Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis trente ans, le paysage audiovisuel français ne cesse de se transformer.
Notre pays est caractérisé par une grande diversité et une longue tradition de production cinématographique et télévisuelle. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Néanmoins, les nouveaux usages apparus tendent à privilégier les vidéos en ligne plutôt que les chaînes traditionnelles.
Nous accordons tous une grande importance à notre service public audiovisuel. Des chaînes de télévision publiques, telles que France Télévisions et Arte France, fournissent un service de qualité, pluraliste et accessible à tous les citoyens. Elles ont un rôle clé dans la promotion de la culture, de l’éducation, de l’information et de la diversité.
Cependant, l’évolution des habitudes de consommation des médias a eu un impact sur l’audiovisuel en France et a entraîné une baisse de la durée d’écoute des chaînes de télévision traditionnelles.
Ensuite, avec l’essor de la concurrence internationale des plateformes de streaming en ligne, comme Netflix, Amazon Prime Video et Disney+, les téléspectateurs français ont désormais accès à un large éventail de contenus étrangers. Ces plateformes ont rassemblé 9, 4 millions d’utilisateurs quotidiens en 2022. Cela crée une concurrence et un défi pour l’industrie audiovisuelle française, qui doit rivaliser pour attirer et fidéliser son public.
Face à ces évolutions, la puissance publique est demeurée jusqu’à présent en retrait, peinant à réformer un cadre législatif posé en 1986 pour réguler un univers strictement national à une époque où internet n’existait pas.
Il est clair que nous devons renforcer l’audiovisuel public et notre souveraineté audiovisuelle par une stratégie ambitieuse et globale.
Pour cela, deux piliers ont été ciblés : le regroupement de l’audiovisuel public, respectant l’identité de ses différentes composantes, et une révision significative de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Tel est l’objectif de la proposition de loi de notre collègue Laurent Lafon ; un objectif que nous partageons amplement. Je souhaite remercier également le rapporteur, Jean-Raymond Hugonet, de l’ensemble du travail réalisé.
Mes chers collègues, en regroupant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA au travers de la création d’une société holding, France Médias, nous assurons leur compétitivité et leur développement stratégique au niveau européen et international, tout en veillant à la cohérence et à la complémentarité de leurs offres de programmes.
L’ambition de cette proposition de loi, très attendue depuis le rapport de nos collègues Leleux et Gattolin – et, plus récemment, depuis celui, en 2022, de Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet –, est d’appréhender l’évolution clé du secteur audiovisuel à l’ère du numérique.
Ce texte a un objectif clair : renforcer la qualité de la mission de service public de l’audiovisuel français, ainsi que sa souveraineté.
Dans le contexte géopolitique actuel, l’enjeu est de garantir à nos concitoyens une information de qualité, tout en luttant contre les fake news, ce qui est un véritable enjeu.
Mutualiser les forces de ces entreprises sera donc synonyme de richesse médiatique et culturelle, mais aussi source de gains économiques. Il paraît cohérent de vouloir rassembler des entreprises qui, au nom de leur mission de service public, partagent les mêmes ambitions et ont des projets industriels similaires.
Toutefois, prenons garde, cette mutualisation n’est pas synonyme de concurrence interne ; elle a bien pour objectif de mutualiser les logistiques et les investissements, afin de garantir un contenu gratuit et qualitatif. Ce point est fondamental.
Prenons l’exemple de l’INA. Cette grande institution est freinée dans ses relations avec les autres entreprises à cause de son statut juridique. Au sein de la holding France Médias, elle gagnera en flexibilité et en efficacité. De plus, elle pourra prendre en charge la conservation des archives audiovisuelles diffusées de manière délinéarisée par les autres sociétés et les futures filiales de la holding.
Pour ce qui concerne France Médias Monde, dont les journalistes et le réseau de correspondants offrent, en vingt et une langues, une information essentielle d’ouverture sur le monde et sur la diversité des cultures et des points de vue – je souhaite le souligner dans le contexte géopolitique actuel –, l’adoption de la proposition de loi permettra d’augmenter les synergies avec les autres chaînes publiques et, ainsi, d’accroître ses compétences à l’international.
Cette proposition de loi permet également de reconnaître l’importance de l’innovation et des nouvelles technologies dans le paysage audiovisuel. Elle encourage la coopération entre les acteurs publics et privés, pour favoriser l’émergence de nouveaux formats et de nouvelles expériences pour les téléspectateurs. Elle permet à l’audiovisuel public de rester pertinent et attractif dans un environnement médiatique en constante évolution.
Enfin, elle a le mérite d’aborder la question cruciale du financement, surtout après la suppression de la redevance audiovisuelle en 2022.
En réformant la contribution à l’audiovisuel public (CAP), nous garantissons un financement pérenne et équitable, sans faire peser une charge excessive sur les contribuables. Il est essentiel que chaque euro investi dans nos médias publics serve réellement à la promotion de notre culture, de notre histoire et de nos valeurs.
En outre, ce texte garantit que les ressources nécessaires seront disponibles pour soutenir la production de contenus de qualité, la modernisation des infrastructures et le développement de nouveaux formats. En donnant davantage d’autonomie financière à nos médias publics, il garantit donc une information objective et équilibrée.
Cependant, la proposition de loi ne s’arrête pas à la création d’une holding. Elle prévoit aussi d’encadrer la concurrence étrangère, qui, du fait d’un manquement législatif, ne prenait pas en compte les évolutions concurrentielles audiovisuelles et numériques. Ce manquement s’est transformé en concurrence déloyale pour les entreprises publiques et privées françaises, en imposant des règles qui ne s’appliquaient pas à leurs concurrents étrangers.
Les asymétries entre les chaînes et les plateformes numériques seront drastiquement réduites. C’est un point capital. L’industrie audiovisuelle française ne sera plus injustement pénalisée et pourra pleinement investir les marchés émergents.
Pour conclure, mes chers collègues, cette proposition de loi est l’occasion de réaffirmer notre attachement à la souveraineté audiovisuelle française ; de renforcer la mission de l’audiovisuel public français face à la désinformation et au contexte géopolitique mondial perturbé ; enfin, de définir une véritable vision pour l’audiovisuel public à partir d’orientations stratégiques claires, tout en veillant à la cohérence et à la complémentarité des offres de programmes au service des Français – en bref, de réformer ce service public.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera la proposition de loi de Laurent Lafon.