C’est aussi la faute du Gouvernement, monsieur le ministre : pardonnez-moi, mais vous n’avez pas fait le choix, le 6 avril dernier, d’enrichir la proposition de loi de Céline Brulin, ce que je regrette.
Partant de ce constat, je ne peux que déplorer la position du Gouvernement sur le sujet des secrétaires de mairie : il leur témoigne de la sollicitude tout en adoptant une posture d’attente, ou plutôt, à en croire votre intervention de ce jour, une stratégie de petits pas.
Alors, monsieur le ministre, je vous le demande très simplement : quand comptez-vous présenter un projet de loi digne de ce nom, c’est-à-dire un projet de loi transversal et volontariste, englobant tous les sujets qui intéressent les secrétaires de mairie, un projet de loi qui précise aussi les moyens budgétaires alloués aux nécessaires évolutions de ce métier ?
Le 1er juin dernier, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a publié les conclusions de son rapport d’information sur le métier de secrétaire de mairie. Je souhaite ici saluer le travail remarquable de nos collègues Catherine Di Folco, Cédric Vial et Jérôme Durain, mais surtout attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les dix-sept propositions frappées au coin du bon sens qu’ils ont formulées dans ce rapport.
Monsieur le ministre, il n’appartient qu’à vous de puiser dans cette boîte à idées que le Sénat verse au débat et met à votre disposition. Je suis certain que vous trouverez matière, dans ces 17 propositions, pour enrichir vos propres réflexions et travaux.
Je forme le vœu que le débat de ce jour nous permette d’obtenir des réponses de votre part sur l’échéance à laquelle nous sera soumis le projet de loi sur l’attractivité de la fonction publique que vous nous annoncez depuis tant de mois. Je pense que votre réponse intéressera non seulement les sénateurs et sénatrices ici présents, mais aussi les nombreux secrétaires de mairie qui suivent nos débats sur le site du Sénat ; permettez-moi de les saluer à cette occasion.
Il devient en effet urgent de légiférer en la matière, car le métier de secrétaire de mairie est un métier sous tension : agents polyvalents, à la fois rédacteurs, juristes, fiscalistes, trésoriers, urbanistes, mais aussi parfois assistantes sociales et conseillers en informatique ou en orientation scolaire, les secrétaires de mairie représentent bien souvent le premier visage du service public municipal.
C’est un service public à visage humain, qui n’oblige pas à prendre rendez-vous ou à passer par une plateforme dématérialisée.
C’est un service public au sens noble du terme, accessible à toutes et tous.
Au quotidien, les secrétaires de mairie permettent à nos villages de fonctionner en tant qu’entités administratives et politiques.
Au quotidien, ces dizaines de milliers de femmes et d’hommes concourent à la mise en œuvre des politiques publiques communales et à leur efficience.
Disons-le sans ambages : sans les secrétaires de mairie, les communes, notamment en milieu rural, n’existeraient plus.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous : les secrétaires de mairie aiment leur métier ; mais, pour nombre d’entre elles et d’entre eux, ce métier est aujourd’hui synonyme de manque de reconnaissance, de quête de sens, d’isolement.
Les auditions menées par Mme la rapporteure Catherine Di Folco à l’occasion de l’examen de ces deux propositions de loi nous ont permis d’entendre des témoignages mettant en exergue le manque d’attractivité d’un métier pourtant crucial. Les raisons en sont nombreuses : manque de statut propre au métier, précarité des contrats, temps partiels, faible rémunération.
Cette réalité est en totale inadéquation avec la multiplicité des missions à accomplir et avec la complexité des tâches administratives et réglementaires qui pèsent sur les communes et les intercommunalités.
Ce manque d’attractivité a déjà des conséquences : au 10 mars 2023, on comptait 1 919 postes de secrétaires de mairie vacants en France. Les petites communes sont, hélas, les plus touchées.
Le texte que nous examinons aujourd’hui est-il à la hauteur des enjeux ? Assurément, non. Cette proposition de loi est nécessairement parcellaire, car ses auteurs ont dû composer avec les contraintes de l’article 40 que j’évoquais il y a quelques instants. La rédaction issue des travaux en commission des lois a néanmoins permis d’en améliorer et d’en bonifier la teneur.
Je souhaite, au nom de mon groupe, saluer la rapporteure Catherine Di Folco, dont les apports ont immanquablement enrichi la qualité du texte de Céline Brulin comme de celui de François Patriat.
La présente proposition de loi met l’accent tant sur la formation des secrétaires de mairie que sur leurs évolutions de carrière, soit deux leviers essentiels pour relancer un peu l’attractivité de ce métier. Ces mesures sont bienvenues et nous y sommes favorables.
La rémunération reste, pour l’heure, l’angle mort de nos travaux, alors même que nos collectivités locales peinent à recruter, car elles ne peuvent proposer des salaires aussi attrayants qu’elles le souhaiteraient.
Il semble évident qu’un concours de l’État est nécessaire, particulièrement dans les petites communes du monde rural.
Monsieur le ministre, je me tourne vers vous. Vous avez la maîtrise de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Je n’ai qu’une requête à formuler : pouvez-vous vous engager à ce que ce texte y soit voté avant la fin de la présente session parlementaire, afin que les dispositions contenues dans ces deux propositions de loi, aussi modestes soient-elles, entrent pleinement en vigueur dans les mois qui viennent ?
Les secrétaires de mairie le demandent. En le faisant, vous feriez œuvre utile. Nous comptons sur vous. Les secrétaires de mairie comptent sur vous.