Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que je viens ici présenter ma proposition de loi pour la création d’un registre national des cancers. Avant tout, je tiens à remercier mon groupe, l’Union Centriste, d’avoir permis sa discussion, ainsi que tous mes collègues, sur toutes les travées du Sénat, qui ont largement soutenu ce texte.
Je remercie également Mme la rapporteure, ma collègue Nadia Sollogoub, de son travail précis et argumenté, ainsi que la commission des affaires sociales, dont les apports ont modifié utilement le contenu du texte.
Je ressens une grande émotion, car cette proposition de loi est l’aboutissement de plusieurs années d’engagement et d’échanges pour faire prendre largement conscience de l’utilité d’un tel registre. Cet outil est déjà considéré comme indispensable par un très grand nombre d’acteurs pour améliorer et rendre plus efficace la lutte contre le cancer dans toutes ses dimensions.
Mes chers collègues, j’ai acquis la conviction de la vertu scientifique de cet outil à l’occasion de mon travail de thèse, soutenue en 1998 – ce n’est pas tout jeune ! §, travail qui portait sur l’exposition professionnelle à l’amiante et le risque de cancers digestifs.
À l’époque, sans la qualité du registre des cancers digestifs du Calvados et l’accès simple à ces données, ce travail n’aurait pas abouti. Nous avions alors mis en évidence une surincidence de cancers digestifs dans une population professionnellement exposée et une relation dose-effets entre la quantification de l’exposition à l’amiante et l’apparition d’un cancer digestif.
Cela illustre parfaitement un fait : l’épidémiologie ne s’approche au plus près de la vérité scientifique que si elle s’adosse à une observation rigoureuse et réelle de la pathologie. En l’occurrence, c’est bien un registre national général des cancers qui nous autoriserait celle-ci.
Depuis ces années de recherche, j’ai acquis la conviction qu’il nous fallait en France nous doter d’un tel outil. Depuis, cette conviction s’est renforcée, et ce pour plusieurs raisons.
Les constants progrès des diagnostics, la nécessité d’améliorer sans cesse le dépistage et la prévention, les besoins d’identifier les facteurs de risques émergents dans un environnement changeant où les expositions à des facteurs exogènes sont nombreuses et liées à l’évolution rapide de notre mode de vie, la révolution thérapeutique, qui avance très rapidement… autant de défis qui méritent que nous nous saisissions de cette proposition, car l’accès rapide à une donnée fiable, éprouvée et rigoureuse est essentiel pour apporter un bon suivi et une bonne réponse.
C’est aussi de la société elle-même qu’est venu un mouvement de soutien à ce registre : chercheurs, médecins et professeurs, sociétés savantes, associations de patients, comme France Assos Santé, la Ligue nationale contre le cancer, le réseau des registres de cancers Francim… Toutes et tous ont la volonté que ce texte aboutisse.
Je tiens tout particulièrement à souligner le soutien efficace et constant du professeur Guillot, auteur d’un rapport adopté au mois de décembre 2021 par l’Académie nationale de médecine, qui se positionne de façon nette sur la nécessité d’un registre national des cancers. Grâce à lui, j’ai pu assister à de nombreuses auditions qui ont constitué la base de son rapport et qui ont bien sûr alimenté ce travail législatif.
C’est donc logiquement à l’issue d’un cheminement long et motivant que cette proposition de loi arrive aujourd’hui en examen au Sénat.
À ces arguments s’est superposée une motivation supplémentaire. Parce que la révolution numérique permet aux données de santé de connaître un développement certain, et parce que l’intelligence artificielle laisse envisager des perspectives nouvelles, nul ne peut ignorer la nécessité d’un contrôle public ferme et exclusif du recueil et de l’usage de ces données intimes. En effet, ces dernières alimentent de nombreux appétits, allant de la manipulation des données, parfois excessive et non encadrée de manière scientifique, aux usages à des fins mercantiles ou commerciales.
Ne soyons pas naïfs. Sur ces sujets, la start-up nation avance, mais l’expertise et le contrôle humain dans un but de santé publique deviennent encore plus indispensables.
UN registre des cancers national, aux données vérifiées, encadrées, sera une photographie actuelle des cancers et de leur évolution dans le temps. Il doit être hébergé par l’Institut national du cancer (INCa), dont la fonction éminemment d’utilité publique serait ainsi la garantie pour tous que ces données, propriété de chacun, resteraient protégées, protégeant en retour les citoyens.
Tels sont les éléments que je souhaitais vous apporter en préambule de ces discussions. J’y insiste, j’ai la conviction intime, profonde, que la création d’un registre national des cancers est absolument nécessaire.
Le temps est venu de mettre enfin un cadre à de nombreuses années de tergiversations pas toujours justifiées ni justifiables et de prendre la décision qui s’impose. Les outils et les compétences sont là. Vous pouvez compter sur ma détermination à faire avancer ce sujet jusqu’à son terme, forte des nombreux soutiens trouvés ici, au Sénat, et dans la société civile.