Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, jeudi dernier, nous avons achevé l’examen en discussion commune des deux projets de loi sur la justice. Nous avons pu confronter nos points de vue et nos propositions dans un climat apaisé, ce dont je me réjouis.
Je note qu’un consensus s’est dégagé sur l’augmentation des moyens, qui a été saluée sur toutes les travées de cette assemblée. Grâce à cet effort budgétaire, les crédits consacrés à la justice dans notre pays augmenteront jusqu’à près de 11 milliards d’euros en 2027. Nous ne le répéterons jamais assez : c’est une mesure historique.
Nous avons également habilité le Gouvernement à réformer le code de procédure pénale par ordonnance, après qu’il a rassuré la représentation nationale en apportant les garanties nécessaires : ce travail de codification sera d’abord effectué par un comité scientifique, mais suivi étroitement par un comité parlementaire représentatif des groupes politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat. En outre, vous vous êtes engagé, monsieur le garde des sceaux, à ce que le nouveau code de procédure pénale n’entre pas en vigueur avant la ratification de l’ordonnance par le Parlement et je vous en remercie.
Par ailleurs, dans neuf à douze juridictions et pendant quatre ans, seront expérimentés les tribunaux des activités économiques, conformément à ce qui figurait – j’en suis très honoré – dans la proposition de loi que François Bonhomme et moi-même avions déposée en novembre 2021. Une contribution pour la justice économique sera mise en place dans ces nouveaux tribunaux afin d’inciter à recourir au règlement à l’amiable des conflits.
Je me félicite également de l’adoption d’amendements déposés par mon groupe, qui tendent à associer toujours plus le Parlement à l’évaluation des expérimentations relatives aux tribunaux des activités économiques et à la contribution pour la justice économique.
Bien évidemment, nous avons avec la majorité sénatoriale quelques points de divergence sur le rôle que joueront les magistrats professionnels, sur le traitement du contentieux des baux commerciaux ou encore sur celui des procédures amiables et collectives des professions réglementées. Certes, la proposition de loi que nous avions présentée en 2021 incluait les professions réglementées du droit, mais les auditions et consultations menées depuis lors ont pu susciter des évolutions sur la question.
Les débats en commission et en séance auront – je l’espère – permis de rassurer certains acteurs du monde agricole, qui avaient fait part de leurs craintes à plusieurs d’entre nous.
Par ailleurs, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Sueur, dont je tiens à saluer la persévérance et la pugnacité, le Sénat a codifié la récente jurisprudence de la Cour de cassation, qui se reconnaît une compétence universelle en matière de double incrimination pour les crimes contre l’humanité.
Notre groupe, quant à lui, se réjouit d’avoir pu faire adopter quinze amendements sur les cinquante-neuf qui ont connu une issue favorable, notamment celui qui, en droit pénitentiaire, vise à mettre en place une procédure d’alternative aux poursuites disciplinaires.
Concernant le projet de loi organique, nous sommes satisfaits que le Sénat ait approuvé notre proposition visant à préciser les attributions que les magistrats exerçant à titre temporaire dans les fonctions de substitut pourraient se voir confier.
Par ailleurs, nous accueillons favorablement le remplacement du recueil des obligations déontologiques par une charte de déontologie des magistrats.
En dépit de toutes ces belles et nombreuses avancées, certaines dispositions demeurent clivantes, et cela même si les garanties qui les entourent ont été renforcées. Je pense aux perquisitions de nuit, au recours aux moyens de télécommunication pour l’exercice des droits à un interprète et à un examen médical dans le cadre de la garde à vue ou encore à l’activation à distance des appareils connectés. Je le rappelle, ces techniques seront subordonnées à l’autorisation d’un juge et certaines d’entre elles ont d’ores et déjà cours.
Permettez-moi également de regretter le rejet de trois amendements que mon groupe avait déposés et qui avaient pour objet le maintien de la procédure de comparution immédiate lorsque le prévenu n’est pas placé en détention provisoire, le remplacement de la référence aux conditions d’aptitude pour être assesseur de pôle social par une vérification que l’extrait du bulletin n° 2 du casier judiciaire ne comporte pas de mention incompatible avec l’exercice des fonctions et le rétablissement de l’assignation comme seule voie de saisine du juge de l’exécution en cas de contestation de la saisie des rémunérations.
Pour conclure, il me semble que la trajectoire budgétaire favorable, les créations de postes annoncées et l’attitude constructive de nos deux rapporteures – je salue la qualité de leur travail, elles ont permis de sécuriser certaines mesures – sont autant d’éléments qui justifient que nous voterons en faveur des deux textes modifiés.
Enfin, au nom du groupe RDPI, je forme le vœu que la navette parlementaire permette d’avancer sur les points qui continuent malgré tout de nous diviser.