Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'industrie verte, déposé en première lecture au Sénat, vise à réindustrialiser la France tout en favorisant la transition écologique.
Si son objectif est assurément ambitieux et honorable, les moyens d'y parvenir posent question, singulièrement pour ce qui concerne le foncier économique disponible – nous l'avons déjà dit, mais cela vaut la peine de le répéter.
En effet, le foncier est la première aménité que recherchent les industriels. Si nous ne le leur fournissons pas, toutes les autres mesures que nous prendrons pour encourager les implantations d'usine en France seront vaines. Je rappelle que, selon une enquête menée l'an dernier, deux tiers des intercommunalités ont refusé des projets d'implantation économique ou subi des déménagements d'entreprise par manque de foncier économique.
L'urgence, pour atteindre les objectifs de ce projet de loi, est de desserrer la contrainte sur le foncier, c'est-à-dire d'exclure de l'objectif du zéro artificialisation nette les implantations industrielles liées à la transition écologique. De surcroît, l'exclusion du ZAN ne devrait pas, à mon sens, se limiter aux industries de l'éolien, des pompes à chaleur, des batteries électriques, de l'hydrogène vert et du photovoltaïque ; elle devrait inclure l'ensemble des projets industriels qui favorisent la transition écologique.
Monsieur le ministre Le Maire, vous avez exprimé, lors de votre audition au Sénat le 31 mai dernier, votre souhait, à titre personnel, d'exempter les grands projets industriels de l'objectif du ZAN, en affirmant laisser « à la sagesse des parlementaires le soin de savoir si on exempte du ZAN uniquement les projets portant sur l'industrie verte répondant à la définition des actes européens […] ou si nous élargissons à d'autres projets industriels dont nous estimons qu'ils favorisent aussi la transition écologique ».
Dans sa sagesse, la commission des affaires économiques et son rapporteur Laurent Somon – dont je salue le travail – ont tranché : le nouvel article 9 bis exclut l'ensemble des installations industrielles « concourant à la transition écologique ou à la souveraineté nationale » du décompte du ZAN – qu'il s'agisse du décompte à l'échelon local, régional ou national.
Néanmoins, force est de constater la grande incohérence dont fait preuve le Gouvernement sur ce sujet. Lors de l'examen au Sénat en mars dernier de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de zéro artificialisation nette au cœur des territoires, votre collègue Christophe Béchu a déclaré que l'enveloppe des projets d'intérêt national ne devrait pas être soustraite à l'enveloppe globale des droits à artificialiser.
Or une autre vision semble s'exprimer à l'Assemblée nationale, où la commission des affaires économiques a adopté la semaine dernière un amendement à notre proposition de loi visant à mutualiser entre régions l'artificialisation des grands projets industriels, au lieu de l'exclure totalement du décompte.
Pis encore, le texte issu de la commission prévoit que ce seront non pas tous les projets industriels d'intérêt national qui seront exclus du décompte régional du ZAN, mais seulement ceux d'entre eux qui seront désignés par décret – soit de nouvelles fourches caudines…
Selon cette rédaction, la conférence du ZAN n'aurait le droit de se prononcer que sur une exemption du ZAN des quelques projets d'intérêt national majeur décidés uniquement par le Gouvernement. Ce n'est pas ce que nous souhaitons dans cet hémicycle.
C'est pourquoi, en tant que rapporteur de la commission spéciale sur la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs du zéro artificialisation nette au cœur des territoires, dont vous avez salué le travail – ce dont je vous remercie –, je soutiens les modifications qui ont été introduites à l'article 9 sur le mode de désignation des projets d'intérêt national majeur pour permettre aux collectivités de prendre l'initiative.
Ces modifications sont cohérentes avec le texte voté par le Sénat, qui prévoyait que les collectivités locales, sous la houlette des régions, puissent se prononcer sur les grands projets industriels. C'est le seul moyen pour que celles-ci aient leur mot à dire sur les projets qui profiteront de l'exemption de ZAN, qui les concerne tout de même au premier chef !
La commission n'a donc fait que donner aux collectivités les garanties que le ministre Béchu s'était engagé, dans cet hémicycle, à leur donner sur les projets industriels.
Pour conclure, j'insisterai sur un point : lever la contrainte du ZAN vise certes à favoriser la reprise économique, à créer de l'emploi, etc., mais aussi à nous préparer à donner une réponse à la hauteur de l'enjeu au défi environnemental. C'est non pas la décroissance qui sauvera l'environnement, mais la maîtrise des technologies vertes – le tout par les territoires.