Intervention de Agnès Canayer

Réunion du 21 juin 2023 à 15h00
Lutte contre le dumping social dans le transport maritime transmanche — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la Manche est une mer hyperfréquentée, près de 17 millions de voyageurs embarquant ou débarquant de France.

Le Brexit a ravivé cette frontière naturelle de la France. Il a aussi souligné l'importance d'une coordination européenne dans la gestion des flux, des marchandises et des personnes qui la traversent.

Or, depuis près de deux années, rien ne va plus. Un dumping social s'installe à nos portes, déstabilisant un secteur générateur d'emplois de chaque côté de la Manche.

L'exemple le plus frappant aura été le licenciement, par surprise et à distance, de près de 800 marins par la compagnie P&O Ferries le 17 mars 2022. L'armateur britannique les a remplacés par des marins extraeuropéens, à moindre coût par souci de rentabilité.

Aujourd'hui, le droit international ne prévoit aucune obligation en matière salariale. L'Organisation internationale du travail n'a émis qu'une recommandation pour que le salaire minimum mensuel des marins soit fixé à 658 dollars américains.

Cependant, les navires battant pavillon français sont tenus, eux, de respecter le droit du travail français, sous réserve des adaptations prévues par le code des transports pour les gens de mer.

Selon Armateurs de France, les compagnies P&O Ferries et Irish Ferries utilisent un modèle social moins-disant, en faisant appel à des sociétés de placement de gens de mer pour leurs navires sous pavillon chypriote et en employant un personnel très faiblement rémunéré.

On estime que la différence entre armateurs français et britanniques en matière de charges salariales peut aller jusqu'à 80 %.

Les écarts de coût de transport de passagers entre les armateurs français et navires battant pavillon chypriote s'établissent à 35 %, selon l'excellent travail de notre rapporteur, Catherine Procaccia.

La situation actuelle est inacceptable. Cette concurrence déloyale suscite des inquiétudes chez nos armateurs, notamment au sein de la Brittany Ferries, acteur incontournable des liaisons transmanche, qui ne peut rivaliser avec ces conditions d'emplois.

Le trafic transmanche est une préoccupation majeure pour le département de la Seine-Maritime, qui a investi massivement pour assurer la liaison entre la France et le Royaume-Uni. Le département a largement soutenu la ligne transmanche Dieppe-Newhaven, cordon ombilical majeur avec la Grande-Bretagne.

Depuis le 1er janvier 2018, son exploitation a été déléguée à DFDS par le Syndicat mixte de promotion de l'activité transmanche (SMPAT), dont le département est le principal financeur.

Mais l'équilibre financier précaire a été fragilisé par la crise sanitaire. Pour faire face aux difficultés rencontrées par les lignes transmanche lors de la crise du covid, auxquelles s'ajoutent les problématiques du dumping social, il a notamment été décidé de rembourser l'intégralité des cotisations salariales pour les compagnies de ferries battant pavillon français exerçant sur des lignes internationales.

Le 1er janvier 2023, la délégation de service public (DSP) en Seine-Maritime a été renouvelée et réattribuée à DFDS. Malheureusement, la gestion en DSP de la ligne Dieppe-Newhaven l'exclut de ces aides dites net wages, pourtant prolongées de trois années supplémentaires lors du Fontenoy du maritime du 18 mars 2021.

Je regrette que ce sujet d'importance ne soit pas abordé dans cette proposition de loi, tant cette différence de traitement peut être préjudiciable pour les futurs choix de gestion publique, notamment pour le département de la Seine-Maritime.

Préserver les emplois français, protéger nos marins, assurer un haut niveau de sécurité pour les passagers, les équipages et le trafic : telle est notre boussole.

La Manche est un espace vital pour la France. Tout ce qui s'y passe l'intéresse, tant cela peut influencer sa stabilité, sa sécurité et sa tranquillité.

Je félicite la commission des affaires sociales, notamment sa rapporteur Catherine Procaccia, pour son excellent travail de précision afin que le personnel embarqué sur les navires de passagers soit rémunéré au niveau du salaire minimum français et bénéficie d'un temps de repos acceptable.

La volonté de sécurisation d'un dispositif de stricte proportionnalité des sanctions prévues en cas de manquement aux obligations est aussi la bienvenue, même si le champ d'application reste en débat et constitue un véritable enjeu.

C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi, qui vise à rétablir la justice pour nos marins, lesquels méritent de gagner honnêtement leur vie pour un travail bien fait.

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