Il semblait également préférable que le préfet conserve un pouvoir d'appréciation lorsqu'il est saisi d'une demande de recours à la force publique, notamment pour tenir compte des éventuels troubles à l'ordre public que pourrait provoquer l'expulsion de force.
En se fondant sur les mêmes arguments, l'Assemblée nationale a supprimé cet article – il fallait s'y attendre – en deuxième lecture. En cohérence avec les réserves que j'avais exprimées en janvier dernier, je vous propose de maintenir cette suppression.
J'en viens désormais à l'article 2, relatif à la procédure administrative d'évacuation forcée, plus connue sous le nom de « procédure de l'article 38 de la loi Dalo ».
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale n'est revenue que sur une seule des modifications apportées par le Sénat, en supprimant la réduction de quarante-huit à vingt-quatre heures du délai dont disposerait le préfet pour mettre en demeure le squatteur de quitter les lieux.
Elle a, en outre, complété cet article afin de prendre en compte les récentes réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité portant précisément sur l'article 38 de la loi Dalo.
Ces ajouts me semblent utiles, car ils permettront de garantir la pleine conformité de cette procédure à la Constitution et ainsi de sécuriser son assise juridique. C'est pourquoi je vous suggère d'adopter cet article conforme, en prenant toutefois acte du désaccord – attendu – sur la réduction du délai de mise en demeure du squatteur de quitter les lieux.
Nonobstant des modifications rédactionnelles mineures portant sur l'article 2 ter, l'Assemblée nationale a renforcé le contrôle de l'application du dispositif de mise à disposition temporaire de logements vacants en imposant à l'État de vérifier « régulièrement la conformité de [la] mise en œuvre [de ce dispositif] aux dispositions légales et réglementaires applicables », lorsque ce dispositif bénéficie à des personnes morales de droit privé.
Cette précision va dans le bon sens, celui de la position exprimée par le Sénat en première lecture : nous avions appelé le Gouvernement à accentuer le suivi de ce dispositif pour l'instant quasi inexistant. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite de nouveau à adopter cet article dans la rédaction qui nous a été transmise.
Enfin, à propos de l'article 4, qui concerne les pouvoirs d'office du juge en matière d'octroi de délais de paiement et de suspension des effets des clauses résolutoires de plein droit et qui a fait l'objet d'un désaccord substantiel en première lecture entre les deux chambres, nous avons pu aboutir à une rédaction de compromis.
Pour mémoire, l'Assemblée nationale souhaitait initialement conditionner l'octroi de délais de paiement, la vérification des éléments constitutifs de la dette locative, le contrôle du caractère décent du logement et, surtout, la suspension des effets de la clause résolutoire, c'est-à-dire le maintien dans le logement, à une saisine du locataire au lieu de permettre au juge de se saisir d'office.
En première lecture, le Sénat a rétabli les pouvoirs d'office du juge en la matière, considérant qu'il était dans l'intérêt aussi bien du locataire que du bailleur que les relations contractuelles soient maintenues et que la dette locative soit acquittée, plutôt que de recourir à une expulsion dite ferme.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale s'est en grande partie alignée sur la position du Sénat – il faut l'en remercier – en maintenant les pouvoirs d'office du juge pour l'octroi de délais de paiement, mais aussi pour la vérification des éléments constitutifs de la dette locative et de la décence du logement. En revanche, la suspension des effets de la clause résolutoire – c'est-à-dire le maintien dans le logement – ne pourra être accordée par le juge qu'à la suite d'une saisine en ce sens par le bailleur ou le locataire.
Je ne vous le cache pas, cela a été, pour moi, une véritable interrogation. Il s'agit, à mes yeux, d'un point de vigilance dont il conviendra de suivre les effets une fois la loi entrée en vigueur.
À ce stade, nous pouvons néanmoins prendre le parti de faire confiance aux acteurs judiciaires, qui devraient adopter une lecture souple de cet article afin de faire en sorte que les locataires soient informés de leurs droits. Le Sénat a d'ailleurs adopté – c'est à souligner – un amendement en première lecture, maintenu par l'Assemblée nationale, imposant au préfet d'informer le locataire faisant l'objet d'une assignation en justice de son droit de demander au juge de lui accorder des délais de paiement.
Je vous propose donc d'adopter également cet article dans la rédaction qui nous a été transmise.
En guise de conclusion, mes chers collègues, nous pouvons nous réjouir de l'aboutissement de ce texte de compromis qui constitue, à mon sens, un bel exemple, s'il était besoin de le rappeler, messieurs les ministres, de l'utilité de la procédure ordinaire, qui laisse davantage de temps aux échanges et à la construction d'une position commune entre les deux chambres.