Intervention de David Assouline

Réunion du 12 juin 2023 à 16h00
Réforme de l'audiovisuel public — Discussion générale

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Cette holding désorganiserait ce qui a mis du temps à se stabiliser. Elle concentrerait l’énergie de ces sociétés sur une réorganisation administrative interne, au moment où ladite énergie devrait être tout entière dirigée vers l’action, pour consolider l’offre créative dans les domaines de la fiction comme du documentaire, de l’information et du sport, qui sont les valeurs ajoutées de l’offre en continu et en direct, pour investir dans la révolution numérique, s’y former et se préparer à ses prochains bouleversements induits par l’intelligence artificielle (IA).

Au sein de cette holding, les directeurs des quatre sociétés seraient sous la tutelle d’un président tout-puissant, de nouveau nommé par décret en conseil des ministres, ce qui mettrait en danger l’indépendance du secteur par rapport aux pouvoirs publics. Un parfum de retour à l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française), en somme… Quelle modernité !

L’actualité du service public de l’audiovisuel, c’est d’assurer son financement universel, pérenne et socialement juste via une taxe progressive sur l’impôt sur le revenu, directement affectée, comme mon groupe l’avait proposé.

Il faut en effet lui donner les moyens de résister à la concurrence des Gafam et des grands groupes privés qui détiennent les médias dans notre pays, en légiférant et en décidant de règles et de régulations nouvelles, dont certaines figurent parmi les 32 propositions votées à l’unanimité par notre commission d’enquête.

Il convient aussi d’engager une grande réflexion, très attendue, pour penser globalement une nouvelle loi qui remplacerait celle de 1986, percluse de rustines. Il s’agira certes de réaffirmer ses grands principes, notamment la liberté de la communication, mais il faudra repenser les moyens, devenus caducs, que le législateur avait prévus pour remplir ces objectifs et réguler notre paysage audiovisuel, aujourd’hui complètement bouleversé par la révolution numérique.

Il s’agira de protéger et de permettre le développement non pas du seul service public, mais bien de l’ensemble de l’écosystème des éditeurs, producteurs, créateurs et salariés de l’audiovisuel français, privé comme public, qui doivent faire face ensemble à ces défis majeurs. Il faut les défendre face aux Gafam, qui ne font pas le tri et qui risquent de mettre tout le monde d’accord… dans le cimetière de l’audiovisuel français ! Il y va de la démocratie.

Avec mes camarades du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, je lance un appel urgent à cette prise de conscience.

Une grande illusion produit ses effets, car il y a un paradoxe : la multitude des offres, des titres et des chaînes numériques cache la réalité de la concentration de la propriété au profit d’un nombre réduit d’individus et de groupes industriels et financiers, lesquels ont d’ailleurs peu à voir avec le monde des médias. Cette diversité n’est, je le répète, qu’une illusion, puisque les contenus sont de plus en plus uniformisés.

Outre l’information, la culture aussi est en danger. Notre résistance doit se traduire tout d’abord par l’affirmation d’un service public fort et divers du fait de ses moyens et de sa créativité, de ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, ainsi que d’une multitude de médias indépendants, qui doivent enfin être soutenus et favorisés.

C’est ce paysage de l’audiovisuel que nous appelons à défendre avec constance et combativité, face à celui, hyperconcentré et vertical, dont les valeurs sont indexées sur la bourse et les clics.

C’est pourquoi, tout en saisissant l’occasion qui nous est offerte par ce débat de formuler quelques propositions sous forme d’amendements, nous voterons contre cette proposition de loi qui est, au pire, dangereuse, au mieux, inutile.

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