Intervention de Philippe Tabarot

Réunion du 15 juin 2023 à 16h00
Organisation de la navigation aérienne en cas de mouvement social — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe TabarotPhilippe Tabarot :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on compte cinquante jours de grèves depuis le début de l'année, plus de trois mille vols annulés par anticipation à Orly, six cents vols annulés « à chaud » et 470 000 passagers empêchés de voyager au premier trimestre 2023. Sur l'aéroport de Nice, ce sont près de 100 000 passagers qui n'ont pas pu prendre leur avion entre le 1er janvier 2023 et la fin du mois de mai. Ces chiffres, dévoilés notamment par Bruno Belin et Stéphane Demilly en commission, sont édifiants.

Face à ce constat implacable, la proposition de loi de notre collègue Vincent Capo-Canellas est plus que nécessaire.

Aujourd'hui, la DGAC ne connaît pas à l'avance le nombre de contrôleurs participant à une grève, car ces derniers sont exemptés de se déclarer grévistes avant la grève elle-même. Le système de prévention et d'information actuellement en place a largement démontré sa totale inadaptation à la réalité des opérations.

Comment expliquer qu'aujourd'hui, en France, les contrôleurs aériens n'aient aucune obligation de prévenir leur direction de leur participation à une grève en amont de celle-ci, alors qu'ils doivent assurer un service minimum comme celui prévu pour le transport terrestre de voyageurs ou pour d'autres métiers du secteur aérien ?

Comment expliquer que, faute de prévisibilité, la DGAC annule préventivement des vols ou procède à des annulations de dernière minute, laissant les clients sans solution ?

Cette initiative vient donc corriger une étrangeté, alors l'exaspération des passagers, des compagnies et des personnels d'aéroport est légitime face au comportement de certains agents – je dis bien « certains » – qui confondent tour de contrôle et tour d'ivoire !

Oui, le métier de contrôleur – comme d'autres métiers, d'ailleurs – est un métier à haute responsabilité ; ceux qui l'exercent doivent gérer une multitude d'informations pour assurer la sécurité des passagers.

L'objectif de cette proposition de loi est triple : éviter que les passagers soient mis en difficulté et se retrouvent sans solution et sans la moindre information ; anticiper, dialoguer, préserver l'ordre public et assurer un service minimum ; adapter les demandes de réduction de programme à la réalité du suivi du mouvement et donc éviter des annulations inutiles ou des attentes interminables.

Des contrôleurs aériens se sont mis en grève à répétition ces derniers mois, retardant de très nombreux vols. Je note qu'ils l'ont fait dans un silence médiatique quasi général, comme si l'avion était le plus emblématique fossoyeur climatique de notre temps et que le sort des passagers ne méritait pas même qu'on s'y penche !

Le service minimum et le respect des voyageurs ont la même valeur pour tous, que ce soit en train, en bus ou en avion. Il faut atterrir, mes chers collègues ! Le service minimum, ce n'est pas une question de droite ou de gauche. Il ne s'agit certainement pas de solder de vieilles querelles.

Dans notre pays, le droit de grève est un droit constitutionnel et cette proposition de loi ne le remet nullement en cause, pas plus que celle de Bruno Retailleau adoptée par le Sénat en février 2020 ou que celle que je viens de déposer, avec plus de quarante-cinq collègues, pour limiter les désorganisations liées aux grèves à la carte qui ont été en partie responsables de plusieurs fiascos.

Monsieur le ministre, ne restez pas sourd à ces propositions ! Comme cela a été fait pour les transports en commun, il s'agit de trouver pour le secteur aérien un point d'équilibre utile, qui fasse toute leur place à d'autres droits tout aussi légitimes que le droit de grève, notamment la liberté d'aller et venir.

Je souhaite que le Sénat et le Gouvernement restent mobilisés sur le sujet, car de nombreux défis doivent encore être relevés pour sortir du mythe actuel et organiser enfin un véritable service minimum.

Je regrette que cette proposition de loi ne s'attaque pas aux préavis de grèves dormants, dont tout un chacun peut se réclamer, alors qu'ils datent parfois de plusieurs années. Je déplore également que l'on ne puisse pas aller plus loin, en allongeant le délai de déclaration individuelle de grève, pour avoir encore plus de lisibilité.

Toutefois, cette proposition de loi constituant un début de réponse non négligeable à une situation devenue intolérable, le groupe Les Républicains la votera sans réserve. §

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