes physiques sur la base de leurs données biométriques est interdit. »

La parole est à M. Thomas Dossus.

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Parce qu’elles ciblent le plus souvent les caractéristiques des individus qui les exposent à des discriminations, les technologies biométriques et la généralisation de leur usage sont susceptibles d’amplifier, pour certains groupes sociaux, les discriminations systémiques opérant au sein de la société. En d’autres termes, ces technologies sont biaisées.

Lorsqu’elles sont déployées, elles ciblent en priorité les personnes pauvres, car la surveillance est basée sur des critères sociaux, en visant prioritairement les personnes se trouvant souvent dans la rue par manque de ressources.

Outre les risques d’abus policiers, de tels biais contribuent aussi à engendrer un contrôle au faciès automatisé.

Nous demandons donc d’interdire clairement la catégorisation et la notation d’individus sur la base de leur origine ethnique, de leur orientation sexuelle, de leur sexe, de leur comportement social, de certaines de leurs convictions. Nous demandons également d’interdire l’analyse d’émotions.

Après l’article 6 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un article 6 bis ainsi rédigé :

« Art. 6 bis. – Sauf si la personne a donné son consentement explicite, libre et éclairé, le traitement de données biométriques aux fins d’identifier une personne à distance dans l’espace public et dans les espaces accessibles au public est interdit. Le II de l’article 31 et l’article 88 ne sont pas applicables.

« Il ne peut être dérogé au premier alinéa du présent article que pour des motifs d’une exceptionnelle gravité, dans les conditions expérimentales prévues par la loi n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public, pour des finalités limitativement énumérées et selon un régime d’autorisations préalables dont l’exécution est assortie de contrôles exercés par des autorités indépendantes du service habilité à mettre en œuvre ces exceptions.

« Le recours à ces dérogations obéit aux principes de nécessité et de proportionnalité, appréciés notamment au regard de la finalité qu’elles poursuivent et des circonstances dans lesquelles elles sont mises en œuvre, du caractère limité des images traitées et de leur durée de conservation.

« Toute catégorisation et notation des personnes physiques sur la base de leurs données biométriques sont interdites. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 2, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Après le mot :

biométriques

insérer les mots :

, notamment sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur comportement social, de leurs convictions philosophiques ou religieuses, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout système de reconnaissance biométrique permettant la reconnaissance ou la déduction des émotions ou des intentions de personnes physiques sur la base de leurs données biométriques est interdit. »

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission est défavorable à cet amendement.

La religion ou le sexe ne constituent pas des données biométriques. Il n’est donc pas utile de préciser que celles-ci ne doivent pas donner d’informations sur de telles caractéristiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Parce qu’elles ciblent le plus souvent les caractéristiques des individus qui les exposent à des discriminations, les technologies biométriques et la généralisation de leur usage sont susceptibles d’amplifier, pour certains groupes sociaux, les discriminations systémiques opérant au sein de la société. En d’autres termes, ces technologies sont biaisées.

Lorsqu’elles sont déployées, elles ciblent en priorité les personnes pauvres, car la surveillance est basée sur des critères sociaux, en visant prioritairement les personnes se trouvant souvent dans la rue par manque de ressources.

Outre les risques d’abus policiers, de tels biais contribuent aussi à engendrer un contrôle au faciès automatisé.

Nous demandons donc d’interdire clairement la catégorisation et la notation d’individus sur la base de leur origine ethnique, de leur orientation sexuelle, de leur sexe, de leur comportement social, de certaines de leurs convictions. Nous demandons également d’interdire l’analyse d’émotions.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Comme la commission, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

En effet, seules les données permettant d’identifier de manière unique les individus sont biométriques. Il s’agit des empreintes digitales, de l’ADN ou de photographies.

La reconnaissance des émotions ne repose pas sur des données biométriques. Aucune des informations dont vous dressez la liste ne permet d’identifier de manière unique une personne.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission est défavorable à cet amendement.

La religion ou le sexe ne constituent pas des données biométriques. Il n’est donc pas utile de préciser que celles-ci ne doivent pas donner d’informations sur de telles caractéristiques.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Comme la commission, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

En effet, seules les données permettant d’identifier de manière unique les individus sont biométriques. Il s’agit des empreintes digitales, de l’ADN ou de photographies.

La reconnaissance des émotions ne repose pas sur des données biométriques. Aucune des informations dont vous dressez la liste ne permet d’identifier de manière unique une personne.

L ’ article 1 er est adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Photo de Roger Karoutchi

L’amendement n° 3, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Cette expérimentation ne saurait en aucun cas préjuger d’une pérennisation de ces traitements.

La parole est à M. Thomas Dossus.

Article 1er bis

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Nous considérons, et nous ne sommes pas les seuls, que chaque expérimentation, chaque renforcement de nos politiques sécuritaires par la technologie se fait sans retour en arrière, bien au contraire. Les usages et les autorisations ont même plutôt tendance à s’étendre.

Cela a été le cas, je l’ai dit au cours de la discussion générale, pour les prélèvements d’ADN. Au début, on nous jurait que leur usage serait circonscrit aux actes de terrorisme. Or force est de constater que tel n’est pas le cas. Ainsi, en janvier de cette année, un manifestant contre la réforme des retraites est passé en comparution pour avoir refusé de donner ses empreintes génétiques lors de son arrestation. Qui peut s’habituer à ce qu’on fiche l’ADN des militants politiques ou syndicaux ?

Qu’est-ce qui nous garantit que la surveillance biométrique ne suivra pas ce même chemin ? Rien ! Certainement pas l’expérience que nous avons des évolutions législatives analogues !

C’est pourquoi nous souhaitons inscrire en toutes lettres dans la loi que la pérennisation ne va pas de soi et que le débat sur ces technologies a besoin de contradictoire.

I. – Les articles 1er ter, 5 et 6 de la présente loi, ainsi que le 4° bis de l’article 44 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, le chapitre III bis du titre IV du livre Ier du code de procédure pénale, le 7° de l’article L. 821-2 du code de la sécurité intérieure et le chapitre VI du titre V du livre VIII du même code, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi.

II. – L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises ou mises en œuvre par les autorités administratives en application du 4° bis de l’article 44 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Ces autorités administratives leur transmettent sans délai copie de tous les actes qu’elles prennent en application de ces dispositions.

Pendant la durée de l’expérimentation prévue au I, le rapport public de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement prévu à l’article L. 833-9 du code de la sécurité intérieure comporte, dans le respect du secret de la défense nationale et sans révéler des procédures ou des méthodes opérationnelles, une évaluation des mesures mises en œuvre en application du 7° de l’article L. 821-2 du même code, du chapitre VI du titre V du livre VIII dudit code et de l’article 5 de la présente loi.

III. – Au plus tard six mois avant la fin de la durée mentionnée au I, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport évaluant l’application des mesures prévues par la présente loi et l’opportunité de les pérenniser ou de les modifier, notamment au vu de l’évolution du droit de l’Union européenne en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 3, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Cette expérimentation ne saurait en aucun cas préjuger d’une pérennisation de ces traitements.

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C’est le sens même d’une expérimentation que la pérennisation n’aille pas de soi !

Au demeurant, si cet amendement ne fait pas de bien, il ne fait pas de mal non plus. C’est la raison pour laquelle la commission y est favorable, afin de rassurer ses auteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Nous considérons, et nous ne sommes pas les seuls, que chaque expérimentation, chaque renforcement de nos politiques sécuritaires par la technologie se fait sans retour en arrière, bien au contraire. Les usages et les autorisations ont même plutôt tendance à s’étendre.

Cela a été le cas, je l’ai dit au cours de la discussion générale, pour les prélèvements d’ADN. Au début, on nous jurait que leur usage serait circonscrit aux actes de terrorisme. Or force est de constater que tel n’est pas le cas. Ainsi, en janvier de cette année, un manifestant contre la réforme des retraites est passé en comparution pour avoir refusé de donner ses empreintes génétiques lors de son arrestation. Qui peut s’habituer à ce qu’on fiche l’ADN des militants politiques ou syndicaux ?

Qu’est-ce qui nous garantit que la surveillance biométrique ne suivra pas ce même chemin ? Rien ! Certainement pas l’expérience que nous avons des évolutions législatives analogues !

C’est pourquoi nous souhaitons inscrire en toutes lettres dans la loi que la pérennisation ne va pas de soi et que le débat sur ces technologies a besoin de contradictoire.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Quand le législateur autorise une expérimentation, monsieur le sénateur, il va de soi qu’il ne préjuge pas de sa pérennisation : une intervention législative est, par construction, indispensable pour ce faire.

Je rappelle que nous avons déjà eu ce débat à l’occasion de l’examen de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Il ne pourra pas davantage y avoir pérennisation par principe. Le dernier mot reviendra au Parlement.

Cet amendement étant satisfait, j’invite le Sénat à le rejeter.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C’est le sens même d’une expérimentation que la pérennisation n’aille pas de soi !

Au demeurant, si cet amendement ne fait pas de bien, il ne fait pas de mal non plus. C’est la raison pour laquelle la commission y est favorable, afin de rassurer ses auteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Cet amendement est plus important qu’il n’en a l’air. Il s’agit surtout d’un message, peut-être un peu appuyé, en direction du Gouvernement.

Je suis parlementaire depuis maintenant quelques années. Nous ne cessons d’examiner des textes visant à instaurer des expérimentations, lesquelles ne font pas l’objet d’évaluations, y compris lorsque celles-ci sont prévues, et qui sont ensuite pérennisées. On a pu le constater dans des moments particuliers, comme pendant la crise de la covid, mais on le constate aussi régulièrement – je siège à la commission des lois – sur de nombreux sujets.

M. le rapporteur a parlé sagement, comme à l’accoutumée. Il est vrai que, stricto sensu, une telle précision ne devrait pas être nécessaire. Mais l’expérience nous invite à nous montrer prudents. Nous voterons donc cet amendement.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Quand le législateur autorise une expérimentation, monsieur le sénateur, il va de soi qu’il ne préjuge pas de sa pérennisation : une intervention législative est, par construction, indispensable pour ce faire.

Je rappelle que nous avons déjà eu ce débat à l’occasion de l’examen de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Il ne pourra pas davantage y avoir pérennisation par principe. Le dernier mot reviendra au Parlement.

Cet amendement étant satisfait, j’invite le Sénat à le rejeter.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Cet amendement est plus important qu’il n’en a l’air. Il s’agit surtout d’un message, peut-être un peu appuyé, en direction du Gouvernement.

Je suis parlementaire depuis maintenant quelques années. Nous ne cessons d’examiner des textes visant à instaurer des expérimentations, lesquelles ne font pas l’objet d’évaluations, y compris lorsque celles-ci sont prévues, et qui sont ensuite pérennisées. On a pu le constater dans des moments particuliers, comme pendant la crise de la covid-19, mais on le constate aussi régulièrement – je siège à la commission des lois – sur de nombreux sujets.

M. le rapporteur a parlé sagement, comme à l’accoutumée. Il est vrai que, stricto sensu, une telle précision ne devrait pas être nécessaire. Mais l’expérience nous invite à nous montrer prudents. Nous voterons donc cet amendement.

L ’ article 1 er bis est adopté.

L ’ amendement est adopté.

Photo de Roger Karoutchi

Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.

Photo de Roger Karoutchi

L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Reichardt et Frassa, Mme Muller-Bronn, MM. Bazin et Cardoux, Mme de La Provôté, M. Brisson, Mme Goy-Chavent, M. Milon, Mme Schalck, M. Longeot, Mme Guidez, M. Anglars, Mmes Imbert et Micouleau, M. Genet, Mme Thomas et MM. Chatillon et Calvet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Lorsque l’État confie le développement du logiciel de traitement algorithmique à un tiers, l’autorité administrative compétente apprécie la compatibilité des fonctions envisagées avec les intérêts détenus et les fonctions exercées au cours des cinq dernières années par ce tiers, sur la base de la déclaration prévue à la seconde phrase du septième alinéa du même VI. En cas de doute sérieux sur la compatibilité de ces fonctions, l’autorité administrative compétente peut saisir pour avis la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique dans les conditions fixées par la section 4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

La parole est à Mme Elsa Schalck.

Article 1er ter

Debut de section - PermalienPhoto de Elsa Schalck

Cet amendement vise à réintroduire dans la loi un principe de transparence relatif au développement des logiciels de traitement. En effet, il faut regretter que des garanties relatives à leur développement et à l’organisation du traitement des données biométriques, prévues dans la version initiale de cette proposition de loi, aient été supprimées au profit d’un simple renvoi à un décret en Conseil d’État.

Pourtant, le législateur ne saurait consentir à cet abandon de compétence au profit du pouvoir réglementaire, par ailleurs susceptible de censure constitutionnelle.

L’intervention du législateur est nécessaire dans ce domaine, car la reconnaissance biométrique résulte d’indissociables aspects immatériels et matériels. Cet abandon de compétence serait d’autant plus dommageable que des exigences européennes seront directement applicables sans que le législateur français se saisisse de ce sujet et fixe ses propres garanties.

De manière concrète, enfin, il est nécessaire d’aider les autorités administratives compétentes dans l’exercice de leur pouvoir de contrôle déontologique.

Le présent amendement tend donc à prévoir la possibilité de saisir pour avis et à titre subsidiaire la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

I. – Les traitements de données biométriques autorisés dans le cadre de la présente loi ont pour objet d’indiquer le degré de probabilité qu’une personne apparaissant sur les images exploitées corresponde effectivement à la personne dont la présence est recherchée. Le degré de probabilité ne peut apparaître qu’une fois les opérations de rapprochement effectuées par ces traitements, et uniquement pour celles de ces données qui sont entrées en concordance entre elles ou avec d’autres informations exploitées par le logiciel.

Ces traitements ne peuvent fonder, par eux-mêmes, aucune décision individuelle ou aucun acte de poursuite. Le contrôle de la mise en œuvre des traitements dans le respect des finalités définies est assuré en permanence par les agents chargés de son application. Les signalements générés par ces traitements donnent lieu à une analyse par des agents qualifiés, individuellement désignés et habilités. Cette habilitation précise la nature des données auxquelles elle donne accès.

Ces traitements ne peuvent procéder à aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisés avec d’autres traitements de données à caractère personnel.

II. – L’État assure le développement des logiciels de traitement de données biométriques autorisés dans le cadre de la présente loi. Il peut également en confier le développement à un tiers ou les acquérir. Ces traitements sont développés dans les conditions prévues au VI de l’article 10 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

III. – Les logiciels de traitement de données biométriques déployés dans le cadre de la présente loi sont autorisés par décrets en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou, pour les logiciels utilisés en application des articles 4 et 5 de la présente loi, de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Ces décrets fixent les caractéristiques essentielles du traitement. Ils indiquent notamment les conditions d’habilitation et de formation des agents pouvant accéder aux signalements du traitement et, le cas échéant, les spécificités des situations justifiant l’emploi du traitement. Ils désignent l’autorité chargée d’établir l’attestation de conformité mentionnée au dernier alinéa du VI de l’article 10 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 précitée.

Ces décrets sont accompagnés d’une analyse d’impact relative à la protection des données personnelles qui expose :

1° Le bénéfice escompté de l’emploi du traitement au service de la finalité qu’il poursuit ;

2° L’ensemble des risques éventuellement créés par le système et les mesures envisagées afin de les minimiser et de les rendre acceptables au cours de son fonctionnement.

IV. – Afin d’améliorer la performance des traitements, un échantillon d’images collectées, dans des conditions analogues à celles prévues pour l’emploi de ces traitements, au moyen de caméras dédiées et distinctes de celles des systèmes de vidéoprotection et sélectionnées, sous la responsabilité de l’État, conformément aux exigences de pertinence, d’adéquation et de représentativité mentionnées au 1° du V de l’article 10 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 précitée peut être utilisé comme données d’apprentissage pendant une durée strictement nécessaire et maximale de quatre mois à compter de l’enregistrement des images. Ces images sont détruites, en tout état de cause, à la fin de la durée prévue au I de l’article 1er bis de la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Reichardt et Frassa, Mme Muller-Bronn, MM. Bazin et Cardoux, Mme de La Provôté, M. Brisson, Mme Goy-Chavent, M. Milon, Mme Schalck, M. Longeot, Mme Guidez, M. Anglars, Mmes Imbert et Micouleau, M. Genet, Mme Thomas et MM. Chatillon et Calvet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Lorsque l’État confie le développement du logiciel de traitement algorithmique à un tiers, l’autorité administrative compétente apprécie la compatibilité des fonctions envisagées avec les intérêts détenus et les fonctions exercées au cours des cinq dernières années par ce tiers, sur la base de la déclaration prévue à la seconde phrase du septième alinéa du même VI. En cas de doute sérieux sur la compatibilité de ces fonctions, l’autorité administrative compétente peut saisir pour avis la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique dans les conditions fixées par la section 4 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

La parole est à Mme Elsa Schalck.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission a émis un avis de sagesse. À titre personnel, je voterai cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Elsa Schalck

Cet amendement vise à réintroduire dans la loi un principe de transparence relatif au développement des logiciels de traitement. En effet, il faut regretter que des garanties relatives à leur développement et à l’organisation du traitement des données biométriques, prévues dans la version initiale de cette proposition de loi, aient été supprimées au profit d’un simple renvoi à un décret en Conseil d’État.

Pourtant, le législateur ne saurait consentir à cet abandon de compétence au profit du pouvoir réglementaire, par ailleurs susceptible de censure constitutionnelle.

L’intervention du législateur est nécessaire dans ce domaine, car la reconnaissance biométrique résulte d’indissociables aspects immatériels et matériels. Cet abandon de compétence serait d’autant plus dommageable que des exigences européennes seront directement applicables sans que le législateur français se saisisse de ce sujet et fixe ses propres garanties.

De manière concrète, enfin, il est nécessaire d’aider les autorités administratives compétentes dans l’exercice de leur pouvoir de contrôle déontologique.

Le présent amendement tend donc à prévoir la possibilité de saisir pour avis et à titre subsidiaire la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Même avis que M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission a émis un avis de sagesse. À titre personnel, je voterai cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Cet amendement est particulièrement important. Avec mes collègues, nous avons pu observer que les conditions de développement des outils algorithmiques, qu’il s’agisse de l’origine des données ou de la nature des opérateurs, étaient essentielles. Il est donc très important de pouvoir s’assurer du pedigree, du passé professionnel et des intentions du tiers auquel l’État confie le développement d’un logiciel de traitement algorithmique.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Même avis que M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Cet amendement est particulièrement important. Avec mes collègues, nous avons pu observer que les conditions de développement des outils algorithmiques, qu’il s’agisse de l’origine des données ou de la nature des opérateurs, étaient essentielles. Il est donc très important de pouvoir s’assurer du pedigree, du passé professionnel et des intentions du tiers auquel l’État confie le développement d’un logiciel de traitement algorithmique.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 4, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Le dernier alinéa de l’article 1er ter introduit en commission par notre rapporteur tend à prévoir qu’un échantillon d’images collectées au moyen de caméras dédiées puisse être utilisé comme données d’apprentissage pendant une durée de quatre mois à compter de l’enregistrement des images.

Il est par ailleurs prévu dans cet alinéa que ces images soient détruites au bout de trois ans après la promulgation de la loi.

Les algorithmes, pour fonctionner correctement, ont besoin de données d’apprentissage. En l’espèce, pour la biométrie, ils ont besoin de voir et d’analyser des personnes afin de s’entraîner. Ce seront donc des personnes présentes dans l’espace public qui seront, sans leur consentement, des cobayes pour cet apprentissage. Ce n’est pas acceptable. Les libertés publiques n’ont pas à être un terrain d’entraînement ou d’expérimentation.

Par ailleurs, le texte vise à prévoir que des entreprises privées puissent être chargées de développer des traitements biométriques. Cela signifie que leur activité et leurs revenus seraient donc assurés par des personnes non consentantes dans l’espace public. Même si des garde-fous sont érigés, même si la destruction des données est prévue, il y a là un glissement démocratique peu acceptable.

Cet alinéa, avec ses dangers et ses dérives, est à l’opposé de nos convictions. C’est pourquoi nous proposons de le supprimer.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 12, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

IV. – Les critères sur lesquels se fondent les traitements biométriques sont rendus accessibles au public sous un format ouvert et librement réutilisable. Les images sur lesquelles s’opèrent ces traitements ne peuvent être ni cédées ni vendues à un tiers.

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 4, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

L’alinéa 10 de l’article 1er ter vise à améliorer la performance des traitements de données biométriques. Mais de quelle performance et de quelle amélioration parle-t-on exactement ?

D’après la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), les technologies biométriques nuisent à la possibilité protégée par le droit d’aller et de venir sans être reconnu, en bénéficiant d’une forme d’anonymat. Elles comportent un risque d’erreur important, qui entraîne parfois l’arrestation de personnes non recherchées.

Ces technologies comportent également des biais discriminatoires majeurs. Une étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT) révèle que les technologies d’intelligence artificielle présentent des préjugés liés au genre ou au type de couleur de peau. En analysant un logiciel de reconnaissance faciale, les chercheurs ont découvert un taux d’erreur de 0, 8 % pour des hommes à la peau claire et de 34, 7 % pour des femmes à la peau foncée.

Par ailleurs, comme je l’ai déjà souligné, ce texte vise à prévoir que des entreprises privées puissent être chargées de développer des traitements biométriques. C’est une aubaine pour ces entreprises, puisque le marché de la vidéosurveillance automatisée au niveau mondial représentait, en 2020, plus de 11 milliards de dollars.

Nous ne voulons certainement pas rendre ces technologies plus performantes et permettre aux entreprises de s’enrichir en exploitant la vie privée des personnes.

C’est la raison pour laquelle nous proposons au contraire de remplacer le dispositif d’amélioration en trompe-l’œil par un alinéa visant à indiquer que les critères sur lesquels se fondent ces traitements biométriques devront être disponibles en open source et que les données utilisées dans le cadre de ces traitements ne pourront être cédées ni vendues.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Le dernier alinéa de l’article 1er ter introduit en commission par notre rapporteur tend à prévoir qu’un échantillon d’images collectées au moyen de caméras dédiées puisse être utilisé comme données d’apprentissage pendant une durée de quatre mois à compter de l’enregistrement des images.

Il est par ailleurs prévu dans cet alinéa que ces images soient détruites au bout de trois ans après la promulgation de la loi.

Les algorithmes, pour fonctionner correctement, ont besoin de données d’apprentissage. En l’espèce, pour la biométrie, ils ont besoin de voir et d’analyser des personnes afin de s’entraîner. Ce seront donc des personnes présentes dans l’espace public qui seront, sans leur consentement, des cobayes pour cet apprentissage. Ce n’est pas acceptable. Les libertés publiques n’ont pas à être un terrain d’entraînement ou d’expérimentation.

Par ailleurs, le texte vise à prévoir que des entreprises privées puissent être chargées de développer des traitements biométriques. Cela signifie que leur activité et leurs revenus seraient donc assurés par des personnes non consentantes dans l’espace public. Même si des garde-fous sont érigés, même si la destruction des données est prévue, il y a là un glissement démocratique peu acceptable.

Cet alinéa, avec ses dangers et ses dérives, est à l’opposé de nos convictions. C’est pourquoi nous proposons de le supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 5, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque les enregistrements sont transmis à des fins pédagogiques ou de formation, les données figurant dans les enregistrements sont anonymisées préalablement à leur utilisation.

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 12, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

IV. – Les critères sur lesquels se fondent les traitements biométriques sont rendus accessibles au public sous un format ouvert et librement réutilisable. Les images sur lesquelles s’opèrent ces traitements ne peuvent être ni cédées ni vendues à un tiers.

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Comme je n’ai eu de cesse de le rappeler dans cet hémicycle, les technologies biométriques comportent des risques unanimement dénoncés par les autorités indépendantes, comme la Défenseure des droits ou la Cnil.

Selon le rapport de 2021 de la Défenseur des droits sur les technologies biométriques, l’utilisation de la reconnaissance biométrique comporte un risque inhérent d’atteinte au droit et au respect de la vie privée, ainsi qu’à la protection des données. Elle peut entraîner des discriminations, voire les amplifier.

Pour la CNIL, la reconnaissance biométrique est particulièrement intrusive et comporte un certain nombre de risques pour la protection des données et de la vie privée.

Face à ces risques indéniables dans la vie privée des personnes, nous proposons a minima de renforcer les garanties pour les enregistrements utilisés à des fins pédagogiques en assurant l’anonymat des personnes figurant dans ces échantillons.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

L’alinéa 10 de l’article 1er ter vise à améliorer la performance des traitements de données biométriques. Mais de quelle performance et de quelle amélioration parle-t-on exactement ?

D’après la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), les technologies biométriques nuisent à la possibilité protégée par le droit d’aller et de venir sans être reconnu, en bénéficiant d’une forme d’anonymat. Elles comportent un risque d’erreur important, qui entraîne parfois l’arrestation de personnes non recherchées.

Ces technologies comportent également des biais discriminatoires majeurs. Une étude du Massachusetts Institute of Technology (MIT) révèle que les technologies d’intelligence artificielle présentent des préjugés liés au genre ou au type de couleur de peau. En analysant un logiciel de reconnaissance faciale, les chercheurs ont découvert un taux d’erreur de 0, 8 % pour des hommes à la peau claire et de 34, 7 % pour des femmes à la peau foncée.

Par ailleurs, comme je l’ai déjà souligné, ce texte vise à prévoir que des entreprises privées puissent être chargées de développer des traitements biométriques. C’est une aubaine pour ces entreprises, puisque le marché de la vidéosurveillance automatisée au niveau mondial représentait, en 2020, plus de 11 milliards de dollars.

Nous ne voulons certainement pas rendre ces technologies plus performantes et permettre aux entreprises de s’enrichir en exploitant la vie privée des personnes.

C’est la raison pour laquelle nous proposons au contraire de remplacer le dispositif d’amélioration en trompe-l’œil par un alinéa visant à indiquer que les critères sur lesquels se fondent ces traitements biométriques devront être disponibles en open source et que les données utilisées dans le cadre de ces traitements ne pourront être cédées ni vendues.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 5, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsque les enregistrements sont transmis à des fins pédagogiques ou de formation, les données figurant dans les enregistrements sont anonymisées préalablement à leur utilisation.

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L’amendement n° 4 vise à prévoir la suppression de la collecte d’un échantillon permettant d’améliorer la maîtrise de la technologie de la reconnaissance faciale.

Si l’on ne fiabilise pas les traitements par l’expérimentation, alors les risques d’erreurs qu’il s’agit justement d’éviter seront maintenus, au lieu d’être réduits. J’émets donc un avis défavorable.

L’amendement n° 12 est assez voisin du précédent. En réalité, il est contraire à l’objectif de protection affiché, puisqu’il postule que les traitements biométriques pourraient être réutilisables. Or notre texte vise justement à éviter qu’ils ne le soient. J’émets donc un avis défavorable.

Enfin, l’amendement n° 5 vise à prévoir que, avant d’utiliser les données issues de traitement biométrique par reconnaissance faciale pour des formations, il faudrait anonymiser les images recueillies. Mais notre texte interdit précisément d’utiliser ces données à des fins de formation. Nous n’avons donc pas à prévoir l’anonymisation en cas de formation, puisque nous sommes opposés à une utilisation à visée pédagogique.

Notre texte étant plus restrictif que ce que semblent postuler les auteurs de l’amendement n° 5, j’émets également un avis défavorable sur ce dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Comme je n’ai eu de cesse de le rappeler dans cet hémicycle, les technologies biométriques comportent des risques unanimement dénoncés par les autorités indépendantes, comme la Défenseure des droits ou la Cnil.

Selon le rapport de 2021 de la Défenseure des droits sur les technologies biométriques, l’utilisation de la reconnaissance biométrique comporte un risque inhérent d’atteinte au droit et au respect de la vie privée, ainsi qu’à la protection des données. Elle peut entraîner des discriminations, voire les amplifier.

Pour la Cnil, la reconnaissance biométrique est particulièrement intrusive et comporte un certain nombre de risques pour la protection des données et de la vie privée.

Face à ces risques indéniables dans la vie privée des personnes, nous proposons a minima de renforcer les garanties pour les enregistrements utilisés à des fins pédagogiques en assurant l’anonymat des personnes figurant dans ces échantillons.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

En ce qui concerne l’amendement n° 4, comme l’a souligné M. le sénateur Dossus, le Gouvernement est assez circonspect sur l’opportunité de cette proposition de loi.

Sur le fond, je ne suis pas convaincue que la rédaction de l’article 10 de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, conçu pour la détection d’événements génériques et modélisables, soit parfaitement transposable à la reconnaissance faciale. Ce point mériterait d’être examiné plus avant, en lien avec les experts de cette technologie. J’émets donc un avis défavorable.

En ce qui concerne l’amendement n° 12, rendre publics des codes sources des outils des forces de sécurité intérieure est incompatible avec l’exigence de sécurité. La confidentialité de leur fonctionnement technique est la condition sine qua non de leur efficacité. À défaut, les délinquants et criminels s’en serviront à l’insu des forces de sécurité intérieure. Nous ne pouvons donc qu’être défavorables à cet amendement.

Quant à l’amendement n° 5, pour les mêmes raisons que M. le rapporteur, j’émets un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L’amendement n° 4 vise à prévoir la suppression de la collecte d’un échantillon permettant d’améliorer la maîtrise de la technologie de la reconnaissance faciale.

Si l’on ne fiabilise pas les traitements par l’expérimentation, alors les risques d’erreurs qu’il s’agit justement d’éviter seront maintenus, au lieu d’être réduits. J’émets donc un avis défavorable.

L’amendement n° 12 est assez voisin du précédent. En réalité, il est contraire à l’objectif de protection affiché, puisqu’il postule que les traitements biométriques pourraient être réutilisables. Or notre texte vise justement à éviter qu’ils ne le soient. J’émets donc un avis défavorable.

Enfin, l’amendement n° 5 vise à prévoir que, avant d’utiliser les données issues de traitement biométrique par reconnaissance faciale pour des formations, il faudrait anonymiser les images recueillies. Mais notre texte interdit précisément d’utiliser ces données à des fins de formation. Nous n’avons donc pas à prévoir l’anonymisation en cas de formation, puisque nous sommes opposés à une utilisation à visée pédagogique.

Notre texte étant plus restrictif que ce que semblent postuler les auteurs de l’amendement n° 5, j’émets également un avis défavorable sur ce dernier.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

En ce qui concerne l’amendement n° 4, comme l’a souligné M. le sénateur Dossus, le Gouvernement est assez circonspect sur l’opportunité de cette proposition de loi.

Sur le fond, je ne suis pas convaincue que la rédaction de l’article 10 de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions, conçue pour la détection d’événements génériques et modélisables, soit parfaitement transposable à la reconnaissance faciale. Ce point mériterait d’être examiné plus avant, en lien avec les experts de cette technologie. J’émets donc un avis défavorable.

En ce qui concerne l’amendement n° 12, rendre publics des codes sources des outils des forces de sécurité intérieure est incompatible avec l’exigence de sécurité. La confidentialité de leur fonctionnement technique est la condition sine qua non de leur efficacité. À défaut, les délinquants et criminels s’en serviront à l’insu des forces de sécurité intérieure. Nous ne pouvons donc qu’être défavorables à cet amendement.

Sur l’amendement n° 5, pour les mêmes raisons que M. le rapporteur, j’émets un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er ter est adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Photo de Roger Karoutchi

Je mets aux voix l’article 1er ter modifié.

Article 1er quater

Chapitre II

Expérimentation de dispositifs d’authentification biométrique sans consentement pour l’accès à certains grands événements

(Division nouvelle)

I. – Le I de l’article 9 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « dix-huit » est remplacé par le mot : « vingt » ;

2° Après le 8°, sont insérés des 9 et 10° ainsi rédigés :

« 9° Le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ou son représentant ;

« 10° Le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse ou son représentant. »

II. – Le titre Ier de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifié :

1° L’article 4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa du I, le mot : « neuf » est remplacé par le mot : « dix » ;

b) Le même I est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ou l’un de ses représentants, est membre de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. » ;

c) Au dernier alinéa du III et à la première phrase du premier alinéa du IV, les mots : « du dernier » sont remplacés par les mots : « de l’avant-dernier » ;

2° La première phrase du premier alinéa de l’article 5 est complétée par les mots : «, à l’exception du président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou de son représentant ».

III. – Le titre II du livre III du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :

1° L’article L. 130 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– à la première phrase, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « huit » ;

– avant la dernière phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ou l’un de ses représentants, est membre de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse. » ;

b) Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante. » ;

c) La deuxième phrase du cinquième alinéa est complétée par les mots : « et du président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou de son représentant » ;

d) À la première phrase du septième alinéa, après le mot : « restreinte », sont insérés les mots : « et du président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou de son représentant » ;

2° La première phrase du premier alinéa de l’article L. 131 est complétée par les mots : «, à l’exception du président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou de son représentant ». –

Photo de Roger Karoutchi

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 6 est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 13 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 6.

Article 2

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

L’article 2 tend à déroger, à titre expérimental, à l’interdiction de l’usage de l’authentification biométrique pour de grands événements, afin de permettre de contrôler l’accès aux zones.

On arrive ici au cœur de la présente proposition de loi, au cœur de son hypocrisie, si j’ose dire. En effet, si les articles précédents visaient à établir un régime général d’interdiction, d’encadrement et de contrôle, nous entrons désormais dans une série d’articles d’exception, d’autorisation et d’expérimentation qui sont en réalité le but premier de cette proposition de loi, avec un objectif clair : étendre peu à peu l’usage de la biométrie dans l’espace public.

L’expérimentation est une stratégie utilisée pour permettre un premier contact entre les pouvoirs publics et ces méthodes de surveillance biométriques. L’enjeu, in fine, est d’ancrer ces technologies dans les territoires et de les normaliser dans notre environnement.

Leur existence physique permet de les pérenniser et de les légaliser. Le passage automatisé rapide des frontières extérieures (Parafe) dans les aéroports est un exemple de déploiement visant à banaliser ces technologies. C’est précisément l’objet de cet article 2, à savoir créer un phénomène d’accoutumance pour l’accès dans les stades ou les concerts. La pratique entrera ainsi plus facilement dans les mœurs.

C’est ce que nous souhaitons éviter. Voilà pourquoi nous proposons la suppression de cet article attentatoire aux libertés publiques.

Après le 4° de l’article 44 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis À la seule fin d’assurer la sécurité d’un grand événement au sens de l’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure qui, par son ampleur ou par les circonstances particulières de son déroulement, est particulièrement exposé à des risques d’actes de terrorisme ou à des risques d’atteinte grave à la sécurité des personnes, les traitements conformes aux règlements types mentionnés au c du 2° du I de l’article 8 de la présente loi mis en œuvre par l’État, qui portent sur des données biométriques strictement nécessaires au contrôle de l’accès, à un autre titre que celui de spectateur, de participant ou de personne ayant son domicile dans la zone concernée sauf consentement explicite, libre et éclairé, à tout ou partie des établissements et des installations désignés par le décret mentionné au premier alinéa de l’article L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure, pour lesquels l’État a démontré un impératif particulier d’assurer un haut niveau de fiabilité de l’identification des personnes, dès lors qu’ils font l’objet d’une restriction de circulation et d’accès. Une information préalable des personnes dont les données biométriques sont traitées est réalisée par l’organisateur de l’événement ; ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 13.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 6 est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 13 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet amendement est défendu. Je souhaite néanmoins poser une question.

Après l’examen du texte en commission, il nous a été dit que les dispositifs d’authentification biométrique obligatoire ne pourront s’appliquer aux habitants des zones concernées par la mise en place de ce système. Ceux-ci devront donc disposer d’un moyen de substitution pour rejoindre leur domicile. Pourriez-vous nous apporter davantage de précisions sur ce point ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

L’article 2 tend à déroger, à titre expérimental, à l’interdiction de l’usage de l’authentification biométrique pour de grands événements, afin de permettre de contrôler l’accès aux zones.

On arrive ici au cœur de la présente proposition de loi, au cœur de son hypocrisie, si j’ose dire. En effet, si les articles précédents visaient à établir un régime général d’interdiction, d’encadrement et de contrôle, nous entrons désormais dans une série d’articles d’exception, d’autorisation et d’expérimentation qui sont en réalité le but premier de cette proposition de loi, avec un objectif clair : étendre peu à peu l’usage de la biométrie dans l’espace public.

L’expérimentation est une stratégie utilisée pour permettre un premier contact entre les pouvoirs publics et ces méthodes de surveillance biométriques. L’enjeu, in fine, est d’ancrer ces technologies dans les territoires et de les normaliser dans notre environnement.

Leur existence physique permet de les pérenniser et de les légaliser. Le passage automatisé rapide des frontières extérieures (Parafe) dans les aéroports est un exemple de déploiement visant à banaliser ces technologies. C’est précisément l’objet de cet article 2, à savoir créer un phénomène d’accoutumance pour l’accès dans les stades ou les concerts. La pratique entrera ainsi plus facilement dans les mœurs.

C’est ce que nous souhaitons éviter. Voilà pourquoi nous proposons la suppression de cet article attentatoire aux libertés publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 13.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous avons consacré beaucoup de temps à fixer un certain nombre de garanties communes pour l’usage dérogatoire de la reconnaissance faciale dans l’espace public. Et voilà que, au moment d’examiner la possibilité de ces dérogations, nous sommes saisis d’amendements de suppression. À quoi sert donc le travail que nous venons de réaliser ?

Pour répondre à la question de Mme Assassi, fort pertinente, comme toujours, nous avons prévu que les riverains d’un grand événement ne seraient pas assujettis à cette expérimentation de la reconnaissance faciale pour l’accès à certains lieux – il pourrait s’agir, par exemple, d’une rue –, excepté s’ils y consentaient.

S’ils n’y consentent pas et que la sécurité exige qu’ils prouvent qu’ils sont bien résidents de cette rue, on contrôlera alors leur identité, comme on le fait depuis toujours pour assurer la sécurité d’un lieu public en cas de menaces criminelles ou terroristes.

En tout état de cause, après mûre délibération, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet amendement est défendu. Je souhaite néanmoins poser une question.

Après l’examen du texte en commission, il nous a été dit que les dispositifs d’authentification biométrique obligatoire ne pourront s’appliquer aux habitants des zones concernées par la mise en place de ce système. Ceux-ci devront donc disposer d’un moyen de substitution pour rejoindre leur domicile. Pourriez-vous nous apporter davantage de précisions sur ce point ?

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Je rappelle l’avis de sagesse du Gouvernement sur cette proposition de loi. Comme l’a souligné M. le rapporteur, il ne me paraît pas pertinent, après tout le travail accompli et tous les débats conduits, de supprimer cet article.

Je suis donc défavorable à ces deux amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous avons consacré beaucoup de temps à fixer un certain nombre de garanties communes pour l’usage dérogatoire de la reconnaissance faciale dans l’espace public. Et voilà que, au moment d’examiner la possibilité de ces dérogations, nous sommes saisis d’amendements de suppression. À quoi sert donc le travail que nous venons de réaliser ?

Pour répondre à la question de Mme Assassi, fort pertinente, comme toujours, nous avons prévu que les riverains d’un grand événement ne seraient pas assujettis à cette expérimentation de la reconnaissance faciale pour l’accès à certains lieux – il pourrait s’agir, par exemple, d’une rue –, excepté s’ils y consentaient.

S’ils n’y consentent pas et que la sécurité exige qu’ils prouvent qu’ils sont bien résidents de cette rue, on contrôlera alors leur identité, comme on le fait depuis toujours pour assurer la sécurité d’un lieu public en cas de menaces criminelles ou terroristes.

En tout état de cause, après mûre délibération, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Je rappelle l’avis de sagesse du Gouvernement sur cette proposition de loi. Comme l’a souligné M. le rapporteur, il ne me paraît pas pertinent, après tout le travail accompli et tous les débats conduits, de supprimer cet article.

Je suis donc défavorable à ces amendements identiques.

L ’ article 2 est adopté.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Chapitre III

Expérimentation de traitements de données biométriques a posteriori dans le cadre d’enquêtes judiciaires ou en matière de renseignement

(Division nouvelle)

Photo de Roger Karoutchi

Chapitre III

Expérimentation de traitements de données biométriques a posteriori dans le cadre d’enquêtes judiciaires ou en matière de renseignement

(Division nouvelle)

Photo de Roger Karoutchi

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 7 est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 14 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 7.

Article 3

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

L’article 3 de la présente proposition de loi vise à prévoir la mise en œuvre de logiciels de traitement automatisé de données biométriques pour rassembler des preuves et retrouver l’auteur ou la victime d’une infraction sur les images recueillies dans le cadre d’investigations.

Malgré les garanties supplémentaires ajoutées en commission, notre groupe s’oppose par principe à l’utilisation automatisée des données biométriques.

Les garde-fous issus de la commission ne tiendront pas longtemps ; les antécédents de généralisation de ce genre de pratiques sont connus. Aujourd’hui, on met le doigt dans un engrenage sur lequel il sera difficile de revenir.

Pour éviter l’effet de cliquet évoqué par mon collègue Durain, nous proposons donc la suppression de cet article.

Après le chapitre III du titre IV du livre Ier du code de procédure pénale, il est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE III BIS

« Des logiciels de traitement de données biométriques

« Art. 230 -27 -1. – Afin de faciliter le rassemblement des preuves des infractions et l’identification de leurs auteurs ou la recherche d’une personne disparue ou en fuite, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale chargés d’une mission de police judiciaire, ainsi que le service placé sous l’autorité du ministre chargé du budget chargé d’effectuer des enquêtes judiciaires, peuvent mettre en œuvre, sur autorisation préalable de l’autorité judiciaire et sous son contrôle, des logiciels de traitement de données biométriques répondant aux conditions définies à l’article 1er ter de la loi n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public pour faciliter l’exploitation a posteriori des images recueillies dans le cadre des investigations en cours :

« 1° D’une enquête ou d’une instruction portant sur :

« a) Un acte de terrorisme mentionné aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;

« b) Une infraction en matière de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs mentionnée aux 1° et 2° du I de l’article L. 1333-9, à l’article L. 1333-11, au II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4 et aux articles L. 1333-13-5, L. 2339-14, L. 2339-15, L. 2341-1, L. 2341-2, L. 2341-4, L. 2342-59 et L. 2342-60 du code de la défense ;

« c) Une infraction en matière d’armes mentionnée à l’article 222-54 du code pénal et à l’article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure ;

« d) Une infraction en matière d’explosifs mentionnée à l’article 322-11-1 du code pénal et à l’article L. 2353-4 du code de la défense ;

« e) Une infraction relative à une atteinte à l’intégrité des personnes punies de cinq ans d’emprisonnement ou plus ;

« 2° D’une procédure d’enquête ou d’instruction de recherche des causes de la mort ou de la disparition prévue aux articles 74, 74-1 et 80-4 ;

« 3° D’une procédure de recherche d’une personne en fuite prévue à l’article 74-2.

« Art. 230 -27 -2. – Les données exploitées par les logiciels faisant l’objet du présent chapitre ne peuvent provenir que des pièces et des documents de procédure judiciaire déjà détenus par les services mentionnés à l’article 230-27-1.

« Les logiciels faisant l’objet du présent chapitre ne peuvent conduire qu’à la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel particuliers, dans le cadre d’une enquête ou d’une procédure déterminée portant sur un fait ou une série de faits et pour les seuls besoins de ces investigations.

« Art. 230 -27 -3. – Les données à caractère personnel révélées par l’exploitation des enquêtes et des investigations mentionnées au 1° de l’article 230-27-1 sont effacées à la clôture de l’enquête et, en tout état de cause, à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de leur révélation.

« Les données à caractère personnel révélées par l’exploitation des enquêtes mentionnées au 2° du même article 230-27-1 sont effacées dès que l’enquête a permis de retrouver la personne disparue ou, en tout état de cause, à l’expiration d’un délai de vingt ans à compter de leur révélation.

« Art. 230 -27 -4. – Sans préjudice des pouvoirs de contrôle attribués à la Commission nationale de l’informatique et des libertés par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, le traitement des données à caractère personnel est opéré sous le contrôle du procureur de la République compétent, qui peut demander qu’elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire. La rectification pour requalification judiciaire est de droit lorsque la personne concernée la demande.

« Le procureur de la République chargé de l’enquête dispose, pour l’exercice de ses fonctions, d’un accès direct à ces logiciels.

« Art. 230 -27 -5. – Un magistrat, chargé de contrôler la mise en œuvre des logiciels faisant l’objet du présent chapitre et de s’assurer de la mise à jour des données, désigné à cet effet par le ministre de la justice, concourt à l’application de l’article 230-27-4.

« Ce magistrat peut agir d’office ou sur requête des particuliers.

« Il dispose, pour l’exercice de ses fonctions, d’un accès direct à ces logiciels.

« Art. 230 -27 -6. – L’autorisation écrite du procureur de la République ou du juge d’instruction précise l’origine et la nature des données exploitées. Elle est mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Elle n’a pas de caractère juridictionnel et n’est susceptible d’aucun recours.

« Art. 230 -27 -7. – Peuvent seuls utiliser les logiciels faisant l’objet du présent chapitre :

« 1° Les agents qualifiés des services mentionnés à l’article 230-27-1, individuellement désignés et habilités, pour les seuls besoins des enquêtes dont ils sont saisis ;

« 2° Les magistrats du parquet et les magistrats instructeurs, pour les recherches relatives aux infractions dont ils sont saisis ;

« 3° Le procureur de la République compétent, aux fins du contrôle qu’il exerce en vertu de l’article 230-27-4 ;

« 4° Le magistrat mentionné à l’article 230-27-5.

« L’habilitation mentionnée au 1° du présent article précise la nature des données auxquelles elle donne accès.

« Art. 230 -27 -8. – Les logiciels faisant l’objet du présent chapitre ne peuvent en aucun cas être utilisés pour les besoins d’enquêtes administratives, ni à une autre fin que celle définie à l’article 230-27-1. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 14.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 7 est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 14 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Concrètement, il s’agit ici de permettre l’usage de logiciels de reconnaissance faciale sur les données contenues dans le traitement des antécédents judiciaires (TAJ).

Or ce fichier, dont nous avions d’ailleurs dénoncé la création, est tentaculaire : près de 19 millions de fiches sont présentes dans ce mégafichier, qui contient des informations à la fois sur les personnes mises en cause – peu importe qu’elles aient été condamnées ou non –, sur les témoins et sur les victimes impliquées dans les enquêtes.

On se retrouve ainsi dans une situation où le recours à des logiciels d’analyse d’images automatisée serait rendu nécessaire, car le TAJ est devenu gigantesque, au point qu’il ne peut plus être exploité à son plein potentiel par des humains. Une surveillance de masse – le fichage généralisé – rend nécessaire une autre surveillance de masse – la reconnaissance faciale généralisée –, selon la Quadrature du Net.

C’est la raison pour laquelle nous sommes opposés à cet article, qui justifie toutes les fuites en avant.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

L’article 3 de la présente proposition de loi vise à prévoir la mise en œuvre de logiciels de traitement automatisé de données biométriques pour rassembler des preuves et retrouver l’auteur ou la victime d’une infraction sur les images recueillies dans le cadre d’investigations.

Malgré les garanties supplémentaires ajoutées en commission, notre groupe s’oppose par principe à l’utilisation automatisée des données biométriques.

Les garde-fous issus de la commission ne tiendront pas longtemps ; les antécédents de généralisation de ce genre de pratiques sont connus. Aujourd’hui, on met le doigt dans un engrenage sur lequel il sera difficile de revenir.

Pour éviter l’effet de cliquet évoqué par mon collègue Durain, nous proposons donc la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 14.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Chers collègues, nous ne pouvons pas accepter vos amendements, car nous avons vraiment pris ici des précautions considérables.

On ne pourra utiliser la reconnaissance faciale a posteriori, c’est-à-dire avec des images qui sont déjà enregistrées, que pour des crimes d’atteintes aux personnes punis de plus de cinq ans de prison, pour des agressions terroristes, pour la recherche de disparus, pour la recherche de criminels. Les conditions sont donc très restrictives.

L’usage de la reconnaissance faciale a posteriori ne pourra être décidé que par un magistrat. Ce n’est pas un simple agent de police qui exécutera la procédure, mais un officier de police judiciaire.

Par conséquent, toutes les garanties sont réunies afin que cette technologie soit mise au service de la justice et de la sécurité de nos concitoyens, sans courir de risques pour la protection de nos libertés.

J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Concrètement, il s’agit ici de permettre l’usage de logiciels de reconnaissance faciale sur les données contenues dans le traitement des antécédents judiciaires (TAJ).

Or ce fichier, dont nous avions d’ailleurs dénoncé la création, est tentaculaire : près de 19 millions de fiches sont présentes dans ce mégafichier, qui contient des informations à la fois sur les personnes mises en cause – peu importe qu’elles aient été condamnées ou non –, sur les témoins et sur les victimes impliquées dans les enquêtes.

On se retrouve ainsi dans une situation où le recours à des logiciels d’analyse d’images automatisée serait rendu nécessaire, car le TAJ est devenu gigantesque, au point qu’il ne peut plus être exploité à son plein potentiel par des humains. Une surveillance de masse – le fichage généralisé – rend nécessaire une autre surveillance de masse – la reconnaissance faciale généralisée –, selon La Quadrature du Net.

C’est la raison pour laquelle nous sommes opposés à cet article, qui justifie toutes les fuites en avant.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

En ce qui concerne cet article, le Gouvernement émet un avis de sagesse. Il est donc défavorable à ces amendements identiques de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Chers collègues, nous ne pouvons pas accepter vos amendements, car nous avons vraiment pris ici des précautions considérables.

On ne pourra utiliser la reconnaissance faciale a posteriori, c’est-à-dire avec des images qui sont déjà enregistrées, que pour des crimes d’atteintes aux personnes punis de plus de cinq ans de prison, pour des agressions terroristes, pour la recherche de disparus, pour la recherche de criminels. Les conditions sont donc très restrictives.

L’usage de la reconnaissance faciale a posteriori ne pourra être décidé que par un magistrat. Ce n’est pas un simple agent de police qui exécutera la procédure, mais un officier de police judiciaire.

Par conséquent, toutes les garanties sont réunies afin que cette technologie soit mise au service de la justice et de la sécurité de nos concitoyens, sans courir de risques pour la protection de nos libertés.

J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

En ce qui concerne cet article, le Gouvernement émet un avis de sagesse. Il est donc défavorable à ces amendements identiques de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 18, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 15

Remplacer les mots :

enquêtes et des

par les mots :

données mentionnées au premier alinéa de l’article 230-27-2 sont, pour les enquêtes et les

et le mot :

sont

par le signe :

II. – Alinéa 16

1° Après le mot :

des

insérer les mots :

données mentionnées au premier alinéa de l’article 230-27-2 sont, pour les

2° Remplacer le mot :

sont

par le signe :

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cet amendement rédactionnel se justifie par son texte même.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 18, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 15

Remplacer les mots :

enquêtes et des

par les mots :

données mentionnées au premier alinéa de l’article 230-27-2 sont, pour les enquêtes et les

et le mot :

sont

par le signe :

II. – Alinéa 16

1° Après le mot :

des

insérer les mots :

données mentionnées au premier alinéa de l’article 230-27-2 sont, pour les

2° Remplacer le mot :

sont

par le signe :

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cet amendement rédactionnel se justifie par son texte même.

L ’ amendement est adopté.

L ’ amendement est adopté.

Photo de Roger Karoutchi

L’amendement n° 8, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus.

Article 4 A

Après l’article 230-10 du code de procédure pénale, il est inséré un article 230-10-1 ainsi rédigé :

« Art. 230 -10 -1. – Dans le cadre de la recherche des auteurs d’infractions à la loi pénale, les informations recueillies en application des premier et dernier alinéas de l’article 230-7 peuvent faire l’objet de traitements de données biométriques répondant aux conditions définies à l’article 1er ter de la loi n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public et destinés à faciliter l’identification a posteriori des personnes concernées. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 8, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous avons pris des précautions qui n’existaient pas jusqu’à présent, puisque la consultation des antécédents judiciaires se fait sur la base d’un décret. Nous avons décidé qu’elle ne pourrait se faire que sur la base de la loi, mais encore faut-il le prévoir explicitement, et c’est ce que nous faisons.

Nous sommes donc opposés à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Même avis défavorable que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous avons pris des précautions qui n’existaient pas jusqu’à présent, puisque la consultation des antécédents judiciaires se fait sur la base d’un décret. Nous avons décidé qu’elle ne pourrait se faire que sur la base de la loi, mais encore faut-il le prévoir explicitement, et c’est ce que nous faisons.

Nous sommes donc opposés à cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Même avis défavorable.

L ’ article 4 A est adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Article 4

« V. – Le nombre maximal des autorisations délivrées en application du présent article en vigueur simultanément est arrêté par le Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. La décision fixant ce contingent et sa répartition entre les ministres mentionnés au premier alinéa de l’article L. 821-2 ainsi que le nombre d’autorisations d’identification délivrées sont portés à la connaissance de la commission.

« VI. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. »

Le livre VIII du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

« 7° Le cas échéant, les logiciels de traitement de données biométriques répondant aux conditions définies à l’article 1er ter de la loi n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public dont l’utilisation est envisagée pour l’exploitation des renseignements collectés. » ;

2° Le titre V est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :

« CHAPITRE VI

« De lutilisation de traitements de données biométriques a posteriori

« Art. L. 855 -1 D. – I. – Dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du présent livre et pour la seule finalité prévue au 4° de l’article L. 811-3, peut être autorisée l’utilisation, par les services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2, de logiciels de traitement de données biométriques répondant aux conditions définies à l’article 1er ter de la loi n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public pour faciliter l’exploitation a posteriori des images issues des systèmes de vidéoprotection autorisés sur le fondement de l’article L. 252-1 déjà détenues par lesdits services, afin de retrouver une personne préalablement identifiée susceptible d’être en lien avec une menace. Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’une ou plusieurs personnes appartenant à l’entourage de la personne concernée par l’autorisation sont susceptibles de fournir des informations au titre de la finalité qui motive l’autorisation, celle-ci peut être également accordée individuellement pour chacune de ces personnes.

« II. – Par dérogation à l’article L. 821-4, l’autorisation de mise en œuvre de la technique mentionnée au I du présent article est délivrée pour une durée maximale d’un mois. L’autorisation est renouvelable dans les mêmes conditions de durée.

« III. – Le service autorisé à recourir à la technique mentionnée au I rend compte de sa mise en œuvre à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. La commission dispose d’un accès permanent, complet, direct et immédiat aux informations ou aux documents collectés. Elle peut à tout moment adresser une recommandation tendant à ce que cette opération soit interrompue et que les renseignements collectés soient détruits.

« IV. –

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 9, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus.

Supprimé

« V. – Le nombre maximal des autorisations délivrées en application du présent article en vigueur simultanément est arrêté par le Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. La décision fixant ce contingent et sa répartition entre les ministres mentionnés au premier alinéa de l’article L. 821-2 ainsi que le nombre d’autorisations d’identification délivrées sont portés à la connaissance de la commission.

« VI. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 9, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 4 est adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Chapitre IV

Expérimentation de traitements de données biométriques en temps réel pour lutter contre le terrorisme et la grande criminalité

(Division nouvelle)

Photo de Roger Karoutchi

Chapitre IV

Expérimentation de traitements de données biométriques en temps réel pour lutter contre le terrorisme et la grande criminalité

(Division nouvelle)

Article 5

VII. – Par dérogation à l’article L. 821-4, l’autorisation de mise en œuvre de la technique mentionnée au I du présent article est délivrée pour une durée maximale de quarante-huit heures. L’autorisation est renouvelable dans les mêmes conditions de durée. Un tel renouvellement ne peut être décidé que lorsqu’il est établi que le recours à ce traitement demeure le seul moyen d’atteindre la finalité poursuivie.

VII bis

VIII. – Le service autorisé à recourir aux logiciels mentionnés au I tient un registre des signalements générés par ces traitements, des suites qui y sont apportées ainsi que des personnes ayant accès aux signalements.

Le service autorisé à recourir aux logiciels mentionnés au I rend compte de leur mise en œuvre à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Celle-ci dispose d’un accès permanent, complet, direct et immédiat aux informations ou aux documents collectés ainsi qu’aux signalements générés par ces traitements. Elle peut à tout moment adresser une recommandation tendant à ce que l’opération soit interrompue et que les renseignements collectés soient détruits.

IX et X. –

I. – À titre expérimental et à la seule fin d’assurer la sécurité de grands événements sportifs, récréatifs ou culturels qui, par leur ampleur ou les circonstances de leur déroulement sont particulièrement exposés à des risques d’actes de terrorisme, les services spécialisés de renseignement mentionnés à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure en charge de la recherche, la collecte, l’exploitation et la mise à disposition du Gouvernement des renseignements relatifs à la sécurité intérieure de la Nation peuvent être autorisés à utiliser, dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du livre VIII du même code et pour la seule finalité prévue au 4° de l’article L. 811-3 dudit code, des logiciels de traitement de données biométriques répondant aux conditions définies à l’article 1er ter de la présente loi destinés à identifier, sur la base de leurs caractéristiques biométriques, des personnes limitativement et préalablement énumérées faisant peser une menace grave et immédiate sur l’ordre public, sur les images collectées au moyen de caméras dédiées et distinctes de celles des systèmes de vidéoprotection, déployés dans et aux abords des lieux accueillant ces événements ou dans les véhicules et les emprises de transport public ainsi que sur les voies les desservant directement.

L’autorisation ne peut être accordée que si le service ne peut employer d’autres moyens moins intrusifs ou si l’utilisation de ces autres moyens serait susceptible d’entraîner des menaces graves pour l’intégrité physique des agents.

II à VI. –

Supprimés

XI

VII. – Par dérogation à l’article L. 821-4, l’autorisation de mise en œuvre de la technique mentionnée au I du présent article est délivrée pour une durée maximale de quarante-huit heures. L’autorisation est renouvelable dans les mêmes conditions de durée. Un tel renouvellement ne peut être décidé que lorsqu’il est établi que le recours à ce traitement demeure le seul moyen d’atteindre la finalité poursuivie.

VII bis

VIII. – Le service autorisé à recourir aux logiciels mentionnés au I tient un registre des signalements générés par ces traitements, des suites qui y sont apportées ainsi que des personnes ayant accès aux signalements.

Le service autorisé à recourir aux logiciels mentionnés au I rend compte de leur mise en œuvre à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Celle-ci dispose d’un accès permanent, complet, direct et immédiat aux informations ou aux documents collectés ainsi qu’aux signalements générés par ces traitements. Elle peut à tout moment adresser une recommandation tendant à ce que l’opération soit interrompue et que les renseignements collectés soient détruits.

IX et X. –

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 10 est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 15 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 10.

Supprimés

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

On en arrive ici à l’utilisation en temps réel de la reconnaissance faciale… C’est le grand bond en avant dans la société de surveillance !

La protection de nos concitoyens et des intérêts de la Nation est l’affaire de tous. En l’état, les réponses apportées par ce texte pour y parvenir font fi des erreurs et des biais des technologies biométriques, qui sont mal conçues et peuvent entraîner l’aggravation des maux qu’elles prétendent combattre.

Le développement expérimental de cette société de surveillance se fait au mépris des droits et des libertés collectives. Placée en garde-fou, la consultation pour avis de la Cnil ne constitue pas une garantie suffisante.

En effet, en poussant la Cnil à accompagner les entreprises dans le développement de technologies biométriques, les auteurs de cette proposition de loi laissent à penser qu’une société de surveillance vertueuse est possible. Nous pensons exactement l’inverse : chaque pouce de terrain perdu pour nos libertés publiques nous rapproche des régimes autoritaires.

Dès lors, nous vous proposons de supprimer l’article 6, qui permettra, s’il est adopté, aux services de renseignement du premier cercle de mettre en œuvre, en temps réel, un traitement algorithmique et biométrique sur les images collectées en temps réel, au détriment de nos libertés publiques.

XI

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 10 est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 15 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

On en arrive ici à l’utilisation en temps réel de la reconnaissance faciale… C’est le grand bond en avant dans la société de surveillance !

La protection de nos concitoyens et des intérêts de la Nation est l’affaire de tous. En l’état, les réponses apportées par ce texte pour y parvenir font fi des erreurs et des biais des technologies biométriques, qui sont mal conçues et peuvent entraîner l’aggravation des maux qu’elles prétendent combattre.

Le développement expérimental de cette société de surveillance se fait au mépris des droits et des libertés collectives. Placée en garde-fou, la consultation pour avis de la Cnil ne constitue pas une garantie suffisante.

En effet, en poussant la Cnil à accompagner les entreprises dans le développement de technologies biométriques, les auteurs de cette proposition de loi laissent à penser qu’une société de surveillance vertueuse est possible. Nous pensons exactement l’inverse : chaque pouce de terrain perdu pour nos libertés publiques nous rapproche des régimes autoritaires.

Dès lors, nous vous proposons de supprimer l’article 6, qui permettra, s’il est adopté, aux services de renseignement du premier cercle de mettre en œuvre, en temps réel, un traitement algorithmique et biométrique sur les images collectées en temps réel, au détriment de nos libertés publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Aux termes de la proposition de loi initiale, la décision d’autorisation devait être délivrée par le préfet et exécutée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle du tribunal administratif.

Le texte de la commission prévoit une décision du Premier ministre après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), sous le contrôle du Conseil d’État. Les garanties sont donc maximales !

Par ailleurs, il s’agit uniquement de la lutte contre le terrorisme. Seuls les services chargés de la sécurité intérieure pourront mobiliser l’instrument de la reconnaissance faciale.

C’est la raison pour laquelle la commission a considéré que ces amendements n’étaient plus justifiés, compte tenu de l’importance des garanties offertes, lesquelles reposent sur l’expérience acquise dans l’application de la loi de 2015 sur le renseignement.

J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

L’examen de ces amendements de suppression me donne l’occasion de dire que j’ai non pas, comme vous, une opposition de principe sur cet article, mais de lourdes réserves sur le dispositif envisagé.

La technique de renseignement créée par cet article ne répond, à mon avis, à aucun besoin clairement défini. Soit l’objectif est de sécuriser un grand événement en empêchant l’accès aux individus suivis par les services de renseignement, et dans ce cas le recours à une technique de renseignement semble en pratique très compliqué. Soit l’objectif est de localiser en urgence un individu présentant une menace imminente pour l’ordre public, et, là encore, le dispositif ne paraît pas adapté.

Il serait plus opportun d’autoriser l’exploitation des caméras de vidéoprotection, plutôt que de s’appuyer sur des caméras dédiées, dont le déploiement serait complexe dans une situation d’urgence et la couverture géographique probablement peu pertinente.

Par ailleurs, pour être réellement efficace, il paraît plus intéressant de permettre aux forces de sécurité intérieure, et non pas aux seuls services de renseignement, d’y avoir accès.

Je suis donc défavorable à ces deux amendements identiques, tout en rappelant mon avis de sagesse sur cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Aux termes de la proposition de loi initiale, la décision d’autorisation devait être délivrée par le préfet et exécutée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle du tribunal administratif.

Le texte de la commission prévoit une décision du Premier ministre après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, sous le contrôle du Conseil d’État. Les garanties sont donc maximales !

Par ailleurs, il s’agit uniquement de la lutte contre le terrorisme. Seuls les services chargés de la sécurité intérieure pourront mobiliser l’instrument de la reconnaissance faciale.

C’est la raison pour laquelle la commission a considéré que ces amendements n’étaient plus justifiés, compte tenu de l’importance des garanties offertes, lesquelles reposent sur l’expérience acquise dans l’application de la loi de 2015 relative au renseignement.

J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Je l’ai rappelé dans la discussion générale, il existe actuellement un conflit entre Beauvau et Matignon sur la notion de terrorisme.

Matignon, pour l’instant, bloque les demandes d’écoutes d’un certain nombre de militants écologistes, qui sont visiblement considérés comme terroristes par le ministre de l’intérieur. Cette notion fait donc parfois l’objet d’une conception extensive, ce qui pose problème.

Selon nous, les garde-fous prévus par cet article ne sont pas suffisants.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

L’examen de ces amendements de suppression me donne l’occasion de dire que j’ai non pas, comme vous, une opposition de principe sur cet article, mais de lourdes réserves sur le dispositif envisagé.

La technique de renseignement créée par cet article ne répond, à mon avis, à aucun besoin clairement défini. Soit l’objectif est de sécuriser un grand événement en empêchant l’accès aux individus suivis par les services de renseignement, et dans ce cas le recours à une technique de renseignement semble en pratique très compliqué. Soit l’objectif est de localiser en urgence un individu présentant une menace imminente pour l’ordre public, et, là encore, le dispositif ne paraît pas adapté.

Il serait plus opportun d’autoriser l’exploitation des caméras de vidéoprotection, plutôt que de s’appuyer sur des caméras dédiées, dont le déploiement serait complexe dans une situation d’urgence et la couverture géographique probablement peu pertinente.

Par ailleurs, pour être réellement efficace, il paraît plus intéressant de permettre aux forces de sécurité intérieure, et non pas aux seuls services de renseignement, d’y avoir accès.

Je suis donc défavorable à ces amendements identiques, tout en rappelant mon avis de sagesse sur cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Nous sommes là au cœur des difficultés, dans un contexte d’inquiétude de la société eu égard aux techniques de renseignement.

L’actualité récente nous l’a montré, une autorisation a été accordée il y a quelques semaines par Matignon sans aucun contrôle, alors que ces techniques de renseignement sont censées être particulièrement contrôlées. Malgré des garde-fous très puissants, il est donc toujours possible de passer outre.

Il me semble donc que le recours à ces techniques d’identification en temps réel, malgré les précautions qui ont été proposées, est prématuré au vu de ce que j’indiquais tout à l’heure dans mon propos liminaire, dans le droit fil des remarques formulées par Mme la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Je l’ai rappelé dans la discussion générale, il existe actuellement un conflit entre Beauvau et Matignon sur la notion de terrorisme.

Matignon, pour l’instant, bloque les demandes d’écoutes d’un certain nombre de militants écologistes, qui sont visiblement considérés comme terroristes par le ministre de l’intérieur. Cette notion fait donc parfois l’objet d’une conception extensive, ce qui pose problème.

Selon nous, les garde-fous prévus par cet article ne sont pas suffisants.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Nous sommes là au cœur des difficultés, dans un contexte d’inquiétude de la société eu égard aux techniques de renseignement.

L’actualité récente nous l’a montré, une autorisation a été accordée il y a quelques semaines par Matignon sans aucun contrôle, alors que ces techniques de renseignement sont censées être particulièrement contrôlées. Malgré des garde-fous très puissants, il est donc toujours possible de passer outre.

Il me semble donc que le recours à ces techniques d’identification en temps réel, malgré les précautions qui ont été proposées, est prématuré au vu de ce que j’indiquais tout à l’heure dans mon propos liminaire, dans le droit fil des remarques formulées par Mme la ministre.

L ’ article 5 est adopté.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Article 6

2° D’une procédure d’enquête ou d’instruction de recherche des causes de la disparition prévue aux premier et deuxième alinéas de l’article 74-1 et à l’article 80-4 du code de procédure pénale ou portant sur les faits d’enlèvement et de séquestration d’une personne mineure mentionnés aux articles 224-1 à 224-5-2 du code pénal, de soustraction d’une personne mineure par ascendant mentionnés à l’article 227-7 du même code ou de soustraction d’une personne mineure sans fraude ni violence mentionnés à l’article 227-8 dudit code ;

I. – À titre expérimental et aux seules fins de faciliter le rassemblement des preuves des infractions et l’identification de leurs auteurs ou la recherche d’une personne mineure disparue, les officiers de police judiciaire peuvent mettre en œuvre un traitement algorithmique répondant aux conditions définies à l’article 1er ter de la loi n° … du … relative à la reconnaissance biométrique dans l’espace public destiné à identifier, sur la base de leurs caractéristiques biométriques, des personnes limitativement et préalablement énumérées sur les images collectées au moyen de caméras dédiées et distinctes de celles des systèmes de vidéoprotection si cette opération est exigée par les nécessités :

1° D’une enquête ou d’une instruction portant sur :

a) Un acte de terrorisme mentionné aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;

b) Une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation au sens de l’article 410-1 du code pénal ;

c) Un crime ou un délit mentionné au quatrième alinéa de l’article 706-75 du code de procédure pénale ;

d et e)

Supprimés

II. –

2° D’une procédure d’enquête ou d’instruction de recherche des causes de la disparition prévue aux premier et deuxième alinéas de l’article 74-1 et à l’article 80-4 du code de procédure pénale ou portant sur les faits d’enlèvement et de séquestration d’une personne mineure mentionnés aux articles 224-1 à 224-5-2 du code pénal, de soustraction d’une personne mineure par ascendant mentionnés à l’article 227-7 du même code ou de soustraction d’une personne mineure sans fraude ni violence mentionnés à l’article 227-8 dudit code ;

Supprimé

III. – Le recours à ces traitements est autorisé :

1° Dans le cadre d’une enquête de flagrance, d’une enquête préliminaire ou de la procédure prévue aux premier et deuxième alinéas de l’article 74-1 du code de procédure pénale, par le procureur de la République, pour une durée maximale de vingt-quatre heures sur décision expresse et motivée. L’autorisation peut être renouvelée par le juge des libertés et de la détention dans les mêmes conditions ;

2° Dans le cadre d’une instruction ou d’une information pour recherche des causes de la disparition mentionnée aux premier et deuxième alinéas de l’article 74-1 et à l’article 80-4 du même code, par le juge d’instruction, pour une durée maximale de quarante-huit heures sur décision expresse et motivée. L’autorisation peut être renouvelée par le juge des libertés et de la détention dans les mêmes conditions.

IV. – L’autorisation de recourir à ces traitements ne peut être accordée par le procureur de la République ou le juge d’instruction que s’il n’est pas possible d’employer d’autres moyens moins intrusifs ou que l’utilisation de ces autres moyens serait susceptible d’entraîner des menaces graves pour l’intégrité physique des agents chargés de l’enquête ou de l’instruction. La décision autorisant le recours à ces traitements comporte tous les éléments permettant d’identifier les lieux et les personnes concernées et précise sa durée.

L’autorisation écrite du procureur de la République ou du juge d’instruction est mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Elle n’a pas de caractère juridictionnel et n’est susceptible d’aucun recours.

V. – Les opérations prévues au présent article se déroulent sous l’autorité et le contrôle du magistrat qui les a autorisées. Ce magistrat peut ordonner à tout moment leur interruption.

Les opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que celui pour lequel elles ont été autorisées. Le fait que ces opérations révèlent d’autres infractions ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

VI. – Le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui ou requis par le procureur de la République dresse procès-verbal des traitements mis en œuvre, des signalements générés et des suites qui y sont apportées. Ce procès-verbal mentionne la date et l’heure du début et de la fin des opérations.

Les enregistrements sont placés sous scellés fermés.

L’officier de police judiciaire, ou l’agent de police judiciaire agissant sous sa responsabilité, décrit, dans un procès-verbal versé au dossier, les données enregistrées qui sont utiles à la manifestation de la vérité. Aucune séquence relative à la vie privée étrangère à l’objet pour lequel les opérations ont été autorisées ne peut être conservée dans le dossier de la procédure.

VII. – Les données à caractère personnel révélées par l’exploitation des enquêtes et des investigations mentionnées aux 1° et 3° du I sont effacées à la clôture de l’enquête et, en tout état de cause, à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de leur révélation.

Les données à caractère personnel révélées par l’exploitation des enquêtes mentionnées au 2° du même I sont effacées dès que l’enquête a permis de retrouver la personne disparue ou, en tout état de cause, à l’expiration d’un délai de vingt ans à compter de leur révélation.

Il est dressé procès-verbal de l’opération de destruction.

VIII et IX. –

II. –

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 11 est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 16 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 11.

III. – Le recours à ces traitements est autorisé :

1° Dans le cadre d’une enquête de flagrance, d’une enquête préliminaire ou de la procédure prévue aux premier et deuxième alinéas de l’article 74-1 du code de procédure pénale, par le procureur de la République, pour une durée maximale de vingt-quatre heures sur décision expresse et motivée. L’autorisation peut être renouvelée par le juge des libertés et de la détention dans les mêmes conditions ;

2° Dans le cadre d’une instruction ou d’une information pour recherche des causes de la disparition mentionnée aux premier et deuxième alinéas de l’article 74-1 et à l’article 80-4 du même code, par le juge d’instruction, pour une durée maximale de quarante-huit heures sur décision expresse et motivée. L’autorisation peut être renouvelée par le juge des libertés et de la détention dans les mêmes conditions.

IV. – L’autorisation de recourir à ces traitements ne peut être accordée par le procureur de la République ou le juge d’instruction que s’il n’est pas possible d’employer d’autres moyens moins intrusifs ou que l’utilisation de ces autres moyens serait susceptible d’entraîner des menaces graves pour l’intégrité physique des agents chargés de l’enquête ou de l’instruction. La décision autorisant le recours à ces traitements comporte tous les éléments permettant d’identifier les lieux et les personnes concernées et précise sa durée.

L’autorisation écrite du procureur de la République ou du juge d’instruction est mentionnée ou versée au dossier de la procédure. Elle n’a pas de caractère juridictionnel et n’est susceptible d’aucun recours.

V. – Les opérations prévues au présent article se déroulent sous l’autorité et le contrôle du magistrat qui les a autorisées. Ce magistrat peut ordonner à tout moment leur interruption.

Les opérations ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que celui pour lequel elles ont été autorisées. Le fait que ces opérations révèlent d’autres infractions ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

VI. – Le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui ou requis par le procureur de la République dresse procès-verbal des traitements mis en œuvre, des signalements générés et des suites qui y sont apportées. Ce procès-verbal mentionne la date et l’heure du début et de la fin des opérations.

Les enregistrements sont placés sous scellés fermés.

L’officier de police judiciaire, ou l’agent de police judiciaire agissant sous sa responsabilité, décrit, dans un procès-verbal versé au dossier, les données enregistrées qui sont utiles à la manifestation de la vérité. Aucune séquence relative à la vie privée étrangère à l’objet pour lequel les opérations ont été autorisées ne peut être conservée dans le dossier de la procédure.

VII. – Les données à caractère personnel révélées par l’exploitation des enquêtes et des investigations mentionnées aux 1° et 3° du I sont effacées à la clôture de l’enquête et, en tout état de cause, à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de leur révélation.

Les données à caractère personnel révélées par l’exploitation des enquêtes mentionnées au 2° du même I sont effacées dès que l’enquête a permis de retrouver la personne disparue ou, en tout état de cause, à l’expiration d’un délai de vingt ans à compter de leur révélation.

Il est dressé procès-verbal de l’opération de destruction.

VIII et IX. –

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Il n’y a pas de retour en arrière possible si nous commençons à autoriser l’utilisation en temps réel de technologies de reconnaissance faciale. Il ne peut y avoir qu’un glissement continu vers la surveillance globale. Nous ne voyons pas ce qui pourrait l’arrêter.

Ce n’est pas notre modèle de société. Nos libertés publiques sont menacées par la dissémination et la prolifération de technologies de surveillance. Leur interdiction doit être un principe absolu.

La reconnaissance biométrique, imparfaite, peut entraîner des erreurs de raisonnement aux conséquences multiples et potentiellement graves, telles que des arrestations erronées par les forces de l’ordre.

En s’intéressant aux profils des personnes victimes de ces erreurs, la Défenseure des droits a bien insisté sur ces risques : il s’agissait majoritairement de personnes issues de groupes discriminés ou vulnérables, en raison des biais discriminatoires des algorithmes sur lesquels reposent ces technologies.

J’insiste sur ce point : les enquêteurs ont suffisamment de moyens de surveillance à leur disposition pour ne pas avoir recours à un énième outil qui n’a pas fait ses preuves et qui comporte une grande marge d’erreur d’appréciation.

Supprimés

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 16.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 11 est présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 16 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thomas Dossus, pour présenter l’amendement n° 11.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

Il n’y a pas de retour en arrière possible si nous commençons à autoriser l’utilisation en temps réel de technologies de reconnaissance faciale. Il ne peut y avoir qu’un glissement continu vers la surveillance globale. Nous ne voyons pas ce qui pourrait l’arrêter.

Ce n’est pas notre modèle de société. Nos libertés publiques sont menacées par la dissémination et la prolifération de technologies de surveillance. Leur interdiction doit être un principe absolu.

La reconnaissance biométrique, imparfaite, peut entraîner des erreurs de raisonnement aux conséquences multiples et potentiellement graves, telles que des arrestations erronées par les forces de l’ordre.

En s’intéressant aux profils des personnes victimes de ces erreurs, la Défenseure des droits a bien insisté sur ces risques : il s’agissait majoritairement de personnes issues de groupes discriminés ou vulnérables, en raison des biais discriminatoires des algorithmes sur lesquels reposent ces technologies.

J’insiste sur ce point : les enquêteurs ont suffisamment de moyens de surveillance à leur disposition pour ne pas avoir recours à un énième outil qui n’a pas fait ses preuves et qui comporte une grande marge d’erreur d’appréciation.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 16.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Les auteurs de ces amendements ont raison sur un point : nous arrivons ici à la pointe extrême de ce que nous pouvons envisager.

Il s’agit non plus d’utiliser des images préexistantes dans le cadre d’une enquête judiciaire, c’est-à-dire sous l’autorité de magistrats, mais de créer l’image par une surveillance qui doit permettre d’identifier les auteurs d’un crime particulièrement grave.

Je veux préciser que si cette possibilité d’emploi de la technologie de la reconnaissance faciale ne doit en aucun cas se généraliser, il nous paraît possible de l’expérimenter, à condition de le faire de manière extrêmement restrictive.

C’est la raison pour laquelle les finalités de l’expérimentation ne pourront être que des enquêtes portant sur des actes de terrorisme, des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, des infractions relatives à la grande criminalité organisée et la disparition d’enfants qui auraient été enlevés.

Bien sûr, si l’on veut prolonger au-delà de quarante-huit heures cette surveillance exercée sous le contrôle d’un juge, il faudra le demander à un juge des libertés et de la détention (JLD). Ce dernier vérifiera évidemment que l’enjeu est tel que se priver du recours à la reconnaissance faciale serait une perte de chance pour la justice dans la lutte contre la grande criminalité.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Faire de la reconnaissance faciale pour des finalités judiciaires répond en réalité un vrai besoin.

Pour autant, le dispositif envisagé ne nous paraît pas suffisamment opérationnel. La commission des lois a notamment supprimé la possibilité d’avoir recours à cette technologie afin d’identifier une personne en fuite, alors qu’il s’agit là de l’un des intérêts majeurs et suffisamment légitimes de ce dispositif.

De plus, les conditions de mise en œuvre du dispositif ne semblent pas compatibles avec la nature et la gravité des infractions contre lesquelles il vise à lutter.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’article en l’état, mais il n’est pas pour autant favorable à la suppression de cet article 6, pour les raisons que je viens d’évoquer.

J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Les auteurs de ces amendements ont raison sur un point : nous arrivons ici à la pointe extrême de ce que nous pouvons envisager.

Il s’agit non plus d’utiliser des images préexistantes dans le cadre d’une enquête judiciaire, c’est-à-dire sous l’autorité de magistrats, mais de créer l’image par une surveillance qui doit permettre d’identifier les auteurs d’un crime particulièrement grave.

Je veux préciser que si cette possibilité d’emploi de la technologie de la reconnaissance faciale ne doit en aucun cas se généraliser, il nous paraît possible de l’expérimenter, à condition de le faire de manière extrêmement restrictive.

C’est la raison pour laquelle les finalités de l’expérimentation ne pourront être que des enquêtes portant sur des actes de terrorisme, des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, des infractions relatives à la grande criminalité organisée et la disparition d’enfants qui auraient été enlevés.

Bien sûr, si l’on veut prolonger au-delà de quarante-huit heures cette surveillance exercée sous le contrôle d’un juge, il faudra le demander à un juge des libertés et de la détention (JLD). Ce dernier vérifiera évidemment que l’enjeu est tel que se priver du recours à la reconnaissance faciale serait une perte de chance pour la justice dans la lutte contre la grande criminalité.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Faire de la reconnaissance faciale pour des finalités judiciaires répond en réalité à un vrai besoin.

Pour autant, le dispositif envisagé ne nous paraît pas suffisamment opérationnel. La commission des lois a notamment supprimé la possibilité d’avoir recours à cette technologie afin d’identifier une personne en fuite, alors qu’il s’agit là de l’un des intérêts majeurs et suffisamment légitimes de ce dispositif.

De plus, les conditions de mise en œuvre du dispositif ne semblent pas compatibles avec la nature et la gravité des infractions contre lesquelles il vise à lutter.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’article en l’état, mais il n’est pas pour autant favorable à la suppression de cet article 6, pour les raisons que je viens d’évoquer.

J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 19, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 20

Remplacer les mots :

enquêtes et des investigations mentionnées aux 1° et 3° du I

par les mots :

images mentionnées au premier alinéa du I sont, pour les enquêtes et les investigations mentionnées au 1° du même I,

II. – Alinéa 21

1° Après le mot :

des

insérer les mots :

images mentionnées au premier alinéa du I sont, pour les

2° Remplacer le mot :

sont

par le signe :

La parole est à M. le rapporteur.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° 19, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 20

Remplacer les mots :

enquêtes et des investigations mentionnées aux 1° et 3° du I

par les mots :

images mentionnées au premier alinéa du I sont, pour les enquêtes et les investigations mentionnées au 1° du même I,

II. – Alinéa 21

1° Après le mot :

des

insérer les mots :

images mentionnées au premier alinéa du I sont, pour les

2° Remplacer le mot :

sont

par le signe :

La parole est à M. le rapporteur.

L ’ amendement est adopté.

L ’ amendement est adopté.

Article 9

Photo de Roger Karoutchi

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi tendant à la reconnaissance biométrique dans l’espace public.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Vote sur l’ensemble

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi tendant à la reconnaissance biométrique dans l’espace public.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 299 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 299 :

Le Sénat a adopté.

La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

Photo de Roger Karoutchi

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Photo de Roger Karoutchi

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Photo de Roger Karoutchi

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, présentée par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues (proposition n° 545, texte de la commission n° 694, rapport n° 693).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi.

Réforme de l’audiovisuel public

Photo de Laurent Lafon

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous commençons cette après-midi l’examen de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.

Permettez-moi tout d’abord de revenir sur le titre de cette proposition de loi. Oui, nous pensons que la réforme de l’audiovisuel public est une condition de la préservation de notre souveraineté audiovisuelle, dont chacun perçoit bien qu’elle est menacée, ou tout au moins questionnée.

La réaffirmation de notre souveraineté audiovisuelle est également une condition de la préservation de notre audiovisuel public, qui réclame une profonde révision de la loi de 1986, pour que les nombreux verrous qui le pénalisent par rapport aux plateformes soient supprimés.

Nous pensons qu’il y a urgence à agir, non pas pour renforcer les contraintes sur les acteurs français, comme cela a souvent été le cas au cours des dernières années, mais, au contraire, pour libérer leur capacité à transformer leur modèle et à proposer des offres de programmes sur tous les supports.

Le paysage a beaucoup changé depuis l’arrivée de Netflix en 2014. Les services de vidéo à la demande et les services proposant un accès illimité à la musique ont profondément modifié les usages de chacun d’entre nous.

Il ne faut pas oublier certaines applications de partage de vidéos, comme YouTube et TikTok, qui sont devenues les univers préférentiels de la jeunesse. Selon des données qui nous ont été transmises au cours des auditions, il apparaît déjà que, en soirée, l’audience de ces sites de partage de vidéos est supérieure à l’audience de la télévision pour les jeunes.

La télévision et la radio sont-elles condamnées à s’adresser aux générations les plus anciennes, donc, à terme, à disparaître ? C’est l’analyse de certains acteurs du secteur, qui se gardent bien pour autant de l’affirmer en public. Pour notre part, nous ne le pensons pas, pour autant que nous soyons capables de prendre les bonnes décisions. Mais le voulons-nous vraiment ? À quand remonte la dernière grande réforme audiovisuelle ?

Alors même que les révolutions technologiques et d’usage s’enchaînent à un rythme inédit, nous sommes encore en train de nous interroger sur la réponse à apporter aux premières évolutions que, déjà, les suivantes arrivent.

Ainsi, l’apparition des nouveaux acteurs et la numérisation de l’audiovisuel sont encore en train de produire leurs effets, en percutant notre modèle, que l’intelligence artificielle apparaît, suscitant de nouvelles questions et fragilisant encore nos organisations. Combien de temps faudra-t-il avant que les pouvoirs publics ne donnent un cap et n’apportent enfin les réponses aux attentes des acteurs du secteur, eux qui subissent de plein fouet ces évolutions ?

Depuis une quinzaine d’années, plusieurs gouvernements ont annoncé la mise en chantier d’une grande réforme de la loi du 30 septembre 1986, mais tous ont renoncé devant l’obstacle, face aux pressions des groupes d’intérêts et aux corporatismes, mais aussi, il faut bien en convenir, faute d’avoir une vision claire du chemin à suivre.

Réformer la loi de 1986, ce n’est pas remettre en cause les principes fondamentaux de cette loi, auxquels nous sommes tous attachés. Il s’agit de permettre aux acteurs, publics comme privés, de faire face à de nouveaux concurrents, à la puissance financière incomparable et qui, pour de nombreux aspects, ne sont pas soumis à la législation française ou européenne. C’est tout le sens des propositions que je formule dans le chapitre II de ce texte, afin de lutter contre les asymétries de concurrence.

Cette vision sur l’avenir de l’audiovisuel, en particulier public, nous y travaillons ici, au Sénat, depuis de nombreuses années.

Dois-je rappeler les travaux de notre commission de la culture menés en partenariat avec la commission des finances en 2015, qui ont donné lieu au fameux rapport de nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, puis au rapport de nos collègues Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi, publié l’année dernière ? J’y insiste, ces rapports portaient à chaque fois sur le financement des sociétés de l’audiovisuel public et concluaient qu’il était impossible de séparer le financement de l’organisation et de la gouvernance. Nous pensons toujours que ces trois aspects sont inséparables.

Je n’oublie pas la dimension européenne de notre réflexion, qui s’est appuyée sur un colloque organisé en 2018 au Sénat, sur l’initiative de Catherine Morin-Desailly, avec la participation des présidents de la BBC, de la RAI, de la RTBF et de la RTS.

Tous ces travaux nous ont convaincus qu’il était indispensable de donner plus de force à notre audiovisuel public, en regroupant ses talents dans une même structure, en confiant le soin de la piloter à une personnalité ayant une grande expérience des médias et en prévoyant des moyens suffisants dans la durée, afin de garantir son indépendance.

Le rapport de nos collègues députés Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon n’aboutit pas à d’autres conclusions. Ils ont indiqué qu’ils étaient d’accord à 95 % avec notre proposition de loi. J’ajouterai que les 5 % qui manquent ne nous semblent pas des obstacles insurmontables.

Comme la plupart de vos prédécesseurs, à l’exception de Franck Riester, vous avez choisi, madame la ministre, de compter sur la bonne volonté des dirigeants de l’audiovisuel public pour mener des coopérations « par le bas ».

Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle, présentée par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues (proposition n° 545, texte de la commission n° 694, rapport n° 693).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Laurent Lafon, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Notre vieille expérience des contrats d’objectifs et de moyens (COM) nous a malheureusement instruits quant à la sincérité des engagements qui peuvent être pris par les uns et par les autres.

Je me permets de partager avec vous, madame la ministre, le fruit de cette expérience : la volonté de travailler ensemble exprimée par les dirigeants de l’audiovisuel public n’est jamais aussi aiguë que lorsque se profile le renouvellement de leur mandat ou la définition de la trajectoire budgétaire…

Hélas, en cette matière également, « les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent », comme aurait dit un grand acteur et connaisseur de notre vie démocratique. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des débats, mais les engagements pris dans les COM sont souvent peu suivis d’effets.

Nous partageons, pour notre part, le constat du président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), Roch-Olivier Maistre, pour qui, si les entreprises de l’audiovisuel public sont livrées à elles-mêmes, les convergences s’effectueront avec lenteur. C’est pourquoi, selon lui, on ne peut se reposer sur la volonté des parties.

Il est inhabituel qu’une initiative parlementaire propose de modifier significativement la loi du 30 septembre 1986. C’est, je le crois, une chance pour le Gouvernement, qui ne saurait être accusé de poursuivre quelques desseins politiques.

Sachez par ailleurs, madame la ministre, que nous sommes ouverts pour faire évoluer ce texte. Nous l’avons déjà fait concernant les modalités de nomination du président de France Médias. Nous pourrions le faire également concernant d’autres dispositions. Je pense, en particulier, à la vente des droits de retransmission audiovisuelle des compétitions sportives ou au soutien au développement du DAB+, c’est-à-dire du système de radiodiffusion numérique.

Ce texte n’aborde pas, si ce n’est subrepticement, la question du financement. Néanmoins, nous en débattrons durant les jours qui viennent, à la faveur de la discussion d’amendements déposés par différents groupes.

Vous constaterez à cette occasion, madame la ministre, que le prolongement par modification de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) du système actuel reposant sur l’attribution d’une partie de la TVA ne sera pas une évidence au Sénat. Et il le sera d’autant moins si le Gouvernement n’entend pas intégrer la question du financement dans une vision plus globale, qui porterait également sur l’organisation et la gouvernance.

Il y a aujourd’hui un chemin pour préserver notre souveraineté audiovisuelle, et nous souhaiterions l’emprunter ensemble, madame la ministre.

Au moment où Mme la Première ministre appelle de ses vœux la recherche de majorités de projets, nous répondons favorablement à cet appel en vous tendant la main à notre tour.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous commençons cet après-midi l’examen de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.

Permettez-moi tout d’abord de revenir sur le titre de cette proposition de loi. Oui, nous pensons que la réforme de l’audiovisuel public est une condition de la préservation de notre souveraineté audiovisuelle, dont chacun perçoit bien qu’elle est menacée, ou tout au moins questionnée.

La réaffirmation de notre souveraineté audiovisuelle est également une condition de la préservation de notre audiovisuel public, qui réclame une profonde révision de la loi de 1986, pour que les nombreux verrous qui le pénalisent par rapport aux plateformes soient supprimés.

Nous pensons qu’il est urgent d’agir, non pas pour renforcer les contraintes sur les acteurs français, comme cela a souvent été le cas au cours des dernières années, mais, au contraire, pour libérer leur capacité à transformer leur modèle et à proposer des offres de programmes sur tous les supports.

Le paysage a beaucoup changé depuis l’arrivée de Netflix en 2014. Les services de vidéo à la demande et les services proposant un accès illimité à la musique ont profondément modifié les usages de chacun d’entre nous.

Il ne faut pas oublier certaines applications de partage de vidéos, comme YouTube et TikTok, qui sont devenues les univers préférentiels de la jeunesse. Selon des données qui nous ont été transmises au cours des auditions, il apparaît déjà que, en soirée, l’audience de ces sites de partage de vidéos est supérieure à l’audience de la télévision pour les jeunes.

La télévision et la radio sont-elles condamnées à s’adresser aux générations les plus anciennes, donc, à terme, à disparaître ? C’est l’analyse de certains acteurs du secteur, qui se gardent bien pour autant de l’affirmer en public. Pour notre part, nous ne le pensons pas, pour autant que nous soyons capables de prendre les bonnes décisions. Mais le voulons-nous vraiment ? À quand remonte la dernière grande réforme audiovisuelle ?

Alors même que les révolutions technologiques et d’usage s’enchaînent à un rythme inédit, nous sommes encore en train de nous interroger sur la réponse à apporter aux premières évolutions que, déjà, les suivantes arrivent.

Ainsi, l’apparition des nouveaux acteurs et la numérisation de l’audiovisuel sont encore en train de produire leurs effets, en percutant notre modèle, que l’intelligence artificielle apparaît, suscitant de nouvelles questions et fragilisant encore nos organisations. Combien de temps faudra-t-il avant que les pouvoirs publics ne donnent un cap et n’apportent enfin les réponses aux attentes des acteurs du secteur, eux qui subissent de plein fouet ces évolutions ?

Depuis une quinzaine d’années, plusieurs gouvernements ont annoncé la mise en chantier d’une grande réforme de la loi du 30 septembre 1986, mais tous ont renoncé devant l’obstacle, face aux pressions des groupes d’intérêts et aux corporatismes, mais aussi, il faut bien en convenir, faute d’avoir une vision claire du chemin à suivre.

Réformer la loi de 1986, ce n’est pas remettre en cause les principes fondamentaux de cette loi, auxquels nous sommes tous attachés. Il s’agit de permettre aux acteurs, publics comme privés, de faire face à de nouveaux concurrents, à la puissance financière incomparable et qui, pour de nombreux aspects, ne sont pas soumis à la législation française ou européenne. C’est tout le sens des propositions que je formule dans le chapitre II de ce texte, afin de lutter contre les asymétries de concurrence.

Cette vision sur l’avenir de l’audiovisuel, en particulier public, nous y travaillons ici, au Sénat, depuis de nombreuses années.

Dois-je rappeler les travaux de notre commission de la culture menés en partenariat avec la commission des finances en 2015, qui ont donné lieu au fameux rapport d’information de nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, puis au rapport d’information de nos collègues Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi, publié l’année dernière ? J’y insiste, ces rapports d’information portaient à chaque fois sur le financement des sociétés de l’audiovisuel public et concluaient qu’il était impossible de séparer le financement de l’organisation et de la gouvernance. Nous pensons toujours que ces trois aspects sont inséparables.

Je n’oublie pas la dimension européenne de notre réflexion, qui s’est appuyée sur un colloque organisé en 2018 au Sénat, sur l’initiative de Catherine Morin-Desailly, avec la participation des présidents de la BBC, de la RAI, de la RTBF et de la RTS.

Tous ces travaux nous ont convaincus qu’il était indispensable de donner plus de force à notre audiovisuel public, en regroupant ses talents dans une même structure, en confiant le soin de la piloter à une personnalité ayant une grande expérience des médias et en prévoyant des moyens suffisants dans la durée, afin de garantir son indépendance.

Le rapport de nos collègues députés Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon n’aboutit pas à d’autres conclusions. Ils ont indiqué qu’ils étaient d’accord à 95 % avec notre proposition de loi. J’ajouterai que les 5 % qui manquent ne nous semblent pas des obstacles insurmontables.

Comme la plupart de vos prédécesseurs, à l’exception de Franck Riester, vous avez choisi, madame la ministre, de compter sur la bonne volonté des dirigeants de l’audiovisuel public pour mener des coopérations « par le bas ».

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Notre vieille expérience des contrats d’objectifs et de moyens (COM) nous a malheureusement instruits quant à la sincérité des engagements qui peuvent être pris par les uns et par les autres.

Je me permets de partager avec vous, madame la ministre, le fruit de cette expérience : la volonté de travailler ensemble exprimée par les dirigeants de l’audiovisuel public n’est jamais aussi aiguë que lorsque se profile le renouvellement de leur mandat ou la définition de la trajectoire budgétaire…

Hélas, en cette matière également, « les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent », comme aurait dit un grand acteur et connaisseur de notre vie démocratique. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des débats, mais les engagements pris dans les COM sont souvent peu suivis d’effets.

Nous partageons, pour notre part, le constat du président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), Roch-Olivier Maistre, pour qui, si les entreprises de l’audiovisuel public sont livrées à elles-mêmes, les convergences s’effectueront avec lenteur. C’est pourquoi, selon lui, on ne peut se reposer sur la volonté des parties.

Il est inhabituel qu’une initiative parlementaire propose de modifier significativement la loi du 30 septembre 1986. C’est, je le crois, une chance pour le Gouvernement, qui ne saurait être accusé de poursuivre quelques desseins politiques.

Sachez par ailleurs, madame la ministre, que nous sommes ouverts pour faire évoluer ce texte. Nous l’avons déjà fait concernant les modalités de nomination du président de France Médias. Nous pourrions le faire également concernant d’autres dispositions. Je pense, en particulier, à la vente des droits de retransmission audiovisuelle des compétitions sportives ou au soutien au développement du DAB+, c’est-à-dire du système de radiodiffusion numérique.

Ce texte n’aborde pas, si ce n’est subrepticement, la question du financement. Néanmoins, nous en débattrons durant les jours qui viennent, à la faveur de la discussion d’amendements déposés par différents groupes.

Vous constaterez à cette occasion, madame la ministre, que le prolongement par modification de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) du système actuel reposant sur l’attribution d’une partie de la TVA ne sera pas une évidence au Sénat. Et il le sera d’autant moins si le Gouvernement n’entend pas intégrer la question du financement dans une vision plus globale, qui porterait également sur l’organisation et la gouvernance.

Il y a aujourd’hui un chemin pour préserver notre souveraineté audiovisuelle, et nous souhaiterions l’emprunter ensemble, madame la ministre.

Au moment où Mme la Première ministre appelle de ses vœux la recherche de majorités de projets, nous répondons favorablement à cet appel en vous tendant la main à notre tour.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite de nouveau remercier le président de notre commission, Laurent Lafon, d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi.

C’est une proposition de loi sénatoriale, ce qui veut dire qu’elle est très équilibrée.

Sourires.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Comme nous l’a dit un acteur reconnu du monde des médias, le Sénat a montré qu’une réforme très ambitieuse pouvait être conduite au moyen d’un texte ne comportant qu’un nombre restreint d’articles.

Le débat pour savoir si une réforme de la loi de 1986 est possible ou non est clos. Non seulement cette réforme est possible, mais elle est indispensable, et le plus tôt sera le mieux !

Si notre texte a reçu un si bon accueil de la part des grands acteurs français de l’audiovisuel, c’est aussi, madame la ministre, parce qu’il a pu bénéficier du travail réalisé par votre collègue Franck Riester voilà trois ans. Ce texte est donc aussi un peu le vôtre…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite de nouveau remercier le président de notre commission, Laurent Lafon, d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi.

C’est une proposition de loi sénatoriale, ce qui veut dire qu’elle est très équilibrée.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Cela se discute !

Sourires.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Comme nous l’a dit un acteur reconnu du monde des médias, le Sénat a montré qu’une réforme très ambitieuse pouvait être conduite au moyen d’un texte ne comportant qu’un nombre restreint d’articles.

Le débat pour savoir si une réforme de la loi de 1986 est possible ou non est clos. Non seulement cette réforme est possible, mais elle est indispensable, et le plus tôt sera le mieux !

Si notre texte a reçu un si bon accueil de la part des grands acteurs français de l’audiovisuel, c’est aussi, madame la ministre, parce qu’il a pu bénéficier du travail réalisé par votre collègue Franck Riester voilà trois ans. Ce texte est donc aussi un peu le vôtre…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Pourquoi sommes-nous tant attachés à ce texte ? Parce qu’il permet d’abattre quelques mythes et de rappeler certaines réalités, sur lesquelles je souhaiterais maintenant revenir.

Premier mythe, nous entendrons encore ce soir, je n’en doute pas, de la part de ceux qui ont fait si peu pour accompagner les transformations de l’audiovisuel public, que nous serions opposés au service public et que notre projet aurait pour objectif d’en réduire les moyens.

La réalité est très différente, comme le démontre la proposition de loi. Nous sommes, au contraire, très attachés à l’existence d’un audiovisuel public fort, indépendant et s’adressant à tous les Français.

S’il nous arrive de formuler des regrets, et même quelques critiques, c’est que nous considérons, comme le Président de la République en son temps, que l’audiovisuel public n’est pas exemplaire, ou tout du moins qu’il conserve des marges de progression pour développer des programmes plus originaux, pour veiller à l’impartialité de son information et pour s’astreindre à une gestion économe des deniers publics.

Nous sommes également opposés, c’est un fait, à la politique du « quoi qu’il en coûte », y compris en matière d’audiovisuel public.

Pour autant, nous ne sommes pas hostiles à la préservation des moyens de l’audiovisuel public, à condition, cependant, que ceux-ci soient utilisés au mieux. Cela signifie que l’audiovisuel public doit continuer à se réformer, en allant plus loin sur les évolutions de structures et en renouvelant profondément son offre de programmes.

L’objectif de cette proposition de loi est de permettre l’émergence de trois ou quatre grands groupes français des médias, qui pourront tenir leur rang en Europe. L’audiovisuel public doit faire partie de ces champions.

Deuxième mythe, les mutualisations entre les sociétés de l’audiovisuel public donneraient satisfaction et il ne faudrait surtout rien changer.

Ce deuxième mythe a peu de partisans parmi ceux qui connaissent la réalité des coopérations menées par les sociétés de l’audiovisuel public. Lors de son audition, le président de l’Arcom, Roch-Olivier Maistre, a ainsi déploré l’absence de coopérations éditoriales entre les équipes de France 3 et celles de France Bleu dans les matinales communes. Il a aussi regretté la persistance de programmes distincts pour la radio et la télévision s’agissant de Franceinfo.

J’ajouterai, pour ma part, qu’il est de plus en plus incompréhensible de maintenir autant de rédactions distinctes au sein de Radio France et de France Médias Monde. De même, on peine à comprendre pourquoi, à une exception près, les équipes de France 3 et de France Bleu en région n’ont toujours pas été regroupées dans des locaux communs.

Les mutualisations ne peuvent continuer à avancer à ce rythme. Or, pour changer de tempo, rien de tel que de nommer un chef d’orchestre.

J’en viens donc au troisième mythe : le regroupement de l’audiovisuel public serait inutile, coûteux et chronophage.

Ce troisième mythe est évidemment le plus facile à démonter. L’éparpillement de l’audiovisuel français est un fait unique en Europe. Il montre chaque jour ses limites. Pourtant, certains n’ont de cesse de trouver cela formidable. Il est vrai que cette structuration n’a pas que des défauts, puisqu’elle permet la multiplication des présidences, des directeurs, des rédactions, des correspondants à l’étranger, des sites internet, des directions régionales et locales. Abondance de biens ne nuit pas, dit le proverbe…

Toutefois, qui peut croire, à un moment où on leur demande autant d’efforts, que les Français vont accepter éternellement un tel laisser-aller ?

Les appels à la privatisation se multiplient, il n’est plus possible de le nier. Pourtant, aucun compte n’est demandé à France Télévisions pour l’échec de Salto, qui a coûté au moins 80 millions d’euros, ni pour l’audience dérisoire de la chaîne Franceinfo, qui coûte également des dizaines de millions d’euros chaque année.

Nous reviendrons sur le prétendu coût de la holding. J’observe cependant que les partisans du statu quo surestiment ce coût, sans jamais le chiffrer, tandis qu’ils oublient toujours d’évoquer les économies considérables qu’elle permettrait de réaliser.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Cela se discute !

Exclamations sur les travées des groupes SER et RDPI.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Pourquoi sommes-nous tant attachés à ce texte ? Parce qu’il permet d’abattre quelques mythes et de rappeler certaines réalités, sur lesquelles je souhaiterais maintenant revenir.

Premier mythe, nous entendrons encore ce soir, je n’en doute pas, de la part de ceux qui ont fait si peu pour accompagner les transformations de l’audiovisuel public, que nous serions opposés au service public et que notre projet aurait pour objectif d’en réduire les moyens.

La réalité est très différente, comme le démontre la proposition de loi. Nous sommes, au contraire, très attachés à l’existence d’un audiovisuel public fort, indépendant et s’adressant à tous les Français.

S’il nous arrive de formuler des regrets, voire quelques critiques, c’est que nous considérons, comme le Président de la République en son temps, que l’audiovisuel public n’est pas exemplaire, ou tout du moins qu’il conserve des marges de progression pour développer des programmes plus originaux, pour veiller à l’impartialité de son information et pour s’astreindre à une gestion économe des deniers publics.

Nous sommes également opposés, c’est un fait, à la politique du « quoi qu’il en coûte », y compris en matière d’audiovisuel public.

Pour autant, nous ne sommes pas hostiles à la préservation des moyens de l’audiovisuel public, à condition, cependant, que ceux-ci soient utilisés au mieux. Cela signifie que l’audiovisuel public doit continuer à se réformer, en allant plus loin sur les évolutions de structures et en renouvelant profondément son offre de programmes.

L’objectif de cette proposition de loi est de permettre l’émergence de trois ou quatre grands groupes français des médias, qui pourront tenir leur rang en Europe. L’audiovisuel public doit faire partie de ces champions.

Deuxième mythe, les mutualisations entre les sociétés de l’audiovisuel public donneraient satisfaction et il ne faudrait surtout rien changer.

Ce deuxième mythe a peu de partisans parmi ceux qui connaissent la réalité des coopérations menées par les sociétés de l’audiovisuel public. Lors de son audition, le président de l’Arcom, Roch-Olivier Maistre, a ainsi déploré l’absence de coopérations éditoriales entre les équipes de France 3 et celles de France Bleu dans les matinales communes. Il a aussi regretté la persistance de programmes distincts pour la radio et la télévision s’agissant de France Info.

J’ajouterai, pour ma part, qu’il est de plus en plus incompréhensible de maintenir autant de rédactions distinctes au sein de Radio France et de France Médias Monde. De même, on peine à comprendre pourquoi, à une exception près, les équipes de France 3 et de France Bleu en région n’ont toujours pas été regroupées dans des locaux communs.

Les mutualisations ne peuvent continuer à avancer à ce rythme. Or, pour changer de tempo, rien de tel que de nommer un chef d’orchestre.

J’en viens donc au troisième mythe : le regroupement de l’audiovisuel public serait inutile, coûteux et chronophage.

Ce troisième mythe est évidemment le plus facile à démonter. L’éparpillement de l’audiovisuel français est un fait unique en Europe. Il montre chaque jour ses limites. Pourtant, certains n’ont de cesse de trouver cela formidable. Il est vrai que cette structuration n’a pas que des défauts, puisqu’elle permet la multiplication des présidences, des directeurs, des rédactions, des correspondants à l’étranger, des sites internet, des directions régionales et locales. Abondance de biens ne nuit pas, dit le proverbe…

Toutefois, qui peut croire, à un moment où on leur demande autant d’efforts, que les Français vont accepter éternellement un tel laisser-aller ?

Les appels à la privatisation se multiplient, il n’est plus possible de le nier. Pourtant, aucun compte n’est demandé à France Télévisions pour l’échec de Salto, qui a coûté au moins 80 millions d’euros, ni pour l’audience dérisoire de la chaîne France Info, qui coûte également des dizaines de millions d’euros chaque année.

Nous reviendrons sur le prétendu coût de la holding. J’observe cependant que les partisans du statu quo surestiment ce coût, sans jamais le chiffrer, tandis qu’ils oublient toujours d’évoquer les économies considérables qu’elle permettrait de réaliser.

Exclamations sur les travées des groupes SER et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Je terminerai en évoquant un quatrième mythe : les éditeurs de programmes français seraient très satisfaits de leur situation actuelle et ne demanderaient aucune réforme.

Pour les avoir tous rencontrés de nombreuses fois au cours des derniers mois, je puis vous assurer qu’il n’en est rien.

M. David Assouline s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Qu’il s’agisse de la réglementation concernant la visibilité appropriée, les événements d’importance majeure, la production indépendante, la publicité ou le développement du DAB+, l’impatience a depuis longtemps cédé la place à l’exaspération, quand ce n’est pas à la colère pour les plus exposés à la concurrence des plateformes.

Le Sénat ne peut se résigner à voir un secteur d’excellence français sombrer dans l’indifférence avec la complicité de tous ceux qui trouvent intérêt à s’allier avec les plateformes.

Nous croyons, au contraire, à l’action publique et nous formons le vœu, madame la ministre, que l’élan réformateur porté par le Président de la République pourra également atteindre les rivages de l’audiovisuel français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Je terminerai en évoquant un quatrième mythe : les éditeurs de programmes français seraient très satisfaits de leur situation actuelle et ne demanderaient aucune réforme.

Pour les avoir tous rencontrés de nombreuses fois au cours des derniers mois, je puis vous assurer qu’il n’en est rien.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Laurent Lafon applaudit également.

M. David Assouline s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Qu’il s’agisse de la réglementation concernant la visibilité appropriée, les événements d’importance majeure, la production indépendante, la publicité ou le développement du DAB+, l’impatience a depuis longtemps cédé la place à l’exaspération, quand ce n’est pas à la colère pour les plus exposés à la concurrence des plateformes.

Le Sénat ne peut se résigner à voir un secteur d’excellence français sombrer dans l’indifférence avec la complicité de tous ceux qui trouvent intérêt à s’allier avec les plateformes.

Nous croyons, au contraire, à l’action publique et nous formons le vœu, madame la ministre, que l’élan réformateur porté par le Président de la République pourra également atteindre les rivages de l’audiovisuel français.

M. Julien Bargeton applaudit.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Laurent Lafon applaudit également.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak

Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication – cher Laurent Lafon –, monsieur le rapporteur – cher Jean-Raymond Hugonet –, mesdames, messieurs les sénateurs, l’audiovisuel public et la souveraineté audiovisuelle sont deux enjeux majeurs.

Aussi, je suis ravie que cette initiative nous donne l’occasion d’en débattre aujourd’hui. Il s’agit, j’y insiste, de deux fortes priorités du Gouvernement, sur lesquelles nous œuvrons avec détermination depuis six ans.

Cette proposition de loi témoigne, je le crois, de notre attachement commun à un audiovisuel public fort. Il est important de le rappeler à l’heure où certains remettent en cause son existence et plaident pour sa privatisation.

Rappelons tout d’abord que, à l’issue de l’ambitieux plan de transformation mis en œuvre ces dernières années, les résultats de l’audiovisuel public sont meilleurs que jamais. Celui-ci s’impose en effet comme le premier média des Français, en radio comme en télévision : 50 millions de téléspectateurs regardent les programmes de France Télévisions chaque semaine ; Radio France est écoutée chaque jour par plus de 15 millions d’auditeurs ; la part d’audience d’Arte a atteint un niveau historique ; chaque semaine, à travers le monde, RFI, France 24 et Monte-Carlo Doualiya rassemblent 260 millions de personnes.

Bien sûr, il est toujours possible de faire mieux, et nous ne manquons pas d’ambition à cet égard.

Le développement numérique de l’audiovisuel public s’est aussi accéléré, avec des résultats remarquables, qui s’appuient notamment sur le développement des coopérations. J’y reviendrai.

En 2020, c’est vrai, le Gouvernement avait présenté un projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. Avec ce texte, il entendait favoriser les coopérations entre France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) au travers de la création d’une holding.

La crise sanitaire a interrompu ce projet, mais pas l’accélération des coopérations. Cette démarche a porté ses fruits. Le média global Franceinfo, qui est devenu le premier site d’information en ligne en France, est le fruit de la coopération entre toutes ces entreprises. Sa couverture quotidienne a doublé en cinq ans.

En ce qui concerne la proximité, France Bleu et France 3 ont lancé une plateforme commune sous la marque « Ici » et ont groupé leurs forces.

Depuis 2020, la plateforme Radio France rassemble toute l’offre de podcasts du service public. Elle est passée voilà un an devant Apple Podcasts. Un podcast sur deux qui est écouté aujourd’hui en France est un podcast de l’audiovisuel public.

Les entreprises ont créé ensemble Culture Prime, offre culturelle commune sur les réseaux sociaux, et l’offre d’éducation Lumni. Il y a aussi des coopérations moins visibles, dites « de gestion », mais qui n’en sont pas moins très importantes, par exemple la mise en place d’un club pour des achats groupés ou la coopération en matière de cybersécurité.

Ces projets communs reposent sur une gouvernance souple et agile, qui permet aux équipes de définir ensemble les modalités les plus pertinentes de coopération, projet par projet. Cette agilité est un atout pour répondre aux nouveaux défis, devenus plus pressants. En effet, comme vous l’avez vous-même rappelé, depuis l’examen du projet de loi porté par Franck Riester, le contexte a beaucoup changé.

Je pense tout d’abord à la crise de l’information, face à la multiplication des fausses nouvelles et des manipulations. Ce « chaos informationnel », pour reprendre les mots de Christophe Deloire, de Reporters sans frontières, s’est accéléré depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Je pense aussi à la place prise par les plateformes, qui ont encore gagné du terrain depuis la crise sanitaire. Il y a donc urgence à accélérer également sur le numérique.

Dès mon arrivée au ministère de la culture, en mai dernier, j’ai souhaité poursuivre et amplifier une dynamique qui porte ses fruits, en engageant rapidement les travaux de préparation des nouveaux contrats d’objectifs et de moyens (COM). J’ai fait part de ma volonté de signer des contrats synchronisés entre eux et sur la durée de la mandature, à savoir cinq ans, de 2024 à 2028, au lieu de trois ans précédemment, afin de garantir aux sociétés la visibilité dont elles ont besoin pour faire face à ces défis.

J’ai souhaité bâtir ces contrats en m’appuyant sur des concertations approfondies avec l’ensemble des acteurs : les dirigeants de l’audiovisuel public français et européen et les organisations professionnelles, mais aussi vous, mesdames, messieurs les sénateurs, vos collègues de l’Assemblée nationale et l’Arcom.

J’ai relevé un large consensus sur cinq enjeux prioritaires : information, proximité, création, jeunesse et numérique. J’ai aussi pu constater l’engagement et la disponibilité totale des entreprises pour coopérer au service de ces priorités. L’approfondissement des coopérations sera donc un axe majeur des nouveaux contrats.

Les parties prenantes que j’ai consultées ont formulé énormément de propositions très précises sur la détection des fausses informations, les investissements technologiques, la recherche et le développement, la mutualisation de la formation, etc.

Pour la première fois, un contrat spécifique signé par toutes les entreprises sera consacré aux coopérations dans les COM, avec un calendrier de mise en œuvre, des objectifs précis et des indicateurs.

Des leviers pour renforcer le pilotage peuvent être identifiés. Un conseil stratégique des présidents de l’audiovisuel public pourrait se réunir mensuellement et se décliner avec des réunions des membres des comités exécutifs sur les sujets majeurs. La part variable de la rémunération des dirigeants pourrait par ailleurs davantage dépendre de leur capacité à mener à bien les chantiers de coopération.

Voilà, concrètement, comment encourager les coopérations entre les entreprises au service d’une ambition forte pour lutter contre la désinformation, pour rapprocher les offres numériques, pour développer l’offre de proximité et pour toucher de nouveaux publics, notamment les jeunes.

Les coopérations ne sont pas une fin en soi, et leur succès dépend avant tout de la clarté des objectifs. Un grand meccano institutionnel ne m’apparaît ni nécessaire ni prioritaire. Je suis convaincue qu’une véritable ambition pour l’audiovisuel public peut reposer sur des coopérations par projet et sur la confiance dans les dirigeants nommés par l’Arcom et dans leurs équipes, sans accroître les rigidités ni courir le risque de perdre en souplesse organisationnelle.

Les travaux avancent très bien, et mon souhait est que ces contrats d’objectifs et de moyens 2024-2028 soient soumis pour avis au Parlement et au régulateur à l’automne prochain, pour les finaliser avant la fin de cette année.

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, vous esquissez un changement de méthode par la création d’une holding, dont je comprends qu’il s’agirait d’une première étape vers la fusion.

À mon sens, cela reviendrait à retarder des projets indispensables en mobilisant l’énergie des entreprises sur des réorganisations de structure au détriment des priorités urgentes. Bref, c’est « une machine à perdre son temps », pour reprendre les mots de Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).

Dans le rapport que vous avez publié en juin 2022, lequel préconisait une fusion, monsieur le rapporteur, vous indiquiez vous-même avoir « entendu les avis de nombreux experts auditionnés, qui s’interrogeaient sur l’intérêt de créer une holding compte tenu de la complexité de ce type de structure, qui ajoute une couche supplémentaire, avec le risque de multiplier le nombre des décideurs au lieu de le réduire. »

Voilà qui est très clair ! Vous l’avez très bien dit vous-même, la création d’une holding induirait très certainement une complexification des processus et des coûts supplémentaires. J’ai moi aussi échangé avec de nombreux experts, et tous étaient plutôt sceptiques sur la holding, craignant que cette couche supplémentaire ne ralentisse finalement l’élan engagé en matière de coopération, qui s’approfondit et s’accélère.

Monsieur le sénateur Hugonet, votre rapport évoquait la nécessité de « changer de cap », mais j’ai l’impression que c’est vous qui avez changé de cap depuis lors.

Sourires.

M. Julien Bargeton applaudit.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak

Pour ma part, je ne serai pas favorable aux dispositions qui créent une société holding, car, si je partage l’ambition que vous portez pour l’audiovisuel public, je ne souscris pas au chemin que vous proposez pour servir cette ambition.

La proposition de loi comporte un second volet relatif à la souveraineté audiovisuelle. C’est une priorité de notre action, et je veux rappeler ici quelques-unes des avancées majeures enregistrées depuis six ans dans ce domaine.

Remportant une victoire historique pour la souveraineté audiovisuelle, nous avons tout d’abord intégré les plateformes étrangères dans notre modèle de financement de la création. Nous avons ainsi étendu, en 2017, la taxe sur la vidéo qui alimente le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) à toutes les plateformes numériques.

Par ailleurs, depuis juillet 2021, les plateformes américaines, comme Netflix, Disney + Amazon Prime Video, doivent financer la création française et européenne à hauteur de 20 % du chiffre d’affaires qu’elles réalisent en France.

Leur investissement devrait représenter, chaque année, un surcroît de financement de l’ordre de 300 millions d’euros, qui viendra s’ajouter à la contribution, encore majoritaire et, bien sûr, déterminante, des chaînes historiques.

Puisque c’est l’un des objectifs de ce texte, je rappelle que nous avons également donné plus de marges de manœuvre aux chaînes traditionnelles : en les autorisant à faire de la publicité segmentée, ainsi que, à titre expérimental, de la publicité pour le cinéma ; en assouplissant l’encadrement de la diffusion de cinéma à la télévision ; en leur donnant les moyens de mieux rentabiliser leurs investissements dans la création.

Vous le savez, monsieur le rapporteur, notre réforme des obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique résulte d’un accord politique récent sur la définition de la production indépendante.

Cet équilibre est issu de la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, dont vous étiez également rapporteur. De nombreux acteurs ont signé des accords en se fondant sur cet équilibre. Nous ne souhaitons pas le remettre en cause.

Nous avons apporté des réponses à de nouveaux défis qui menacent la souveraineté audiovisuelle.

Vous le savez, les grandes plateformes étrangères concluent des contrats avec les constructeurs d’équipements pour être mises en avant, que ce soit sur l’écran d’accueil des téléviseurs connectés ou sur la télécommande. Notre service public et nos acteurs nationaux, qui contribuent au pluralisme et à la diversité culturelle, sont de moins en moins visibles et accessibles dans ces nouveaux environnements.

C’est pourquoi nous avons introduit des obligations de mise en avant des services audiovisuels d’intérêt général dans ces environnements.

La mise en œuvre de ces obligations par l’Arcom, notamment la définition des services d’intérêt général, est en cours, dans la concertation. Vous proposez de figer les choses dans ce texte. Je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure voie.

Comment ne pas évoquer aussi rapidement la modernisation de la régulation et la création de l’Arcom, le renforcement de la lutte contre le piratage des œuvres et programmes audiovisuels, la protection des catalogues cinématographiques et audiovisuels en cas de cession à un acteur étranger, ou encore le droit voisin des éditeurs de presse, combat que la France a porté avec beaucoup de force ?

Enfin, j’ai annoncé récemment, à Cannes, l’identité des lauréats de l’appel à projets « La grande fabrique de l’image », dans le cadre du plan d’investissement France 2030. Cette initiative inédite, dotée de 350 millions d’euros, doit faire de la France un leader des tournages, de la production de films, séries et jeux vidéo, de la postproduction, des effets visuels et de la formation aux métiers du cinéma et de l’audiovisuel. Il s’agit, là encore, de défendre pleinement notre souveraineté audiovisuelle et culturelle.

C’est donc une action d’une ambition sans précédent que nous avons menée et que nous continuons de mener en faveur de notre souveraineté audiovisuelle.

D’autres réformes sont en cours. Ainsi, le Gouvernement a engagé une révision de la liste des événements d’importance majeure, pour garantir l’accès du plus grand nombre de téléspectateurs aux manifestations sportives, en particulier féminines. Je salue, sur ce sujet, l’engagement de David Assouline.

Nous devons aller plus loin, et je partage pleinement avec vous l’objectif de soumettre les plateformes numériques aux mêmes obligations que les services de télévision. Comme vous le savez, cela nécessite une révision de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA), mais plusieurs États membres semblent disposés à l’appuyer. En attendant, le texte adopté en commission apporte une première réponse intéressante, que le Gouvernement soutient.

Je partage aussi certaines propositions en faveur de la modernisation de la télévision numérique terrestre (TNT). La diffusion hertzienne demeure le seul mode de diffusion gratuit, souverain et anonyme, et les chaînes de la TNT portent encore l’essentiel du financement de la création.

C’est pourquoi je soutiens les dispositions adoptées en commission, sur l’initiative de Mme Morin-Desailly, sur l’ultra-haute définition. J’ai moi-même récemment saisi l’Arcom pour permettre à France Télévisions d’offrir à nos concitoyens une diffusion des jeux Olympiques de 2024 en ultra-haute définition.

Je soutiens aussi, en matière de radio, le déploiement du DAB+, cette norme de diffusion souveraine plus économe en ressources.

Le texte qui vous est soumis nous paraît soulever quelques difficultés juridiques, mais le sénateur Julien Bargeton a proposé une rédaction de substitution qui permettrait de les surmonter. Nous aurons l’occasion de reparler de ces articles, ainsi que de ceux que je n’ai pas mentionnés.

Je veux conclure en vous remerciant toutes et tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre mobilisation constante – pour certains d’entre vous, depuis de nombreuses années – sur ces enjeux : vos travaux, votre expertise et votre engagement ont apporté une contribution précieuse et déterminante à l’évolution de l’audiovisuel, et ils continuent de le faire.

Je me réjouis d’en débattre avec vous ce soir.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak

Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication – cher Laurent Lafon –, monsieur le rapporteur – cher Jean-Raymond Hugonet –, mesdames, messieurs les sénateurs, l’audiovisuel public et la souveraineté audiovisuelle sont deux enjeux majeurs.

Aussi, je suis ravie que cette initiative nous donne l’occasion d’en débattre aujourd’hui. Il s’agit, j’y insiste, de deux fortes priorités du Gouvernement, sur lesquelles nous œuvrons avec détermination depuis six ans.

Cette proposition de loi témoigne, je le crois, de notre attachement commun à un audiovisuel public fort. Il est important de le rappeler à l’heure où certains remettent en cause son existence et plaident pour sa privatisation.

Rappelons tout d’abord que, à l’issue de l’ambitieux plan de transformation mis en œuvre ces dernières années, les résultats de l’audiovisuel public sont meilleurs que jamais. Celui-ci s’impose en effet comme le premier média des Français, en radio comme en télévision : 50 millions de téléspectateurs regardent les programmes de France Télévisions chaque semaine ; Radio France est écoutée chaque jour par plus de 15 millions d’auditeurs ; la part d’audience d’Arte a atteint un niveau historique ; chaque semaine, à travers le monde, Radio France internationale (RFI), France 24 et Monte-Carlo Doualiya rassemblent 260 millions de personnes.

Bien sûr, il est toujours possible de faire mieux, et nous ne manquons pas d’ambition à cet égard.

Le développement numérique de l’audiovisuel public s’est aussi accéléré, avec des résultats remarquables, qui s’appuient notamment sur le développement des coopérations. J’y reviendrai.

En 2020, c’est vrai, le Gouvernement avait présenté un projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. Avec ce texte, il entendait favoriser les coopérations entre France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (FMM) et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) au travers de la création d’une holding.

La crise sanitaire a interrompu ce projet, mais pas l’accélération des coopérations. Cette démarche a porté ses fruits. Le média global France Info, qui est devenu le premier site d’information en ligne en France, est le fruit de la coopération entre toutes ces entreprises. Sa couverture quotidienne a doublé en cinq ans.

En ce qui concerne la proximité, France Bleu et France 3 ont lancé une plateforme commune sous la marque « Ici » et ont groupé leurs forces.

Depuis 2020, la plateforme Radio France rassemble toute l’offre de podcasts du service public. Elle est passée voilà un an devant Apple Podcasts. Un podcast sur deux qui est écouté aujourd’hui en France est un podcast de l’audiovisuel public.

Les entreprises ont créé ensemble Culture Prime, offre culturelle commune sur les réseaux sociaux, et l’offre d’éducation Lumni. Il y a aussi des coopérations moins visibles, dites de gestion, mais qui n’en sont pas moins très importantes, par exemple la mise en place d’un club pour des achats groupés ou la coopération en matière de cybersécurité.

Ces projets communs reposent sur une gouvernance souple et agile, qui permet aux équipes de définir ensemble les modalités les plus pertinentes de coopération, projet par projet. Cette agilité est un atout pour répondre aux nouveaux défis, devenus plus pressants. En effet, comme vous l’avez vous-même rappelé, depuis l’examen du projet de loi porté par Franck Riester, le contexte a beaucoup changé.

Je pense tout d’abord à la crise de l’information, face à la multiplication des fausses nouvelles et des manipulations. Ce « chaos informationnel », pour reprendre les mots de Christophe Deloire, de Reporters sans frontières, s’est accéléré depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Je pense aussi à la place prise par les plateformes, qui ont encore gagné du terrain depuis la crise sanitaire. Il y a donc urgence à accélérer également sur le numérique.

Dès mon arrivée au ministère de la culture, en mai dernier, j’ai souhaité poursuivre et amplifier une dynamique qui porte ses fruits, en engageant rapidement les travaux de préparation des nouveaux contrats d’objectifs et de moyens. J’ai fait part de ma volonté de signer des contrats synchronisés entre eux et sur la durée de la mandature, à savoir cinq ans, de 2024 à 2028, au lieu de trois ans précédemment, afin de garantir aux sociétés la visibilité dont elles ont besoin pour faire face à ces défis.

J’ai souhaité bâtir ces contrats en m’appuyant sur des concertations approfondies avec l’ensemble des acteurs : les dirigeants de l’audiovisuel public français et européen et les organisations professionnelles, mais aussi vous, mesdames, messieurs les sénateurs, vos collègues de l’Assemblée nationale et l’Arcom.

J’ai relevé un large consensus sur cinq enjeux prioritaires : information, proximité, création, jeunesse et numérique. J’ai aussi pu constater l’engagement et la disponibilité totale des entreprises pour coopérer au service de ces priorités. L’approfondissement des coopérations sera donc un axe majeur des nouveaux contrats.

Les parties prenantes que j’ai consultées ont formulé énormément de propositions très précises sur la détection des fausses informations, les investissements technologiques, la recherche et le développement, la mutualisation de la formation, etc.

Pour la première fois, un contrat spécifique signé par toutes les entreprises sera consacré aux coopérations dans les COM, avec un calendrier de mise en œuvre, des objectifs précis et des indicateurs.

Des leviers pour renforcer le pilotage peuvent être identifiés. Un conseil stratégique des présidents de l’audiovisuel public pourrait se réunir mensuellement et se décliner avec des réunions des membres des comités exécutifs sur les sujets majeurs. La part variable de la rémunération des dirigeants pourrait par ailleurs davantage dépendre de leur capacité à mener à bien les chantiers de coopération.

Voilà, concrètement, comment encourager les coopérations entre les entreprises au service d’une ambition forte pour lutter contre la désinformation, pour rapprocher les offres numériques, pour développer l’offre de proximité et pour toucher de nouveaux publics, notamment les jeunes.

Les coopérations ne sont pas une fin en soi, et leur succès dépend avant tout de la clarté des objectifs. Un grand meccano institutionnel ne m’apparaît ni nécessaire ni prioritaire. Je suis convaincue qu’une véritable ambition pour l’audiovisuel public peut reposer sur des coopérations par projet et sur la confiance dans les dirigeants nommés par l’Arcom et dans leurs équipes, sans accroître les rigidités ni courir le risque de perdre en souplesse organisationnelle.

Les travaux avancent très bien, et mon souhait est que ces contrats d’objectifs et de moyens 2024-2028 soient soumis pour avis au Parlement et au régulateur à l’automne prochain, pour les finaliser avant la fin de cette année.

Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, vous esquissez un changement de méthode par la création d’une holding, dont je comprends qu’il s’agirait d’une première étape vers la fusion.

À mon sens, cela reviendrait à retarder des projets indispensables en mobilisant l’énergie des entreprises sur des réorganisations de structure au détriment des priorités urgentes. Bref, c’est « une machine à perdre son temps », pour reprendre les mots de Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD).

Dans le rapport que vous avez publié en juin 2022, lequel préconisait une fusion, monsieur le rapporteur, vous indiquiez vous-même avoir « entendu les avis de nombreux experts auditionnés, qui s’interrogeaient sur l’intérêt de créer une holding compte tenu de la complexité de ce type de structure, qui ajoute une couche supplémentaire, avec le risque de multiplier le nombre des décideurs au lieu de le réduire. »

Voilà qui est très clair ! Vous l’avez très bien dit vous-même, la création d’une holding induirait très certainement une complexification des processus et des coûts supplémentaires. J’ai moi aussi échangé avec de nombreux experts, et tous étaient plutôt sceptiques sur la holding, craignant que cette couche supplémentaire ne ralentisse finalement l’élan engagé en matière de coopération, qui s’approfondit et s’accélère.

Monsieur le sénateur Hugonet, votre rapport évoquait la nécessité de « changer de cap », mais j’ai l’impression que c’est vous qui avez changé de cap depuis lors.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Sourires.

M. Pierre Laurent remplace M. Roger Karoutchi au fauteuil de la présidence.

Debut de section - Permalien
Rima Abdul-Malak

Pour ma part, je ne serai pas favorable aux dispositions qui créent une société holding, car, si je partage l’ambition que vous nourrissez pour l’audiovisuel public, je ne partage pas le chemin que vous proposez pour servir cette ambition.

La proposition de loi comporte un second volet relatif à la souveraineté audiovisuelle. C’est une priorité de notre action, et je veux rappeler ici quelques-unes des avancées majeures enregistrées depuis six ans dans ce domaine.

Remportant une victoire historique pour la souveraineté audiovisuelle, nous avons tout d’abord intégré les plateformes étrangères dans notre modèle de financement de la création. Nous avons ainsi étendu, en 2017, la taxe sur la vidéo qui alimente le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) à toutes les plateformes numériques.

Par ailleurs, depuis juillet 2021, les plateformes américaines, comme Netflix, Disney + Amazon Prime Video, doivent financer la création française et européenne à hauteur de 20 % du chiffre d’affaires qu’elles réalisent en France.

Leur investissement devrait représenter, chaque année, un surcroît de financement de l’ordre de 300 millions d’euros, qui viendra s’ajouter à la contribution, encore majoritaire et, bien sûr, déterminante, des chaînes historiques.

Puisque c’est l’un des objectifs de ce texte, je rappelle que nous avons également donné plus de marges de manœuvre aux chaînes traditionnelles : en les autorisant à faire de la publicité segmentée, ainsi que, à titre expérimental, de la publicité pour le cinéma ; en assouplissant l’encadrement de la diffusion de cinéma à la télévision ; en leur donnant les moyens de mieux rentabiliser leurs investissements dans la création.

Vous le savez, monsieur le rapporteur, notre réforme des obligations de financement de la production audiovisuelle et cinématographique résulte d’un accord politique récent sur la définition de la production indépendante.

Cet équilibre est issu de la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, dont vous étiez également rapporteur, monsieur Hugonet. De nombreux acteurs ont signé des accords en se fondant sur cet équilibre. Nous ne souhaitons pas le remettre en cause.

Nous avons apporté des réponses à de nouveaux défis qui menacent la souveraineté audiovisuelle.

Vous le savez, les grandes plateformes étrangères concluent des contrats avec les constructeurs d’équipements pour être mises en avant, que ce soit sur l’écran d’accueil des téléviseurs connectés ou sur la télécommande. Notre service public et nos acteurs nationaux, qui contribuent au pluralisme et à la diversité culturelle, sont de moins en moins visibles et accessibles dans ces nouveaux environnements.

C’est pourquoi nous avons introduit des obligations de mise en avant des services audiovisuels d’intérêt général dans ces environnements.

La mise en œuvre de ces obligations par l’Arcom, notamment la définition des services d’intérêt général, est en cours, dans la concertation. Vous proposez de figer les choses dans ce texte. Je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure voie.

Comment ne pas évoquer aussi rapidement la modernisation de la régulation et la création de l’Arcom, le renforcement de la lutte contre le piratage des œuvres et programmes audiovisuels, la protection des catalogues cinématographiques et audiovisuels en cas de cession à un acteur étranger, ou encore le droit voisin des éditeurs de presse, combat que la France a porté avec beaucoup de force ?

Enfin, j’ai annoncé récemment, à Cannes, l’identité des lauréats de l’appel à projets « La grande fabrique de l’image », dans le cadre du plan d’investissement France 2030. Cette initiative inédite, dotée de 350 millions d’euros, doit faire de la France un leader des tournages, de la production de films, séries et jeux vidéo, de la postproduction, des effets visuels et de la formation aux métiers du cinéma et de l’audiovisuel. Il s’agit, là encore, de défendre pleinement notre souveraineté audiovisuelle et culturelle.

C’est donc une action d’une ambition sans précédent que nous avons menée et que nous continuons de mener en faveur de notre souveraineté audiovisuelle.

D’autres réformes sont en cours. Ainsi, le Gouvernement a engagé une révision de la liste des événements d’importance majeure, pour garantir l’accès du plus grand nombre de téléspectateurs aux manifestations sportives, en particulier féminines. Je salue, sur ce sujet, l’engagement de David Assouline.

Nous devons aller plus loin, et je partage pleinement avec vous l’objectif de soumettre les plateformes numériques aux mêmes obligations que les services de télévision. Comme vous le savez, cela nécessite une révision de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA), mais plusieurs États membres semblent disposés à l’appuyer. En attendant, le texte adopté en commission apporte une première réponse intéressante, que le Gouvernement soutient.

Je partage aussi certaines propositions en faveur de la modernisation de la télévision numérique terrestre (TNT). La diffusion hertzienne demeure le seul mode de diffusion gratuit, souverain et anonyme, et les chaînes de la TNT portent encore l’essentiel du financement de la création.

C’est pourquoi je soutiens les dispositions adoptées en commission, sur l’initiative de Mme Morin-Desailly, sur l’ultra-haute définition. J’ai moi-même récemment saisi l’Arcom pour permettre à France Télévisions d’offrir à nos concitoyens une diffusion des jeux Olympiques de 2024 en ultra-haute définition.

Je soutiens aussi, en matière de radio, le déploiement du DAB+, cette norme de diffusion souveraine plus économe en ressources.

Le texte qui vous est soumis nous paraît soulever quelques difficultés juridiques, mais le sénateur Julien Bargeton a proposé une rédaction de substitution qui permettrait de les surmonter. Nous aurons l’occasion de reparler de ces articles, ainsi que de ceux que je n’ai pas mentionnés.

Je veux conclure en vous remerciant toutes et tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre mobilisation constante – pour certains d’entre vous, depuis de nombreuses années – sur ces enjeux : vos travaux, votre expertise et votre engagement ont apporté une contribution précieuse et déterminante à l’évolution de l’audiovisuel, et ils continuent de le faire.

Je me réjouis d’en débattre avec vous ce soir.

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. le président de la commission.

Photo de Laurent Lafon

Mes chers collègues, la discussion générale ayant commencé plus tôt que prévu, je propose aux membres de la commission de nous retrouver, à son issue, en salle 245, pour examiner l’ensemble des amendements de séance déposés sur cette proposition de loi.

Organisation des travaux

Photo de Pierre Laurent

La parole est à M. le président de la commission.

Photo de Pierre Laurent

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Fialaire.

Photo de Laurent Lafon

Mes chers collègues, la discussion générale ayant commencé plus tôt que prévu, je propose aux membres de la commission que nous nous retrouvions, à son issue, en salle 245, pour examiner l’ensemble des amendements de séance déposés sur cette proposition de loi.

Discussion générale

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jamais notre société n’a eu autant besoin de repères clairs et innovants dans la diffusion d’informations, de culture et de divertissement.

L’audiovisuel public a cette lourde tâche de fournir une information indépendante, indispensable à la vie démocratique, ainsi que des divertissements qui doivent permettre la diffusion de contenus culturels, sportifs et éducatifs vers une population qui en serait éloignée. Il doit prolonger l’enseignement public dans l’élévation des individus au rang de citoyens éclairés.

Depuis la loi Léotard de 1986, s’il y a eu quelques évolutions, il n’y a pas eu de grande réforme qui aurait permis à l’audiovisuel public de mieux répondre à la révolution numérique et aux offensives des grands groupes privés étrangers, qui ont su bien mieux exploiter les nouvelles technologies numériques.

Dès 2015, le rapport sénatorial Leleux-Gattolin appelait à une réforme des missions, de l’organisation et du financement de l’audiovisuel public.

En 2019, Franck Riester, alors ministre de la culture, proposait une réforme ambitieuse. Cette dernière aurait été victime du covid – un covid long, semble-t-il, puisqu’elle ne s’en est pas relevée…

Enfin, voilà un an, nos collègues Jean Raymond Hugonet et Roger Karoutchi ont rendu un rapport « pour renforcer la spécificité, l’efficacité et la puissance de l’audiovisuel public. »

Aussi cette proposition de loi de Laurent Lafon propose-t-elle une réforme attendue et nécessaire de l’audiovisuel public et de sa souveraineté.

Elle soulève les inquiétudes et les oppositions de tous les conservatismes du secteur, qui devrait, au contraire, avoir l’ambition de s’adapter au contexte d’avancées technologiques et de concurrence qu’imposent les nouveaux modes de « consommation culturelle », comme on les appelle, et de recherche d’intégrité des informations.

L’ambition du texte est grande. Il s’agit de retrouver une stratégie et une capacité d’innovation depuis longtemps perdues. En rassemblant les quatre entreprises nationales de l’audiovisuel public dans une même structure, nous obligerons les différentes grammaires à se rencontrer et à apprendre à faire sens commun.

Sensibles à un développement structurel de l’audiovisuel public, les auteurs de la présente proposition de loi entendent supprimer les contrats d’objectifs et de moyens pour créer des conventions pluriannuelles stratégiques.

En assumant le choix de détenir la totalité du capital de ce groupement, l’État réaffirme son engagement pour la pérennité et son souci de sécurité pour nos médias publics.

Il est certain qu’une telle proposition bousculera les habitudes et les méthodes de travail. L’enjeu est alors de respecter la subsidiarité et de faire confiance. La diversité de la composition du conseil d’administration permet d’y veiller.

Enfin, faire œuvre pour l’audiovisuel ne peut se faire sans un travail collaboratif avec le secteur privé. En demandant aux chaînes payantes de laisser une place à l’audiovisuel public, notamment lors des événements sportifs, cette proposition fait place au commun et amorce la fin de l’égoïsme concurrentiel.

Pour ma part, si j’ai applaudi à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, qui était injuste et insuffisante, j’estime qu’il faut clairement définir la ressource pérenne et rassurante promise pour ce secteur, qui doit être soutenu, même si c’est avec vigilance, et à tout le moins sécurisé, afin qu’il affronte avec confiance les nouveaux défis qu’il doit relever.

Parce que cette proposition de loi reconnaît, dans l’audiovisuel public, un vecteur de connaissances, de créativité, de critiques, de divertissements et d’enseignements, le groupe RDSE ne se prononcera qu’à l’issue des débats sur ce texte que, pour ma part, je soutiens.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Fialaire.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Claude Kern applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, jamais notre société n’a eu autant besoin de repères clairs et innovants dans la diffusion d’informations, de culture et de divertissement.

L’audiovisuel public a cette lourde tâche de fournir une information indépendante, indispensable à la vie démocratique, ainsi que des divertissements qui doivent permettre la diffusion de contenus culturels, sportifs et éducatifs vers une population qui en serait éloignée. Il doit prolonger l’enseignement public dans l’élévation des individus au rang de citoyens éclairés.

Depuis la loi Léotard de 1986, s’il y a eu quelques évolutions, il n’y a pas eu de grande réforme qui aurait permis à l’audiovisuel public de mieux répondre à la révolution numérique et aux offensives des grands groupes privés étrangers, qui ont su bien mieux exploiter les nouvelles technologies numériques.

Dès 2015, le rapport sénatorial d’information Leleux-Gattolin appelait à une réforme des missions, de l’organisation et du financement de l’audiovisuel public.

En 2019, Franck Riester, alors ministre de la culture, proposait une réforme ambitieuse. Cette dernière aurait été victime du covid – un covid long, semble-t-il, puisqu’elle ne s’en est pas relevée… §

Enfin, voilà un an, nos collègues Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi ont rendu un rapport d’information « pour renforcer la spécificité, l’efficacité et la puissance de l’audiovisuel public. »

Aussi cette proposition de loi de Laurent Lafon propose-t-elle une réforme attendue et nécessaire de l’audiovisuel public et de sa souveraineté.

Elle soulève les inquiétudes et les oppositions de tous les conservatismes du secteur, qui devrait, au contraire, avoir l’ambition de s’adapter au contexte d’avancées technologiques et de concurrence qu’imposent les nouveaux modes de « consommation culturelle », comme on les appelle, et de recherche d’intégrité des informations.

L’ambition du texte est grande. Il s’agit de retrouver une stratégie et une capacité d’innovation depuis longtemps perdues. En rassemblant les quatre entreprises nationales de l’audiovisuel public dans une même structure, nous obligerons les différentes grammaires à se rencontrer et à apprendre à faire sens commun.

Sensibles à un développement structurel de l’audiovisuel public, les auteurs de la présente proposition de loi entendent supprimer les contrats d’objectifs et de moyens pour créer des conventions pluriannuelles stratégiques.

En assumant le choix de détenir la totalité du capital de ce groupement, l’État réaffirme son engagement pour la pérennité et son souci de sécurité pour nos médias publics.

Il est certain qu’une telle proposition bousculera les habitudes et les méthodes de travail. L’enjeu est alors de respecter la subsidiarité et de faire confiance. La diversité de la composition du conseil d’administration permet d’y veiller.

Enfin, faire œuvre pour l’audiovisuel ne peut se faire sans un travail collaboratif avec le secteur privé. En demandant aux chaînes payantes de laisser une place à l’audiovisuel public, notamment lors des événements sportifs, cette proposition fait place au commun et amorce la fin de l’égoïsme concurrentiel.

Pour ma part, si j’ai applaudi à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, qui était injuste et insuffisante, j’estime qu’il faut clairement définir la ressource pérenne et rassurante promise pour ce secteur, qui doit être soutenu, même si c’est avec vigilance, et à tout le moins sécurisé, afin qu’il affronte avec confiance les nouveaux défis qu’il doit relever.

Parce que cette proposition de loi reconnaît, dans l’audiovisuel public, un vecteur de connaissances, de créativité, de critiques, de divertissements et d’enseignements, le groupe RDSE ne se prononcera qu’à l’issue des débats sur ce texte que, pour ma part, je soutiens.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Claude Kern applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais voter cette proposition de loi.

Cependant, dire que je le ferai avec un enthousiasme délirant serait excessif

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.

Sourires.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Dans le même temps, nous ne ferons que constater l’échec du Gouvernement. En 2017, le Président de la République nous avait promis le Grand Soir en matière d’audiovisuel. Cela allait être la révolution ; on allait voir ce qu’on allait voir ; on avait l’audiovisuel public, non pas le plus détestable, mais le moins abouti ! Par conséquent, il fallait tout changer.

Un certain nombre de choses ont été réalisées. À cet égard, le texte du ministre Franck Riester n’était pas négligeable, tant s’en faut, puisqu’il comportait quelques évolutions, même si l’on pouvait ne pas être d’accord avec tout. D’ailleurs, son abandon n’a rien à voir avec la covid : c’est un peu avant la pandémie qu’il a sombré dans les sables mouvants… En réalité, je pense que la détermination élyséenne à faire une réforme de l’audiovisuel public avait disparu en 2019.

Dès lors, la situation devenait extrêmement difficile. Madame la ministre, ce n’est pas du tout votre propre action qui est en cause : les ministres de la culture précédents ne pouvaient faire plus. Dans un domaine aussi sensible que l’audiovisuel public, à partir du moment où l’Élysée n’est pas totalement déterminé, il ne peut y avoir de réforme.

Dans les faits, que se passe-t-il ? La plupart des acteurs de l’audiovisuel public et, désormais, les membres du Gouvernement, au moins en partie, appellent à corriger à la marge, à chercher ici ou là des rapprochements et de petites évolutions, sans toucher au système, ni à l’ensemble des chaînes, ni au périmètre, ni à l’organisation et à la structure même de l’audiovisuel public.

Or, quand Jean-Raymond Hugonet et moi-même les avons reçus, tous les acteurs de l’audiovisuel public, même ceux qui ne voulaient pas de réforme, ont reconnu que non seulement le système actuel présentait des imperfections, mais qu’il ne permettrait plus, à un moment ou à autre, d’assurer le service public.

En réalité, ce que nous demandons dans ce texte, et je remercie infiniment le président Laurent Lafon de l’avoir dit, c’est un débat sur les missions d’un service public en France. Il n’est tout de même pas surréaliste de s’interroger sur ce que doit être la mission de l’audiovisuel public dans notre pays !

Par ailleurs, quid de la structure ? Depuis la réforme de 1986, soit depuis trente-sept ans, on aménage à la marge, mais on n’a pas voulu regarder les choses en face. Or le paysage a changé, en Europe, dans le monde, avec les plateformes, avec la concurrence du privé. Tout a changé ! Et nous, nous continuons de penser que l’on va aménager à la marge. Cela ne suffira pas. Cela ne suffira plus !

Je voterai en faveur de la holding. Dans le rapport d’information que j’ai cosigné avec Jean-Raymond Hugonet, j’étais favorable à la fusion, mais si la holding peut être une étape, j’y souscris.

De fait, rien n’est pire que l’immobilisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voterai cette proposition de loi.

Cependant, dire que je le ferai avec un enthousiasme délirant serait excessif

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Rien n’est pire que de dire : on ne bouge pas, on ne change rien, on verra bien ce qui se passe, après nous le déluge… La vérité est que cela ne pourra pas tenir, comme le montrent, déjà, un certain nombre d’éléments : les débats sur la publicité, les événements récents concernant les plateformes, l’échec de la fusion entre TF1 et M6 et ses conséquences sur l’audiovisuel public, ou encore certaines critiques ou demandes.

Dès lors, que faire ? Comme Jean-Raymond Hugonet le rappelait tout à l’heure, on nous a dit, voilà déjà plusieurs années, qu’il n’était pas nécessaire d’engager des réformes fortes et que les rapprochements se feraient presque de manière automatique.

Cependant, le rapprochement entre France 3 et France Bleu ne suscite pas mon admiration de chaque jour !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Dans le même temps, nous ne ferons que constater l’échec du Gouvernement. En 2017, le Président de la République nous avait promis le Grand Soir en matière d’audiovisuel. Cela allait être la révolution ; on allait voir ce qu’on allait voir ; on avait l’audiovisuel public, non pas le plus détestable, mais le moins abouti ! Par conséquent, il fallait tout changer.

Un certain nombre de choses ont été réalisées. À cet égard, le texte du ministre Franck Riester n’était pas négligeable, tant s’en faut, puisqu’il comportait quelques évolutions, même si l’on pouvait ne pas être d’accord avec tout. D’ailleurs, son abandon n’a rien à voir avec la covid-19 : c’est un peu avant la pandémie qu’il a sombré dans les sables mouvants… En réalité, je pense que la détermination élyséenne à faire une réforme de l’audiovisuel public avait disparu en 2019.

Dès lors, la situation devenait extrêmement difficile. Madame la ministre, ce n’est pas du tout votre propre action qui est en cause : les ministres de la culture précédents ne pouvaient faire plus. Dans un domaine aussi sensible que l’audiovisuel public, à partir du moment où l’Élysée n’est pas totalement déterminé, il ne peut y avoir de réforme.

Dans les faits, que se passe-t-il ? La plupart des acteurs de l’audiovisuel public et, désormais, les membres du Gouvernement, au moins en partie, appellent à corriger à la marge, à chercher ici ou là des rapprochements et de petites évolutions, sans toucher au système, ni à l’ensemble des chaînes, ni au périmètre, ni à l’organisation et à la structure même de l’audiovisuel public.

Or, quand Jean-Raymond Hugonet et moi-même les avons reçus, tous les acteurs de l’audiovisuel public, même ceux qui ne voulaient pas de réforme, ont reconnu que non seulement le système actuel présentait des imperfections, mais qu’il ne permettrait plus, à un moment ou à autre, d’assurer le service public.

En réalité, ce que nous demandons dans ce texte, et je remercie infiniment le président Laurent Lafon de l’avoir dit, c’est un débat sur les missions d’un service public en France. Il n’est tout de même pas surréaliste de s’interroger sur ce que doit être la mission de l’audiovisuel public dans notre pays !

Par ailleurs, quid de la structure ? Depuis la réforme de 1986, soit depuis trente-sept ans, on aménage à la marge, mais on n’a pas voulu regarder les choses en face. Or le paysage a changé, en Europe, dans le monde, avec les plateformes, avec la concurrence du privé. Tout a changé ! Et nous, nous continuons de penser que l’on va aménager à la marge. Cela ne suffira pas. Cela ne suffira plus !

Je voterai en faveur de la holding. Dans le rapport d’information que j’ai cosigné avec Jean-Raymond Hugonet, j’étais favorable à la fusion, mais, si la holding peut être une étape, j’y souscris.

De fait, rien n’est pire que l’immobilisme.

M. André Gattolin sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

On peut faire des réunions supplémentaires, des colloques et des conventions, mais, dans la pratique, si la loi ne fixe pas un certain nombre d’éléments, les rapprochements ne se font pas.

Pardon de le dire ainsi, mais c’est la logique du système : on a créé un certain nombre de chaînes, avec des présidents et des responsables qui assurent leurs fonctions et qui ne comprennent pas pourquoi l’on voudrait remettre en question ce qu’ils considèrent, eux, comme un passage abouti.

Or le passage n’est pas abouti ! Je le dis tranquillement : dans les années qui viennent, le système ne tiendra pas. Sans une réforme globale menée avec les acteurs de l’audiovisuel – pour notre part, nous considérons qu’il n’est pas possible de bouger sans eux –, il s’écroulera face à la concurrence des plateformes et du système privé.

Quant à réformer la Lolf, la loi organique relative aux lois de finances, pour mettre l’audiovisuel public au niveau de l’Europe ou des collectivités locales, j’ai envie de dire, madame la ministre : pas tout de suite ! Le président Lafon m’en excusera, mais, franchement, personne n’y croit. Cela ne se fera pas, et vous le savez.

Lorsque le Président de la République, dans sa campagne, a annoncé la suppression de la redevance sans contrepartie, il n’avait prévu aucune ressource de substitution. C’est cela, le vrai sujet ! Nous voilà donc tous en train de chercher désespérément les 3, 5 milliards d’euros nécessaires pour l’audiovisuel public – budget, taxes nouvelles ? Cette dernière solution n’est pas envisageable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Rien n’est pire que de dire : on ne bouge pas, on ne change rien, on verra bien ce qui se passe, après nous le déluge… La vérité est que cela ne pourra pas tenir, comme le montrent, déjà, un certain nombre d’éléments : les débats sur la publicité, les événements récents concernant les plateformes, l’échec de la fusion entre TF1 et M6 et ses conséquences sur l’audiovisuel public, ou encore certaines critiques ou demandes.

Dès lors, que faire ? Comme Jean-Raymond Hugonet le rappelait tout à l’heure, on nous a dit, voilà déjà plusieurs années, qu’il n’était pas nécessaire d’engager des réformes fortes et que les rapprochements se feraient presque de manière automatique.

Cependant, le rapprochement entre France 3 et France Bleu ne suscite pas mon admiration de chaque jour !

M. André Gattolin sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

J’en termine, monsieur le président.

Vous ne pouvez pas annoncer que vous allez créer une autre taxe : les gens ne comprendraient pas pourquoi vous avez supprimé la redevance.

Quoi qu’il en soit, madame la ministre, je vous souhaite bon courage !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

On peut faire des réunions supplémentaires, des colloques et des conventions, mais, dans la pratique, si la loi ne fixe pas un certain nombre d’éléments, les rapprochements ne se font pas.

Pardon de le dire ainsi, mais c’est la logique du système : on a créé un certain nombre de chaînes, avec des présidents et des responsables qui assurent leurs fonctions et qui ne comprennent pas pourquoi l’on voudrait remettre en question ce qu’ils considèrent, eux, comme un passage abouti.

Or le passage n’est pas abouti ! Je le dis tranquillement : dans les années qui viennent, le système ne tiendra pas. Sans une réforme globale menée avec les acteurs de l’audiovisuel – pour notre part, nous considérons qu’il n’est pas possible de bouger sans eux –, il s’écroulera face à la concurrence des plateformes et du système privé.

Quant à réformer la Lolf, la loi organique relative aux lois de finances, pour mettre l’audiovisuel public au niveau de l’Europe ou des collectivités locales, j’ai envie de dire, madame la ministre : pas tout de suite ! Le président Lafon m’en excusera, mais, franchement, personne n’y croit. Cela ne se fera pas, et vous le savez.

Lorsque le Président de la République, dans sa campagne, a annoncé la suppression de la redevance sans contrepartie, il n’avait prévu aucune ressource de substitution. C’est cela, le vrai sujet ! Nous voilà donc tous en train de chercher désespérément les 3, 5 milliards d’euros nécessaires pour l’audiovisuel public – budget, taxes nouvelles ? Cette dernière solution n’est pas envisageable.

Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

J’en termine, monsieur le président.

Vous ne pouvez pas annoncer que vous allez créer une autre taxe : les gens ne comprendraient pas pourquoi vous avez supprimé la redevance.

Quoi qu’il en soit, madame la ministre, je vous souhaite bon courage !

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique de Marco

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». Cette initiative non concertée de notre collègue Laurent Lafon en est, malheureusement, une nouvelle illustration.

Le 31 mai dernier, à la suite de l’adoption d’une loi pour la préservation du journalisme par l’assemblée de Californie, le directeur de la communication politique de Facebook-Meta a menacé de supprimer le fil d’actualité de Facebook, « plutôt que de payer pour une caisse noire », comme il l’a écrit sur Twitter.

Depuis une dizaine d’années, nous sommes devenus les spectateurs de la transformation du paysage médiatique international, avec l’essor des plateformes de service de vidéo à la demande, le développement des réseaux sociaux et la croissance du marché publicitaire comme source de financement, notamment des compétitions sportives.

Il en résulte une très forte concentration médiatique, dominée par quelques géants dont les règles internes ont presque force de loi.

En 2025, le marché mondial de la publicité pourrait franchir le cap de 1 000 milliards de dollars, soit le PIB des Pays-Bas. Les trois sociétés Google, Facebook et Amazon détiennent désormais plus de 50 % de ce marché. Cette position ultradominante leur permet d’exercer un chantage sur les parlements à travers le monde.

En France, la commission d’enquête sénatoriale conduite par notre collègue David Assouline a mis en lumière la concentration médiatique également à l’œuvre dans notre pays, ainsi que ses conséquences sur la liberté de la presse. Certes, on n’y découpe pas les journalistes à la tronçonneuse, comme en Arabie Saoudite, pas plus qu’on ne les détient arbitrairement pour motif d’espionnage, comme en Russie. Mais on les licencie ; on les démet de leurs fonctions.

Cette situation alimente la défiance populaire à l’encontre de ceux qui nous informent : 62 % des Français ne feraient pas confiance aux journalistes et 41 % d’entre eux s’informeraient dorénavant prioritairement via les réseaux sociaux, où les contenus journalistiques côtoient les commentaires dépourvus de fondements factuels, noyés dans une masse d’informations anecdotiques et personnelles.

Dans ce contexte, notre collègue Laurent Lafon nous propose une « stratégie ambitieuse et globale », rédigée sur sa seule initiative.

En fait de stratégie et d’urgence, ce texte propose de renforcer les positions dominantes, à l’opposé des recommandations de la commission d’enquête que j’ai citée, pour offrir une nouvelle fenêtre de fusion entre TF1 et M6 et pour adapter les règles de droits de diffusion des événements sportifs majeurs, qui favorisent Canal+.

Pis, après la suppression de la redevance l’été dernier, la création d’une holding réunissant quatre acteurs de l’audiovisuel public constitue l’autre pilier de cette stratégie. Cet étage supplémentaire nous promet des années d’immobilisme, à l’heure où l’évolution du secteur nécessite de la souplesse, de l’adaptation et de la rapidité décisionnelle. Cela va évidemment affecter les moyens destinés à la réalisation de missions de service public.

Les auteurs-réalisateurs et les cinéastes pourraient en être fragilisés. Aujourd’hui encore, France Télévisions est le deuxième diffuseur de films après Canal+, et près de 40 % des droits perçus par les auteurs proviennent de sociétés publiques…

À quoi bon renforcer notre souveraineté audiovisuelle si cela fragilise l’exception culturelle française ? Et je ne parle pas du mode de désignation du président de la holding par décret présidentiel, absolument contraire au projet de directive sur la liberté des médias présenté par la Commission européenne en septembre 2022… Nous y sommes fortement opposés.

L’information n’est pas un bien comme les autres. Les entreprises de médias devraient être soumises non pas au droit de la concurrence, mais à des règles spécifiques, destinées à garantir le pluralisme et l’indépendance des rédactions.

L’urgence, bien sûr, c’est de réviser la loi de 1986, qui est devenue obsolète.

L’urgence, ce n’est pas d’ajouter une strate supplémentaire, non budgétisée, qui « ne coûterait rien », selon notre rapporteur, mais qui viendrait, de fait, amputer le financement de l’audiovisuel public.

L’urgence, ce serait d’allonger les contrats d’objectifs et de moyens et de renforcer les synergies. Mais ce serait aussi et surtout de garantir des mesures pérennes pour l’audiovisuel public. La Lolf doit prévoir un financement, comme le recommandent également les auteurs du rapport d’information publié le 7 juin dernier par l’Assemblée nationale.

Du côté de la publicité, des gisements fiscaux existent pour financer l’audiovisuel public. La Californie nous en montre le chemin.

L’urgence est au renforcement des moyens d’informer, non à la restriction budgétaire. Le journalisme de qualité a un coût, mais celui-ci est inférieur au prix démocratique de la désinformation.

Considérant que cette proposition de loi ne sert pas l’audiovisuel public, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique de Marco

Mme Monique de Marco. … mais vise plutôt à l’affaiblir, nous ne la voterons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique de Marco

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». Cette initiative non concertée de notre collègue Laurent Lafon en est, malheureusement, une nouvelle illustration.

Le 31 mai dernier, à la suite de l’adoption d’une loi pour la préservation du journalisme par l’assemblée de Californie, le directeur de la communication politique de Facebook-Meta a menacé de supprimer le fil d’actualité de Facebook, « plutôt que de payer pour une caisse noire », comme il l’a écrit sur Twitter.

Depuis une dizaine d’années, nous sommes devenus les spectateurs de la transformation du paysage médiatique international, avec l’essor des plateformes de service de vidéo à la demande, le développement des réseaux sociaux et la croissance du marché publicitaire comme source de financement, notamment des compétitions sportives.

Il en résulte une très forte concentration médiatique, dominée par quelques géants dont les règles internes ont presque force de loi.

En 2025, le marché mondial de la publicité pourrait franchir le cap de 1 000 milliards de dollars, soit le PIB des Pays-Bas. Les trois sociétés Google, Facebook et Amazon détiennent désormais plus de 50 % de ce marché. Cette position ultradominante leur permet d’exercer un chantage sur les parlements à travers le monde.

En France, la commission d’enquête sénatoriale conduite par notre collègue David Assouline a mis en lumière la concentration médiatique également à l’œuvre dans notre pays, ainsi que ses conséquences sur la liberté de la presse. Certes, on n’y découpe pas les journalistes à la tronçonneuse, comme en Arabie Saoudite, pas plus qu’on ne les détient arbitrairement pour motif d’espionnage, comme en Russie, mais on les licencie, on les démet de leurs fonctions.

Cette situation alimente la défiance populaire à l’encontre de ceux qui nous informent : 62 % des Français ne feraient pas confiance aux journalistes et 41 % d’entre eux s’informeraient dorénavant prioritairement via les réseaux sociaux, où les contenus journalistiques côtoient les commentaires dépourvus de fondements factuels, noyés dans une masse d’informations anecdotiques et personnelles.

Dans ce contexte, notre collègue Laurent Lafon nous propose une « stratégie ambitieuse et globale », rédigée sur sa seule initiative.

En fait de stratégie et d’urgence, ce texte propose de renforcer les positions dominantes, à l’opposé des recommandations de la commission d’enquête que j’ai citée, pour offrir une nouvelle fenêtre de fusion entre TF1 et M6 et pour adapter les règles de droits de diffusion des événements sportifs majeurs, qui favorisent Canal+.

Pis, après la suppression de la redevance l’été dernier, la création d’une holding réunissant quatre acteurs de l’audiovisuel public constitue l’autre pilier de cette stratégie. Cet étage supplémentaire nous promet des années d’immobilisme, à l’heure où l’évolution du secteur nécessite de la souplesse, de l’adaptation et de la rapidité décisionnelle. Cela va évidemment affecter les moyens destinés à la réalisation de missions de service public.

Les auteurs-réalisateurs et les cinéastes pourraient en être fragilisés. Aujourd’hui encore, France Télévisions est le deuxième diffuseur de films après Canal+, et près de 40 % des droits perçus par les auteurs proviennent de sociétés publiques…

À quoi bon renforcer notre souveraineté audiovisuelle si cela fragilise l’exception culturelle française ? Et je ne parle pas du mode de désignation du président de la holding par décret présidentiel, absolument contraire au projet de directive sur la liberté des médias présenté par la Commission européenne en septembre 2022… Nous y sommes fortement opposés.

L’information n’est pas un bien comme les autres. Les entreprises de médias devraient être soumises non pas au droit de la concurrence, mais à des règles spécifiques, destinées à garantir le pluralisme et l’indépendance des rédactions.

L’urgence, bien sûr, c’est de réviser la loi de 1986, qui est devenue obsolète.

L’urgence, ce n’est pas d’ajouter une strate supplémentaire, non budgétisée, qui « ne coûterait rien », selon notre rapporteur, mais qui viendrait, de fait, amputer le financement de l’audiovisuel public.

L’urgence, ce serait d’allonger les contrats d’objectifs et de moyens et de renforcer les synergies, mais ce serait aussi et surtout de garantir des mesures pérennes pour l’audiovisuel public. La Lolf doit prévoir un financement, comme le recommandent également les auteurs du rapport d’information publié le 7 juin dernier par l’Assemblée nationale.

Du côté de la publicité, des gisements fiscaux existent pour financer l’audiovisuel public. La Californie nous en montre le chemin.

L’urgence est au renforcement des moyens d’informer, non à la restriction budgétaire. Le journalisme de qualité a un coût, mais celui-ci est inférieur au prix démocratique de la désinformation.

Considérant que cette proposition de loi ne sert pas l’audiovisuel public, …

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

M. Roger Karoutchi remplace M. Pierre Laurent au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique de Marco

Mme Monique de Marco. … mais vise plutôt à l’affaiblir, nous ne la voterons pas.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

M. François Patriat applaudit.

M. Roger Karoutchi remplace M. Pierre Laurent au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous partageons tous un objectif commun : avoir dans le paysage audiovisuel français un service public fort et qui puisse rayonner à l’international, c’est-à-dire s’exporter.

Par conséquent, nous sommes en phase sur l’idée de consolider notre audiovisuel public. Cependant, nous divergeons fortement sur la façon d’atteindre cet objectif, c’est-à-dire sur les moyens.

Le texte propose essentiellement de créer une holding. Cette mesure n’est pas dénuée d’ambiguïté, d’abord parce que l’on ne comprend pas bien si c’est d’une étape avant une fusion qui n’ose pas dire son nom, ou s’il s’agit de s’arrêter là. Sans doute existe-t-il une forme d’entente pour ne pas trancher… On sort toujours de l’ambiguïté à son détriment !

La seconde ambiguïté porte sur la façon dont la proposition de loi va prospérer. On a compris que le Gouvernement et la majorité présidentielle y étaient défavorables. Dès lors, il appartient à ses initiateurs de nous expliquer comment elle pourra recueillir l’assentiment de l’Assemblée nationale… Mais nous pouvons toujours débattre !

Certes, la création d’une holding avait déjà été proposée en son temps, mais, depuis 2020, le contexte a profondément changé.

Ainsi, l’éventualité de la mise en place d’une contrainte a peut-être fait bouger les acteurs eux-mêmes. En février 2023, Delphine Ernotte et Sibyle Veil se sont prononcées pour un document stratégique unique de l’audiovisuel. Depuis lors, les coopérations se sont renforcées.

D’aucuns citent l’exemple du rapprochement entre France 3 et France Bleu, en estimant qu’il pourrait aller plus loin et plus vite. Certainement, mais on parle de directions régionales uniques ! On parle de contenus éditoriaux qui doivent se rapprocher. Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas parvenus à le faire d’un coup qu’il faut renoncer à cette ambition. Il faut donner une chance aux éléments de coopération qui sont installés aujourd’hui.

La question se pose : en quoi une holding, c’est-à-dire un meccano institutionnel, répond-elle aux grands enjeux de l’audiovisuel actuel ? Ces derniers sont le rajeunissement du public – ceux qui regardent la télévision de flux sont de plus en plus âgés –, le numérique, la concentration de grands acteurs privés et, avec l’arrivée de concurrences étrangères, l’existence de plateformes disposant d’énormément de moyens d’investissement. On pourrait en relever d’autres.

Ces défis sont qualitatifs. Ce qu’il faut, surtout, c’est que les acteurs sachent que l’on a, à l’intérieur de nos chaînes, des personnes de qualité, qui savent formuler des propositions. Ce n’est pas une strate supplémentaire ou un meccano institutionnel qui répondra à des défis qualitatifs.

Au reste, quand on crée une strate, on a parfois du mal, en France, à faire des économies. La Cour des comptes a produit maints rapports montrant que l’ajout d’un niveau n’avait rien retiré au niveau inférieur. Au contraire, et je le dis sans vouloir critiquer telle ou telle collectivité, on trouve de nombreux exemples d’ajouts de strates qui se sont traduits par des dépenses supplémentaires. En créant une zone intermédiaire, on risque, finalement, de déposséder l’ensemble des acteurs : à la fois les chaînes qui sont « en dessous », si j’ose dire, et l’État actionnaire, qui est au-dessus.

La contrainte passe aujourd’hui par les contrats d’objectifs et de moyens. Sans doute faut-il les consolider. On peut réfléchir à la façon de les rendre plus contraignants, de les évaluer davantage, d’en tirer les conséquences et d’en faire un outil équivalent à la holding. En effet, partager une ambition similaire n’empêche pas de réfléchir à des outils différents pour y parvenir, par exemple en allant plus loin sur la première étape, celle d’un socle commun aux contrats d’objectifs et de moyens.

C’est notamment dans ce sens qu’il faut avancer pour faire face aux nouveaux enjeux, comme la lutte contre la désinformation et les fausses nouvelles – le fact-checking. Il est certain que, dans cette perspective, il faut aller plus loin dans la mutualisation, en rassemblant les moyens de l’audiovisuel consacrés à la lutte contre la désinformation numérique.

Bref, pour aboutir à des résultats, il faut avancer concrètement, de façon pragmatique, sujet par sujet, plutôt que de chercher à concevoir une structure qui, en elle-même, répondrait, on ne sait trop comment, à l’ensemble de ces problèmes.

Je crains que, avec l’idée de holding, on ne donne finalement raison à l’adage selon lequel le mieux est l’ennemi du bien. Le bien, ce serait d’avancer concrètement, ensemble, pour faire bouger l’audiovisuel public.

M. François Patriat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure où les grandes plateformes étrangères, les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – étendent leur pouvoir et leur influence gigantesques, accroissant sans cesse leur domination financière, qui les fait rivaliser avec les États les plus puissants du monde, au point de s’émanciper des règles et du droit, la droite sénatoriale a décidé de légiférer sur le service public de l’audiovisuel – en l’affaiblissant.

À l’heure où se poursuit dans notre pays la concentration des médias, qui sont pour l’essentiel détenus par neuf milliardaires, à l’heure où le groupe Bolloré franchit un nouveau cap dans sa prédation et la mise au pas des médias, avec la touche finale mise à l’acquisition du groupe Lagardère – l’édition, Paris Match, Le Journal du dimanche (JDD) et Europe 1, restructurés pour servir une ligne idéologique trumpiste à la française –, vous, la droite sénatoriale, avez décidé de montrer du doigt le service public de l’audiovisuel !

Pourquoi ? Parce que, dans la droite ligne des pressions que vous avez exercées, monsieur le rapporteur, à l’intérieur et à l’extérieur de la commission d’enquête Concentration des médias en France, dont j’étais le rapporteur, vous vous faites de nouveau le relais de ce lobbying.

Vous avez d’ailleurs annoncé cette proposition de loi au moment où tous les groupes privés de télévision faisaient une déclaration commune pour demander de réduire les financements et les « avantages » du service public. Par ce texte, vous accédez à leur demande en mettant en cause les revenus du parrainage après vingt heures, alors même que le financement de l’audiovisuel public n’est plus assuré sur le moyen et le long terme du fait de la suppression de la redevance.

Vous autorisez la troisième coupure publicitaire des fictions après vingt heures, pour satisfaire le privé.

Vous ramenez à deux ans le délai de revente d’une fréquence après son acquisition, alors que c’est le Sénat, sur ma proposition, soutenue par Catherine Morin-Desailly, qui l’avait porté à cinq ans pour éviter les reventes spéculatives.

Vous attaquez de nouveau la diversité de la production indépendante. Vous ouvrez le label Sieg (services d’intérêt économique général) aux sociétés privées pour une visibilité égale à celle des sociétés publiques, alors qu’elles ne remplissent aucune mission de service public.

Tout cela vient s’ajouter aux petits cadeaux offerts par le Gouvernement à l’audiovisuel privé au travers de la loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, laquelle assouplissait, à la demande des groupes privés, des dispositions anti-concentration potentiellement dangereuses au regard de l’exigence constitutionnelle de pluralisme dans le secteur. Et j’en passe…

Ce texte ne contient pas grand-chose en termes de défense de l’audiovisuel public, mais accorde ici et là des faveurs au privé, comme autant de petits cavaliers à la demande.

Pourquoi légiférer sur ce sujet maintenant, à la veille de l’été, tandis que la situation est urgente dans bien des domaines – pouvoir d’achat, sécheresse, démocratie en danger… – et que personne ne vous le demande, ni nos compatriotes ni les principaux concernés, c’est-à-dire les directions et les personnels de l’audiovisuel public ?

La situation de ces sociétés l’exigerait-elle ? Le service public de l’audiovisuel irait-il mal et aurait-il besoin, tout de suite, d’une loi improvisée ? Ou ses résultats seraient-ils mauvais ou inquiétants ?

Au contraire : le service public de l’audiovisuel va plutôt bien, et même bien mieux qu’auparavant en termes d’audience et de qualité des programmes, de complémentarité des offres sur les différents supports, de synergies réalisées par les chaînes de télévision ou de radio, à l’intérieur de chaque entreprise ou à l’extérieur, entre les entreprises – je pense à celles qui existent entre France Télévisions, l’Institut national de l’audiovisuel (INA), France Médias Monde (FMM), Radio France et même Arte.

Et à quel prix, déjà payé par les salariés ! On compte 900 emplois supprimés à France Télévisions, plus de 4 200 équivalents temps plein (ETP) à Radio France ces dernières années et des baisses budgétaires régulièrement imposées par les gouvernements du président Macron, soit 193 millions d’euros sur la période 2018-2022.

Vous proposez donc – quelle nouveauté, quelle innovation, quelle audace ! – de créer… une holding. Et vous osez dire que c’est pour mieux faire face aux plateformes étrangères et à la concurrence. J’imagine déjà la frayeur au sein des boards d’Amazon, de Netflix, d’Apple ou de Google ! Ils doivent encore être en cellule de crise pour élaborer la riposte, la peur au ventre…

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous partageons tous un objectif commun : avoir dans le paysage audiovisuel français un service public fort et qui puisse rayonner à l’international, c’est-à-dire s’exporter.

Par conséquent, nous sommes en phase sur l’idée de consolider notre audiovisuel public. Cependant, nous divergeons fortement sur la façon d’atteindre cet objectif, c’est-à-dire sur les moyens.

Le texte propose essentiellement de créer une holding. Cette mesure n’est pas dénuée d’ambiguïté, d’abord parce que l’on ne comprend pas bien si c’est d’une étape avant une fusion qui n’ose pas dire son nom, ou s’il s’agit de s’arrêter là. Sans doute existe-t-il une forme d’entente pour ne pas trancher… On sort toujours de l’ambiguïté à son détriment !

La seconde ambiguïté porte sur la façon dont la proposition de loi va prospérer. On a compris que le Gouvernement et la majorité présidentielle y étaient défavorables. Dès lors, il appartient à ses initiateurs de nous expliquer comment elle pourra recueillir l’assentiment de l’Assemblée nationale… Mais nous pouvons toujours débattre !

Certes, la création d’une holding avait déjà été proposée en son temps, mais, depuis 2020, le contexte a profondément changé.

Ainsi, l’éventualité de la mise en place d’une contrainte a peut-être fait bouger les acteurs eux-mêmes. En février 2023, Delphine Ernotte et Sibyle Veil se sont prononcées pour un document stratégique unique de l’audiovisuel. Depuis lors, les coopérations se sont renforcées.

D’aucuns citent l’exemple du rapprochement entre France 3 et France Bleu, en estimant qu’il pourrait aller plus loin et plus vite. Certainement, mais on parle de directions régionales uniques ! On parle de contenus éditoriaux qui doivent se rapprocher. Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas parvenus à le faire d’un coup qu’il faut renoncer à cette ambition. Il faut donner une chance aux éléments de coopération qui sont installés aujourd’hui.

La question se pose : en quoi une holding, c’est-à-dire un meccano institutionnel, répond-elle aux grands enjeux de l’audiovisuel actuel ? Ces derniers sont le rajeunissement du public – ceux qui regardent la télévision de flux sont de plus en plus âgés –, le numérique, la concentration de grands acteurs privés et, avec l’arrivée de concurrences étrangères, l’existence de plateformes disposant d’énormément de moyens d’investissement. On pourrait en relever d’autres.

Ces défis sont qualitatifs. Ce qu’il faut, surtout, c’est que les acteurs sachent que l’on a, à l’intérieur de nos chaînes, des personnes de qualité, qui savent formuler des propositions. Ce n’est pas une strate supplémentaire ou un meccano institutionnel qui répondra à des défis qualitatifs.

Au reste, quand on crée une strate, on a parfois du mal, en France, à faire des économies. La Cour des comptes a produit maints rapports montrant que l’ajout d’un niveau n’avait rien retiré au niveau inférieur. Au contraire, et je le dis sans vouloir critiquer telle ou telle collectivité, on trouve de nombreux exemples d’ajouts de strates qui se sont traduits par des dépenses supplémentaires. En créant une zone intermédiaire, on risque, finalement, de déposséder l’ensemble des acteurs : à la fois les chaînes qui sont « en dessous », si j’ose dire, et l’État actionnaire, qui est au-dessus.

La contrainte passe aujourd’hui par les contrats d’objectifs et de moyens. Sans doute faut-il les consolider. On peut réfléchir à la façon de les rendre plus contraignants, de les évaluer davantage, d’en tirer les conséquences et d’en faire un outil équivalent à la holding. En effet, partager une ambition similaire n’empêche pas de réfléchir à des outils différents pour y parvenir, par exemple en allant plus loin sur la première étape, celle d’un socle commun aux contrats d’objectifs et de moyens.

C’est notamment dans ce sens qu’il faut avancer pour faire face aux nouveaux enjeux, comme la lutte contre la désinformation et les fausses nouvelles – le fact checking. Il est certain que, dans cette perspective, il faut aller plus loin dans la mutualisation, en rassemblant les moyens de l’audiovisuel consacrés à la lutte contre la désinformation numérique.

Bref, pour aboutir à des résultats, il faut avancer concrètement, de façon pragmatique, sujet par sujet, plutôt que de chercher à concevoir une structure qui, en elle-même, répondrait, on ne sait trop comment, à l’ensemble de ces problèmes.

Je crains que, avec l’idée de holding, on ne donne finalement raison à l’adage selon lequel le mieux est l’ennemi du bien. Le bien, ce serait d’avancer concrètement, ensemble, pour faire bouger l’audiovisuel public.

Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’imagine le vent de panique des propriétaires des fournisseurs d’accès du numérique – Patrick Drahi chez SFR, Martin Bouygues et Xavier Niel chez Free, lesquels, soit dit en passant, sont aussi fournisseurs d’accès au service public –, qui détiennent une part grandissante des médias privés français et contrôlent de façon verticale toute la chaîne de production de la valeur !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure où les grandes plateformes étrangères, les Gafam – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – étendent leur pouvoir et leur influence gigantesques, accroissant sans cesse leur domination financière, qui les fait rivaliser avec les États les plus puissants du monde, au point de s’émanciper des règles et du droit, la droite sénatoriale a décidé de légiférer sur le service public de l’audiovisuel – en l’affaiblissant.

À l’heure où se poursuit dans notre pays la concentration des médias, qui sont pour l’essentiel détenus par neuf milliardaires, à l’heure où le groupe Bolloré franchit un nouveau cap dans sa prédation et la mise au pas des médias, avec la touche finale mise à l’acquisition du groupe Lagardère – l’édition, Paris Match, Le Journal du dimanche (JDD) et Europe 1, restructurés pour servir une ligne idéologique trumpiste à la française –, vous, la droite sénatoriale, avez décidé de montrer du doigt le service public de l’audiovisuel !

Pourquoi ? Parce que, dans la droite ligne des pressions que vous avez exercées, monsieur le rapporteur, à l’intérieur et à l’extérieur de la commission d’enquête Concentration des médias en France, dont j’étais le rapporteur, vous vous faites de nouveau le relais de ce lobbying.

Vous avez d’ailleurs annoncé cette proposition de loi au moment où tous les groupes privés de télévision faisaient une déclaration commune pour demander de réduire les financements et les « avantages » du service public. Par ce texte, vous accédez à leur demande en mettant en cause les revenus du parrainage après vingt heures, alors même que le financement de l’audiovisuel public n’est plus assuré sur le moyen et le long terme du fait de la suppression de la redevance.

Vous autorisez la troisième coupure publicitaire des fictions après vingt heures, pour satisfaire le privé.

Vous ramenez à deux ans le délai de revente d’une fréquence après son acquisition, alors que c’est le Sénat, sur ma proposition, soutenue par Catherine Morin-Desailly, qui l’avait porté à cinq ans pour éviter les reventes spéculatives.

Vous attaquez de nouveau la diversité de la production indépendante. Vous ouvrez le label Sieg (services d’intérêt économique général) aux sociétés privées pour une visibilité égale à celle des sociétés publiques, alors qu’elles ne remplissent aucune mission de service public.

Tout cela vient s’ajouter aux petits cadeaux offerts par le Gouvernement à l’audiovisuel privé au travers de la loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, laquelle assouplissait, à la demande des groupes privés, des dispositions anti-concentration potentiellement dangereuses au regard de l’exigence constitutionnelle de pluralisme dans le secteur. Et j’en passe…

Ce texte ne contient pas grand-chose en termes de défense de l’audiovisuel public, mais accorde ici et là des faveurs au privé, comme autant de petits cavaliers à la demande.

Pourquoi légiférer sur ce sujet maintenant, à la veille de l’été, tandis que la situation est urgente dans bien des domaines – pouvoir d’achat, sécheresse, démocratie en danger… – et que personne ne vous le demande, ni nos compatriotes ni les principaux concernés, c’est-à-dire les directions et les personnels de l’audiovisuel public ?

La situation de ces sociétés l’exigerait-elle ? Le service public de l’audiovisuel irait-il mal et aurait-il besoin, tout de suite, d’une loi improvisée ? Ou ses résultats seraient-ils mauvais ou inquiétants ?

Au contraire, le service public de l’audiovisuel va plutôt bien, et même bien mieux qu’auparavant en termes d’audience et de qualité des programmes, de complémentarité des offres sur les différents supports, de synergies réalisées par les chaînes de télévision ou de radio, à l’intérieur de chaque entreprise ou à l’extérieur, entre les entreprises – je pense à celles qui existent entre France Télévisions, l’INA, France Médias Monde, Radio France et même Arte.

Et à quel prix, déjà payé par les salariés ! On compte 900 emplois supprimés à France Télévisions, plus de 4 200 équivalents temps plein (ETP) à Radio France ces dernières années et des baisses budgétaires régulièrement imposées par les gouvernements du président Macron, soit 193 millions d’euros pour la période 2018-2022.

Vous proposez donc – quelle nouveauté, quelle innovation, quelle audace ! – de créer… une holding. Et vous osez dire que c’est pour mieux faire face aux plateformes étrangères et à la concurrence. J’imagine déjà la frayeur au sein des boards d’Amazon, de Netflix, d’Apple ou de Google ! Ils doivent encore être en cellule de crise pour élaborer la riposte, la peur au ventre…

Nouveaux sourires sur les mêmes travées.

Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’imagine même l’effroi de M. Bolloré, demandant conseil à son confesseur qui, paraît-il, ne le quitte plus ! Je les imagine tous tourner en rond, en se demandant : « Comment riposter à la holding qui vient ? »

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’imagine le vent de panique des propriétaires des fournisseurs d’accès du numérique – Patrick Drahi chez SFR, Martin Bouygues et Xavier Niel chez Free, lesquels, soit dit en passant, sont aussi fournisseurs d’accès au service public –, qui détiennent une part grandissante des médias privés français et contrôlent de façon verticale toute la chaîne de production de la valeur !

Mêmes mouvements.

Nouveaux sourires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Soyons sérieux ! Je sais qu’ils sont au contraire très satisfaits que vous fassiez porter l’attention et la pression sur le service public et que vous accédiez, au passage, à leurs demandes dans quelques domaines.

Non seulement la holding n’est pas un sujet aujourd’hui pour l’audiovisuel public, puisque ses directions et ses personnels n’en veulent pas, mais en outre elle ne servirait à rien pour faire face à la concurrence des Gafam et du privé. Pis, elle créerait une nouvelle strate bureaucratique, une structure de plus coûtant des dizaines de millions d’euros de dépenses supplémentaires pour payer des super-chefs qui dirigeront des chefs, lesquels dirigent eux-mêmes d’ores et déjà des sous-chefs.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’imagine même l’effroi de M. Bolloré, demandant conseil à son confesseur qui, paraît-il, ne le quitte plus ! Je les imagine tous tourner en rond, en se demandant : « Comment riposter à la holding qui vient ? »

Mme la ministre s ’ amuse.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cette holding désorganiserait ce qui a mis du temps à se stabiliser. Elle concentrerait l’énergie de ces sociétés sur une réorganisation administrative interne, au moment où ladite énergie devrait être tout entière dirigée vers l’action, pour consolider l’offre créative dans les domaines de la fiction comme du documentaire, de l’information et du sport, qui sont les valeurs ajoutées de l’offre en continu et en direct, pour investir dans la révolution numérique, s’y former et se préparer à ses prochains bouleversements induits par l’intelligence artificielle (IA).

Au sein de cette holding, les directeurs des quatre sociétés seraient sous la tutelle d’un président tout-puissant, de nouveau nommé par décret en conseil des ministres, ce qui mettrait en danger l’indépendance du secteur par rapport aux pouvoirs publics. Un parfum de retour à l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française), en somme… Quelle modernité !

L’actualité du service public de l’audiovisuel, c’est d’assurer son financement universel, pérenne et socialement juste via une taxe progressive sur l’impôt sur le revenu, directement affectée, comme mon groupe l’avait proposé.

Il faut en effet lui donner les moyens de résister à la concurrence des Gafam et des grands groupes privés qui détiennent les médias dans notre pays, en légiférant et en décidant de règles et de régulations nouvelles, dont certaines figurent parmi les 32 propositions votées à l’unanimité par notre commission d’enquête.

Il convient aussi d’engager une grande réflexion, très attendue, pour penser globalement une nouvelle loi qui remplacerait celle de 1986, perclue de rustines. Il s’agira certes de réaffirmer ses grands principes, notamment la liberté de la communication, mais il faudra repenser les moyens, devenus caducs, que le législateur avait prévus pour remplir ces objectifs et réguler notre paysage audiovisuel, aujourd’hui complètement bouleversé par la révolution numérique.

Il s’agira de protéger et de permettre le développement non pas du seul service public, mais bien de l’ensemble de l’écosystème des éditeurs, producteurs, créateurs et salariés de l’audiovisuel français, privé comme public, qui doivent faire face ensemble à ces défis majeurs. Il faut les défendre face aux Gafam, qui ne font pas le tri et qui risquent de mettre tout le monde d’accord… dans le cimetière de l’audiovisuel français ! Il y va de la démocratie.

Avec mes camarades du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je lance un appel urgent à cette prise de conscience.

Une grande illusion produit ses effets, car il y a un paradoxe : la multitude des offres, des titres et des chaînes numériques cache la réalité de la concentration de la propriété au profit d’un nombre réduit d’individus et de groupes industriels et financiers, lesquels ont d’ailleurs peu à voir avec le monde des médias. Cette diversité n’est, je le répète, qu’une illusion, puisque les contenus sont de plus en plus uniformisés.

Outre l’information, la culture aussi est en danger. Notre résistance doit se traduire tout d’abord par l’affirmation d’un service public fort et divers du fait de ses moyens et de sa créativité, de ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, ainsi que d’une multitude de médias indépendants, qui doivent enfin être soutenus et favorisés.

C’est ce paysage de l’audiovisuel que nous appelons à défendre avec constance et combativité, face à celui, hyperconcentré et vertical, dont les valeurs sont indexées sur la bourse et les clics.

C’est pourquoi, tout en saisissant l’occasion qui nous est offerte par ce débat de formuler quelques propositions sous forme d’amendements, nous voterons contre cette proposition de loi qui est, au pire, dangereuse, au mieux, inutile.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Soyons sérieux ! Je sais qu’ils sont au contraire très satisfaits que vous fassiez porter l’attention et la pression sur le service public et que vous accédiez, au passage, à leurs demandes dans quelques domaines.

Non seulement la holding n’est pas un sujet aujourd’hui pour l’audiovisuel public, puisque ses directions et ses personnels n’en veulent pas, mais, en outre, elle ne servirait à rien pour faire face à la concurrence des Gafam et du privé. Pis, elle créerait une nouvelle strate bureaucratique, une structure de plus coûtant des dizaines de millions d’euros de dépenses supplémentaires pour payer des super-chefs qui dirigeront des chefs, lesquels dirigent eux-mêmes d’ores et déjà des sous-chefs.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Mme la ministre s ’ amuse.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cette holding désorganiserait ce qui a mis du temps à se stabiliser. Elle concentrerait l’énergie de ces sociétés sur une réorganisation administrative interne, au moment où ladite énergie devrait être tout entière dirigée vers l’action, pour consolider l’offre créative dans les domaines de la fiction comme du documentaire, de l’information et du sport, qui sont les valeurs ajoutées de l’offre en continu et en direct, pour investir dans la révolution numérique, s’y former et se préparer à ses prochains bouleversements induits par l’intelligence artificielle (IA).

Au sein de cette holding, les directeurs des quatre sociétés seraient sous la tutelle d’un président tout-puissant, de nouveau nommé par décret en conseil des ministres, ce qui mettrait en danger l’indépendance du secteur par rapport aux pouvoirs publics. Un parfum de retour à l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française), en somme… Quelle modernité !

L’actualité du service public de l’audiovisuel, c’est d’assurer son financement universel, pérenne et socialement juste via une taxe progressive sur l’impôt sur le revenu, directement affectée, comme mon groupe l’avait proposé.

Il faut en effet lui donner les moyens de résister à la concurrence des Gafam et des grands groupes privés qui détiennent les médias dans notre pays, en légiférant et en décidant de règles et de régulations nouvelles, dont certaines figurent parmi les 32 propositions votées à l’unanimité par notre commission d’enquête.

Il convient aussi d’engager une grande réflexion, très attendue, pour penser globalement une nouvelle loi qui remplacerait celle de 1986, percluse de rustines. Il s’agira certes de réaffirmer ses grands principes, notamment la liberté de la communication, mais il faudra repenser les moyens, devenus caducs, que le législateur avait prévus pour remplir ces objectifs et réguler notre paysage audiovisuel, aujourd’hui complètement bouleversé par la révolution numérique.

Il s’agira de protéger et de permettre le développement non pas du seul service public, mais bien de l’ensemble de l’écosystème des éditeurs, producteurs, créateurs et salariés de l’audiovisuel français, privé comme public, qui doivent faire face ensemble à ces défis majeurs. Il faut les défendre face aux Gafam, qui ne font pas le tri et qui risquent de mettre tout le monde d’accord… dans le cimetière de l’audiovisuel français ! Il y va de la démocratie.

Avec mes camarades du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je lance un appel urgent à cette prise de conscience.

Une grande illusion produit ses effets, car il y a un paradoxe : la multitude des offres, des titres et des chaînes numériques cache la réalité de la concentration de la propriété au profit d’un nombre réduit d’individus et de groupes industriels et financiers, lesquels ont d’ailleurs peu à voir avec le monde des médias. Cette diversité n’est, je le répète, qu’une illusion, puisque les contenus sont de plus en plus uniformisés.

Outre l’information, la culture aussi est en danger. Notre résistance doit se traduire tout d’abord par l’affirmation d’un service public fort et divers du fait de ses moyens et de sa créativité, de ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, ainsi que d’une multitude de médias indépendants, qui doivent enfin être soutenus et favorisés.

C’est ce paysage de l’audiovisuel que nous appelons à défendre avec constance et combativité, face à celui, hyperconcentré et vertical, dont les valeurs sont indexées sur la bourse et les clics.

C’est pourquoi, tout en saisissant l’occasion qui nous est offerte par ce débat de formuler quelques propositions sous forme d’amendements, nous voterons contre cette proposition de loi qui est, au pire, dangereuse, au mieux, inutile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérémy Bacchi

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à dire tout d’abord que cette proposition de loi part d’une bonne intention : défendre l’audiovisuel public et réaffirmer sa spécificité ; il me semble important de le souligner, à l’heure où ce service public est attaqué de toutes parts.

L’enjeu des inégalités sociales liées à la multiplicité des services payants par abonnement, celui de la concentration des médias ou encore de la désinformation croissante rendent d’autant plus essentiel et urgent l’objectif de doter notre pays d’un service public audiovisuel fort, disposant des moyens nécessaires à son action, et de programmes spécifiques.

Nous avons la conviction profonde qu’un tel service public est le signe d’une démocratie qui fonctionne, d’un accès à la culture et au savoir pour tous et toutes.

C’est à ce titre que nous accueillons positivement la proposition concernant les droits de diffusion audiovisuelle des manifestations sportives, visant à obliger les plateformes à céder certains droits à des services de télévision en accès libre diffusés sur la TNT (télévision numérique terrestre), et ainsi à permettre un meilleur accès de nos concitoyens au visionnage d’événements sportifs.

Toutefois, nous sommes en désaccord avec le cœur de la proposition de loi, laquelle prévoit de placer les médias publics sous la coupe d’une holding.

Alors que l’audiovisuel public n’a été que rarement autant plébiscité – France Inter est depuis 2018 la radio la plus écoutée de France, et France 2 a enregistré au cours des derniers mois ses meilleures audiences depuis plus de dix ans –, ce texte risque de ne susciter qu’une nouvelle inertie des institutions publiques.

Par ailleurs, les coopérations entre les différentes entreprises de l’audiovisuel, que ce projet de holding vise à amplifier, produisent d’ores et déjà des effets marquants au travers de la création de plateformes, comme Franceinfo ou encore « Ici », émanant de collaborations concrètes entre France Télévsions et Radio France.

Si cette holding nous semble inutile, elle pourrait aussi se révéler dangereuse.

Tout d’abord, si d’éventuelles nominations directes par l’exécutif n’y sont pas évoquées, la proposition de loi prévoit trop peu de garanties pour que l’indépendance effective du service public soit assurée à l’issue des procédures de désignation.

Ensuite, la répartition du budget entre les différentes sociétés de cette hypothétique holding sera soumise à la discrétion du directeur général. Sachant que la possibilité de concurrencer les plateformes est l’un des principaux arguments invoqués pour justifier cette réforme, il est fort à craindre que la radio ne soit le parent pauvre de ce nouveau paysage audiovisuel.

Comme vous, nous soutenons le principe d’une nécessaire mesure fiscale affectée, dont nous considérons qu’elle sera la mieux à même de garantir l’indépendance des organismes de l’audiovisuel et la prévisibilité de leurs ressources.

En revanche, rien dans l’exposé des motifs ne permet de savoir quelle serait la nature de cette mesure. S’il s’agit de pérenniser l’attribution d’une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à l’audiovisuel public, permettez-moi, mes chers collègues, d’exprimer mon désaccord. Celle-ci est en effet moins protectrice que l’attribution d’une véritable taxe affectée : son montant étant fixé en loi de programmation des finances publiques, elle ne permet en aucun cas de garantir le respect des engagements pluriannuels de l’État.

En outre, la TVA constitue la mesure fiscale la plus anti-redistributive, en ce qu’elle fait peser l’effort sur la propension de consommation plutôt que sur l’épargne, désavantageant, de fait, les foyers les plus modestes.

Pourtant, le retour d’une contribution à l’audiovisuel public, payée par tous les Français en fonction de leurs revenus, serait totalement justifié pour maintenir un lien fort avec les citoyens et garantir la plus grande indépendance possible de l’audiovisuel public vis-à-vis du pouvoir politique et économique. Nous appelons celle-ci de nos vœux et continuerons de la défendre dans l’hémicycle du Sénat.

Pour ce qui concerne les revenus de l’audiovisuel public, je souhaite attirer votre attention sur le plafonnement des recettes publicitaires.

Cette proposition, adoptée en commission, fut notamment justifiée par l’idée que les recettes issues de la publicité dont bénéficie l’audiovisuel public « nuiraient » aux entreprises du secteur privé, dont la publicité constitue l’unique ressource. Nous déplorons ce choix réalisé en faveur des chaînes privées, qui cherchent toujours à obtenir une plus grosse part du gâteau publicitaire. Sans compensation financière garantie, une telle disposition fragiliserait encore davantage l’audiovisuel public.

À nos yeux, bien que cette proposition de loi soit inspirée par un bon sentiment et que nous approuvions certaines de ses dispositions, nous nous opposons fermement à ce projet de holding. Ce dont l’audiovisuel public a besoin, c’est d’une hausse résolue de son budget, qui est passé de 0, 20 % à 0, 16 % du PIB. À titre de comparaison, il représente 0, 28 % au Royaume-Uni.

Ce service public a besoin non pas d’une réforme de sa gouvernance, mais de nouveaux moyens. Nous voterons donc contre ce texte.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Daniel Breuiller applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérémy Bacchi

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à dire tout d’abord que cette proposition de loi part d’une bonne intention : défendre l’audiovisuel public et réaffirmer sa spécificité. Il me semble important de le souligner, à l’heure où ce service public est attaqué de toutes parts.

L’enjeu des inégalités sociales liées à la multiplicité des services payants par abonnement, celui de la concentration des médias ou encore de la désinformation croissante rendent d’autant plus essentiel et urgent l’objectif de doter notre pays d’un service public audiovisuel fort, disposant des moyens nécessaires à son action, et de programmes spécifiques.

Nous avons la conviction profonde qu’un tel service public est le signe d’une démocratie qui fonctionne, d’un accès à la culture et au savoir pour tous et toutes.

C’est à ce titre que nous accueillons positivement la proposition concernant les droits de diffusion audiovisuelle des manifestations sportives, visant à obliger les plateformes à céder certains droits à des services de télévision en accès libre diffusés sur la TNT (télévision numérique terrestre), et ainsi à permettre un meilleur accès de nos concitoyens au visionnage d’événements sportifs.

Toutefois, nous sommes en désaccord avec le cœur de la proposition de loi, laquelle prévoit de placer les médias publics sous la coupe d’une holding.

Alors que l’audiovisuel public n’a été que rarement autant plébiscité – France Inter est depuis 2018 la radio la plus écoutée de France, et France 2 a enregistré au cours des derniers mois ses meilleures audiences depuis plus de dix ans –, ce texte risque de ne susciter qu’une nouvelle inertie des institutions publiques.

Par ailleurs, les coopérations entre les différentes entreprises de l’audiovisuel, que ce projet de holding vise à amplifier, produisent d’ores et déjà des effets marquants au travers de la création de plateformes, comme France Info ou encore « Ici », émanant de collaborations concrètes entre France Télévisions et Radio France.

Si cette holding nous semble inutile, elle pourrait aussi se révéler dangereuse.

Tout d’abord, si d’éventuelles nominations directes par l’exécutif n’y sont pas évoquées, la proposition de loi prévoit trop peu de garanties pour que l’indépendance effective du service public soit assurée à l’issue des procédures de désignation.

Ensuite, la répartition du budget entre les différentes sociétés de cette hypothétique holding sera soumise à la discrétion du directeur général. Sachant que la possibilité de concurrencer les plateformes est l’un des principaux arguments invoqués pour justifier cette réforme, il est fort à craindre que la radio ne soit le parent pauvre de ce nouveau paysage audiovisuel.

Comme vous, nous soutenons le principe d’une nécessaire mesure fiscale affectée, dont nous considérons qu’elle sera le mieux à même de garantir l’indépendance des organismes de l’audiovisuel et la prévisibilité de leurs ressources.

En revanche, rien dans l’exposé des motifs ne permet de savoir quelle serait la nature de cette mesure. S’il s’agit de pérenniser l’attribution d’une fraction de la TVA à l’audiovisuel public, permettez-moi, mes chers collègues, d’exprimer mon désaccord. Celle-ci est en effet moins protectrice que l’attribution d’une véritable taxe affectée : son montant étant fixé en loi de programmation des finances publiques, elle ne permet en aucun cas de garantir le respect des engagements pluriannuels de l’État.

En outre, la TVA constitue la mesure fiscale la plus anti-redistributive, en ce qu’elle fait peser l’effort sur la propension de consommation plutôt que sur l’épargne, désavantageant, de fait, les foyers les plus modestes.

Pourtant, le retour d’une contribution à l’audiovisuel public, payée par tous les Français en fonction de leurs revenus, serait totalement justifié pour maintenir un lien fort avec les citoyens et garantir la plus grande indépendance possible de l’audiovisuel public vis-à-vis du pouvoir politique et économique. Nous appelons celle-ci de nos vœux et continuerons de la défendre dans l’hémicycle du Sénat.

Pour ce qui concerne les revenus de l’audiovisuel public, je souhaite appeler votre attention sur le plafonnement des recettes publicitaires.

Cette proposition, adoptée en commission, fut notamment justifiée par l’idée que les recettes issues de la publicité dont bénéficie l’audiovisuel public « nuiraient » aux entreprises du secteur privé, dont la publicité constitue l’unique ressource. Nous déplorons ce choix réalisé en faveur des chaînes privées, qui cherchent toujours à obtenir une plus grosse part du gâteau publicitaire. Sans compensation financière garantie, une telle disposition fragiliserait encore davantage l’audiovisuel public.

À nos yeux, bien que cette proposition de loi soit inspirée par un bon sentiment et que nous approuvions certaines de ses dispositions, nous nous opposons fermement à ce projet de holding. Ce dont l’audiovisuel public a besoin, c’est d’une hausse résolue de son budget, qui est passé de 0, 20 % à 0, 16 % du PIB. À titre de comparaison, il représente 0, 28 % au Royaume-Uni.

Ce service public a besoin non pas d’une réforme de sa gouvernance, mais de nouveaux moyens. Nous voterons donc contre ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pourquoi mettons-nous autant de temps dans notre pays pour réaliser les réformes structurelles nécessaires et nous adapter à un monde en perpétuelle évolution ? Je pense ainsi au temps qu’il aura fallu pour imposer un cadre régulant et sécurisant l’espace numérique.

Dans ce contexte peu allant, je salue la mobilisation de nos ministres de la culture successifs, qui ont mené à Bruxelles le combat de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) et de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins.

Toutefois, à l’échelle de notre pays, les changements et risques systémiques induits par les nouvelles technologies et l’accélération des innovations lors des quinze dernières années auraient dû inciter les gouvernements successifs à réagir rapidement et, à défaut, à écouter davantage le Parlement, en particulier les propositions du Sénat sur l’audiovisuel.

Ce n’est pas comme si rien n’avait été fait ! Notre commission de la culture et ses rapporteurs successifs, dont j’ai eu l’honneur de faire partie, ont demandé sans relâche la réforme de la redevance qui s’imposait – les pays voisins l’avaient réalisée ! –, ainsi que l’indispensable évolution du cadre législatif et réglementaire, conçu pour un monde hertzien en voie de disparition.

Depuis 2009, date de la dernière grande loi relative à l’audiovisuel, pas moins de trois rapports conjoints de la commission de la culture et de la commission des finances ont été rédigés – en 2011, 2015 et 2021 –, qui ont pointé les nécessaires évolutions pour adapter notre audiovisuel à l’heure du tout-digital.

On le sait, il y a belle lurette que la loi de 1986 est obsolète et que nos règles de concurrence sont dépassées. Le récent échec de la fusion entre TF1 et M6 en est la dernière et consternante illustration.

Face à la toute-puissance des Gafam, il faut pour assurer notre modèle de création un pôle audiovisuel privé fort, tout comme un pôle audiovisuel public fort.

Sur ce point, j’ai toujours dit que la réforme de 2009 était restée au milieu du gué. Il y avait pourtant alors une véritable vision et une juste ambition, celle de s’attaquer, à la fois, à la gouvernance, au modèle économique et aux missions de l’audiovisuel public. Aussi, je remercie le président Laurent Lafon de faire en sorte, en reprenant le flambeau de nos combats, que France Médias, un projet énoncé dans le rapport Leleux-Gattolin de 2015, aboutisse au moins en partie.

Néanmoins, que de temps perdu, alors que Franck Riester avait enfin pu – non sans mal, lui aussi – faire inscrire à l’ordre du jour le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique ! L’abandon de ce texte, acté en 2020, est coupable, car il nous a encore affaiblis.

J’en viens à la présente proposition de loi, qui se concentre sur les questions de gouvernance : la création d’une holding regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA, l’Institut national de l’audiovisuel.

Cet outil important, nous le voulons souple – nous n’étions pas favorables à la fusion, pensant qu’elle cannibaliserait les énergies et ferait perdre du temps. Il permettra de regrouper les forces et les énergies de l’audiovisuel public, avec des équipes engagées dans des coopérations encore plus nombreuses, pour réaliser ensemble les investissements nécessaires.

Ces investissements serviront à aller chercher les publics, notamment les jeunes, face à la concurrence, à développer des outils tels qu’une grande plateforme de l’audiovisuel public – je l’ai régulièrement évoquée en tant que membre du conseil d’administration de France Télévisions. J’ai toujours alerté, d’ailleurs, sur l’échec annoncé de Salto. L’idée de départ de Delphine Ernotte était bonne, mais face aux géants, cette plateforme regroupant des financeurs publics et privés de la création ne pouvait se réduire à trois acteurs.

En ce qui concerne ce projet de holding, je tiens cependant à insister sur trois points de vigilance.

Le premier porte sur la part accordée à la création, avec un juste équilibre entre la part réservée aux producteurs et celle des éditeurs de programmes.

Le deuxième point concerne la radio, qu’il convient de toujours considérer comme un média spécifique.

Le troisième point est relatif à notre audiovisuel extérieur – radio comme télévision –, qui doit être conforté. Pour porter la voix de la France dans le monde, il doit être une référence et une marque. C’est crucial pour lutter contre la désinformation et les tentatives de déstabilisation que subissent nos démocraties face à des technologies toujours plus pointues ; je pense à ce que permet déjà l’intelligence artificielle.

J’évoquais précédemment France Médias Monde. C’est une bonne chose qu’Arte et TV5 demeurent des entreprises différenciées, du fait de la structuration de leur capital.

Pour s’assurer de la réussite de la holding, il faut que le projet capitalise sur les dynamiques déjà à l’œuvre entre ces quatre entreprises. J’ai beaucoup de respect pour chaque présidente et chaque président, qui ont accompli des efforts importants en vue d’assurer la transformation des métiers, de mutualiser et optimiser les dépenses, de réaliser des gains de productivité.

L’autre volet de la proposition de loi vise à réduire les asymétries qui pénalisent les médias historiques. Je n’ai pas le temps de développer ce sujet, mais je me réjouis notamment du rétablissement de l’équité en matière de règles de diffusion des événements sportifs majeurs. J’avais d’ailleurs eu l’occasion de vous interpeller, madame la ministre, par le biais d’une question écrite, sur les menaces pesant sur Roland-Garros.

Ayant toujours milité pour la modernisation de la TNT, qui a encore quelques années devant elle, je suis sensible aux avancées que comporte le texte à cet égard.

Je remercie aussi le rapporteur d’avoir prévu un article 14 bis qui impose progressivement la compatibilité des nouveaux téléviseurs avec l’ultra-haute définition (UHD). Cette disposition, que j’avais fait adopter en 2021, avait malheureusement été censurée de manière incompréhensible par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de procédure.

Je regrette, en revanche, que mes amendements relatifs à l’accès des chaînes de télévision aux données de consommation de leurs programmes aient été frappés par l’article 45 du règlement du Sénat. L’entreprise doit avoir le retour de ce qui la concerne en premier lieu !

Ce partage de données s’inscrit complètement dans le projet souhaité par l’Union européenne, via l’adoption prochaine du Data Act. Nous sommes donc à contre-courant, monsieur le rapporteur !

Pour conclure, j’insisterai sur la question clé du modèle économique et du financement, abordée à l’article 5, qui fixe le principe d’une ressource publique de nature fiscale, pérenne, suffisante et prévisible pour l’audiovisuel public. Encore faut-il que cela se traduise dans les faits en loi de finances, ainsi qu’au travers d’une loi organique.

En l’absence de certitudes, je suis assez réservée sur le plafonnement de la publicité ; pourtant, je rêve d’un modèle totalement libéré.

Le problème est que le mode de financement de l’audiovisuel public a été fragilisé par la suppression progressive et insidieuse par Bercy de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (Toce), votée par le Parlement en 2019 pour compenser la suppression de la publicité après vingt heures. On comprendra donc que, pour le moment, le financement de l’audiovisuel demeure aléatoire et périlleux.

Cette question est loin d’être anecdotique à l’heure où le projet de règlement européen relatif à la liberté des médias est en débat. Après le constat de certaines dérives en Pologne, en Hongrie ou ailleurs, que nous autres, Français, nous sommes empressés de dénoncer, le Media Freedom Act a été élaboré. Il vise à conforter l’indépendance et le pluralisme des médias dans l’Union.

Il serait tout de même paradoxal que la France ne montre pas l’exemple en assurant à son audiovisuel la ressource permettant sa pérennité et, surtout, son indépendance. Car il y a une vraie différence entre une dotation publique et une dotation d’État, entre une ressource affectée et une ligne budgétaire calibrée selon le bon vouloir de Bercy !

Cette différence, nos partenaires allemands d’Arte n’ont pas manqué de la souligner lorsque nous avons supprimé la redevance. Pour eux et pour nombre d’observateurs extérieurs, France Médias Monde est également devenue une télévision d’État ! Donnons-leur tort, madame la ministre, en engageant de véritables réformes du modèle économique et de financement.

Je conclurai en rappelant que lors du fameux colloque de 2018, intitulé « Comment réenchanter l’audiovisuel public à l’heure du numérique ? », les représentants des audiovisuels publics européens, qui s’étaient tous réformés, s’étonnaient que la France, pays de l’exception culturelle, soit toujours à la traîne…

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Daniel Breuiller applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pourquoi mettons-nous autant de temps dans notre pays pour réaliser les réformes structurelles nécessaires et nous adapter à un monde en perpétuelle évolution ? Je pense ainsi au temps qu’il aura fallu pour imposer un cadre régulant et sécurisant l’espace numérique.

Dans ce contexte peu allant, je salue la mobilisation de nos ministres de la culture successifs, qui ont mené à Bruxelles le combat de la directive sur les services de médias audiovisuels et de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins.

Toutefois, à l’échelle de notre pays, les changements et risques systémiques induits par les nouvelles technologies et l’accélération des innovations lors des quinze dernières années auraient dû inciter les gouvernements successifs à réagir rapidement et, à défaut, à écouter davantage le Parlement, en particulier les propositions du Sénat sur l’audiovisuel.

Ce n’est pas comme si rien n’avait été fait ! Notre commission de la culture et ses rapporteurs successifs, dont j’ai eu l’honneur de faire partie, ont demandé sans relâche la réforme de la redevance qui s’imposait – les pays voisins l’avaient réalisée ! –, ainsi que l’indispensable évolution du cadre législatif et réglementaire, conçu pour un monde hertzien en voie de disparition.

Depuis 2009, date de la dernière grande loi relative à l’audiovisuel, pas moins de trois rapports conjoints de la commission de la culture et de la commission des finances ont été rédigés – en 2011, 2015 et 2021 –, qui ont pointé les nécessaires évolutions pour adapter notre audiovisuel à l’heure du tout-digital.

On le sait, il y a belle lurette que la loi de 1986 est obsolète et que nos règles de concurrence sont dépassées. Le récent échec de la fusion entre TF1 et M6 en est la dernière et consternante illustration.

Face à la toute-puissance des Gafam, il faut pour assurer notre modèle de création un pôle audiovisuel privé fort, tout comme un pôle audiovisuel public fort.

Sur ce point, j’ai toujours dit que la réforme de 2009 était restée au milieu du gué. Il y avait pourtant alors une véritable vision et une juste ambition, celle de s’attaquer, à la fois, à la gouvernance, au modèle économique et aux missions de l’audiovisuel public. Aussi, je remercie le président Laurent Lafon de faire en sorte, en reprenant le flambeau de nos combats, que France Médias, un projet énoncé dans le rapport d’information Leleux-Gattolin de 2015, aboutisse au moins en partie.

Néanmoins, que de temps perdu, alors que Franck Riester avait enfin pu – non sans mal, lui aussi – faire inscrire à l’ordre du jour le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique ! L’abandon de ce texte, acté en 2020, est coupable, car il nous a encore affaiblis.

J’en viens à la présente proposition de loi, qui se concentre sur les questions de gouvernance : la création d’une holding regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA, l’Institut national de l’audiovisuel.

Cet outil important, nous le voulons souple – nous n’étions pas favorables à la fusion, pensant qu’elle cannibaliserait les énergies et ferait perdre du temps. Il permettra de regrouper les forces et les énergies de l’audiovisuel public, avec des équipes engagées dans des coopérations encore plus nombreuses, pour réaliser ensemble les investissements nécessaires.

Ces investissements serviront à aller chercher les publics, notamment les jeunes, face à la concurrence, à développer des outils tels qu’une grande plateforme de l’audiovisuel public – je l’ai régulièrement évoquée en tant que membre du conseil d’administration de France Télévisions. J’ai toujours alerté, d’ailleurs, sur l’échec annoncé de Salto. L’idée de départ de Delphine Ernotte était bonne, mais, face aux géants, cette plateforme regroupant des financeurs publics et privés de la création ne pouvait se réduire à trois acteurs.

En ce qui concerne ce projet de holding, je tiens cependant à insister sur trois points de vigilance.

Le premier point porte sur la part accordée à la création, avec un juste équilibre entre la part réservée aux producteurs et celle des éditeurs de programmes.

Le deuxième point concerne la radio, qu’il convient de toujours considérer comme un média spécifique.

Le troisième point est relatif à notre audiovisuel extérieur – radio comme télévision –, qui doit être conforté. Pour porter la voix de la France dans le monde, il doit être une référence et une marque. C’est crucial pour lutter contre la désinformation et les tentatives de déstabilisation que subissent nos démocraties face à des technologies toujours plus pointues ; je pense à ce que permet déjà l’intelligence artificielle.

J’évoquais précédemment France Médias Monde. C’est une bonne chose qu’Arte et TV5 demeurent des entreprises différenciées, du fait de la structuration de leur capital.

Pour s’assurer de la réussite de la holding, il faut que le projet capitalise sur les dynamiques déjà à l’œuvre entre ces quatre entreprises. J’ai beaucoup de respect pour chaque présidente et chaque président, qui ont accompli des efforts importants en vue d’assurer la transformation des métiers, de mutualiser et optimiser les dépenses, de réaliser des gains de productivité.

L’autre volet de la proposition de loi vise à réduire les asymétries qui pénalisent les médias historiques. Je n’ai pas le temps de développer ce sujet, mais je me réjouis notamment du rétablissement de l’équité en matière de règles de diffusion des événements sportifs majeurs. J’avais d’ailleurs eu l’occasion de vous interpeller, madame la ministre, par le biais d’une question écrite, sur les menaces pesant sur Roland-Garros.

Ayant toujours milité pour la modernisation de la TNT, qui a encore quelques années devant elle, je suis sensible aux avancées que comporte le texte à cet égard.

Je remercie aussi le rapporteur d’avoir prévu un article 14 bis qui impose progressivement la compatibilité des nouveaux téléviseurs avec l’ultra-haute définition (UHD). Cette disposition, que j’avais fait adopter en 2021, avait malheureusement été censurée de manière incompréhensible par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de procédure.

Je regrette, en revanche, que mes amendements relatifs à l’accès des chaînes de télévision aux données de consommation de leurs programmes aient été frappés par l’article 45 du règlement du Sénat. L’entreprise doit avoir le retour de ce qui la concerne en premier lieu !

Ce partage de données s’inscrit complètement dans le projet souhaité par l’Union européenne, via l’adoption prochaine du Data Act. Nous sommes donc à contre-courant, monsieur le rapporteur !

Pour conclure, j’insisterai sur la question clé du modèle économique et du financement, abordée à l’article 5, qui fixe le principe d’une ressource publique de nature fiscale, pérenne, suffisante et prévisible pour l’audiovisuel public. Encore faut-il que cela se traduise dans les faits en loi de finances, ainsi qu’au travers d’une loi organique.

En l’absence de certitudes, je suis assez réservée sur le plafonnement de la publicité ; pourtant, je rêve d’un modèle totalement libéré.

Le problème est que le mode de financement de l’audiovisuel public a été fragilisé par la suppression progressive et insidieuse par Bercy de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (Toce), votée par le Parlement en 2019 pour compenser la suppression de la publicité après vingt heures. On comprendra donc que, pour le moment, le financement de l’audiovisuel demeure aléatoire et périlleux.

Cette question est loin d’être anecdotique à l’heure où le projet de règlement européen relatif à la liberté des médias est en débat. Après le constat de certaines dérives en Pologne, en Hongrie ou ailleurs, que nous autres, Français, nous sommes empressés de dénoncer, le Media Freedom Act a été élaboré. Il vise à conforter l’indépendance et le pluralisme des médias dans l’Union européenne.

Il serait tout de même paradoxal que la France ne montre pas l’exemple en assurant à son audiovisuel la ressource permettant sa pérennité et, surtout, son indépendance. Car il y a une vraie différence entre une dotation publique et une dotation d’État, entre une ressource affectée et une ligne budgétaire calibrée selon le bon vouloir de Bercy !

Cette différence, nos partenaires allemands d’Arte n’ont pas manqué de la souligner lorsque nous avons supprimé la redevance. Pour eux et pour nombre d’observateurs extérieurs, France Médias Monde est également devenue une télévision d’État ! Donnons-leur tort, madame la ministre, en engageant de véritables réformes du modèle économique et de financement.

Je conclurai en rappelant que lors du fameux colloque de 2018, intitulé Comment réenchanter l ’ audiovisuel public à l ’ heure du numérique ?, les représentants des audiovisuels publics européens, qui s’étaient tous réformés, s’étonnaient que la France, pays de l’exception culturelle, soit toujours à la traîne…

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Boulay-Espéronnier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis trente ans, le paysage audiovisuel français ne cesse de se transformer.

Notre pays est caractérisé par une grande diversité et une longue tradition de production cinématographique et télévisuelle. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Néanmoins, les nouveaux usages apparus tendent à privilégier les vidéos en ligne plutôt que les chaînes traditionnelles.

Nous accordons tous une grande importance à notre service public audiovisuel. Des chaînes de télévision publiques, telles que France Télévisions et Arte France, fournissent un service de qualité, pluraliste et accessible à tous les citoyens. Elles ont un rôle clé dans la promotion de la culture, de l’éducation, de l’information et de la diversité.

Cependant, l’évolution des habitudes de consommation des médias a eu un impact sur l’audiovisuel en France et a entraîné une baisse de la durée d’écoute des chaînes de télévision traditionnelles.

Ensuite, avec l’essor de la concurrence internationale des plateformes de streaming en ligne, comme Netflix, Amazon Prime Video et Disney+, les téléspectateurs français ont désormais accès à un large éventail de contenus étrangers. Ces plateformes ont rassemblé 9, 4 millions d’utilisateurs quotidiens en 2022. Cela crée une concurrence et un défi pour l’industrie audiovisuelle française, qui doit rivaliser pour attirer et fidéliser son public.

Face à ces évolutions, la puissance publique est demeurée jusqu’à présent en retrait, peinant à réformer un cadre législatif posé en 1986 pour réguler un univers strictement national à une époque où internet n’existait pas.

Il est clair que nous devons renforcer l’audiovisuel public et notre souveraineté audiovisuelle par une stratégie ambitieuse et globale.

Pour cela, deux piliers ont été ciblés : le regroupement de l’audiovisuel public, respectant l’identité de ses différentes composantes, et une révision significative de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Tel est l’objectif de la proposition de loi de notre collègue Laurent Lafon ; un objectif que nous partageons amplement. Je souhaite remercier également le rapporteur, Jean-Raymond Hugonet, de l’ensemble du travail réalisé.

Mes chers collègues, en regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA au travers de la création d’une société holding, France Médias, nous assurons leur compétitivité et leur développement stratégique au niveau européen et international, tout en veillant à la cohérence et à la complémentarité de leurs offres de programmes.

L’ambition de cette proposition de loi, très attendue depuis le rapport de nos collègues Leleux et Gattolin – et, plus récemment, depuis celui, en 2022, de Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet –, est d’appréhender l’évolution clé du secteur audiovisuel à l’ère du numérique.

Ce texte a un objectif clair : renforcer la qualité de la mission de service public de l’audiovisuel français, ainsi que sa souveraineté.

Dans le contexte géopolitique actuel, l’enjeu est de garantir à nos concitoyens une information de qualité, tout en luttant contre les fake news, ce qui est un véritable enjeu.

Mutualiser les forces de ces entreprises sera donc synonyme de richesse médiatique et culturelle, mais aussi source de gains économiques. Il paraît cohérent de vouloir rassembler des entreprises qui, au nom de leur mission de service public, partagent les mêmes ambitions et ont des projets industriels similaires.

Toutefois, prenons garde, cette mutualisation n’est pas synonyme de concurrence interne ; elle a bien pour objectif de mutualiser les logistiques et les investissements, afin de garantir un contenu gratuit et qualitatif. Ce point est fondamental.

Prenons l’exemple de l’INA. Cette grande institution est freinée dans ses relations avec les autres entreprises à cause de son statut juridique. Au sein de la holding France Médias, elle gagnera en flexibilité et en efficacité. De plus, elle pourra prendre en charge la conservation des archives audiovisuelles diffusées de manière délinéarisée par les autres sociétés et les futures filiales de la holding.

Pour ce qui concerne France Médias Monde, dont les journalistes et le réseau de correspondants offrent, en vingt et une langues, une information essentielle d’ouverture sur le monde et sur la diversité des cultures et des points de vue – je souhaite le souligner dans le contexte géopolitique actuel –, l’adoption de la proposition de loi permettra d’augmenter les synergies avec les autres chaînes publiques et, ainsi, d’accroître ses compétences à l’international.

Cette proposition de loi permet également de reconnaître l’importance de l’innovation et des nouvelles technologies dans le paysage audiovisuel. Elle encourage la coopération entre les acteurs publics et privés, pour favoriser l’émergence de nouveaux formats et de nouvelles expériences pour les téléspectateurs. Elle permet à l’audiovisuel public de rester pertinent et attractif dans un environnement médiatique en constante évolution.

Enfin, elle a le mérite d’aborder la question cruciale du financement, surtout après la suppression de la redevance audiovisuelle en 2022.

En réformant la contribution à l’audiovisuel public (CAP), nous garantissons un financement pérenne et équitable, sans faire peser une charge excessive sur les contribuables. Il est essentiel que chaque euro investi dans nos médias publics serve réellement à la promotion de notre culture, de notre histoire et de nos valeurs.

En outre, ce texte garantit que les ressources nécessaires seront disponibles pour soutenir la production de contenus de qualité, la modernisation des infrastructures et le développement de nouveaux formats. En donnant davantage d’autonomie financière à nos médias publics, il garantit donc une information objective et équilibrée.

Cependant, la proposition de loi ne s’arrête pas à la création d’une holding. Elle prévoit aussi d’encadrer la concurrence étrangère, qui, du fait d’un manquement législatif, ne prenait pas en compte les évolutions concurrentielles audiovisuelles et numériques. Ce manquement s’est transformé en concurrence déloyale pour les entreprises publiques et privées françaises, en imposant des règles qui ne s’appliquaient pas à leurs concurrents étrangers.

Les asymétries entre les chaînes et les plateformes numériques seront drastiquement réduites. C’est un point capital. L’industrie audiovisuelle française ne sera plus injustement pénalisée et pourra pleinement investir les marchés émergents.

Pour conclure, mes chers collègues, cette proposition de loi est l’occasion de réaffirmer notre attachement à la souveraineté audiovisuelle française ; de renforcer la mission de l’audiovisuel public français face à la désinformation et au contexte géopolitique mondial perturbé ; enfin, de définir une véritable vision pour l’audiovisuel public à partir d’orientations stratégiques claires, tout en veillant à la cohérence et à la complémentarité des offres de programmes au service des Français – en bref, de réformer ce service public.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera la proposition de loi de Laurent Lafon.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Boulay-Espéronnier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis trente ans, le paysage audiovisuel français ne cesse de se transformer.

Notre pays est caractérisé par une grande diversité et une longue tradition de production cinématographique et télévisuelle. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Néanmoins, les nouveaux usages apparus tendent à privilégier les vidéos en ligne plutôt que les chaînes traditionnelles.

Nous accordons tous une grande importance à notre service public audiovisuel. Des chaînes de télévision publiques, telles que France Télévisions et Arte France, fournissent un service de qualité, pluraliste et accessible à tous les citoyens. Elles ont un rôle clé dans la promotion de la culture, de l’éducation, de l’information et de la diversité.

Cependant, l’évolution des habitudes de consommation des médias a eu un impact sur l’audiovisuel en France et a entraîné une baisse de la durée d’écoute des chaînes de télévision traditionnelles.

Ensuite, avec l’essor de la concurrence internationale des plateformes de streaming en ligne, comme Netflix, Amazon Prime Video et Disney+, les téléspectateurs français ont désormais accès à un large éventail de contenus étrangers. Ces plateformes ont rassemblé 9, 4 millions d’utilisateurs quotidiens en 2022. Cela crée une concurrence et un défi pour l’industrie audiovisuelle française, qui doit rivaliser pour attirer et fidéliser son public.

Face à ces évolutions, la puissance publique est demeurée jusqu’à présent en retrait, peinant à réformer un cadre législatif posé en 1986 pour réguler un univers strictement national à une époque où internet n’existait pas.

Il est clair que nous devons renforcer l’audiovisuel public et notre souveraineté audiovisuelle par une stratégie ambitieuse et globale.

Pour cela, deux piliers ont été ciblés : le regroupement de l’audiovisuel public, respectant l’identité de ses différentes composantes, et une révision significative de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Tel est l’objectif de la proposition de loi de notre collègue Laurent Lafon ; un objectif que nous partageons amplement. Je souhaite remercier également le rapporteur, Jean-Raymond Hugonet, de l’ensemble du travail réalisé.

Mes chers collègues, en regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA au travers de la création d’une société holding, France Médias, nous assurons leur compétitivité et leur développement stratégique au niveau européen et international, tout en veillant à la cohérence et à la complémentarité de leurs offres de programmes.

L’ambition de cette proposition de loi, très attendue depuis le rapport de nos collègues Leleux et Gattolin – et, plus récemment, depuis celui, en 2022, de Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet –, est d’appréhender l’évolution clé du secteur audiovisuel à l’ère du numérique.

Ce texte a un objectif clair : renforcer la qualité de la mission de service public de l’audiovisuel français, ainsi que sa souveraineté.

Dans le contexte géopolitique actuel, l’enjeu est de garantir à nos concitoyens une information de qualité, tout en luttant contre les fake news, ce qui est un véritable enjeu.

Mutualiser les forces de ces entreprises sera donc synonyme de richesse médiatique et culturelle, mais aussi source de gains économiques. Il paraît cohérent de vouloir rassembler des entreprises qui, au nom de leur mission de service public, partagent les mêmes ambitions et ont des projets industriels similaires.

Toutefois, prenons garde, cette mutualisation n’est pas synonyme de concurrence interne ; elle a bien pour objectif de mutualiser les logistiques et les investissements, afin de garantir un contenu gratuit et qualitatif. Ce point est fondamental.

Prenons l’exemple de l’INA. Cette grande institution est freinée dans ses relations avec les autres entreprises à cause de son statut juridique. Au sein de la holding France Médias, elle gagnera en flexibilité et en efficacité. De plus, elle pourra prendre en charge la conservation des archives audiovisuelles diffusées de manière délinéarisée par les autres sociétés et les futures filiales de la holding.

Pour ce qui concerne France Médias Monde, dont les journalistes et le réseau de correspondants offrent, en vingt et une langues, une information essentielle d’ouverture sur le monde et sur la diversité des cultures et des points de vue – je souhaite le souligner dans le contexte géopolitique actuel –, l’adoption de la proposition de loi permettra d’augmenter les synergies avec les autres chaînes publiques et, ainsi, d’accroître ses compétences à l’international.

Cette proposition de loi permet également de reconnaître l’importance de l’innovation et des nouvelles technologies dans le paysage audiovisuel. Elle encourage la coopération entre les acteurs publics et privés, pour favoriser l’émergence de nouveaux formats et de nouvelles expériences pour les téléspectateurs. Elle permet à l’audiovisuel public de rester pertinent et attractif dans un environnement médiatique en constante évolution.

Enfin, elle a le mérite d’aborder la question cruciale du financement, surtout après la suppression de la redevance audiovisuelle en 2022.

En réformant la contribution à l’audiovisuel public (CAP), nous garantissons un financement pérenne et équitable, sans faire peser une charge excessive sur les contribuables. Il est essentiel que chaque euro investi dans nos médias publics serve réellement à la promotion de notre culture, de notre histoire et de nos valeurs.

En outre, ce texte garantit que les ressources nécessaires seront disponibles pour soutenir la production de contenus de qualité, la modernisation des infrastructures et le développement de nouveaux formats. En donnant davantage d’autonomie financière à nos médias publics, il garantit donc une information objective et équilibrée.

Cependant, la proposition de loi ne s’arrête pas à la création d’une holding. Elle prévoit aussi d’encadrer la concurrence étrangère, qui, du fait d’un manquement législatif, ne prenait pas en compte les évolutions concurrentielles audiovisuelles et numériques. Ce manquement s’est transformé en concurrence déloyale pour les entreprises publiques et privées françaises, en imposant des règles qui ne s’appliquaient pas à leurs concurrents étrangers.

Les asymétries entre les chaînes et les plateformes numériques seront drastiquement réduites. C’est un point capital. L’industrie audiovisuelle française ne sera plus injustement pénalisée et pourra pleinement investir les marchés émergents.

Pour conclure, mes chers collègues, cette proposition de loi est l’occasion de réaffirmer notre attachement à la souveraineté audiovisuelle française ; de renforcer la mission de l’audiovisuel public français face à la désinformation et au contexte géopolitique mondial perturbé ; enfin, de définir une véritable vision pour l’audiovisuel public à partir d’orientations stratégiques claires, tout en veillant à la cohérence et à la complémentarité des offres de programmes au service des Français – en bref, de réformer ce service public.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera la proposition de loi de Laurent Lafon.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’audiovisuel français est organisé par la loi, dite « Léotard », du 30 septembre 1986. Depuis lors, il s’est passé des choses… De nouveaux concurrents sont apparus : les grandes plateformes ont complètement changé les règles du jeu. De nouveaux modèles de consommation se sont développés ; les tablettes sont arrivées, par exemple. Du fait de tous ces bouleversements, notre cadre juridique et législatif est totalement dépassé.

Nous remercions l’auteur et le rapporteur de cette proposition de loi, dont je veux saluer l’intitulé, puisqu’il s’agit de réformer l’audiovisuel public et de garantir la souveraineté audiovisuelle.

La télévision et la radio font partie de la vie quotidienne des Françaises et des Français. Elles participent à créer un socle commun – j’ose le mot – et sont un puissant vecteur culturel.

Délivrer une information de qualité coûte cher, peut être copié instantanément et ne s’accompagne pas de droits d’auteur rémunérés.

La souveraineté audiovisuelle doit permettre aux médias nationaux de délivrer une information de qualité, vérifiée, fiable et objective. La souveraineté en la matière, c’est aussi protéger, soutenir et encourager la production culturelle française.

Nous en sommes tous convaincus, il y a urgence à réformer la loi de 1986. Nous nous appuyons aujourd’hui sur les travaux d’André Gattolin et Jean-Pierre Leleux. Dans leur rapport sénatorial d’information, ils avaient précisé les contours de la société faîtière. L’ancien ministre de la culture Franck Riester s’en était inspiré par la suite. Malheureusement, le projet de loi annoncé a fait les frais de la crise de la covid-19.

La création d’une société de tête proposée par ce texte va dans le bon sens. Il s’agit de regrouper les forces de l’audiovisuel public en une entité visible, cohérente et identifiée, qui regroupera France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Cette structure doit être la plus souple, la plus complémentaire, la plus réactive et la plus mutualisée possible… Le moins que l’on puisse dire est que le défi est de taille.

Bâtir une nouvelle entité sera très utile, mais pour en faire quoi ? Évidemment, ce n’est pas au politique de décider de la grille des programmes, mais c’est au législateur de poser un cadre pour garantir la qualité de l’information, la diversité et la créativité culturelle, ainsi que pour permettre la diffusion des grands événements sportifs.

L’audiovisuel public doit représenter toutes les sensibilités et toutes les opinions – j’y insiste. Chaque Français doit pouvoir s’y reconnaître.

Dans ce texte, si la question de la publicité est abordée, nous n’en sommes qu’au début d’un long débat. Comme beaucoup, je comprends l’argument consistant à expliquer que l’audiovisuel public ne peut fonctionner selon le même modèle économique que les chaînes privées, avec les mêmes enjeux et les mêmes priorités.

Pour autant, restons pragmatiques. Si c’est pour que les annonceurs se détournent vers d’autres formes de médias et que l’on finisse par demander une participation supplémentaire à l’État, il n’est pas certain que, ce faisant, nous nous rendions un grand service ! Sur ce point, le débat aura sans doute lieu.

J’en viens à l’article 13. Les producteurs indépendants français comptent parmi les tout meilleurs au monde. Veillons à ne pas remettre en cause leur dynamisme et leur développement en touchant à la relation entre diffuseurs et éditeurs.

Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires sont très attachés au maintien et au renforcement des émissions locales et régionales. Celles-ci représentent autant de relais d’information qui font le quotidien des territoires et de leurs habitants. Les journalistes doivent continuer à décrypter les actualités de terrain. De la même manière, notre audiovisuel public doit être le relais des territoires d’outre-mer.

L’audiovisuel public doit être un repère, un modèle et un exemple. Il doit continuer d’être une ouverture sur le monde, sur la culture et sur la société. Notre rôle est de garantir sa singularité sur le long terme en proposant un cadre juridique stable et pérenne, qui permette de réduire les asymétries pénalisant nos acteurs de l’audiovisuel, qu’ils soient publics ou privés d’ailleurs.

Ce texte est un bon signal. Il démontre notre attachement et notre préoccupation concernant l’audiovisuel français. Pour ces raisons, le groupe INDEP votera cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Applaudissements au banc des commissions. – M. Claude Kern applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Jean Verzelen

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’audiovisuel français est organisé par la loi, dite Léotard, du 30 septembre 1986. Depuis lors, il s’est passé des choses… De nouveaux concurrents sont apparus : les grandes plateformes ont complètement changé les règles du jeu. De nouveaux modèles de consommation se sont développés ; les tablettes sont arrivées, par exemple. Du fait de tous ces bouleversements, notre cadre juridique et législatif est totalement dépassé.

Nous remercions l’auteur et le rapporteur de cette proposition de loi, dont je veux saluer l’intitulé, puisqu’il s’agit de réformer l’audiovisuel public et de garantir la souveraineté audiovisuelle.

La télévision et la radio font partie de la vie quotidienne des Françaises et des Français. Elles participent à créer un socle commun – j’ose le mot – et sont un puissant vecteur culturel.

Délivrer une information de qualité coûte cher, peut être copié instantanément et ne s’accompagne pas de droits d’auteur rémunérés.

La souveraineté audiovisuelle doit permettre aux médias nationaux de délivrer une information de qualité, vérifiée, fiable et objective. La souveraineté en la matière, c’est aussi protéger, soutenir et encourager la production culturelle française.

Nous en sommes tous convaincus, il y a urgence à réformer la loi de 1986. Nous nous appuyons aujourd’hui sur les travaux d’André Gattolin et Jean-Pierre Leleux. Dans leur rapport sénatorial d’information, ils avaient précisé les contours de la société faîtière. L’ancien ministre de la culture Franck Riester s’en était inspiré par la suite. Malheureusement, le projet de loi annoncé a fait les frais de la crise de la covid-19.

La création d’une société de tête proposée par ce texte va dans le bon sens. Il s’agit de regrouper les forces de l’audiovisuel public en une entité visible, cohérente et identifiée, qui regroupera France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA. Cette structure doit être la plus souple, la plus complémentaire, la plus réactive et la plus mutualisée possible… Le moins que l’on puisse dire est que le défi est de taille.

Bâtir une nouvelle entité sera très utile, certes, mais pour en faire quoi ? Évidemment, ce n’est pas au politique de décider de la grille des programmes, mais c’est au législateur de poser un cadre pour garantir la qualité de l’information, la diversité et la créativité culturelle, ainsi que pour permettre la diffusion des grands événements sportifs.

L’audiovisuel public doit représenter toutes les sensibilités et toutes les opinions – j’y insiste. Chaque Français doit pouvoir s’y reconnaître.

Dans ce texte, si la question de la publicité est abordée, nous n’en sommes qu’au début d’un long débat. Comme beaucoup, je comprends l’argument consistant à expliquer que l’audiovisuel public ne peut fonctionner selon le même modèle économique que les chaînes privées, avec les mêmes enjeux et les mêmes priorités.

Pour autant, restons pragmatiques. Si c’est pour que les annonceurs se détournent vers d’autres formes de médias et que l’on finisse par demander une participation supplémentaire à l’État, il n’est pas certain que, ce faisant, nous nous rendions un grand service ! Sur ce point, le débat aura sans doute lieu.

J’en viens à l’article 13. Les producteurs indépendants français comptent parmi les tout meilleurs au monde. Veillons à ne pas remettre en cause leur dynamisme et leur développement en touchant à la relation entre diffuseurs et éditeurs.

Les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires sont très attachés au maintien et au renforcement des émissions locales et régionales. Celles-ci représentent autant de relais d’information qui font le quotidien des territoires et de leurs habitants. Les journalistes doivent continuer à décrypter les actualités de terrain. De la même manière, notre audiovisuel public doit être le relais des territoires d’outre-mer.

L’audiovisuel public doit être un repère, un modèle et un exemple. Il doit continuer d’être une ouverture sur le monde, sur la culture et sur la société. Notre rôle est de garantir sa singularité sur le long terme en proposant un cadre juridique stable et pérenne, qui permette de réduire les asymétries pénalisant nos acteurs de l’audiovisuel, qu’ils soient publics ou privés d’ailleurs.

Ce texte est un bon signal. Il démontre notre attachement et notre préoccupation concernant l’audiovisuel français. Pour ces raisons, le groupe INDEP votera cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Monsieur le président, comme prévu, la commission va se réunir pour examiner les amendements déposés sur ce texte. Cela prendra environ une heure.

Applaudissements au banc des commissions. – M. Claude Kern applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, nous allons donc maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Monsieur le président, comme prévu, la commission va se réunir pour examiner les amendements déposés sur ce texte. Cela prendra environ une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, nous allons donc maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Pierre Laurent.