Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que ce texte devait, selon les propres termes de l'exposé des motifs, s'inscrire dans « une nouvelle étape de réindustrialisation du pays, afin de faire de la France la championne de l'industrie verte en Europe », il est clairement loin de l'objectif affiché ! Des sujets cruciaux, comme la formation, la recherche, l'emploi ou certaines mesures financières et fiscales, sont renvoyés à la prochaine loi de finances. Le périmètre du texte est donc particulièrement restreint, et l'application de l'article 45 de la Constitution – un corset ! – nous empêche d'avoir une vision d'ensemble des problèmes.
Tandis que certains n'ont eu de cesse de pousser à une mondialisation ultralibérale de l'économie, les écologistes appellent, depuis de nombreuses années, à rétablir notre souveraineté industrielle et à engager une relocalisation de notre industrie, en particulier pour les productions stratégiques essentielles pour l'environnement, la santé, notre sécurité et notre indépendance.
Si nous voulons atteindre nos objectifs environnementaux et climatiques, une transition vers des modes de production plus durables est indispensable.
Toutefois, on ne peut sérieusement qualifier de « verte » une réindustrialisation qui viserait à répondre à une demande de consommation insoutenable dans son ampleur pour notre planète, et dont la visée environnementale se limiterait à la seule décarbonation.
N'oublions pas que l'industrie a de nombreux effets sur l'environnement et la santé humaine : pollution de l'air, des sols, de l'eau, consommation de ressources, artificialisation des sols, etc. Il est impossible de vouloir réindustrialiser sans prendre en compte l'ensemble de ces impacts.
Ce texte, dans son ensemble, n'est clairement pas à la hauteur des enjeux. Il ne contient pas de réelles mesures permettant de parvenir à une réindustrialisation décarbonée et résiliente, qui s'inscrirait dans une logique de sobriété et qui occasionnerait la création d'emplois verts dans les territoires.
La décarbonation, qui est tant mise en avant, est de plus quasi absente du texte. Les voies et les moyens pour l'atteindre ne sont pas définis ou sont renvoyés au domaine réglementaire.
Ce texte repose également sur une vision très mondialisée et archaïque de l'activité économique : celle-ci est pensée dans une logique de compétitivité internationale plus que sous l'angle de la satisfaction de nos besoins essentiels. Notre tissu industriel, qui doit pourtant être au cœur de la dynamique, est ignoré. À côté des projets de gigafactories, nous devons accompagner dans leurs transformations nos PME et nos TPE, car celles-ci sont ancrées dans des écosystèmes locaux.
Réindustrialiser, c'est d'abord préserver, adapter et régénérer ces tissus industriels territoriaux.
Je pense par exemple à Photowatt, entreprise victime du dumping chinois : en refusant de l'inclure dans un projet global et de lui donner un avenir par le biais d'investissements qui lui permettraient de réaliser un saut technologique, l'État l'abandonne.
Si ce texte est donc insuffisant par rapport aux ambitions affichées, en revanche, le Gouvernement ne lésine pas sur les mesures régressives concernant les règles environnementales et sur l'affaiblissement du processus de consultation démocratique, sous couvert bien sûr d'accélération des procédures…
Il aurait fallu commencer par définir ce qu'est une industrie « verte ». S'agit-il seulement de certaines activités industrielles indispensables à la transition énergétique ou bien d'une nouvelle manière de penser l'industrie, cette dernière étant conçue comme économe en ressources et respectueuse de son environnement ? L'absence d'une telle définition met à mal l'ensemble du dispositif.
L'économie circulaire, malgré les effets d'affichage, reste largement absente.
Nous saluons tout de même une avancée intervenue en commission, grâce à l'adoption de notre amendement visant à créer des projets territoriaux d'industrie circulaire, à l'image des projets alimentaires territoriaux (PAT).
La commande publique doit, quant à elle, être plus exemplaire en matière de responsabilité environnementale. Nous ferons des propositions pour renforcer l'ambition du texte en ce sens.
Fort heureusement, le drame de la réindustrialisation à marche forcée contre les collectivités est évité. La tentative de recentralisation, contraire au principe de libre administration des collectivités, a avorté, car la commission a modifié l'article 9. Celui-ci visait, dans sa rédaction initiale, à donner aux préfets la mainmise sur la mise en compatibilité des documents d'urbanisme. Une telle disposition entrait en contradiction avec la volonté de planification territoriale à l'échelle régionale !
La redynamisation des territoires industriels dépend en grande partie de l'implication des citoyens. Le dialogue est indispensable. S'il est bâclé, les tensions dans les territoires augmenteront, de même que les risques de contentieux.
En ce qui concerne l'artificialisation, nous déplorons fortement l'instauration de dérogations aux objectifs ZAN, et ce alors même que la navette sur la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de zéro artificialisation nette au cœur des territoires n'est pas terminée. Une telle démarche n'est pas acceptable.
Les enjeux relatifs à l'autonomie alimentaire, à la biodiversité et à la capacité de stockage du carbone sont tout autant primordiaux que ceux qui ont trait à l'emploi, au pouvoir d'achat et à la souveraineté.
Pour conclure, c'est à regret que nous constatons que nos lignes rouges demeurent. Ce projet de loi est, pour l'instant, clairement plus orienté vers l'industrie que du côté « vert »…