Il s’agit pourtant là d’un sujet concret qui n’a rien d’anecdotique, puisque nos collections publiques, qu’elles appartiennent à l’État ou aux collectivités locales, regorgeraient de restes humains : des squelettes, des têtes, des membres accumulés au fil de l’Histoire pour de multiples raisons.
C’est aussi un sujet à résonance géopolitique, puisque certains de ces restes humains sont d’origine étrangère et sont réclamés par des pays tiers ou des peuples. C’est le cas par exemple, en ce moment, pour l’Australie concernant des restes humains aborigènes.
Cette réalité géopolitique vient à son tour soulever un problème et un enjeu juridique. En effet, les restes humains conservés dans les collections publiques sont protégés par le principe d’inaliénabilité du domaine public.
C’est exactement la même problématique que celle de la restitution des biens juifs spoliés sous le nazisme, sujet sur lequel nous avons légiféré voilà peu de temps.
Toutefois, la situation des restes humains semble encore plus délicate juridiquement, dans la mesure où la procédure de déclassement n’est pas appropriée pour les faire sortir du domaine public aux fins de restitution.
Car l’article R. 115-1 du code du patrimoine interdit le déclassement du domaine public des biens qui n’ont pas perdu leur intérêt public. Ainsi, nous nous retrouvons toujours face à la nécessité de recourir à la loi pour effectuer de telles restitutions, ce qui, in fine, soulève une question de nature mémorielle et philosophique.
Car déterminer les conditions de restitution de restes humains appartenant à des collections publiques interroge notre rapport à la mort, à la mémoire, et même à l’humanité.
Le groupe Union Centriste, que j’ai l’honneur de représenter aujourd’hui, a été moteur pour bousculer les lignes sur cette question et faire avancer notre pays.
Ainsi, les deux premières lois de restitution de restes humains votées en France l’ont été sur l’initiative de membres de ce groupe. Nicolas About fut à l’origine la loi du 6 mars 2002 relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman – la fameuse « Vénus hottentote » – à l’Afrique du Sud. En 2010, Catherine Morin-Desailly parvint à faire adopter la loi visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections.
Ces lois d’espèce ont eu une importance historique. Toutefois, face à l’afflux de demandes, on ne peut pas s’en tenir aux lois d’espèce.
Il fallait donc établir une procédure générale permettant de restituer les restes humains sans mobiliser à chaque fois le Parlement. C’est bien ce que clame notre commission de la culture depuis des années. Avec le présent texte, elle sera enfin entendue. Je ne peux que saluer sa détermination, d’autant que la proposition de loi que nous allons voter a bénéficié de l’ensemble des réflexions et travaux menés sur le sujet depuis plus de dix ans.
Je pense aux travaux de la Commission scientifique nationale des collections menés à la suite de la loi de restitution des têtes maories, relayée par un groupe de travail pluridisciplinaire mis en place par le ministère de la culture et le ministère de l’enseignement supérieur.
Ces derniers ont permis de définir les critères de restitution que nous nous apprêtons à faire entrer dans la loi et qui devront être constatés par un décret en Conseil d’État du Premier ministre.
Le champ du texte est restreint aux seuls restes humains identifiés d’origine étrangère. La restitution ne pourra être accordée qu’à des fins funéraires. La procédure est claire et les critères sont précis. C’est ce qu’il fallait faire !
Le texte ouvre enfin sur une dernière question qu’il faudra trancher, à savoir la restitution des restes humains ultramarins.
Fidèle à son implication dans ce combat, le groupe Union Centriste veillera à ce qu’un dispositif ad hoc puisse voir le jour.
En attendant, nous voterons bien sûr ce texte des deux mains, en remerciant et félicitant Catherine Morin-Desailly, Max Brisson et Pierre Ouzoulias de l’avoir porté sur les fonts baptismaux.