Intervention de Roland Lescure

Réunion du 20 juin 2023 à 14h30
Industrie verte — Demande de priorité

Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne veux pas être très long, puisque le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a dit l'essentiel.

Je voudrais quand même vous relater quelques événements qui se sont produits non pas ces dernières années, mais ces dernières semaines, en fait depuis un mois.

Vingt-huit nouveaux investissements ont été annoncés au sommet Choose France, qui représentent 13 milliards d'euros et 8 000 emplois.

J'ai signé la première feuille de route de décarbonation avec le groupe Lhoist, un groupe belge installé en France, qui s'engage à décarboner totalement d'ici à 2050 ses quatre sites – ils font partie des cinquante sites français les plus émetteurs de carbone – et à diviser leurs émissions par deux d'ici à 2030.

Nous avons annoncé l'alliance solaire, qui va permettre de reconstruire une filière de production de panneaux photovoltaïques en France.

Nous avons inauguré l'usine ACC à Douvrin dans le Pas-de-Calais, première gigafactory de batteries électriques.

Nous avons établi une liste de vingt-cinq médicaments essentiels et de huit projets de relocalisation qui vont nous permettre de produire de nouveau ces médicaments en France : 160 millions d'euros d'investissements à la clé.

S'est tenu la semaine dernière le salon VivaTech, qui est désormais le premier salon numérique au monde devant le fameux Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas. Ce salon a une composante industrielle extrêmement importante – c'est un aspect qui, vous le savez, m'est cher.

Se tient cette semaine au Bourget le salon de l'aéronautique et de l'espace. Des commandes historiques, exceptionnelles, y ont été passées et on y voit clairement que cette industrie s'engage, avec le soutien de l'État, sur la voie de la décarbonation pour fabriquer un avion propre et investir dans des start-up qui vont développer les avions du futur.

Tout cela en moins d'un mois !

En outre, l'Insee a publié il y a moins de deux semaines des chiffres qui montrent que plus de 100 000 emplois ont été créés dans l'industrie ces six dernières années – c'est absolument exceptionnel.

Bruno Le Maire l'a dit, ces résultats du mois qui vient de s'écouler sont avant tout le résultat d'années de travail. Ce sont singulièrement les cinq dernières années qui nous ont permis de retrouver la compétitivité pour le site France.

Plus important encore, je pense que ces résultats sont avant tout la conséquence d'un changement de mentalité. L'industrie redevient à la mode en France, parce qu'elle est l'une des solutions de notre décarbonation. Nous avons fait une recherche dans les archives de l'Assemblée nationale et du Sénat : depuis plus de quarante-cinq ans, aucun projet de loi n'avait le mot « industrie » dans son intitulé ! Nous vous proposons aujourd'hui un projet de loi relatif à l'industrie verte – c'est donc une première depuis quarante-cinq ans.

On assiste aujourd'hui à un retour en force de l'apprentissage et à un retour en force des usines. Vous le savez, on ouvre aujourd'hui des usines dans tous vos territoires : dans la Somme, à Nesle ; dans le Doubs, à Allenjoie ; en Saône-et-Loire, à Autun ; en Seine-Maritime, au Havre ; dans la Drôme, à Pierrelatte ; dans l'Aube, à Sainte-Savine ; dans l'Eure, à Louviers ; dans le Pas-de-Calais, à Auxi-le-Château ; en Ardèche, à Ardoix ; en Gironde, à Saint-Loubès. Partout en France, on rouvre des usines et nous pouvons en être extrêmement fiers.

Pour chaque emploi industriel qui est créé, trois ou quatre autres, indirects, le sont dans les services, en particulier dans les services publics – un élément cher au sénateur Fabien Gay. Derrière une usine se cache souvent une école, une poste, etc. Bref, nous avons tous intérêt à ce que cette fierté industrielle retrouvée perdure.

Avec ce projet de loi, nous vous proposons finalement d'accélérer ce que nous faisons depuis cinq ans. Comme vous le savez, quand on entre dans un virage, la meilleure manière d'en sortir avec une courbe parfaite, c'est d'accélérer !

Notre devoir collectif à toutes et à tous, c'est de construire cette France de 2030 qui donnera à chacun les moyens de faire ce qu'il fait de mieux : inventer, financer, créer, penser, façonner, fabriquer, etc.

Que signifie concrètement accélérer ?

Cela veut dire que nous avons besoin d'hommes et de femmes qui soient techniciens, agents de maintenance, ouvriers, ingénieurs, entrepreneurs, investisseurs internationaux, etc. Nous avons aussi besoin de formations adaptées et d'une Europe forte.

Cela veut aussi dire – c'est là l'essentiel de ce projet de loi – que nous avons besoin de foncier, de financements et de simplicité pour l'implantation de projets dans nos territoires.

Nous devons poursuivre le changement de mentalité. C'est exactement ce que nous vous proposons dans le cadre de ce projet de loi, qui est le maillon indispensable d'une stratégie de réindustrialisation globale.

Au fond, ce texte est un élément essentiel d'un dispositif bien plus large qui prend place dans un environnement de compétition internationale accrue. Nous devons rendre davantage de foncier et d'argent disponibles pour les investisseurs afin de financer la réindustrialisation et la transition écologique, tout en mettant en place – c'est important – des règles environnementales et sociales extrêmement rigoureuses.

Ce projet de loi, qui est, je le répète, un élément d'une stratégie d'ensemble, doit nous donner les moyens de réussir, d'atteindre nos ambitions. Bruno Le Maire vous ayant présenté les articles de ce projet de loi, je vais vous en donner quelques illustrations.

L'usine ACC dont je parlais tout à l'heure a été inaugurée deux ans jour pour jour après le dépôt du permis. C'est une exception qui a mobilisé les services de l'État, ainsi que les élus locaux et nationaux, et cette exception doit devenir la règle.

Dans les projets d'intérêt national comme celui du grand port maritime de Dunkerque, nous devons aller plus vite, nous devons raccourcir les délais de manière à gagner encore du temps – c'est l'objet de l'article 3 du projet de loi.

Nous devons répliquer l'exemple du site d'Hambach, où les panneaux photovoltaïques de l'entreprise Holosolis vont être très bientôt fabriqués. Nous avons pu aller vite, parce que le terrain était déjà prêt : un investisseur s'était retiré d'un projet précédent ; du coup, toutes les études avaient déjà été faites, par exemple l'étude faune-flore dite « quatre saisons ». Nous devons faire en sorte que cet exemple devienne la règle.

Dernier point important : nous devons simplifier la sortie du statut de déchet. Comme souvent, la France a surtransposé une directive européenne et, aujourd'hui, pour fabriquer un tableau de bord d'automobile en plastique à partir d'une bouteille recyclée, il faut un an de procédure pour que ladite bouteille n'ait plus le statut de déchet. Nous vous proposons de passer dans ce qu'on appelle le « statut implicite », qui permettra de simplifier et d'accélérer l'utilisation de nos déchets. L'industrie a vocation à être un exemple d'économie circulaire.

Pour terminer, je veux vous dire que nous saurons que nous avons réussi si, dans cinq ans, nous avons effectivement dégagé 5 milliards d'euros de financement annuel supplémentaire pour l'industrie verte ; si, dans cinq ans, cinquante sites clés en main supplémentaires ont été effectivement mis à disposition, mais aussi occupés par des industriels ; si, dans cinq ans, nous avons effectivement relocalisé en France la production de vingt-cinq de nos médicaments essentiels ; si, dans cinq ans, nous produisons effectivement l'ensemble de la chaîne de valeur du véhicule électrique sur notre territoire ; si, dans cinq ans, notre commande publique est davantage tournée vers un achat qui soit responsable, mais aussi – il faut le dire – français ou européen ; si, dans cinq ans, les émissions de CO2 ont baissé significativement dans l'industrie – nous visons une réduction de 50 % d'ici à 2030 – ; si, dans cinq ans, nous avons créé plus d'emplois – Bruno Le Maire a rappelé que nous avions créé 100 000 emplois en cinq ans, nous devons viser beaucoup plus pour les cinq ans qui viennent.

Nous aurons vraiment réussi, si la colère diminue et si l'espoir renaît.

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