Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis 2020, nos défaillances en matière industrielle, qui ne datent pas d’hier, sautent aux yeux. Notre pays est fortement désindustrialisé – les ministres l’ont rappelé – et, en tant qu’élue de l’Aube, je mesure ce que cela signifie.
Ce triste constat se traduit par des conséquences sur l’emploi, sur les niveaux de rémunération, sur la balance commerciale et même sur notre trajectoire pour atteindre l’objectif de Lisbonne.
Mais une dynamique a heureusement été réenclenchée. L’espoir existe et, messieurs les ministres, vous ouvrez des usines là où vos prédécesseurs en fermaient…
Ce projet de loi tendant à accélérer nos efforts en faveur d’une industrie décarbonée est une traduction de cet espoir.
En juin dernier, la mission d’information sénatoriale, dont le thème était « Excellence de la recherche/innovation, pénurie de champions industriels : cherchez l’erreur française », et qui avait été créée sur l’initiative du groupe Les Indépendants – République et Territoires, avait formulé de nombreuses propositions dans le rapport qui s’en était suivi. J’en reprends d’ailleurs quelques-unes dans mes amendements.
Les constats que nous avons dressés ont été jugés pertinents. Le premier est que la désindustrialisation n’est pas une fatalité. La France forme des personnes qui font autorité dans le secteur de l’innovation et de la recherche. La formation, dimension absente de ce projet de loi, constitue le terreau de la recomposition de notre industrie et de sa décarbonation, objectif prioritaire de ce texte.
Le second constat est qu’il faut absolument libérer les énergies et faire sauter les verrous que nous avons nous-mêmes créés. Il importe donc de lutter contre la bureaucratie, avec autant de vigueur que nous devons en déployer pour parvenir à la décarbonation.
L’administration est au service des citoyens, et non l’inverse. Nos procédures ne doivent pas prendre le caractère d’un parcours du combattant administratif. Cela vaut particulièrement pour les implantations d’installations industrielles. Il importe de réduire les délais.
À cet égard, le projet de loi comporte des avancées notables, notamment sur les procédures relatives aux autorisations environnementales, à la cessation d’activité ou à la réhabilitation des sites.
Encore faut-il, toutefois, que, en aval, les homologations de produits ou les autorisations de mise sur le marché (AMM) puissent être obtenues en un temps raccourci, de manière fluide et à des coûts soutenables pour nos entreprises, notamment pour nos entreprises innovantes. Les procédures fast track instaurées par l’Inflation Reduction Act (IRA) américain, combinées à la garantie d’un prix bas de l’énergie sur le long terme, constituent un véritable aspirateur pour nos start-up innovantes. Nous devons en avoir conscience.
Je salue les travaux pour parvenir à un équilibre qui ont été réalisés par les commissions saisies au fond et pour avis. Nous verrons ce qui ressort de nos prochains échanges. Je sais que chacun tient à ce que la transformation écologique de la France soit une réussite.
Réindustrialiser notre pays constitue le meilleur vecteur pour décarboner des pans entiers de nos productions, grâce à la mise en œuvre de technologies bénéfiques au développement durable.
J’alerte toutefois sur deux points.
Tout d’abord, il ne faut pas oublier que les solutions se trouvent dans nos territoires : leurs capacités d’innovation et de création sont impressionnantes. Nos territoires abritent nos TPE et nos PME. Raisonner en termes « giga », c’est bien, mais si l’on veut décarboner, il convient aussi d’adopter une approche « micro ».
Ma seconde préoccupation, qui très largement partagée, concerne l’articulation entre la réindustrialisation et la mise en œuvre du ZAN : je trouve intéressant, à cet égard, l’amendement du Gouvernement tendant à proposer une nouvelle rédaction de l’article 9 bis. Nous devrons suivre avec attention la discussion qui s’ouvrira demain à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de zéro artificialisation nette. Il importe de faire preuve de logique et de pragmatisme sur ce sujet.
Enfin, réindustrialiser suppose aussi de libérer les énergies fiscales et l’investissement. Le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz est clair : la transition écologique implique la mobilisation de financements massifs. Toutefois, ses auteurs n’ont pas trouvé d’autre solution que l’impôt. Or, dans un pays où la part des prélèvements obligatoires par rapport au PIB est une des plus élevées dans le monde et où les émissions de gaz à effet de serre par rapport au PIB sont parmi les plus faibles, cette piste n’a guère de sens. En suivant cette voie, on risque de passer à côté de l’enjeu majeur pour notre pays : accélérer sa transition écologique grâce à la réindustrialisation de son économie. J’y insiste, la meilleure façon de décarboner l’économie, c’est de produire en France !
Le projet de loi ouvre un autre chemin pour financer cette transition : la mobilisation des capitaux privés. Dès février 2021 j’avais proposé un dispositif de mobilisation de cette épargne pour financer les projets industriels dans nos territoires.
Épargne privée, assurance vie, plan d’épargne retraite, capital-risque, capital investissement, etc. : les leviers sont nombreux qui peuvent contribuer à l’effort de financement. Cette approche non coercitive présente deux avantages : d’une part, elle permet de ne pas imposer davantage les Français ; d’autre part, elle stimule l’innovation dans la transition en contribuant à « dérisquer » les investissements les plus essentiels.
Là est la clé : si nous voulons développer de nouvelles solutions industrielles et technologiques pour répondre aux défis soulevés par le dérèglement climatique, il est nécessaire d’encourager le déploiement d’investissements dont l’horizon et le niveau de rentabilité attendu ne s’inscrivent pas dans une logique court-termiste. C’est le meilleur rôle que l’État puisse jouer, notamment par le biais de la commande publique. Il y va de notre intérêt collectif, car le coût de l’inaction est tout simplement inabordable. Il est grand temps, en ce XXIe siècle, d’entrer dans l’âge du faire. C’est pourquoi nous soutiendrons ce projet de loi.