Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi de ma collègue du groupe Union Centriste Sonia de la Provôté, qui vise à mettre en place un registre national général des cancers, géré par l'Institut national du cancer.
Cette proposition de loi a été cosignée par la quasi-totalité des membres de notre groupe et, au-delà, par une centaine de membres de la Haute Assemblée au total, ce qui démontre l'intérêt et la pertinence de ce texte.
Cela a été souligné, mais je tiens à le rappeler : le cancer est la première cause de mortalité pour les hommes et la deuxième pour les femmes. Le nombre de décès dus au cancer est estimé à plus de 150 000 par an. La lutte contre cette maladie apparaît donc comme une priorité, et ce registre national des cancers comme un outil essentiel en cancérologie.
La création de ce registre national fait consensus sur son utilité et sa pertinence, mais quelques réserves ont été émises quant à son coût financier par l'Institut national du cancer, qui sera chargé de sa gestion. Or il nous semble que le coût généré représentera, sur le long terme, une économie d'échelle et un investissement pour la recherche et la prévention.
L'Académie nationale de médecine préconise de garantir la pérennité de son financement en optimisant l'utilisation des finances publiques et en mobilisant des fonds dédiés au programme national du numérique en santé.
Madame la ministre, quelles mesures entendez-vous prendre sur le sujet ? Pouvez-vous rassurer l'INCa en garantissant que, si cette proposition de loi devenait loi, une augmentation de ses crédits serait prévue en projet de loi de finances ?
Selon le Panorama des cancers en France de l'INCa, la prise en charge actuelle des cancers s'élève, en 2020, à 5, 9 milliards d'euros de dépenses hospitalières, liées au diagnostic, au traitement ou au suivi des personnes malades.
Un registre national serait un outil déterminant au service d'une priorité majeure pour la santé publique : une véritable politique de prévention d'une maladie dont l'incidence a augmenté, en trente ans, de 65 % chez les hommes et de 93 % chez les femmes.
Il existe actuellement 33 registres, 19 registres généraux, couvrant 24 départements, et 14 registres spécialisés dans des cancers localisés dans des organes spécifiques. Au total, ils ne couvrent que 22 % de la population française. C'est donc par extrapolation que les données sont établies.
Madame la ministre, vous ne me contredirez pas si je dis que le corps humain n'est pas une formule mathématique. Ce sont bien les effets de l'environnement et les mutations induites qui nous ont fait passer de Luca, dernier ancêtre commun universel, à Homo sapiens. En matière de santé, chaque individu possède des spécificités et nos territoires nous exposent de manière différente. La recherche en santé ne peut donc pas se satisfaire de l'extrapolation et de l'intelligence artificielle.
D'ailleurs, notre rapporteur, que je salue, a souligné la sous-exploitation du potentiel des registres : le panorama fourni par leurs données est une estimation, et non une cartographie précise, la population couverte présentant, de plus, quelques biais et lacunes. Élargir la couverture du territoire est donc une nécessité, et la création d'un registre général à l'échelon national y contribuerait.
Cette proposition de loi répond à une forte demande, exprimée par de nombreuses institutions depuis plusieurs années.
Ainsi, les commissions d'enquête sénatoriales sur les risques industriels et sur la pollution des sols, en 2020, ont formulé des conclusions en ce sens.
L'Igas a souligné, la même année, que des données à échelle géographique plus fine sont nécessaires, particulièrement lors de repérages de clusters à des fins de recherche et de santé publique.
L'Académie nationale de médecine, dans son rapport de 2021, appelle à la création d'un registre national des cancers, afin de collecter les données épidémiologiques et d'assurer progressivement un enregistrement national des cancers géographiquement représentatif.
L'objet de ce registre national serait, sur la base des registres existants, de centraliser les données et de recenser les cas de cancers de façon exhaustive sur l'ensemble du territoire national, mais aussi de constituer un outil de veille sanitaire et d'alerte épidémiologique. L'INCa en serait l'hébergeur et le gestionnaire administratif, et le réseau Francim des registres des cancers pourrait assurer les aspects techniques et scientifiques, l'évaluation des données et leur analyse.
Cette initiative s'inscrit dans un mouvement européen de création et d'harmonisation des registres des cancers, la couverture de l'ensemble de la population étant déjà disponible dans 22 pays européens ; le retard actuel de notre pays serait ainsi comblé.
Cela permettrait également que la France rejoigne le Réseau européen des registres des cancers, qui vise à créer une base pour la surveillance de l'incidence du cancer et de la mortalité par cancer dans l'Union européenne.
Cette base de données à l'échelle de l'Europe constitue une source précieuse, pouvant être exploitée à des fins de recherche, sur la base d'un protocole établi par les équipes scientifiques et validé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
Le champ des recherches est vaste : l'épidémiologie, les facteurs de risques éventuels, la qualité des soins, l'efficacité des traitements, les conséquences environnementales sur les cancers, dont l'importance croissante mérite une veille accrue. Il comprend également l'évaluation de déterminants géographiques et sociaux, qui pourraient être à l'origine de politiques et d'actions de réduction des inégalités en matière de santé que nous connaissons à l'heure actuelle.
Notre groupe a choisi d'inscrire à l'ordre du jour qui lui est réservé cette proposition de loi en raison de sa contribution décisive à l'intérêt général et à la santé publique. L'ensemble des membres du groupe Union Centriste voteront évidemment en faveur de ce texte. §