Depuis de nombreuses années, ce grand ministère, qui assure une fonction majeure de l’État, est en difficulté. Combien de fois n’avons-nous pas entendu, dans nos circonscriptions, « j’attends un jugement depuis trop longtemps », « la peine prononcée par le tribunal n’a pas été exécutée », « j’ai des difficultés à joindre le juge », « mon avocat tarde à me transmettre les pièces », « avec l’appel, je n’obtiendrai une décision que dans dix-huit mois » ?
Combien de fois les juges ne nous ont-ils pas dit qu’ils avaient trop de travail, trop de textes législatifs à appliquer, qu’ils étaient dans l’incapacité de faire, faute de moyens matériels et humains suffisants ? Il en est de même pour les greffiers.
La commission des lois s’intéresse à ce sujet depuis longtemps. En 2017, elle a publié un rapport d’information qui établissait des constats : il était déjà évident que nous manquions des magistrats ; l’équipe autour des magistrats devait être renforcée ; les greffiers rencontraient d’importantes difficultés ; certains lieux de justice devaient manifestement être améliorés ; la numérisation de ce grand ministère avait été, en quelque sorte, abandonnée, d’où d’incroyables difficultés, alors que d’autres ministères avançaient à grands pas.
En 2018, nous avions fondé beaucoup d’espoirs dans le texte qui est devenu la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, mais nous n’avons pas obtenu tout ce que nous souhaitions.
La commission a poursuivi ses travaux, que ce soit sur les procédures collectives, les tribunaux de commerce – les futurs tribunaux des activités économiques –, les conseils de prud’hommes et bien d’autres sujets encore.
En septembre 2021, nous avons organisé, avec le président du Sénat, une Agora de la justice, pour entendre les magistrats – ceux que l’on n’entend jamais. Les constats de 2017 ont été confirmés, la situation s’étant même aggravée sur différents points.
Et puis, il y a eu cette tribune inédite, signée par sept mille magistrats à la suite du suicide de l’un de leurs collègues et affirmant que l’on ne pouvait plus continuer ainsi.
Les États généraux de la justice, présidés par Jean-Marc Sauvé, ont débouché en 2022 sur un important rapport, qui ne se retrouve pas complètement dans les deux textes qui nous sont présentés. N’y voyez aucune critique : compte tenu de l’ampleur de la tâche, on ne pouvait probablement pas tout faire en un seul soir. D’ailleurs, je me méfie des grands soirs ; je préfère les avancées concrètes.
Monsieur le garde des sceaux, vous nous avez présenté deux textes importants.
L’article 1er du projet de loi d’orientation et de programmation, qui regroupe le rapport annexé et les perspectives budgétaires, ne pose pas de difficulté. Le rapport présente votre politique générale en matière de justice. Le budget prévu pour 2023-2027, dans la lignée des deux précédents budgets, constitue un progrès utile – il serait injuste d’affirmer le contraire. Il s’agira d’un outil de contrôle parlementaire extrêmement important.
L’article 2 a posé plus de difficultés. Il s’agissait d’autoriser la révision à droit constant du code de procédure pénale par voie d’ordonnance. À chaque fois qu’il entend « ordonnance » ou « habilitation », le Sénat se crispe, surtout en matière pénale ! Comme le travail est colossal et que la notion de droit constant est délicate, les rapporteures de la commission des lois ont souhaité encadrer la procédure prévue à cet article. Nous espérons que l’Assemblée nationale conservera cette modification afin de garantir le contrôle parlementaire une fois l’ordonnance rédigée.
Le rapport annexé nous annonce par ailleurs une simplification de la procédure pénale.