Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à dire tout d’abord que cette proposition de loi part d’une bonne intention : défendre l’audiovisuel public et réaffirmer sa spécificité. Il me semble important de le souligner, à l’heure où ce service public est attaqué de toutes parts.
L’enjeu des inégalités sociales liées à la multiplicité des services payants par abonnement, celui de la concentration des médias ou encore de la désinformation croissante rendent d’autant plus essentiel et urgent l’objectif de doter notre pays d’un service public audiovisuel fort, disposant des moyens nécessaires à son action, et de programmes spécifiques.
Nous avons la conviction profonde qu’un tel service public est le signe d’une démocratie qui fonctionne, d’un accès à la culture et au savoir pour tous et toutes.
C’est à ce titre que nous accueillons positivement la proposition concernant les droits de diffusion audiovisuelle des manifestations sportives, visant à obliger les plateformes à céder certains droits à des services de télévision en accès libre diffusés sur la TNT (télévision numérique terrestre), et ainsi à permettre un meilleur accès de nos concitoyens au visionnage d’événements sportifs.
Toutefois, nous sommes en désaccord avec le cœur de la proposition de loi, laquelle prévoit de placer les médias publics sous la coupe d’une holding.
Alors que l’audiovisuel public n’a été que rarement autant plébiscité – France Inter est depuis 2018 la radio la plus écoutée de France, et France 2 a enregistré au cours des derniers mois ses meilleures audiences depuis plus de dix ans –, ce texte risque de ne susciter qu’une nouvelle inertie des institutions publiques.
Par ailleurs, les coopérations entre les différentes entreprises de l’audiovisuel, que ce projet de holding vise à amplifier, produisent d’ores et déjà des effets marquants au travers de la création de plateformes, comme France Info ou encore « Ici », émanant de collaborations concrètes entre France Télévisions et Radio France.
Si cette holding nous semble inutile, elle pourrait aussi se révéler dangereuse.
Tout d’abord, si d’éventuelles nominations directes par l’exécutif n’y sont pas évoquées, la proposition de loi prévoit trop peu de garanties pour que l’indépendance effective du service public soit assurée à l’issue des procédures de désignation.
Ensuite, la répartition du budget entre les différentes sociétés de cette hypothétique holding sera soumise à la discrétion du directeur général. Sachant que la possibilité de concurrencer les plateformes est l’un des principaux arguments invoqués pour justifier cette réforme, il est fort à craindre que la radio ne soit le parent pauvre de ce nouveau paysage audiovisuel.
Comme vous, nous soutenons le principe d’une nécessaire mesure fiscale affectée, dont nous considérons qu’elle sera le mieux à même de garantir l’indépendance des organismes de l’audiovisuel et la prévisibilité de leurs ressources.
En revanche, rien dans l’exposé des motifs ne permet de savoir quelle serait la nature de cette mesure. S’il s’agit de pérenniser l’attribution d’une fraction de la TVA à l’audiovisuel public, permettez-moi, mes chers collègues, d’exprimer mon désaccord. Celle-ci est en effet moins protectrice que l’attribution d’une véritable taxe affectée : son montant étant fixé en loi de programmation des finances publiques, elle ne permet en aucun cas de garantir le respect des engagements pluriannuels de l’État.
En outre, la TVA constitue la mesure fiscale la plus anti-redistributive, en ce qu’elle fait peser l’effort sur la propension de consommation plutôt que sur l’épargne, désavantageant, de fait, les foyers les plus modestes.
Pourtant, le retour d’une contribution à l’audiovisuel public, payée par tous les Français en fonction de leurs revenus, serait totalement justifié pour maintenir un lien fort avec les citoyens et garantir la plus grande indépendance possible de l’audiovisuel public vis-à-vis du pouvoir politique et économique. Nous appelons celle-ci de nos vœux et continuerons de la défendre dans l’hémicycle du Sénat.
Pour ce qui concerne les revenus de l’audiovisuel public, je souhaite appeler votre attention sur le plafonnement des recettes publicitaires.
Cette proposition, adoptée en commission, fut notamment justifiée par l’idée que les recettes issues de la publicité dont bénéficie l’audiovisuel public « nuiraient » aux entreprises du secteur privé, dont la publicité constitue l’unique ressource. Nous déplorons ce choix réalisé en faveur des chaînes privées, qui cherchent toujours à obtenir une plus grosse part du gâteau publicitaire. Sans compensation financière garantie, une telle disposition fragiliserait encore davantage l’audiovisuel public.
À nos yeux, bien que cette proposition de loi soit inspirée par un bon sentiment et que nous approuvions certaines de ses dispositions, nous nous opposons fermement à ce projet de holding. Ce dont l’audiovisuel public a besoin, c’est d’une hausse résolue de son budget, qui est passé de 0, 20 % à 0, 16 % du PIB. À titre de comparaison, il représente 0, 28 % au Royaume-Uni.
Ce service public a besoin non pas d’une réforme de sa gouvernance, mais de nouveaux moyens. Nous voterons donc contre ce texte.