Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quel bilan tirer finalement de ce projet de « loi molle » qui a été discuté au cours des dix derniers jours ?
Incontestablement, les sénateurs ont fourni un effort important puisqu’ils ont récrit quasiment de bout en bout le texte qui leur était soumis. Ainsi, des améliorations sont nées de leur inventivité, quelquefois avec, quelquefois sans l’accord du Gouvernement ; c’est la règle de la démocratie.
Je me plairai à souligner quelques-unes de ces améliorations, à commencer, bien évidemment, par la suppression de l’article 17, article symbole de ce projet de loi qui remettait en cause la notion de solidarité territoriale à l’égard des familles modestes et moyennes.
Je citerai également la création, issue d’amendements parlementaires, d’un droit de préemption au bénéfice de l’État dans les communes qui, sciemment, mènent une politique discriminante en matière d’habitat, et la faculté désormais ouverte aux maires d’inscrire dans leur PLU, comme c’était d’ailleurs le cas par le passé, des zones réservées au logement locatif social, mais aussi, car nous y tenons beaucoup, à l’accession sociale à la propriété, secteur qui faisait vraiment grandement défaut dans le projet de loi.
Je mentionnerai encore la meilleure compatibilité active entre les PLH et les PLU ; la répartition plus équitable de la plus-value sur la cession des terrains entre le propriétaire et la commune ; l’encadrement bienvenu d’une disposition favorisant la construction, sur l’initiative des communes ; la limitation, elle aussi bienvenue, sur le territoire national, mais aussi en matière de types de logements construits, des dispositifs « Robien » et « Borloo », faute d’avoir pu les supprimer totalement ; l’assurance de la non-rétroactivité du prélèvement affectant les moyens financiers des bailleurs sociaux, grâce à un amendement important voté à l’article 2 ; la limitation des dispositions concernant la remise en cause du droit au maintien dans les lieux pour sous-occupation et des nouvelles mesures en matière de surloyers de solidarité, qui ne s’appliqueront pas dans les ZUS ni, pour le surloyer, dans les zones non tendues ; enfin, les améliorations portant sur les établissements publics fonciers, outil intéressant pour les collectivités locales.
Ces mesures positives, nées de propositions des parlementaires, n’auront malheureusement pas suffi à compenser les mesures tant de fond que de fonds qui auront manqué dans ce projet de loi.
Ainsi, et je le regrette, les conventions dites d’utilité sociale ne permettront pas une véritable territorialisation des politiques de l’habitat ; nous aurions souhaité que ces outils conservent une certaine souplesse au lieu d’être contraints à l’application uniforme sur l’ensemble du territoire national des critères retenus.
Une série de mesures laissent également penser, madame la ministre, que le déficit de l’offre de logements locatifs dans notre pays est à mettre au passif du monde HLM, lequel ne construirait pas assez, ou des locataires dans ce parc, qui y seraient logés indûment.
Que dire aussi de ce que certains ont appelé le « hold-up du 1 % » ? Cette mesure issue d’une négociation forcée, à quelques jours de la présentation d’un texte de loi dans l’hémicycle, vise à capter 850 millions d’euros pour masquer le retrait de l’État dans la politique budgétaire ; nous en aurons la confirmation dans quelques semaines dans le projet de loi de finances.
Ce hold-up ne nous assure pas, à l’heure où nous parlons, que deux outils essentiels de la politique de l’habitat et de la politique de la ville dans notre pays, l’ANRU et l’ANAH, aient les moyens de faire face à leurs besoins.
Pas une ligne budgétaire n’a été créée dans ce texte de loi et nous savons d’ores et déjà que le projet de loi de finances pour 2009 montrera une forte chute de ces mesures financières.
Ces dispositions visent aussi, malheureusement, à alléger les objectifs de contrainte de création de structures d’hébergement d’urgence dans les communes. À cela s’ajoute l’absence de soutien aux acteurs qui œuvrent au quotidien auprès des publics les plus démunis. Enfin, pour corser le tout, par une seconde délibération, une aggravation du pouvoir d’achat des ménages accueillis actuellement dans le parc public a été provoquée par les répercussions de l’article 21, lequel engendrera, personne ne pourra le contester, une augmentation du surloyer de solidarité dans les mois qui viennent.
Malgré le vote contre que nous allons émettre, madame la ministre, qui est un vote de conviction, nous ne regrettons pas les débats que nous avons eus dans cet hémicycle : ils ont eu le mérite de faire apparaître nos divergences, bien naturelles dans une démocratie, et quelquefois nos convergences. La presse s’en est fait l’écho abondamment, ce qui aura permis à nos concitoyens de prendre conscience du rôle du Sénat dans le processus législatif.
Fallait-il une sixième loi en six ans sur le logement ? Certainement pas celle-là !