Intervention de Émilienne Poumirol

Réunion du 15 juin 2023 à 14h45
Registre national des cancers — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Émilienne PoumirolÉmilienne Poumirol :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, présentée par notre collègue Sonia de La Provôté, a pour but de créer un registre national des cancers.

Ce registre centralisera les données populationnelles relatives à l’épidémiologie et aux soins dans le domaine de la cancérologie sur l’ensemble du territoire. Le traitement de ces données sera confié à l’Institut national du cancer. Ce registre permettra notamment de connaître le nombre exact de cancers et les foyers de surincidence et ainsi d’orienter l’offre de soins, la prise en charge thérapeutique et, bien sûr, les politiques de prévention.

À titre d’exemple, la mise en œuvre des recommandations issues de l’étude du registre national existant aux Pays-Bas a entraîné une diminution du taux de mortalité postopératoire du cancer du pancréas – il est passé de 24 % à 4 %, ce qui est tout de même majeur.

Ce registre constitue donc un outil épidémiologique au service d’une plus grande efficacité de la prise en charge des cancers en France, mais aussi, bien sûr, une base de données pour alimenter les travaux de recherche. La création d’un tel registre s’inscrit également dans un mouvement européen d’harmonisation, car il viendrait alimenter le réseau européen des registres du cancer.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain partage bien évidemment les objectifs de cette proposition de loi.

Néanmoins, pour les acteurs que nous avons auditionnés – l’INCa, France cancer incidence et mortalité (Francim), la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (Unicancer), les Hospices civils de Lyon. Santé publique France –, il faut avant tout consolider et soutenir davantage les registres existants. Il existe en effet une problématique liée au recueil même des données.

Les données concernant l’épidémiologie des cancers en France, qui fournissent l’incidence, la prévalence et la mortalité du cancer – taux de survie, etc. –, reposent, comme cela a été dit par plusieurs d’entre nous, sur des estimations qui sont calculées à partir de données qui couvrent, de manière inégale, entre 22 % et 24 % de la population nationale.

De plus, conformément au règlement général sur la protection des données (RGPD), ces données présentent des caractéristiques particulières qui freinent leur croisement avec d’autres, en particulier celles du SNDS ou celles des certificats de décès qui sont eux-mêmes assez imprécis – le directeur de l’INCa l’a d’ailleurs déploré.

Un amendement de Mme la rapporteure, que je remercie, avait pour objet l’appariement entre les données des différents registres, notamment le SNDS. Il a été adopté en commission, ce dont je me félicite.

En outre, la nature des données recueillies paraît devoir être élargie. En effet, les registres ne fournissent pas de renseignements sur la localisation ni de données environnementales, notamment dans les zones où l’exposition aux pollutions est susceptible d’être forte ou de résulter de multiples facteurs.

L’Agence européenne pour l’environnement estime que les risques d’origine environnementale ou professionnelle sont responsables d’environ 10 % des cancers. De la même manière, en France, on estime à 40 % le taux de cancers qui pourraient être évités par le développement d’environnements et de comportements favorables.

Il paraît donc primordial d’intégrer dans ce nouveau registre national des données environnementales afin de permettre la mise en œuvre de politiques publiques, en particulier de politiques publiques de prévention.

Ces constats et recommandations avaient d’ailleurs déjà été formulés, notamment par Nicole Bonnefoy dans le rapport Risques industriels : prévenir et prévoir pour ne plus subir qu’elle a réalisé au nom de la commission d’enquête chargée d’évaluer l’intervention des services de l’État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen et par Gisèle Jourda dans le rapport qu’elle a réalisé au nom de la commission d’enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols.

Dans ce dernier rapport, Gisèle Jourda estimait que les registres des cancers pourraient être ouverts pour mieux évaluer le lien entre l’apparition de certains cancers et l’exposition, par exemple, à l’arsenic dans l’Aude ou à des métaux lourds dans le Gard – ils sont soupçonnés d’être impliqués dans l’apparition de cancers des poumons.

Le groupe SER souhaite donc que l’une des missions du registre national des cancers soit d’évaluer les conséquences sur la santé humaine de l’exposition à des substances polluantes.

Enfin, je soulèverai moi aussi une problématique majeure : les moyens financiers et humains nécessaires pour remplir l’objectif de collecte et de traitement des données. L’INCa, responsable du traitement des données, nous a alertés sur le manque de moyens dont il dispose. Le financement des registres existants, porté essentiellement par l’INCa et Santé publique France, est stable depuis plus de dix ans, alors que le nombre de cancers ne cesse d’augmenter.

De plus, le décompte des cas de cancer en France requiert des ressources humaines. Or qui dit ressources humaines dit financement. Il apparaît que les registres sont alimentés par des unités de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), par des équipes d’accueil universitaires ou encore par des associations qui supportent elles-mêmes, en propre, le coût de cette collecte.

Madame la ministre, il n’est pas dans nos prérogatives de parlementaires d’agir sur cet aspect financier. Je m’adresse donc à vous pour que, dans la poursuite de l’objectif de santé publique que nous partageons, vous puissiez lui allouer les ressources nécessaires.

Le groupe SER votera cette proposition de loi.

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