Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat n'est pas de savoir si nous sommes pour ou contre l'avion.
Le secteur aérien participe de l'avenir de la mobilité durable. À l'avenir, nous aurons besoin d'une intermodalité opérationnelle : des gares comme Charles-de-Gaulle 2, à Roissy, ou Saint-Exupéry, à Lyon, doivent s'étoffer et revenir au cœur de l'intermodalité. Autrement dit, il faut que le secteur de l'aviation fonctionne bien.
Soit dit en passant, je me suis toujours interrogé, monsieur le ministre, quant à l'impact sur la biodiversité des kilomètres de routes et de rail, par rapport à un couloir aérien…
Revenons au texte : il comporte un article unique qui impose aux contrôleurs aériens, en cas de grève, de déclarer individuellement leur participation au mouvement de grève au plus tard à midi l'avant-veille de la journée de grève.
Nous ne sommes pas en désaccord avec l'intention de cette proposition de loi. Je remercie donc à mon tour Vincent Capo-Canellas d'avoir essayé de répondre à un problème qui s'est effectivement posé au début de l'année.
Pour autant, je poserai les choses autrement. Les graves perturbations du trafic aérien ces derniers mois, avec quarante jours de grève entre la mi-février et la fin mars, marqueront l'année 2023. La journée mémorable du 11 février – la DGAC en avait connaissance –, durant laquelle le trafic aérien européen a été fortement perturbé en raison d'une gestion catastrophique d'un mouvement social national, montre que des améliorations substantielles peuvent être apportées pour éviter aux usagers de tels désagréments.
Comme cela a été rappelé précédemment, les contrôleurs aériens étant des fonctionnaires, le service minimum s'applique pour assurer la continuité du service public. Les contraintes et astreintes ainsi imposées aux contrôleurs aériens en matière de réquisition auraient dû permettre d'éviter une telle situation le 11 février.
L'absence de nombreux contrôleurs grévistes a provoqué, ce jour-là, un énorme chaos et des annulations massives de vols. Cela résulte-t-il d'une mauvaise gestion ou d'une erreur d'appréciation de la direction ? Convient-il d'incriminer les personnels et syndicats grévistes ? Permettez-moi, monsieur le ministre, de m'interroger sur la façon dont la DGAC a géré la situation.
En l'état, il est clair que l'application du service minimum avec réquisition de contrôleurs aériens n'a pas permis de gérer la situation de manière optimale. Le dispositif aurait-il été plus efficace si une déclaration préalable avait dû être déposée individuellement par les grévistes quarante-huit heures avant la journée de grève ? Je n'en suis pas sûr…
En effet, la définition du service minimum qui, il faut le souligner, constitue une restriction du droit de grève est jugée obsolète par toutes les organisations syndicales. Sa définition date d'un décret de 1985… Avant de modifier le droit de grève des contrôleurs par une proposition de loi, un dialogue social doit s'engager avec toutes les parties prenantes – DGAC, organisations syndicales et Gouvernement. Il est indispensable de rediscuter et de réactualiser les obligations du service minimum afin de le rendre plus efficace.
Actuellement, l'application du service minimum est à géométrie variable. L'opacité est totale sur la manière dont sont opérés les « abattages » de vol. Si le décret d'application précise la liste des aéroports où ce service minimum peut être appliqué et les missions de continuité à assurer, certains territoires se voient réquisitionner à des niveaux disproportionnés, sans rapport avec la réalité du terrain.
C'est pourquoi je m'interroge sur la nécessité de légiférer avant qu'une refonte du service minimum ait été engagée. En effet, est-il plus judicieux de renforcer les obligations de cette catégorie professionnelle spécifique que sont les contrôleurs aériens ou de réformer le service minimum ?
Pour ma part, j'estime qu'il est urgent de renouer le dialogue social et de retrouver la confiance entre les agents et la direction, car l'année 2023 a fortement altéré la démocratie sociale au sein de la profession.
Les contrôleurs aériens sont des fonctionnaires qui assurent des missions hautement stratégiques, avec une responsabilité de tous les instants. Ils ne méritent pas qu'on leur inflige la double peine d'une restriction de leur droit de grève et d'une réquisition reposant sur un décret obsolète. Il est temps que le Gouvernement agisse !
Si nous adoptons ce texte, deux types d'obligations et de contraintes pèseront sur les contrôleurs aériens, sans pour autant avoir réformé le service minimum. Les agents favorables à la proposition de loi souhaitent que cette nouvelle obligation de déclaration préalable individuelle de grève soit conditionnée à une diminution des obligations de service minimum.
À mon sens, adopter ce texte reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs. Aussi, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre cette proposition de loi.