Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec 380 000 nouveaux cas diagnostiqués par an, le cancer reste la première cause de mortalité prématurée en France. C’est un ennemi à combattre !
Depuis les années 1970, il existe des registres généraux ou spécialisés qui permettent une surveillance épidémiologique des cancers.
Pour rappel, un registre est une structure qui réalise « un recueil continu et exhaustif de données nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique, par une équipe ayant les compétences appropriées ».
Les registres des cancers sont un dispositif indispensable à la surveillance des cancers, mais aussi à l’observation et à l’évaluation de leur prise en charge.
Ils permettent de connaître, globalement et selon les organes concernés, le nombre et le taux de cancers, la durée de survie, et l’évolution de ces paramètres dans le temps. Les données populationnelles recueillies dans ces registres contribuent à l’orientation, au suivi et à l’évaluation des politiques de santé publique dans le domaine de la lutte contre les cancers. Elles participent également aux actions préventives et curatives, ainsi qu’à la recherche.
Ces registres sont nécessaires au suivi épidémiologique et à la programmation des besoins en structures de soins.
Il est vrai que la couverture des registres de cancers permet déjà de disposer de chiffres robustes. Le dispositif national s’appuie sur les données de 33 registres, qui couvrent environ 22 % de la population française métropolitaine et trois départements et régions d’outre-mer. Pour les enfants, le registre national des cancers de l’enfant est exhaustif sur l’ensemble du territoire national depuis 2011.
La surveillance des cancers repose actuellement sur un dispositif qui est piloté par l’Institut national du cancer et Santé publique France, en partenariat avec les registres des cancers fédérés au sein du réseau Francim et le service de biostatistique et bio-informatique des Hospices civils de Lyon.
Ce partenariat prévoit la publication d’estimations nationales d’incidence et de survie tous les cinq ans.
La collecte des données épidémiologiques du cancer en France a fait de réels progrès grâce aux efforts des registres régionaux et départementaux.
Cependant, la couverture du territoire reste partielle, et il existe une hétérogénéité des structures et des modalités de recueil des données. De plus, les difficultés financières sont réelles et le rendu des données est lent, avec la production d’un rapport tous les cinq ans seulement.
La récupération de données est, en effet, complexe. Elle demande du temps et un financement non négligeable. L’enregistrement des données doit être exhaustif et précis, et l’utilisation de celles-ci doit respecter la loi Informatique et libertés, avec notamment une obligation de sécurité.
Il ne faudrait pas que la complexité du recueil et du traitement des données au niveau national constitue un obstacle dirimant à la mise en place d’un registre national des cancers.
Malgré l’évidente utilité des registres existants, le dispositif présente certaines limites, qui nous interrogent sur l’efficience du modèle actuel, notamment l’exhaustivité du recueil des données et leur financement.
Par ailleurs, l’absence d’une stratégie nationale et d’une coordination entre les registres fragilise l’utilisation de ces données, avec la production d’un rapport tous les cinq ans seulement.
C’est pourquoi je suis favorable à la création d’un registre national des cancers.
De nombreux pays, comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, réalisent déjà des compilations à l’échelle nationale, ce qui leur permet de mieux comprendre et prendre en charge les cancers.
Dès 1995, l’Allemagne a légiféré sur l’obligation, pour les seize états fédérés, de mettre en place des registres épidémiologiques des cancers, afin de bénéficier d’un registre national. Ces registres contiennent des données importantes, du diagnostic à l’issue de la maladie, en passant par les traitements et les récidives.
Je tiens à souligner que la création du registre national s’est accompagnée de financements importants. Le budget alloué à la mise en place des registres cliniques des cancers est de 7, 2 millions d’euros. Il est financé par la ligue allemande contre le cancer. Les frais courants des registres s’élèvent à 140 euros par cas et sont pris en charge à 90 % par les caisses d’assurance maladie et à 10 % par les Länder. Le coût d’un registre est donc important.
En France, pour les registres des cancers, qui couvrent environ 20 % de la population, 8 millions d’euros sont dépensés chaque année pour le seul recueil des cas, auxquels viennent s’ajouter les coûts d’exploitation des données et des études portant sur ces données.
La création d’un registre national des cancers doit donc impérativement être accompagnée d’un financement à la hauteur des enjeux de santé publique qu’il représente. Nous attendons du Gouvernement qu’il s’engage à la soutenir financièrement.
Par ailleurs, ce registre national pourrait être articulé avec d’autres sources de données, par exemple des données d’exposition, ce qui pourrait permettre l’identification d’associations entre exposition et survenue de cancer. À titre d’exemple, la Suède a ainsi pu établir très tôt un lien entre le tabagisme au cours de la grossesse et le cancer de l’enfant.
Le registre national des cancers permettra de couvrir l’ensemble du territoire et de procéder à l’enregistrement continu de toutes les données permettant la production d’un rapport annuel.
Pour conclure, je tiens à saluer l’initiative de notre collègue, le docteur Sonia de La Provôté, qui est l’origine de la proposition de loi. Je remercie également Nadia Sollogoub de son rapport.
Ce texte ajoute aux missions de l’INCa la « mise en œuvre d’un registre national des cancers », qui centralisera les données relatives aux cancers sur l’ensemble du territoire national, afin d’améliorer la prévention, le dépistage, le diagnostic et la prise en charge thérapeutique des malades du cancer, mais aussi de constituer un outil de suivi et d’alerte épidémiologique, ainsi qu’une base de données à des fins de recherche.
Le rapatriement des données du registre à l’INCa facilitera leur appariement avec celles du système national des données de santé, auxquelles l’Institut a un accès permanent.
Ce texte complète également les missions de l’INCa, en l’autorisant à labelliser des entités de recherche en cancérologie, afin d’encourager la constitution d’équipes de collecte de données, et l’habilite à développer et à héberger des systèmes d’information dans les domaines de la cancérologie, afin de faciliter l’hébergement des données des registres existants par l’Institut, dont la solution technique est sûre et souveraine.
La mise en place de ce registre national des cancers sera un outil supplémentaire et précieux dans la lutte contre cette maladie. Pour être réellement efficace, l’outil aura besoin de financements.