Intervention de Laurent Lafon

Réunion du 12 juin 2023 à 16h00
Réforme de l'audiovisuel public — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Laurent LafonLaurent Lafon :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous commençons cet après-midi l’examen de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.

Permettez-moi tout d’abord de revenir sur le titre de cette proposition de loi. Oui, nous pensons que la réforme de l’audiovisuel public est une condition de la préservation de notre souveraineté audiovisuelle, dont chacun perçoit bien qu’elle est menacée, ou tout au moins questionnée.

La réaffirmation de notre souveraineté audiovisuelle est également une condition de la préservation de notre audiovisuel public, qui réclame une profonde révision de la loi de 1986, pour que les nombreux verrous qui le pénalisent par rapport aux plateformes soient supprimés.

Nous pensons qu’il est urgent d’agir, non pas pour renforcer les contraintes sur les acteurs français, comme cela a souvent été le cas au cours des dernières années, mais, au contraire, pour libérer leur capacité à transformer leur modèle et à proposer des offres de programmes sur tous les supports.

Le paysage a beaucoup changé depuis l’arrivée de Netflix en 2014. Les services de vidéo à la demande et les services proposant un accès illimité à la musique ont profondément modifié les usages de chacun d’entre nous.

Il ne faut pas oublier certaines applications de partage de vidéos, comme YouTube et TikTok, qui sont devenues les univers préférentiels de la jeunesse. Selon des données qui nous ont été transmises au cours des auditions, il apparaît déjà que, en soirée, l’audience de ces sites de partage de vidéos est supérieure à l’audience de la télévision pour les jeunes.

La télévision et la radio sont-elles condamnées à s’adresser aux générations les plus anciennes, donc, à terme, à disparaître ? C’est l’analyse de certains acteurs du secteur, qui se gardent bien pour autant de l’affirmer en public. Pour notre part, nous ne le pensons pas, pour autant que nous soyons capables de prendre les bonnes décisions. Mais le voulons-nous vraiment ? À quand remonte la dernière grande réforme audiovisuelle ?

Alors même que les révolutions technologiques et d’usage s’enchaînent à un rythme inédit, nous sommes encore en train de nous interroger sur la réponse à apporter aux premières évolutions que, déjà, les suivantes arrivent.

Ainsi, l’apparition des nouveaux acteurs et la numérisation de l’audiovisuel sont encore en train de produire leurs effets, en percutant notre modèle, que l’intelligence artificielle apparaît, suscitant de nouvelles questions et fragilisant encore nos organisations. Combien de temps faudra-t-il avant que les pouvoirs publics ne donnent un cap et n’apportent enfin les réponses aux attentes des acteurs du secteur, eux qui subissent de plein fouet ces évolutions ?

Depuis une quinzaine d’années, plusieurs gouvernements ont annoncé la mise en chantier d’une grande réforme de la loi du 30 septembre 1986, mais tous ont renoncé devant l’obstacle, face aux pressions des groupes d’intérêts et aux corporatismes, mais aussi, il faut bien en convenir, faute d’avoir une vision claire du chemin à suivre.

Réformer la loi de 1986, ce n’est pas remettre en cause les principes fondamentaux de cette loi, auxquels nous sommes tous attachés. Il s’agit de permettre aux acteurs, publics comme privés, de faire face à de nouveaux concurrents, à la puissance financière incomparable et qui, pour de nombreux aspects, ne sont pas soumis à la législation française ou européenne. C’est tout le sens des propositions que je formule dans le chapitre II de ce texte, afin de lutter contre les asymétries de concurrence.

Cette vision sur l’avenir de l’audiovisuel, en particulier public, nous y travaillons ici, au Sénat, depuis de nombreuses années.

Dois-je rappeler les travaux de notre commission de la culture menés en partenariat avec la commission des finances en 2015, qui ont donné lieu au fameux rapport d’information de nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, puis au rapport d’information de nos collègues Jean-Raymond Hugonet et Roger Karoutchi, publié l’année dernière ? J’y insiste, ces rapports d’information portaient à chaque fois sur le financement des sociétés de l’audiovisuel public et concluaient qu’il était impossible de séparer le financement de l’organisation et de la gouvernance. Nous pensons toujours que ces trois aspects sont inséparables.

Je n’oublie pas la dimension européenne de notre réflexion, qui s’est appuyée sur un colloque organisé en 2018 au Sénat, sur l’initiative de Catherine Morin-Desailly, avec la participation des présidents de la BBC, de la RAI, de la RTBF et de la RTS.

Tous ces travaux nous ont convaincus qu’il était indispensable de donner plus de force à notre audiovisuel public, en regroupant ses talents dans une même structure, en confiant le soin de la piloter à une personnalité ayant une grande expérience des médias et en prévoyant des moyens suffisants dans la durée, afin de garantir son indépendance.

Le rapport de nos collègues députés Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon n’aboutit pas à d’autres conclusions. Ils ont indiqué qu’ils étaient d’accord à 95 % avec notre proposition de loi. J’ajouterai que les 5 % qui manquent ne nous semblent pas des obstacles insurmontables.

Comme la plupart de vos prédécesseurs, à l’exception de Franck Riester, vous avez choisi, madame la ministre, de compter sur la bonne volonté des dirigeants de l’audiovisuel public pour mener des coopérations « par le bas ».

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