Intervention de Fabien Gay

Réunion du 20 juin 2023 à 14h30
Industrie verte — Demande de priorité

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, décarboner notre industrie et créer les conditions de notre souveraineté technologique constituent des objectifs dont la réalisation revêt un caractère d'urgence. Le réchauffement climatique ne cesse de nous le rappeler au gré des phénomènes climatiques extrêmes qui se multiplient et qui, depuis quelques années, sont devenus la norme.

L'enjeu est colossal. La question industrielle est au croisement de tous les défis – sociaux, environnementaux, technologiques – et les crises mondiales qui se succèdent nous l'ont démontré.

Ainsi, en pleine crise sanitaire, la France, le pays de Sanofi, a dû faire face à d'importantes pénuries de médicaments, qui d'ailleurs perdurent.

De même, en pleine crise géopolitique, à cause de la guerre déclarée à l'Ukraine par la Russie, la France et toute l'Europe subissent une pénurie de composants électroniques, qui sévissait déjà avant la crise sanitaire.

Ce constat doit nous pousser à nous interroger en profondeur sur nos modèles économiques. Ceux-ci ont atteint leurs limites et ne permettent pas de relever les défis immenses auxquels nos sociétés sont confrontées. Il est illusoire de penser que la souveraineté européenne pourrait être garantie par le seul jeu des lois du marché, dans un monde où les libertés d'entreprendre et d'investir régneraient en maître sur l'économie, sans contreparties ni maîtrise publique.

La Chine et les États-Unis, dont nous dépendons technologiquement, n'ont jamais retenu ce mode de fonctionnement. L'IRA, adopté cet hiver par les États-Unis, en constitue l'illustration la plus récente : plus de 400 milliards de dollars seront injectés dans l'économie pour doper la production locale, construire américain et, surtout, acheter américain.

Le levier utilisé par les États-Unis n'est donc ni la liberté d'entreprendre ni même celle d'investir. C'est bien le soutien à la consommation des ménages qui est au cœur de ce plan, ainsi que l'octroi d'aides publiques sous réserve de l'achat de produits issus du territoire. À court terme, les États-Unis débloquent des aides d'État ; à long terme, ils s'assurent une souveraineté technologique, industrielle, et énergétique.

La réponse européenne a été timide. Si la proposition de règlement européen Net Zero Industry Act (NZIA) est adoptée, quelques aides d'État seront bien autorisées, mais la perspective reste centrée sur le court terme : l'objectif est d'attirer les investisseurs, mais sans réellement poser les bases de leur installation pérenne.

Le projet de loi que nous examinons s'inspire de ce règlement. Il ne fait, en réalité, que reprendre les recettes habituelles – un nouveau crédit d'impôt est sur les rails – qui n'ont guéri aucun des maux de l'industrie française : les cadeaux fiscaux octroyés sans contrepartie n'empêcheront pas les délocalisations.

Le Gouvernement n'a dressé aucun bilan de cette politique qu'il continue à mener, dans la continuité de ses prédécesseurs. Pour expliquer le retard industriel français, il a trouvé les parfaits coupables : les délais administratifs et les objectifs environnementaux de la France seraient les seuls responsables !

Alors que le Président de la République appelle à une « pause réglementaire européenne », mon groupe souhaite que l'on pose les bonnes questions.

Combien de milliards d'euros d'exonérations fiscales aux entreprises ont-ils été accordés ? Pour combien de créations nettes d'emploi ? Quel est le réel bilan du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ?

Comment ce texte permettra-t-il de conserver la production en France, d'empêcher les délocalisations et la diminution des activités dites « moins rentables », comme la recherche et le développement ? Le Gouvernement annonce la création de 90 000 emplois industriels, mais pour l'instant, messieurs les ministres, votre bilan se réduit plutôt à la vente des fleurons de notre industrie, comme celle de Technip, de la branche énergie d'Alstom à General Electric ou encore celle de Nokia.

Les objectifs de la réindustrialisation doivent être clairs. La question est simple : quelles usines, quelles filières et quels emplois veut-on pour la France ?

L'enjeu qui est soulevé par ce texte concerne non pas l'industrie verte, mais l'industrie de l'énergie verte. Dès lors, qu'adviendra-t-il de notre industrie en général, et de sa décarbonation ?

Pourquoi ne pas commencer par renforcer les industries qui existent ? Je ne comprends ainsi pas pourquoi EDF préfère acheter des panneaux photovoltaïques en Chine alors que sa filiale Photowatt en fabrique aussi !

Un autre aspect essentiel est complètement absent de ce texte : il s'agit de la formation, qui a été mise à mal par vos réformes austéritaires. Je pense en particulier à la « casse » des centres de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes.

Or, sans formation, notre pays ne développera aucun des savoir-faire techniques et technologiques qui conditionnent toute reprise industrielle.

Quant aux travailleurs et aux travailleuses, que ce gouvernement a malmenés en leur imposant une réforme des retraites injuste et largement impopulaire, ils doivent être protégés et leurs droits doivent être renforcés, quelle que soit la place occupée dans la chaîne de production, des donneurs d'ordres aux sous-traitants. Là encore, ce texte ne comporte aucun engagement en la matière.

Nous déposerons des amendements pour enrichir le texte, dont le sort conditionnera notre vote.

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